Opinion de Louis-Alexandre-Jacques Vardon, député du Département du Calvados à la Convention nationale prononcée à la tribune de la Convention le 17 janvier 1793, l'an deuxième de la République, imprimée par ordre de la Convention nationale.- Paris : de l'Imprimerie nationale, [1793].- 3 p. ; 21 cm.
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OPINION
DE LOUIS-ALEXANDRE-JACQUES VARDON,
Député du Département du Calvados,
A LA CONVENTION NATIONALE,
Prononcée à la tribune de la Convention le 17 janvier
1793, l'an deuxième de la République
;
IMPRIMÉE PAR ORDRE DE LA CONVENTION NATIONALE.

~*~

CITOYENS-LÉGISLATEURS,

Il est un principe sacré qu'aucune révolution humaine ne peut altérer.

«Le législateur fait la loi, le juge l'applique, le bourreau l'exécute».

Pénétré de cette moralité qui tient à la justice et à la raison éternelle ; étranger à toutes factions, ennemi de toutes passions violentes, fort de ma conscience, de la pureté de mes intentions, appréciant les vrais intérêts du peuple, rendant hommage à sa souveraineté, je me renferme dans les bornes de ma mission : je déclare hautement que je ne puis voter comme juge, car je ne le suis pas ; une section du peuple souverain m'a député comme législateur, et membre d'un corps politique, son intention n'a pas été de me transmettre une cumulation de pouvoirs, dont l'idée seule présente une monstruosité qui contrarie les principes qu'il avoit admis et dont il avoit ordonné expressément la séparation ; je ne puis admettre le dangereux exemple d'un despotisme nouveau qui me fait horreur, en introduisant la confusion des pouvoirs : j'aime trop la liberté pour en souffrir de quelque espèce qu'il soit et sous quelque forme qu'il se montre. Les assemblées constituante et législative avoient respecté ces sages principes comme le palladium de la liberté. Qui auroit pu croire qu'une troisième assemblée, sous le spécieux et faux prétexte de tenir du souverain des pouvoirs illimités, changeroit de si sages dispositions, se seroit fait un devoir de les détruire, et qu'elle depasseroit les limites posées par la justice éternelle !

Je le répète, citoyens, je ne consentirai jamais à être législateur, accusateur, juge et partie ; si telle a été la volonté de mes commettans, je l'ignore ; car elle m'est parfaitement inconnue. J'affirme ici avec sincérité et franchise que, si leur intention eût été de me métamorphoser de législateur en juge, je n'aurois pas accepté le faux l'honneur d'une dictature ; la Convention n'a pu autoriser cette métamorphose par un décret sans bouleverser tous principes de l'équité naturelle.

Lorsque le souverain fut invité par le corps législatif à nommer des députés pour former une Convention, il n'étoit point question d'un gouvernement républicain, encore moins de juger le ci-devant roi sur le code pénal, mais bien sur la seule loi existante alors pour les rois conspirateurs et traîtres à leur patrie ; cette loi étoit dans la constitution qui, n'étant pas abrogée, ne portoit pour peine capitale que la déchéance du trône. Cette seule peine étoit réclamée de toute part contre le coupable et criminel Louis ; le souverain n'a donc pas voulu donner à ses délégués le pouvoir de juger à la mort le ci-devant roi.

Je ne crois pouvoir énoncer mon opinion que d'après ces mêmes principes ; intéressé à concourir à faire tout ce qui peut tendre au bien de la République, au salut du peuple, à la gloire, à la prospérité de la nation française et à l'honneur de sa représentation.

En homme d'état et comme législateur, pour éviter les malheurs qui menacent ma patrie, par mesure de sûreté générale la seule qui me soit permise, déclarant toujours ne pas connoître la volonté générale du souverain, je vote pour la détention de Louis jusqu'à ce que les nations aient reconnu l'indépendance de la République et la souveraineté du peuple français, et l'exil à la paix.


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