[MAZARINADE] La prise par assaut de la ville de Quillebeuf en Normandie. Avec la réduction en l'obeissance du Roy, de celle de Ponteau de mer, en la même province : par le Comte d'Harcourt. A Saint-Germain en Laye, 1649, 8 p. ; In-4.
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La prise par assaut de la ville de Quillebeuf

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LA PRISE
PAR ASSAUT DE
LA VILLE DE QUILLEBEUF
en Normandie.

Avec la réduction en l'obeïssance du roy, de celle de Ponteau de mer, en la mesme Province :

Par le comte d'Harcourt.

    Comme il y a des choses dont la croyance est difficile : il y en a d'autres qui s'insinuënt presque d'elles-mesmes, quelques extraordinaires qu'elles soyent. Ainsi, avec de la cavalerie seule prendre d'assaut Quillebeuf puissamment retranché, que son importance a fait envier de la pluspart des favoris, sembleroit incroyable : mais il cesse de l'estre, quand on aprend que ç'a esté par le courage & la conduite du mesme General, qui força, contre toute aparence, les isles de Sainte Marguerite & Saint Honorat, avec beaucoup moins d'hommes que les Espagnols n'en avoyent pour les défendre : Qui remporta une victoire navale devant Génes sur les mesmes ennemis : Qui combatit avantageusement avec sept mille soldats le Marquis de Léganez accompagné de vingt mille, à la Route en Piedmont ; força & deffit avec la mesme inégalité de troupes ce Géne [ ] ans ses lignes de Cazal : prit en fuite Turin avec un nombre d'hommes encor moindre que n'estoyent les assiegez, en presence d'une armée ennemie double à la sienne, & qui a fait tant d'autres exploits dont nos histoires sont pleines.
    Le Comte d'Harcourt s'estant rendu pres du Roy le 6 du passé à Saint Germain en Laye, comme ont fait tous les autres Princes, Seigneurs, Officiers de la Couronne, & autres qui ont sacrifié ce qu'ils doivent à la conservation de l'authorité Royale, contre les entreprises faites à son préjudice, apres avoir commandé les troupes du Roy durant quelques jours à Saint Cloud, fut envoyé par Leursd. Majestez dans la Normandie. Mais les habitans de Roüen s'estans dédits de l'obeïssance qu'ils avoyent envoyée ratifier de nouveau à Leurs Majestez 8 jours auparavant, & luy ayans refusé l'entrée dans la dite ville : Ce Prince à qui les difficultez ne servent qu'à éguiser son courage & affermir sa confiance, n'abandonna point les environs de Roüen, bien qu'il fust en des quartiers ouverts accompagné seulement de 200 Chevaux du régiment du Duc de la Meilleraye, qu'en mesme temps le sieur de Chamboy Lieutenant de la compagnie de gens-d'armes du Duc de Longueviile, fust entré dans Roüen avec 400 Maistres, & que ce Duc y fust en personne assisté de quelques autres troupes.
    Toutefois n'ayant pû attirer les ennemis au combat, le sieur de la Ferté Imbaut Lieutenant general, ne luy eut pas plustost amené un renfort de deux regimens de cavalerie Alemande des Colonels de Bambak & Ravanelle, qu'il pensa quelle entreprise plus génereuse il pourroit faire dans ces quartiers-là pour le service du Roy.
    Il ne trouva point de place à la prise de laquelle les ennemies se pussent moins attendre qu'à celle de Quillebeuf, tant pour la longueur du chemin, cette ville estant éloignée de plus de 15 lieuës du lieu où il estoit lors qu'il en forma le dessein, que pour la difficulté de l'entreprise, nul ne se pouvant imaginer que l'on pensast à prendre une place sans infanterie.
    Il sçavoit d'ailleurs que le Duc de Longueville y assembloit un régiment de fantassins & deux compagnies de cavalerie : Que cette place de Quillebeuf, outre les fortes barricades & retranchements que ce Duc y avoit fait faire, se fortifioit de jour en jour par ses ordres, pour tenir par ce moyen puissamment en bride la ville de Roüen : ne pouvant rien entrer par mer qu'il n'aille moüiller l'ancre sous cette ville de Quillebeuf. Et enfin ce Prince cherchant pasture à son courage, & quelque sujet de chastier une partie des rebelles, pour ramener le reste à son devoir, faisant en sorte que la punition s'estendist sur peu de personnes, & que la terreur de leur chastiment en parvint à plusieurs ; il ne jugea point de lieu plus propre à cét effet que cette ville là : laquelle tant sans son enceinte, que dans ses fauxbourgs, ne contenoit qu'environ 400 feux : Car ce Géneral eut cela de commun en cette action avec tous les grands hommes, que sa resolution ne fut pas plustost prise, que la mesurant à la grandeur de son zele, & à la bonne volonté de ses troupes, il se proposa la chose comme faite.
    Pour y parvenir ce Prince se rendit le neufiesme de ce mois en la ville du Pont de l'arche, avec ses trois régiments grossis d'un escadron de cavalerie composé d'une partie des Gentilshommes de la Province de Normandie, qui n'ont point encor effacé de leur coeur les fleurs de Lis, faisant 60 Maistres commandez par le Marquis de Montlévrier, le tout se montant par ce moyen à 800 Chevaux. Il vint de là coucher le lendemain 10 au bourg de Boutroude : l'11, à celui de Montfort : le douziéme il fit mine de vouloir attaquer la ville de Ponteau-de-mer, à 3 lieuës dudit Quillebeuf : Et pour faire croire sa feinte escrivit aux habitans de cette ville là, qu'iles eusssent à lui envoyer des Députez avec les clefs de la place, pour l'asseurer de l'ouverture de leurs portes & de leur obeïssance au service du Roy. Et afin d'accompagner ses paroles des effets, 6 heures après, à sçavoir sur les 5 heures apres midi du mesme jour douziesme, il fit sonner le bouteselle : Et lors qu'il commançoit sa marche de ce costé là, 4 Députez du Ponteau de mer lui vinrent faire leur harangue assez éloquente & pleine de protestations génerales de leur obeyssance au Roy. Mais ne venans point au particulier, qui estoit d'offrir leurs clefs : le Comte d'Harcourt leur dit, Messieurs vostre harangue est fort belle, il ne reste plus que de me respondre si vous ouvrirez vos portes quand je voudray y entrer : A quoy l'un d'eux répondit, Qu'il n'en donnoit aucune asseurance : Ce qui obligea ce Comte à leur commander de le suivre pour voir ce qu'il alloit faire, & ayant continüe sa marche jusqu'à une lieuë du Ponteau de mer, prit à droite du costé de Quillebeuf, d'où aprochant avec sa cavalerie, entre une et deux heures après minuit du 13, il fit mettre pied à terre à demi lieuë de la place à une partie de ses cavaliers, disposant ainsi ses attaques.
    Le sieur de Roncerolles ancien Mareschal de camp, eut la principale qui estoit du milieu : Le Comte de Clere aussi Mareschal de camp, eut celle de la main droite : Et le sieur de Bougy ayant mesme charge, celle de la gauche.
    A la premire attaque estoit un Mareschal des logis du régiment du Duc de la Meilleraye, avec 15 Maistres à pied qui servoyent d'enfants perdus, soustenus par un Lieutenant du mesme régiment, accompagné de trente Maistres, encore soustenus par le Marquis de Renel avec 60 Maistres : Ledit sieur de Roncerolles, ayant avec luy pour Mareschal de bataille le sieur de Guittare, & pour Aide de camp le sieur du May : où estoyent aussi les sieurs de Vieux-Pont Lieutenant Colonel du régiment de Loraine, & d'Orsigni Ventelet Escuyer ordinaire de la grande escurie du Roy. L'attaque de la main droite avoit mesme nombre & disposition d'Officiers & cavaliers du régiment de Bambak, où estoit le sieur de Bouquetot Capitaine au régiment de Champagne : comme aussi celle de main gauche du régiment de Ravenelle, qui avoit le sieur de Coulange Capitaine au mesme régiment, & Lieutenant Colonel de celui du Comte d'Harcourt : toutes ces attaques soustenuës par ledit Comte de Harcourt & le sieur de la Ferté-Imbault, ayans avec eux les sieurs de Heudicourt & de Folleville Mareschaux de camp, les sieurs Poignan Mareschal de bataille, Capitaine des gardes du Comte de Harcourt, Poulozi aussi Mareschal de bataille, Saint Aman & Bournonville Aides de camp : Fourrille Capitaine Lieutenant de la compagnie de Chevaux legers du Comte de Harcourt, Matharel Capitaine de Normandie : Villeneuve, de Navarre : Damas, du régiment de Rambure, & autres volontaires. L'action commença ainsi sur les deux heures apres minuit.
    Les 3 attaques estans parties à mesme temps, celle de Roncerolles passa la premiere baricade qui fut abandonnée par les ennemis pour estre trop éloignée des autres. Ensuite de quoy les enfants perdus, soustenus comme j'ay dit, s'estans avancez à la seconde baricade, y souffrirent la décharge à brusle pourpoint de 60 mousquetaires qui la gardoyent, outre celles qui leur estoyent faites par des fuzeliers qui avoyent percé les maisons à droite & à gauche, desquelles ils tuerent ou blesserent 15 des attaquans, mais entr'eux nul Officier, ny personne de consideration. Ce qui obligea neantmoins les principaux de se mettre à la teste de tout, encor que les ennemis fissent une seconde descharge. Pendant que les autres attaques s'avançoyent chacune de son costé : celle de Clere ayant rencontré un retranchement de 9 pieds de profond sur autant de large, avec un parapet derriere couvert de paniers remplis de terre, d'où les ennemis faisoyent grand feu, comme aussi de 3 moulins à vent, voisins de ce retranchement : le Comte d'Harcourt pour encourager & animer d'autant plus les siens, mit pied à terre, & s'avançant sur le bord du retranchement, comme sit aussi le sieur de la Ferté Imbault Lieutenant géneral, ils donnerent tel courage aux leurs par cét exemple, assistez des sieurs de Folleville & de Heudicourt, qu'ils forcerent ce retranchement, cependant que le sieur de Bougy par son attaque forçoit aussi le fauxbourg à la gauche : De sorte que ceux qui estoient attaquez par le milieu se voyans prests d'estre coupez par la droite & par la gauche, & contraints par la violence de l'attaque, ne penserent plus qu'à leur retraite : qui ne se pu faire si promptement que ceux du régiment du Duc de la Meilleraye, commandé par le sieur de Marsagne, qui soustenoit vigoureusement cette attaque avec le reste du mesme Corps, ne leur tüassent plusieurs hommes, & poussans leur pointe au delà de ces barricades, allerent teste baissée à la grande de la ville, qui n'avoit point encor esté attaquée, assistez de ceux des 2 autres attaques, qui apres avoir forcé les ennemis chacune de son costé, se vinrent joindre. Ce qui fit que les attaquez voyans les nostres accrus en nombre, & marchans comme des lions, tous glorieux du succez des premieres attaques, diminüérent en cette ci beaucoup de la premiere vigueur qui avoit paru aux autres.
    Ils ne laissérent pas toutefois de se deffendre demi quart d'heure, & tüerent encor quelques-uns des attaquans : Mais enfin nos victorieux passans sur le ventre de tout ce qui restoit en armes & qui leur faisoit teste, donnerent jusques dans la ville : dans laquelle le sieur de Campigni, que le Duc de Longueville avoit envoyé dans la place pour y commander, n'eut pas le temps de se retirer, apres avoir deffendu les dehors, mais s'estant jetté dans une Eglise, à gauche de la barricade de la ville, qui est cette principalle dont je vous ay parlé, il y fut forcé par le sieur de Bougi, lequel le fit prisonnier avec deux de ses enfans portans les armes & plusieurs autres.
    Le pillage, qui fut donné ensuite, fit bien-tost oublier aux vainqueurs leurs travaux passez : aussi fut-il considerable dans une place qui servoit de retraite à plusieurs maisons de la campagne, parmi lequel se sont trouvez 40 chevaux sellez & bridez, avec les pistolets destinez pour montrer une partie de la cavalerie que le Duc de Longueville y levoit : On y a aussi pris trois drapeaux pour l'infanterie qui s'y enroloit, & quantité de fuzils & autres armes.
    Ce fait, le Comte d'Harcourt, pour les faire servir d'exemple, comme il a esté dit, fit mettre le feu dans cette ville là, qui brusla toutes ses maisons & celles de ses faux-bourg : la pluspart des gens de guerre & des habitans qui avoyent eschapé la fureur des armes s'estans noyez dans la Seine, qui se dégorge là dans la mer : sans qu'en cette prise, en laquelle la Noblesse de la province se signala, nous ayons eu que trente hommes tüez ou blessez, l'un de ceux-ci pres du Comte d'Harcourt, & le sieur de Heudicourt son cheval tüé sous lui.
    Cette execution, qui ne dura que cinq heures, ne fut pas plustost faite, que des les sept heures du matin le Comte d'Harcourt envoya l'un des Deputez du Ponteau-de-mer vers ses concitoyens, le chargeant de leur exprimer, avec la mesme éloquence dont il s'estoit servi, envers lui, les malheurs qui estoyent inévitables à tous les sujets du Roy qui demeuroyent dans la desobeïssance : & le piteux spectacle que ce Deputé avoit veu, anima tellement son bien dire, que les bourgeois du Ponteau-de mer, le renvoyerent au devant de ce Prince, qu'il trouva en chemin, pour l'asseurer de l'ouverture de leur ville & de leur entiere fidelité au service du Roy, le rpians de leur accorder pour Gouvernement le sieur de Folleville, & qu'ils ne fussent point mal-traittez. Ce Prince, selon sa courtoisie naturelle, ne leur accorda pas seulement l'un & l'autre, leur envoyant de son armée le sieur de Folleville, accompagné du sieur Talon, pour les asseurer de l'entherinement de leur requeste, & leur faire renouveller le serment de fidelité au Roy, qu'ils prestérent avec grandes acclamations de joye, mais encor il se contenta de passer au milieu de leur ville sans y séjourner, bien qu'ils l'en priassent instamment.

A S. Germain en Laye, le 21 Février 1649. Avec Privilége.



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