[Plaquette publicitaire] Les Porcheries Générales : Domaine de Courtonne "Clos du Houlley", Courtonne-la-Meurdrac (Calvados).- [Paris] : Maison Rapide, [ca1926].- 23 p. : ill., couv. ill. ; 25 cm
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (02.II.2017)
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Les Porcheries Générales

DOMAINE DE COURTONNE

« Clos du Houlley »

COURTONNE-LA-MEURDRAC
(Calvados)

Les Porcherie Générales - Courtonne-la-Meurdrac (ca1926)
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La façade d'arrivée (front Nord) du Château de Courtonne-la-Meurdrac
La façade d'arrivée (front Nord) du Château de Courtonne-la-Meurdrac,
précédé de sa cour d'honneur, que de grandes douves séparent de
l'avenue d'arrivée et qu'encadrent des bâtiments de service.


Le Domaine de Courtonne
(Clos du Houlley)
Une belle exploitation normande de Culture et d’Élevage,
remarquablement et industriellement équipée

LES AUTOMOBILES qui, l'Été surtout, se succèdent sur la route de Lisieux et de Deauville, ne se doutent pas qu'à 7 kilomètres avant Lisieux, dans cette plantureuse Normandie qui est comme une vaste oasis de verdure intense et de productions abondantes, ils longent un des Domaines agricoles français les mieux organisés industriellement.
       
Il s'agit là, en effet, d'une Exploitation conçue, agencée, équipée à la moderne, à l'américaine, pour une production intensive. Et, il est curieux de trouver dans cette plantureuse Normandie, en pleins herbages, aux grands clos de pommiers, une Ferme que l’on croirait surgie de pays neufs ; d’un pays américain, des régions du « Corn belt », ou d’un Ranch prestigieux des environs de Chicago, près d’un Château d’autrefois, précédé des ses douves ; une de ces Demeures traditionnelles des « vieux pays » comme le disent, en leur langage imagé, ces Canadiens des « pays neufs » qui ont tant d’attaches avec la Normandie.

Un Quatuor très amusant de tête de verrats La Porcherie modèle
Un Quatuor très amusant de têtes de verrat Large White Yorkshire qui sont à la base du cheptel de la Porcherie du Domaine de Courtonne.
La Porcherie modèle conçue tout à fait à l’américaine, nette, blanche, largement éclairée et aérée. Cette longue porcherie est équipée d'une série de cases de part et d’autre de l’allée centrale, avec séparations métalliques en tubes creux, et mangeoires métalliques à renversement. L'allée de service bordée de chaque côté, des canivaux pour l'évacuationdes eaux de lavage et de purin, en font on modèle très caractéristique.


L’opposition est frappante, aussi, de voir cette organisation mécanique, dans ce pays également si traditionaliste, où l'herbe semble pousser seule et les bovins superbes se développer à vue d'œil devant le Normand placide, qui semble ne vouloir faire aucun effort, laissant à la nature, si prodigue dans cette vallée d'Auge, le soin de le dispenser de tous ses bienfaits.

C'est qu'un homme du Nord, est passé par là ; non point un de ces laborieux Flamands qui en Picardie, en Flandre, en Artois, par une action continue, persévérante, un esprit progressif, fait surgir des sols riches : Betteraves, Lin, Céréales, alors que des Troupeaux superbes peuplent les étables. C'est un de ces industriels du centre prodigieux de Lille-Roubaix-Tourcoing, où des hommes d'une activité prodigieuse, sans cesse à la tâche, « oeuvrent » constamment, qui a voulu appliquer à l'Exploitation rurale les méthodes industrielles si fructueuses des filatures et des tissages, en y consacrant un capital important, un capital que l’on voit rarement affecter à l'Agriculture.

Aux bâtiments normands, en pan de bois, il a substitué de vastes constructions du type industriel, en ciment armé, à l’allure d'usine, équipée mécaniquement comme une fabrique ; mais, dans lesquelles, au lieu de filer le coton, la laine, le chanvre, on fabrique de la Viande, du Lait, da Beurre, bientôt des Fromages, à la tonne. Et c'est impressionnant de voir surgir au milieu des Herbages et des clos de Pommiers, presque à perte de vues, cette véritable Usine agricole.

Voulez-vous que nous visitions Ferme, Pâturages, Cultures, non sans avoir regardé le Château, qui, comme toujours, redevient ici, ce qu'il doit être, le Centre d'activité du Domaine rural, qui est sa justification.

UNE HABITATION DE STYLE

SITUÉ à l'extrémité d'une de ces belles et larges avenues à la française, le Château d’une architecture classique, sobre, cossu et « d'un bon chic », dresse sa façade (front nord) briques et pierres au fond de la cour d’honneur que limitent de larges douves, cour flanquée de deux grandes ailes détachées des bâtiments de service, dans le même style. Il regarde sur l'autre façade (front sud), l'éploiement des herbages auquel les mouvements du sol, les massifs d'arbres, donnent du pittoresque et où la vue s'étend sur une nature riche, presque sans contrainte. Un de ces vieux colombiers seigneuriaux tout proche, à l'équipement intérieur complet avec son échelle tournante, est une joie pour les yeux.

L'architecture de cette Demeure, comme des Dépendances, est très robuste : le Château forme un long corps de logis, peu profond, de telle façon que les pièces prennent jour sur les deux faces, avec un très beau plein pied. Il est à un étage de façade au-dessus du rez-de-chaussée surbaissé et d'un second étage sous les combles. II est construit en briques et pierres ; pour les encadrements, angles, chainages et remplissages de briques qui ont pris un très joli ton rose crevette. Ce grand rectangle est flanqué de deux pavillons carrés, en saillie, au caractère de tourelle, à trois étages, le troisième correspondant avec l'alignement des lucarnes à fronton. Une corniche à machicoulis confirme la robustesse de l'ensemble. L'intérieur assez bas, le très beau plein pied, comme le premier étage, forment une succession de pièces très agréables, aux jolies et sombres boiseries, auxquelles tous les éléments de commodité et de confort actuels ont été ajoutés, en restant dans l'harmonie générale.

Les deux grandes ailes des dépendances qui encadrent à droite et à gauche la cour d'honneur, au-delà du large fossé, sont consacrées : celle de droite à un logement des serviteurs, les anciennes reluises, à un garage et l'extrémité convertie en chapelle ; l'aile gauche qui était autrefois écurie et sellerie de chevaux d'agrément et de service, est maintenant entièrement affectée aux juments de service de la ferme, juments de travail, qui sont en même temps des animaux de rente.

Une Truie Large White La Truie Yorkshire
Une Truie Large White, race maintenant très
justement appréciée en France.
La Truie Yorkshire est une femelle très prolifique. Voici une des truies, en pâturage, suivie de ses douze gorets.
La Truie Yorkshire La Truie Yorkshire
 A Table. — La truie Yorkshire est une excellente mère, qui mène à bien toutes ses portées.
Un autre spécimen d'une Truie Yorkshire ;
le nombre de tétines vous indique la quantité de sujets qu'elle peut nourrir.



VUE D'ENSEMBLE DU DOMAINE

LE Domaine de Courtonne (Clos du Houlley) d'une superficie de 200  hectares, s'étend sur trois communes : Courtonne-la-Meurdrac, Glos et Marolles. Il comporte environ 130 hectares d'herbages, à l'herbe nutritive et abondante, 40 hectares de terres de culture et 30 hectares de bois. Dans cette surface s'incorporent les chemins de culture, le Château et ses dépendances, les vastes bâtiments de l'exploitation de la ferme de culture et d'élevage.

Ce Domaine est admirablement situé en pleine vallée d'Auge, limité au Nord par la route de Paris à Cherbourg; à l'Est par la route de Courtonne ; au Sud par le bourg même de Courtonne-la-Meurdrac, et à l'Ouest par la route de Glos. Sa situation dans un tel cadre le place comme un des plus beaux et de par la nature de son sol, un des plus riches de la région. Il est à 7 kilomètres de Lisieux, centre important de transaction et nœud de chemin de fer.

Vous avez vu tout le charme exquis du robuste Château briques et pierres, à la française, d'un bon chic, encadré à distance par les arbres et sa majestueuse avenue. Vous allez voir maintenant, en une opposition frappante, l'ordonnancement industriel des bâtiments de la Ferme qui s agencent sur les trois côtés d'un immense rectangle, le quatrième côté étant occupé par des bâtiments plus anciens. Et dans cette cour se succèdent comme des parterres, les carrés et les planches d'un fertile potager. En effet, pas de tas de fumier visibles, ceux-ci étant agencés en dehors de la cour, avec leur fosse à purin.

Porcs coureurs
Porcs coureurs.— Rien n'est excellent pour les jeunes porcs reproducteurs ou destinés à l'enbraissement, comme leur mise en pâturages, méthode à la fois rationnelle et économique.


UN ENSEMBLE IMPRESSIONNANT

LES bâtiments de la Ferme, vraiment moderne, sont nouvellement construits suivant les derniers perfectionnements ; ils forment un quadrilatère de 250 mètres de long sur 50 mètres de large. Ils comprennent :

Le pavillon du régisseur ;
Une salle commune pour le personnel ;
Une vacherie pour 64 vaches laitières ;
Une vacherie pour 36 vaches ;
Une vacherie pour 56 génisses ;
Une vacherie pour 50 veaux d élevage ;
Dix box pour chevaux de pur-sang.;
Des porcheries pour 1.000 porcs à l'engrais ;
Une porcherie d'élevage pour 60 mères et leurs porcelets ;
Une écurie pour juments de travail ;
Un atelier de réparations ;
Une remise pour instruments agricoles ;
Un bâtiment de 50 mètres de longueur, construit sur piliers en ciment armé, dont le rez-de-chaussée sert également de remise et le premier étage aménagé en 6 chambres, toutes exposées au Midi pour le logement du personnel ;
Un autre bâtiment est réservé à la préparation des aliments, dans lequel sont installés des concasseurs de grains, des brise-tourteaux, etc .

En dehors de ce quadrilatère sont édifiés : au Nord, la laiterie, bâtiment tout-à-fait indépendant ; au Sud, la Cidrerie et son vaste cellier et à l'Ouest, le Château d'Eau.

Un croisement : truie normande et Yorkshire Une jeune truie
Un Croisement.— Les oreilles rabattues de ces jeunes porcelets vous indiquent
le croisement industriel pour la production de la chair, de la truie Normande ou Craonnaise
et du Yorkshire.
Une jeune truie.— Constatez la robustesse musclée de cette jeune truie, capable de donner naissance à des portées successives abondantes.
Une jeune Vache Normande.
Les Silos métalliques sont actuellement l'expression la plus perfectionnée de la ferme modèle, puisqu'ils permettent de fournir une nourriture fraîche et abondante en Hiver, en permettant d'entretenir plus de têtes de bétail sur une mime surface et en accroissant la fertilité du Domaine.
Une jeune Vache Normande. — Ce sujet bien caractéristique de vache Normande, type du pays d'Auge, sont à la fois d'excellentes laitières et de parfaites beurrières.
Une vacherie modèle Après la traite
Une vacherie modèle.— La vacherie, très long bâtiment largement éclairé et aéré, à été également équipée à l'américaine, avec ses mangeoires à cornadis, ses abreuvoirs automatiques et ses dispositifs si ingénieux pour l'attachage des animaux. Les bêtes sont ici disposées tête à tête, une grande allée centrale avec ses transporteurs aériens servant à distribuer la nourriture, ses deux allées latérales avec transporteurs également, permettant d'enlever le fumier.
Après la traite.— A fur et mesure que la traite est achevée, le lait est transporté à dos d'âne, des parc de traites à la laiterie.


HERBAGES, TERRES ET BOIS

LA majeure partie de la superficie de ce Domaine est en herbages de qualité à l'herbe abondante, drue et nutritive, complantée pour la plupart de Pommiers en plein rapport, qui fournissent un crû de cidre de qualité et renommé et tel calvados merveilleux.

Ces herbages sont divisés en vastes paddocks ayant chacun leur affectation : les uns pour les taureaux, les autres pour les génisses et vaches laitières et les poulinières ou les pur-sang, d'autres encore pour les porcs, alors que quelques uns sont affectés à des essais d'élevage et d'engraissement de plusieurs races de moutons, que d'autres encore sont envisagés comme parcours de pondeuses intensives. On peut « charger » ces herbages jusqu'à deux têtes de gros bétail à l'hectare, ce qui vous fixe sur l'importance du cheptel.

Les eaux résiduaires qui sont épandues en irrigations dans quelques parties, grâce à l'utilisation ingénieuse des pentes et l'arrosage au purin entretiennent et augmentent cette fertilité, méthode excellente dont M. Engelhard a justement montré la valeur  dans « Organisation et Conduite du Domaine Rural ».

Les terres de première qualité, argilo-siliceuse, limon de plateau, ayant une couche arable de 1 m. 20 environ, donnent des rendements comparables aux meilleures terres de Brie et de Beauce : Blé l'hectare, 32 quintaux à l'hectare, Avoine 28 quintaux, Betteraves  demi-sucrières : 50.000 kilogs. La récolte des fourrages artificiels était, cette année, de 4.000 kilos à l'hectare, sans engrais.

Les principales cultures sont : Blé, Avoine, Escurgeon, Orge de printemps, Seigle, Pommes de terre, Betteraves demi-sucrières, Rutabaga, Carottes fourragères, Trèfle géant des Flandres, Haricots, en un mot tous les produits nécessaires à la nourriture des animaux élevés et engraissés par la Ferme, ainsi que pour les besoins du personnel.

Une partie des bâtiments  de la ferme
Une partie des bâtiments de la ferme de Courtonne (côté Nord). Voici au premier plan, un bâtiment ancien, restauré, le vieux porche normand, le pavillon du régisseur avec le réfectoire du personnel, la grande laiterie à terrasse et la longue vacherie flanquée de son silo vertical métalliques. En retrait du porche est l'aile du bâtiment du personnel.
La Cour vue de la grande porcherie d'extrémité
La Cour vue de la grande porcherie d'extrémité. — A gauche, la longue porcherie, les hangars, puis le bâtiment du personnel ; à droite, la longue vacherie, à l'extrémité le bassin assurant la distribution d'eau. Cour orientation est-ouest. Au lieu des tas de fumiers, toute cette cour, hors des allées de service, est aménagée en potager.
Un troupeau de vaches
Un troupeau de vaches.— De très belles Normandes peuplent les pâturages qui, ici, s'étendent au sud du grand bâtiment pour le logement du personnel, dont les fenêtres ouvrent largement au midi.


PORCHERIE ET PORCS

LES Porcs sont et doivent être une des principales spéculations animales de l'exploitation, d'une part pour la vente des reproducteurs de choix, d'autre part et en infiniment plus grand nombre, pour l'engraissement. Le Porc est le meilleur utilisateur des sous-produits de la Laiterie et de la Fromagerie, comme il l'est des eaux grasses et des déchets alimentaires d'une ville, en complétant cette alimentation par le paturage, le fourrage vert, l'ensilage, les résidus industriels (tourteaux, manioc, etc.), les grains non marchands, etc.

L'élevage industriel ainsi compris nécessite des aménagements qui n'ont aucun rapport avec les petits toits à porcs fermiers. C'est pourquoi on a construit et aménagé une très vaste Porcherie qui s'agence en équerre, avec une vaste salle de préparation et de distribution des aliments à la jonction.

La disposition, l'équipement de cette Porcherie, occupant un bâtiment, dont l'aménagement est ultra-moderne : sol dallé et écoulement parfait des urines à 3 cm. par mètre, sont poussés au maximum de la perfection. Les loges qui se succèdent de chaque côté d'un couloir central au-dessus duquel circulent des bennes d'un transporteur aérien transportant la nourriture et permettant l'enlèvement rapide des fumiers, mesurent intérieurement 3 m. 50 x 2 m. 50. Elles ne sont pas faites en ciment armé, ni en briques, mais en tube de fonte américaine, ce qui permet de les nettoyer et de les peindre très facilement, évitant ainsi toutes les épidémies qui sévissent généralement dans les Porcheries où les cases sont moins aérées. Les mangeoires, en tôle galvanisée, sont basculantes ce qui permet leur nettoyage facile avec un jet projetant l'eau sous pression arrivant du château d'eau.

L'aération est largement assurée par des châssis vitrés mobiles peints en bleu, pour assurer:la tranquillité des animaux et supprimer presque entièrement la présence des mouches (qui ont horreur de la couleur bleue) ; en plus de ces baies, le renouvellement d'air s'effectue par des cheminées d'aération.

Deux nouvelles. Porcheries d'engraissement sont en construction suivant les derniers perfectionnements, pPour loger 2.000 porcs. L'une d'elles utilise une partie de la Vacherie. Toutes deux comporteront trois rangées de cases, et deux allées de service.

Le Verrat (ou « ananas ») de race large White Yorkshire est inscrit au Pig-Book ; il provient de l'élevage du Baron de Rothschild aux Vaulx-de-Cernay. Les races élevées sont : Large White, Craonnaise, Normande et. croisées Large White Normande. Ces trois dernières catégories de race sont réformées au fur et à mesure de leur remplacement par des sujets de la race Large White pure, pour n'avoir qu'un élevage Large White dont les produits sont destinés à être vendus, le choix comme reproducteurs et les réformés engraissés.

LA VACHERIE ET LES VACHES

LA Vacherie est une des plus vastes que nous connaissions ; c est aussi une des plus remarquablement équipées. Le sol en est entièrement cimenté et les animaux sont disposés en deux travées tête à tête, avec mangeoires à cornadis aux attaches américaines automatiques, celle qui permet d'attacher  rapidement les animaux, de les maintenir dans une limite raisonnable afin qu'ils se tiennent propres et dans le confort le plus poussé.

Laiterie, Beurrerie, Fromagerie L'intérieur de la Beurrerie
Laiterie, Beurrerie, Fromagerie.— Cette laiterie moderne, admirablement équipée, comporte à la fois une salle de fabrication du beurre et du fromage, au rez-de-chaussée surélevé, alors que les sous-sols sont affectés au chauffage, au frigorifique, etc.
L'intérieur de la Beurrerie.— La salle affectée à la fabrication du beurre ; cette salle est parfaitement équipée de : écremeuse, barratte, malaxeur mus mécaniquement.

Elle comporte donc une allée centrale pour la distribution de la nourriture et deux allées latérales pour les soins à donner et les nettoyages. Dans la partie réservée aux génisses, qui nécessitent moins de largeur, des cases sont réservées aux jeunes veaux et aux veaux engraissés pour la boucherie. De ce fait, la main-d'œuvre est facilitée et réduite par ces dispositions et aussi parce que les vaches ont chacune à leur disposition un abreuvoir automatique et que la nourriture est distribuée et le fumier évacué par des transporteurs aériens. C'est un bâtiment parfaitement « mécanisé ».

La Vacherie renferme un troupeau de 40 belles vaches laitières de race Normande, en plus des meilleures génisses de choix, environ 30, de même race, pour l'accroissement et le renouvellement graduel du troupeau. Vaches, génisses, taureaux et taurillons vivent en plein air du 1er Mars au 1er Novembre et rentrent à l'étable la nuit seulement pendant les quatre mois d'Hiver où ils reçoivent une nourriture abondante de betteraves réduites en cossettes, de menue paille de blé, de tourteaux et fourrages ensilés.

Un Silo vertical métallique américain Louden, d'une contenance de 200 tonnes métriques, a été, en effet, édifié contre la Vacherie, afin de compléter la nourriture des vaches à l'étable par les fourrages ensilés. Ce Silo est un des plus importants et anciennement construit dans la région. Le fourrage ensilé peut également compléter la ration alimentaire des porcs.

La traite se fait dans des parcs à traites aménagés dans chaque herbage et le lait est transporté immédiatement en bidons fermés à la laiterie, ce qui le garantit de toute souillure et permet de faire ainsi un beurre fin dé toute première qualité qui peut constituer une marque.

Les Moutons
Les Moutons.— Bien que cette région de la Normandie soit surtout une région de bovins, étant donné la fertilité des terres, les prés-salés de la région du Mont Saint-Michel sont pourtant très renommés. C'est pourquoi on essaie, sur ce Domaine, l'adaptation de quelques races rustiques et surtout l'engraissement des Moutons importés ; parmi les essais faits, il apparait que les Moutons Savoyards s'adaptent très bien.

LA LAITERIE ET LA FROMAGERIE

LA Laiterie est installée dans un bâtiment indépendant, tout neuf, de 100 mètres carrés, construit spécialement à cet usage, dans le caractère nettement industriel. Vous croiriez voir tel bâtiment d'une usine modèle ou telle laiterie suburbaine dont les Américains sont si fiers. La distribution comporte :

1° Au rez-de-chaussée surélevé : Une salle d'Écrémage et de Fabrication du Beurre ; Une salle de Maturation pour la Crème Une salle d'Expéditions ; Une Laverie de Bidons, et Deux pièces réservées pour aménagement d'une Fromagerie ;

2° Au sous-sol : Une Chaufferie ; Deux caves d'Affinement de Fromages ; Une salle de Frigorifique. Le Beurre est vendu deux fois par semaine à Lisieux et est classé en qua-lité extra, par suite des soins apportés à sa fabrication.

Écurie cles chevaux de culture Poulinières suitées
Écurie cles chevaux de culture, installée dans l'ancienne écurie du Château. Des ouvertures d'accès ont été aménagées du côté de la ferme, Cette écurie comporte une suite de stalles dans lesquelles les chevaux sont normalement placés par paires, dans leur ordre d'emploi. Ce sont ici des poulinières qui assurent le travail de la ferme et fournissent, en outre, des poulains chaque année.
Poulinières suitées.— Constatez la robustesse et la belle harmonie de ces poulinières augeronnes qui, accouplées à des étalons choisis, donnent naissance à des sujets de valeur et de qualité.
Le Départ pour les Champs.
Le Départ pour les Champs.— Les poulinières utilisées normalement aux travaux de culture sont robustes, musclées et toujours en très bonnes conditions de reproduction.


ÉCURIE ET JUMENTS

L'Écurie des Juments de travail a été aménagée dans une partie des dépendances directes du Château, dont on a assuré les communications du côté de la ferme. Cette écurie comprend quinze stalles avec abreuvoir automatique pour chaque animal ; elle est complétée par une sellerie. L'éclairage et l'aération sont assurés par des châssis mobiles peints en bleu.

L'effectif est composé de 7 juments de trait de race Percherone Augeronne, inscrites au Stud Bock Augeron ; 2 pouliches de 18 mois également inscrites ; 1 pouliche de 6 mois également inscrite ; 2 poulains de 5 mois également inscrits.

Les juments qui ont concouru, cette année, à Lisieux, comme elles concourent chaque année avec les meilleures de la région, se sont parfaitement classées et ont obtenu des prix.

CIDRERIE ET CELLIER
                           
LE Clos du Houlley est un cru de Cidre fameux, célèbre et classé, et un cru de « Calvados » magnifique. Mais, pour fabriquer une boisson de cette qualité, il importe de modifier, d'intensifier et d'industrialiser le mode opératoire. C'est pourquoi, aux anciens systèmes de cidrification, au matériel courant, est substituée une installation modèle avec pressoir continu de la maison Emidécan, de Paris. La rape peut traiter 20 tonnes de pommes, par jour, la presse hydraulique 10 tonnes.

Le refoulement des jus se fait par pompe électrique. Les bassins de rémiage sont construits en ciment armé et d'une contenance de 110 hectolitres.

La batterie des foudres est d'une contenance de 1.500 hectolitres, dans un cellier attenant au pressoir.

Le box des pur-sang Un des très beaux étalons
Le box des pur-sang.— L'extrémité de la vacherie a été aménagée en box pour les pur-sang qui étaient autrefois exploités sur le Domaine et dont quelques sujets sont conservés en pension Un des très beaux étalons qui font partie de l'écurie de pur-sang de Courtonne.


ÉQUIPEMENT GÉNÉRAL

LE matériel nécessaire- à une telle exploitation est tout naturellement très important et comprend tout ce qui est nécessaire au bon fonctionnement d'une ferme moderne, entre autres : une batteuse à moteur électrique, un tracteur international 8/16 CV avec sa charrue trisocs et son pulVérisatenr, le petit matériel d intérieur (broyeurs a ors, aplatisseurs d'avoine, concasseur de tourteaux, hache-paille, coupe-racines, scies circulaires, etc.).

L'éclairage électrique est assuré dans toute la ferme. Le courant pour force motrice et éclairage est fourni par l'usine de Goulaffe-au-Breuil (Société Electrique du Littoral Normand).

Il arrive en un transformateur à la tension de 15.000 volts et est livré à la consommation à 120 volts pour les lampes et à 220 volts pour les moteurs. Le courant alimente 300 lampes de 32 bougies et 12 moteurs de différentes forces.

La propriété renfermant des sources très importantes captées et canalisées, qui alimentent une pompe centrifuge d'un débit horaire de 8.000 litres commandée automatiquement par le flotteur du Château d'Eau.

Ce dernier en ciment armé, de 50.000 litres de capacité, est soutenu par quatre pylones en ciment armé de 15 mètres de hauteur. Cette eau est distribuée dans tous les bâtiments de la ferme et dans la plupart des herbages.

Il est peu d'exploitations en France qui peuvent présenter un exemple aussi complet, aussi remarquable, aussi vaste, aussi perfectionné pour faire de la culture, de l'élevage, de l'industrie agricole, sous la forme moderne intensive que les conditions économiques obligent à envisager.

Je suis persuadé que cette visite rapide, au cours de laquelle maintes installations n'ont pu être vues en détails, vous a interéssé. Tout ce qui est déjà réalisé, tout ce qui est prévu, témoignent d'efforts soutenus dont nous suivrons avec intérêt le développement normal.

CYR. DE MONTMAGNY.

Le Rayon du Cidre L'intérieur de la Cidrerie
Le Rayon du Cidre.— Des bâtiments détachés du groupe de la ferme en plein verger, comporte un très grand magasin à pommes, la cidrerie et le cellier, car le cru du Clos du Houlley, en cru et en Calvados est très justement placé et renommé.

L'intérieur de la Cidrerie.— L'installation du pressoir ne ressemble en rien aux si pittoresques pressoirs normands ; il est équipé d'une presse automatique et de tous les perfectionnements qui permettent d'obtenir mécaniquement et rapidement un cidre de tout premier ordre.


Le Lexovien - 21.XII. 1926    
Le Lexovien - 21.XII. 1926  

LE LEXOVIEN - 25 décembre 1926

Les "Porcheries Générales"
DE COURTONNE-LA-MEURDRAC
L'exploitation du Clos du Houlley
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Laplace dit Vilbel, fondateur de la Société, est poursuivi pour escroqueries et arrêté à Paris.

Lundi soir, le bruit se répandit en ville que M. Vilbel, directeur-fondateur des Porcheries Générales de Courtonne-la-Meurdrac, avait été arrêté à Paris. Il y causa une vive émotion, plusieurs de nos concitoyens étant en relations d'affaires avec cette Société, qui leur est redevable de sommes importantes.

On se rappelle qu'il y a un an environ une affaire considérable fut lancée, à grand renfort de circulaires et de publicité il s'agissait de l'élevage industriel du porc, pratiqué sur une vaste échelle, et qui devait donner des bénéfices fabuleux. Un catalogue luxueux, édité sur papier glacé, avec de superbes et nombreuses photographies, donnait les détails les plus complets sur l'affaire. Il contenait des vues du domaine du Clos du Houlley, où sont installées les porcheries, des fermes de Douville, de la Hardouinière, de la Maison, de Piémontel.

La Société avait acheté encore le domaine de Glatigny, où elle avait l'intention d'installer une maternité porcine. Une enquête de commodo et incommodo avait même été faite à ce sujet, et l’opinion s'était préoccupée de l'influence que pourrait  avoir cette installation sur les sources qui alimentent la ville, et qui se trouvent à peu de distance. Le catalogue ne manquait pas de donner des photographies des châteaux de Glatigny, de Saint-Jacques-Lisieux, de la ferme de Gally, du parc du château de Versailles (textuel), de la ferme du Trou-d'Enfer à Marly-le-Roi (Seine-et-Oise), et des herbages des camps d'aviation de Saint-Cyr et de Buc.

Comment Laplace a lancé l'affaire

Le prospectus était très alléchant : « L'exploitation agricole et d'élevage du «  Clos du Houlley » disait-il, a pu, avec ses domaines de grande importance, sacrifier une vingtaine d'hectares, sur les 900 (!!) qu'il comporte, à une section de «  porcs d'engraissement ».

« Son système est des plus heureux, car il permet à tout le monde de se rendre propriétaire d'un ou de plusieurs porcs, la Société se chargeant de les engraisser pour leur compte.

« On peut dire que c'est l'élevage à la portée de tous, car on voit chaque jour les plus modestes capitalistes propriétaires de leur cochon, sans en avoir la charge ni les désagréments.

« Par ailleurs, c'est un placement à court terme (quatre à cinq mois), ce qui est toujours très agréable dans la période financière que nous traversons.

« Le prix d'achat, en y ajoutant les frais d'assurance, de nourriture, d'entretien pendant toute la période d'engraissement, représente un total de 609 francs (prix actuel).

« Du prix de vente on déduit la somme versée par l'acheteur, et la différence constitue le bénéfice dont la moitié revient au capitaliste l'autre moitié étant acquise à la Société pour ses peines et soins. Rien n'est plus simple.

« L'animal est immatriculé sur les registres de la Société et la porcherie ou il est engraissé est indiquée à l’acheteur.

« Le seul risque était la mort du porc, mais la Société assurant tous ses animaux, par ses propres soins, ce risque disparaît et, au cas où l'animal viendrait à mourir, il est immédiatement remplacé par un autre du même poids,  de façon que l'opération se continue sans interruption. Le client ne pourra donc subir aucune perte ».

On promettait des dividendes de 34 %, pouvant même aller jusqu'à 66 %.

Le siège social était à Paris, 8, rue Drouot. Les souscriptions affluèrent. Les trop confiants actionnaires eûssent pu s'informer à l'adresse indiquée. Ils y auraient appris que Vilbel avait pris successivement les noms de Louys, de Bardot, de Williams, en plus du sien, qui est Pierre Laplace. Il avait fondé successivement l'Agence Williams, service de renseignements financiers, puis les Porcheries Maconnaises et de Gambais, qui se transformèrent en Porcheries Françaises et Maconnaises, puis en Société des Porcheries Générales. S’étant adjoint deux associés, de B.., et M..., qui apportèrent des capiteux, Vilbel organisa une nouvelle entreprise, Les Bergeries Africaines.

Cependant, on faisait à Courtonne-la-Meurdrac des travaux considérables dont le devis était de trois millions au moins. Les entrepreneurs n'étaient que très irrégulièrement payés. Mais Vilbel louait à Saint-Cloud, 90, boulevard de Versailles, une villa meublée d'un loyer de 20.000 francs, où il habitait avec sa femme et où on menait grande vie. Deux voitures automobiles lui permettaient de se transporter rapidement dans ses nombreux domaines.

On commence à se méfier

Mais un jour Vint où certains actionnaires s'étonnèrent de ne pas voir arriver les dividendes promis. Ils eurent la curiosité de se rendre à Courtonne. Ils virent d'immenses porcheries, mais de porcs, très peu. Il devait y en avoir 6.000, on en apercevait que quelques centaines. Aucun d’ailleurs, ne portait de marque distinctive, indiquant qu’il appartenait à tel ou tel actionnaire.

Avec un magnifique aplomb, le directeur expliquait alors que les cochons étaient lis en pension chez les cultivateurs  des environs. Mais la plupart courent dans les bois, en liberté. Et il ajoutait :

« Rien n'est excellent pour les jeunes porcs reproducteurs, comme leur mise en  pâturage, méthode rationnelle et économique. Ils acquièrent à ce régime de la rusticité et de la vigueur. Le soir, les porcs regagnent d'eux-mêmes leurs abris, où une litière chaque jour renouvelée les attend ».

Cette explication fantaisiste ne satisfit pas tout le monde. Des assemblées d'actionnaires, plus ou moins régulières, avaient beau porter le capital social de 500.000 francs à 2 millions, puis à 8 millions, des plaintes furent déposées au parquet. Bientôt elles affluèrent par centaines.

La justice s'en mêle

M. Cauwès, substitut du procureur de la République, à Paris, ordonna une enquête, qui fut confiée à M. Genty, juge d’instruction. Des perquisitions furent faites dans les diverses propriétés des Porcheries Françaises. Elles eurent pour résultat de faire constater que les souscripteurs étaient victimes d’une vaste escroquerie, que Vilbel, grâce à des falsifications d’écritures, s’était rendu propriétaire de la majorité d’un capital qu’il n’avait pas souscrit, et qu’il avait dilapidé pour ses besoins personnels et pour des spéculations de bourse les sommes considérables versées par ceux qui avaient eu confiance en lui.

M. Cauwès et M. Genty se rendirent rue Drouot, où ils saisirent les livres. Ils n’y trouvèrent pas d'argent. Ils mirent Vilbel en état d'arrestation, et on saisit 15.000 francs qu'il portait sur lui, et qui constituent actuellement, en argent liquide, tout l'actif de la Société.

Le passif s'élèverait, disent nos confrères de Paris, à 15 millions.

On a perquisitionné également dans la villa du Saint-Cloud, petit pavillon de deux étages au milieu d'un jardin, que Vilbel avait loué jusqu'en mai 1928. Puis dans un élégant appartement que M. et Mme Vilbel occupaient à Paris, 117, rue Caulaincourt, à Montmartre, et où ils avaient fait de luxueux travaux d'aménagement. Au cours de ces perquisitions, on n'a trouvé ni bijoux, ni valeurs, ni argent. Vilbel avait pris ses précautions.

Quai des Orfèvres, au cabinet de M. Lefebvre, commissaire aux délégations judiciaires, le défilé des plaignants est incessant. Dans la seule journée de mardi, le montant des plaintes déposées formait un total de 580.000 francs.

Non seulement Vilbel filoutait ses actionnaires, mais il ne payait pas ses fournisseurs. L'imprimeur des fameux catalogues avec lesquels le Directeur des Porcheries Françaises amorça tant de dupes, n'est pas payé et réclame une soixantaine de mille francs. Le personnel des bureaux de la rue Drouot : sténos, dactylos, comptables, etc., attend encore ses appointements. Le tapissier et l'architecte qui ont aménagé le somptueux appartement de la rue Caulaincourt ne sont pas davantage soldés.

A la suite de la perquisition faite à Saint-Cloud, Mme Laplace-Vilbel a quitté sa villa vers 7 heures du soir pour une destination inconnue. Les domestiques et le chauffeur sont partis également. La villa est fermée.

Notre visite au Domaine du Clos du Houlley

Le domaine du Clos du Houlley est situé sur le territoire de Courtonne-la-Meurdrac, sur le plateau de la route de Paris, à 6 kilomètres environ à l'Est de Lisieux.

On y accède par le chemin qui part de la route de Paris, et débouche sur Glos un peu avant le passage à niveau du chemin de fer.

En entrant sur la propriété par un chemin qui conduit aux bâtiments d'exploitation, on aperçoit à l'extrémité d'une splendide avenue, le château à façade en briques et pierres, avec ses communs et dépendances, qui forment un ensemble de belle allure.

Nous avons tenu à nous rendre compte par nous-mêmes de l'importance des travaux exécutés sur le domaine et de l'état actuel de l'exploitation. Dans le bâtiment de l'administration, qui est en même temps l'habitation du directeur M. Maintier, nous avons été reçus très courtoisement par M. Doucet, commissaire de police à la Direction de la Sûreté générale. M. Doucet a été chargé par le Juge d'Instruction de saisir tout ce qui se trouve sur le domaine et d'en faire l’inventaire. Les opérations se font parallèlement avec celles de M. Genty, à Paris. Elles ont commencé le même jour et à la même heure, lundi, à 14 heures, à Paris et à Courtonne.

M. Doucet était arrivé dimanche il est accompagné de trois inspecteurs de la Sûreté, MM. Lecerre, Lesseur et Jouquey.

Le commissaire a invité M. Maintier, directeur, à se tenir à la disposition de la justice.

Un des premiers soins du juge a été de mettre à la tête de l'exploitation M. Gardet, sous-directeur, qui a été chargé des fonctions de directeur en attendant la nommination d'un liquidateur définitif.

Il y avait urgence en effet. Sur le domaine se trouve comme on le verra plus loin, un assez nombreux cheptel dont l'entretien ne souffre aucun retard et un personnel assez important qu'il faut diriger.

Le commissaire a mis des scellés sur le château, où M. et Mme Laplace venaient souvent habiter. Ce château est l'ancienne propriété de M. le marquis de Neuville. Les nouveaux propriétaires y ont fait pour plus de 500.000 francs de travaux. Des rideaux de dentelle, aux fenêtres du salon, n'ont pas coûté moins de 98.000 francs.

Un exemple donnera une idée du gaspillage d'argent auquel se livrait le ménage Laplace. Madame avait une très belle auto qui l’amenait de Paris au château et vice-versa. Malheureusement, une petite chienne qu'elle aime beaucoup ne s'y plaisait pas et donnait, tout le temps du voyage, des signes d'impatience. On acheta donc pour la fifille à sa mémère et ses compagnons à quatre pattes une voiture Renault, conduite intérieure, qui suivait celle de ses maîtres.

L'exploitation agricole

Sur le domaine ont été construits des bâtiments extrêmement soignés. Nous visitons une vacherie aménagée suivant les derniers perfectionnements modernes, mangeoires et sol en ciment armé, wagonnets suspendus à un monorail sur lequel ils glissent doucement, pour apporter la nourriture devant chaque bête. Il y a là une quantité de bestiaux qui semblent fort bien soignés.

D'ailleurs à ce que nous dit l’ingénieur agricole qui nous fait très aimablement les honneurs de cette exploitation in-extrémis, il existe sur le domaine environ 200 têtes de bétail, vaches, des chevaux et de très belles juments poulinières.

Quant aux cochons, que nous visitons dans leurs porcheries claires, bien aérées, où ils sont parqués dans des boxes à jour. il y en a actuellement plus de 500 (exactement 509). Ce nombre s'accroit rapidement à l'heure actuelle, car il nous a été donné de parcourir une porcherie où une cinquantaine de superbes truies sont prêtes à mettre bas. Pour plusieurs c'est déjà chose faite.

Plus loin, c’est l’abattoir, puis une salle pour la charcuterie, et des porcheries, des porcheries encore, qui s’alignent en longue perspective.

Partout l’eau est distribuée à profusion. On est allé capter deux sources au bas de la vallée. Une pompe et deux béliers l'élèvent jusqu'à deux châteaux d'eau en ciment armé. Partout l'électricité donne la force et la lumière. Il y a encore des bâtiments en cours de construction. Il est impossible d'évaluer le prix que peuvent représenter ces travaux, d'après une simple visite. Mais il est certain qu'en l’estimant à 2 millions, on est au-dessous de la vérité.

Tout cela est très bien conditionné, la maçonnerie, les installations, sont très soignées et faites pour fournir un long et sérieux usage. Au point de vue agricole et industrielle, tout semble parfait, et il est bien fâcheux qu'une affaire aussi intéressante n'ait été au fond qu'une vaste escroquerie.

Mais l'entreprise pêchait par la base. La contenance des terres d'exploitation, 216 hectares, est notoirement insuffisante pour l'entretien et l'engraissement d'un cheptel aussi important. Les bestiaux, en trop grande quantité, ne peuvent profiter et les terres perdent de leur valeur.

Et cependant, Vilbel, toujours à l’affût des bonnes opérations, donnait ordre à son directeur, lorsque la baisse se faisait sentir, d'acheter et d’acheter encore de nouvelles têtes de bétail.

Les plaintes continuent à affluer

Au bureau de M. Lefebvre, commissaire aux délégations judiciaires à Paris, les plaintes arrivent en foule. La plus importante s'élève à 80.000 fr. D'autres varient entre 20.000 et 600 fr., mais la grande majorité ne dépasse guère 2.000 francs.

La totalité s'élève actuellement à environ un million, mais on suppose que ce chiffre sera dépassé.

Dans cette somme ne figurent pas  toutes les dettes que M. Vilbel a contractées, tant à Paris que dans la région et dont le chiffre exact ne pourra être établi que par l'enquête.

De son côté, M. Doucet reçoit à Courtonne de nombreuses plaintes.

Nous tiendrons nos lecteurs au courant des suites que comportera cette gigantesque affaire.

Les châtelains de Courtonne quittent leur seigneuriale demeure

Bien que Vilbel n'ait été arrêté que lundi dernier, à 2 heures, à son bureau de la rue Drouot, à Paris, la justice suivait avec curiosité ses faits et gestes depuis le mois d'août. Ces temps derniers, il avait été questionné à plusieurs reprises et de façon pressante.

Vilbel sentait probablement le terrain se dérober sous lui et sa femme, discrètement, il procédait au déménagement des objets précieux, lin, dentelles, argenterie, bijoux, etc., qui se trouvaient dans le château de Courtonne.

Lundi dernier, trois malles-paniers et deux corbeilles à linge, arrivaient en gare de Courtonne-la-Meurdrac. Elles avaient été expédiées le Vendredi 17 Décembre, à Saint-Cloud, à l'adresse du directeur de l'exploitation agricole. C'est M. Doucet, commissaire de police, qui en a pris livraison hier.

Ces malles étaient vides. Elles avaient servi à l'expédition de diverses marchandises et Mme Vilbel en faisait le retour avec l'intention de les employer à un nouveau déménagement.

Les châtelains étaient à Courtonne samedi dernier. Vilbel est parti dimanche soir pour Paris. Sa femme a quitté le château lundi, vers midi, avec ses domestiques, dans son automobile, suivie par l'automobile des chiens. Elle emportait trois grandes valises et son sac à bijoux qui ne la quittait jamais.

Depuis, elle est introuvable. Aux différents endroits où on espérait qu'elle avait pu se rendre, chez son gendre et sa fille, à Saint-Cloud, chez sa sœur à Vichy, on ne l'a pas vue.


Ouest-Eclair-19 Juillet 1929

Ouest-Eclair-19 Juillet 1929

L'Ouest-Eclair du 19 juillet 1929




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