Les Connivences de Henry de Valois avec Monsieur de Charouges gouverneur de la ville de Rouen (1599).
Saisie du texte et relecture : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (04.XI.2004)
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Texte établi sur un exemplaire  (Bm Lx : Norm 1190) de l'édition donnée à Rouen en 1878 par l'imprimerie Espérance Cagniard pour le compte de la Société Rouennaise des Bibliophiles et publiée par A. de Bouis sous le titre Pièces sur la Ligue en Normandie. On consultera l'édition originale sur l'exemplaire en mode image disponible en ligne sur le site Gallica de la BnF.

LES
CONNIVENCES
DE HENRY DE VALOIS
AVEC MONSIEUR DE
Charouges Gouverneur de la ville de Rouen

Ensemble comme elle a esté reduicte à
l'Union par les Catholiques de ladite Ville

vers l'image agrandie (69 ko)

 
LES CONNIVENCES DE HENRY DE VALOIS AVEC
Monsieur de Charouges Gouverneur de la ville de Rouen.


CEUX qui se sont intermis aux grandes affaires ont vrayment cogneu que Henry de Valois, jadis Roy de France, favorisoit plus les heretiques que les bons Catholiques, & pour cela aussi il avoit aux plus grandes villes des gens pour luy, & comme luy, pour nuire aux bons Catholiques : mais toutes fois jamais (par permission divine) il n'a peu rien faire contre eux, combien qu'il le pensast : ce qui s'est assez evidemment apperceu depuis en plusieurs lieux, & notamment en la ville & Parlement de Rouen, en laquelle il pensoit venir a bout de ce qu'il entreprenoit, contre les bons Catholiques : mais il en a esté deceu. Combien que par finesse il eust parcy devant tant fait qu'il avoit suborné, Monsieur de Charouges, Gouverneur de la dicte ville, lequelle neuviesme jour, de ce present mois de Febvrier, pensoit tenir la ville en son obeissance : & pour ce s'y preparoit : mais ayant esté descouvert par les bons Catholiques, ils feirent tant, qu'ils eurent une coppie, ou double des dernieres lettres que le Roy luy avoit escriptes, pour faire son entreprinse & l'ayant eue, les baillerent aux Predicateurs, lesquels ce jour là leur baillerent & tous les Predicateurs de toutes les Eglises les eurent, & leurent à leur predication avec exortation au peuple, de ne se rendre au Roy, ne tenir pour luy, ains contre, ce que le peuple se resolut de faire, aussi tost les predications faictes, le matin, & s'en allerent en trouppe, au logis de Monsieur de Charouges, & par ce moyen le surprindrent, & lui demanderent les clefs de plusieurs endroits, adjoustans que s'il ne les bailloit, ils le tueroient : ce que quant il veit, il les pria qu'il luy donnassent delay, a quoy, ils ne voulurent entendre. Mais le meneirent en divers lieux ausquels estoient ces clefs, puis apres le remenerent en son logis, & y meirent garnison : & fur le champ ils allerent au logis du premier President de la ville, ou apres luy avoir remonstré, ils mirent des garnisons ceste matinee là. Or l’apres disnee, cette troupe du peuple, prinse de divers quartiers, feit des Barricades, contre les heretiques, &.les gaignerent & mirent à mort, ce qui fut parachevé à quatre heures au soir : incontinent apres quatre heures, Monsieur de Charouge, tresfaché de cela, envoya des gens à luy appartenants, par la ville pour semer bruit, que ledit Sieur de Charouges s'en vengeroit du tort que on luy avoit faict, dans peu de jours, & qu'il contraindroit bien le peuple de tenir pour le Roy, & que s’il en estoit trouvé quelque multitude contraire, on les tueroit & on pilleroit leurs maisons : ce que quant le peuple entendit, il alla mettre garnison, dans le viel Palais, & par apres ayants faict cela ils le prindrent prisonnier, & le premier President aussi : ce que le peuple, ayant si bien & heureusement faict, & mis à fin son entreprinse, voyant le lendemain, se divisa en deux bandes, dont l’une alla au Parlement, l'autre en la maison de Ville, toutes deux ayants charge de proposer tant à la Court, qu'à l'Hostel de Ville, qu'il falloit deputer gens pour envoyer en la ville de Paris, comme procureurs pour le Parlement & la ville, affin de s'unir avec elle, & amasser argent, pour avec elle prendre les armes contre Henry de Valois jadis Roy de France, pour avoir vengeance du massacre commis par luy, en la ville & Chasteau de Blois, aux personnes de Messeigneurs les Cardinal & Duc de Guyse, protecteurs & deffenseurs de l'Eglise Catholique, & du Royaume de France : ce que ayant proposé, fut accordé incontinent, & alors furent deputez trois notables personnes au Parlement : pour envoyer en la ville de Paris : & autant en l'Hostel de Ville pour s'unir (comme je viens de dire) lesquels partirent l'apres disnee en leurs presences. Aussi sont ils venus icy, ce qu'ils n'ont faict, sinon en ensuivant les traces des autres villes, lesquelles se sont unies avec Paris, de ceste façon là, pour affin de prendre vengeance, de ce meurtre & assassinat, perfidement & proditoirement commis au Cabinet, d'un Henry de Valois jadis Roy de France, perfide, & barbare aux personnes de Messeigneurs les Cardinal, & Duc de Guise, protecteurs, & deffenseurs de l'Eglise Catholique, & du royaume de France, qui, & leurs predecesseurs, ont tant faict de service aux Roys de France, comme un chacun sçait, tant pour l'extirpation des heresies, que pour maintenir leur couronne : & soulager le pauvre peuple. Car personne n'ignore, que depuis l'an mil cinq cens treize, ceste race tres-renommee, n'ait faict plusieurs services aux Rois de France, & que elle n'ayt faict gaigner toutes les batailles ou il estoient, depuis le regne du Roy François, Roy de France, jusques au regne de cestuy cy jadis Roy, auquel ils ont faict des infinis services, car en premier lieu ils luy ont conservé sa coronne, ils ont servy de murailles à Poictiers, Moncontour, Vellemory, Montargis, Estempes, & Oneau, & Guienne, ausquelles victoires ils ont tellement combatu pour l'Eglise Catholique & conservation du royaulme de France, qu'ils y ont exposé leurs propres personnes, vies, fortunes, moyens & facultez, & que quant on considere il n'y a coeur si dur qui ne pleure & larmoye amerement tels Princes assacinez, & massacrez de telle façon, & ne soit incité a prendre les armes contre ce meschant Roy, auquel si on ne resistoit, & lequel s'il pouvoit tenir les bons Catholiques, leur en feroit autant, à l'exemple des tirans, comme il est & des tigres & loups affamez, qui quant ils peuvent tenir les pauvres brebis sans deffence, les devorent : & à la verité, a tousjours eu volonté de faire cela, & mesme des le premier jour qu'il fut Roy. Mais le bon Dieu qui gouverne toutes choses, conduit, modere, & voit tout, ne l'a pas permis toutes & quante fois qu'il si est efforcé, comme le douziesme du mois de May qu'il vouloit tout tuer, massacrer, & piller son royaulme, Dieu ne le permit pas ains au contraire feit que les mauvaises volontez de ce tiran furent descouvertes à ceste heure là, plus qu'auparavant, s'estant devant tousjours laissé conduire par luy, & son mechant & maudit conseil, qui debvoit les bien gouverner, ne luy rien accorder qui ne fust juste & equitable, & à l'adventage du peuple, ne lui laisser faire aucun impost qui fut au mescontentément & foulle du peuple desja bien appauvry, & se laisser plustost mourir en prison, à l'exemple de ce bon Roy Jean, Roy de France, qui ayma mieux mourir en prison en Angleterre, que de faire un impost seullement de la valeur d'un denier sur son peuple, pour payer sa rançon, lequel, comme je croy est bienheureux en Paradis, car il estoit beny de son peuple, chacun prioit Dieu pour luy, affin que Dieu le voullut referer en sa Court celeste, & ne feins-je point de dire qu'il est bienheureux en Paradis, car, Vox populi vox Dei est, c'est à dire, que la voix du peuple, c'est la voix de Dieu, & estant ainsi, je puis aisement conclure, que Henry de Valois est bien malheureux, damné & miserable, je ne diray pas excommunié ne dissimulé, ne perfide, desloyal, traistre, trompeur, & heretique, ne mesme qu'il naye faict beaucoup d'autres choies meschantes, dont & en recompence, il a justement merité d'estre depossedé & mis a mort, car en meschancetez, il surpasse Herodes, ou à tout le moins, est il villain Herodes, & tyran desordonné, pour avoir exigé sur son peuple tant d'imposts & de daces, que si quelqu'un disoit autrement meriteroit estre chassé hors de la compagnie des vivants : car pour imposts & choses indeues qu'il à faict, on ne scauroit s'adviser d'aucune maniere d'injure dont il ne soit plus que digne, pour le grand nombre de meschancetez qu'il a faict par l'espace de quatorze ans continuels & entiers. Mais (Dieu mercy) à ceste heure nous nous debvons beaucoup rejouir, de quoy il n'est plus Roy, & debvons avoir contre les infortunes endurees bon coeur, disans, que tout ainsi comme apres la pluye le beau temps vient, & apres les tenebres la lumiere, ainsi qu'apres peines, labeurs, travaux, souffrances endurees soubs ce meschant Henry de Valois, nous r'entrons en un bon regne, l'ayant ou chassé ou tué, & aurons un bon Roy nouveau, autre que luy, à nous octroyé par la grace de Dieu, lequel gouvernera mieux son peuple que non pas luy, & si bien que on en dira autant de ce nouveau Roy que nous aurons (s'il plaist à Dieu) que le poete dict d'un Roy, en ces parolles, Je croy que l'aage d'or a esté soubs ce Roy là vrayment se pendant qu'il l'estoit, tant il gouvernoit son peuple en une paix doulce & agreable. Pour a quoy parvenir, il se faut proposer deux choses à faire, l'une, qu'il faut prendre les armes contre ce meschant Henry de Valois, affin de luy faire rendre la coronne qu'il a, & le mettre à sac : l'autre qu'il est de besoing davoir recours à Dieu, pour & à celle fin qu'il soit pour nous, & nous conduise, disant avec le Psalmiste royal David, mon Dieu vous estes nostre refuge, nostre ayde & sauve garde, donnez nous secours en nostre guerre, soiez pour nous, guidez nous & nous n'aurons peur de nos ennemis & des vostres, ne mesme craindrons point (comme dict le mesme) encores que la terre soit troublee, & que les montagnes trebuchent au coeur de la mer : car vous regissez tout, vous ordonnez tout, vous estes le Dieu des batailles, & donnant vostre voix, ou le peuple bruit, & les royaumes se sont esmeuz, incontinent vous les appaisez, vous faites gaigner la victoire à qui elle appartient, vous faites cesser la guerre, mesmes jusques au bout de la terre vous rompez l'arc, couppez la lance, & bruslez les Chariots au feu, vous estes juste, retributeur du bien & du mal, & le scrutateur des coeurs & des pensees des hommes. Mon Dieu soyez pour nous, prenez nostre cause en vostre main, vostre pere qui est au ciel, ensemble la tresglorieuse Vierge Marie vostre mere vous en requiert, mon Dieu conduisez nostre bataille & nous octroyez la victoire contre ce meschant Henry de Valois, Vostre ennemy, & le nostre, persecuteur de vostre espouze, nostre mere sainte Eglise, en souvenance que nous vous servons & prions d'un bon coeur. Mon Dieu nous vous prions que nos oraisons facent tant envers vous que tout le monde die, le Seigneur ayme les portes de Paris plus que celles des autres villes, ô Cité de Dieu, choses honorables se disent en toy en la court tressouveraine du Ciel, devant la treshaute majesté du Dieu vivant, tu és bienheureuse par dessus toutes les autres, aussi les habitans qui y demeurent, lesquels par leurs bonnes oeuvres & saines prieres vous ont servy & serviront jusques à ce qu'il vous plaira les oster de ce monde & appeller en l'autre, vous prient de leur faire gaigner la victoire contre leurs ennemis & les vostres, & en la fin leur donner place au siege & places des bien-heureux, avec joye grande, delectation, & plaisir infiny & eternel, au lieu de tristesses en un lieu obscur & noir, gemissements, grinssements de dents, & maledictions dont sera tourmenté Henry de Valois & ses adherens.

FIN.

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