LEDOUX, Désiré : Mémoire sur la forme candélabre à ramifications intérieures et sur la Palmette Legendre (1883).
    - Extrait du Bulletin de la société d'horticulture et de botanique du centre de la normandie, années 1878-1897, pp. 277-282.
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Mémoire sur la forme candélabre à ramifications intérieures et sur la Palmette Legendre
par
M. Désiré Ledoux
arboriculteur à Blangy-le-Château (1)

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Pour quiconque possède quelques notions sur la physiologie végétale et peut se rendre compte de la marche de la sève dans un sujet soumis à la taille, il est de toute évidence que la forme et la structure des arbres à fruits ont une influence marquée sur leur durée et leur fécondité, considération que l'horticulteur ne doit jamais perdre de vue.

Dans l'arrondissement de Pont-L'Evêque, depuis une dizaine d'années, l'arboriculture a fait d'incontestables progrès ; mais cette science, toute avancée qu'elle est, a encore beaucoup à faire pour arriver au degré de perfection qu'elle doit atteindre.

En général, nos jardiniers savent bien conduire un arbre, mais ils ne savent pas tous le tailler et le mettre à fruit.

Cela n'est pas un paradoxe !

Qu'on aille dans nos jardins fruitiers, on verra des poiriers pourvus de formes harmonieuses, à peu près bien équilibrés et d'un aspect agréable, mais laissant beaucoup à désirer du côté des bourgeons à fruits, lesquels, pour la plupart, sont mal constitués, trop éloignés de leur base et entourés de végétations insolites, nuisant à la circulation de la sève, déparant l'arbre dans l'étendue de ses prolongements et constituant des monstruosités, soit à cause des têtes de saule dont ils sont garnis, soit à cause des chicots énormes qui frappent la vue et qui proviennent de pincements mal faits, de tailles trop courtes, et partant, complétement défectueuses.

La forme donnée aux arbres fruitiers soumis à la taille, aux poiriers en espalier notamment est pour beaucoup dans les défectuosités dont nous parlons.

Chez nous, peu de jardins sont entourés de murs. Presque tous les espaliers sont adossés à des bâtiments et placés entre des ouvertures rapprochées ; de sorte que l'espace qui leur est réservé, surtout avec certaines formes, est complétement insuffisant ; ce qui arrive alors se comprend.

Quand un jardinier n'a pas donné à l'arbre un squelette en rapport avec l'exiguité de l'emplacement qu'il occupe, c'est-à-dire quand la sève n'a pas la possibilité de circuler facilement dans les diverses parties de ce squelette et qu'elle se trouve gênée dans un périmètre trop restreint, elle s'épanche à profusion dans certaines parties du végétal qui étouffent de pléthore et elle se fait jour par une exubérance de bois, que l'on est pas toujours maître d'arrêter et qui produit, sans donner de fruits, ces rameaux monstrueux et ces chicots dont nous parlions tout à l'heure.

Une expérience de vingt années m'a fourni la preuve du fait que j'avance, surtout lorsqu'il s'applique aux plantations d'espaliers adossés aux bâtiments d'exploitation rurale.

Suivant moi, le grand tort qu'on a, en général, lorsque l'on veut placer près de ces bâtiments des espaliers dans l'espace restreint de leurs ouvertures, c'est de donner à ces arbres des formes tout à fait défectueuses ; c'est dans ce cas que les jardiniers ont souvent recours à la forme palmette. Ces jardiniers ont l'habitude de planter des hautes et des basses tiges ; les basses tiges sont beaucoup plus avantageuses, car elles facilitent le développement complet de l'arbre en lui donnant toute la hauteur nécessaire, tandis que dans les hautes tiges le développement est gêné, arrêté, par l'espace trop restreint qui reste.

Avec cette structure (la forme palmette), les prolongements, au lieu d'être verticaux comme avec la forme candélabre, dont nous parlerons bientôt, prennent forcément une direction presque horizontale ; et alors la sève, au lieu de pousser à l'élongation des prolongements dans le sens perpendiculaire, les contraint à s'allonger dans une direction horizontale, et le liquide séveux n'obéissant plus au mouvement ascensionnel qui lui est propre, s'arrête dans les prolongements horizontaux de la forme palmette, et au lieu de s'épancher en grande partie à l'extrémité du prolongement, exécute un temps d'arrêt dans sa marche à travers ce même prolongement, et se fait jour trop abondamment en donnant naissance, à sa surface supérieure, à une exubérance de rameaux forts et nombreux dont le pincement et la taille ne peuvent toujours avoir raison.

Ce défaut constitutionnel, propre aux palmettes emprisonnées dans un espace trop restreint, n'a plus lieu lorsque l'on a adopté la forme candélabre à ramifications intérieures.

En effet, avec cette forme, les prolongements, au nombre de quatre, six ou huit, selon l'espace dont on dispose, partent toujours de la base du sujet et se dirigent verticalement dans une direction parallèle, de manière à permettre à la sève, qui n'est plus comprimée, de suivre son mouvement ascensionnel sans rencontrer d'obstacle. Il en résulte que cette sève, dans son parcours normal, dépose, dans les rameaux et bourgeons à fruits, la quantité de substance nutritive qui leur est nécessaire pour leur permettre de se développer dans d'excellentes conditions, c'est-à-dire dans le sens d'une fructification prompte et certaine ; alors cette sève étant régulièrement distribuée dans tout le squelette du sujet, celui-ci végète avec force et vigueur sans fournir les monstruosités que l'on remarque sur le périmètre des arbres conduits et taillés contrairement aux principes de la Physiologie végétale.

Donc, dans les cas stipulés, c'est-à-dire toute chose égale d'ailleurs quant à l'espace donné à l'espalier, la forme candélabre à ramifications intérieures est toujours préférable à la forme palmette et à la forme candélabre à ramifications extérieures ; et cela à un double point de vue :

1° Parce qu'avec le candélabre à forme extérieure, la tige en flèche placée à l'axe de l'arbre, a une tendance à s'emparer de la sève du sujet pour transmettre au centre de celui-ci au dépens de la base et au détriment des ramifications inférieures qui n'ont pas assez de sève pour se développer d'une façon normale ; ce qui retarde la formation et l'équilibre du sujet ;

2° Dans la forme candélabre à ramifications intérieures, cette forme atteint son maximum beaucoup plus tôt que celle du candélabre à branches extérieures ; et partant, elle donne à son propriétaire des récoltes abondantes, alors que les autres formes n'ont encore produit que des fruits en quantité relativement restreinte à cause du retard occasionné par la formation de l'arbre.

Ce n'est pas à dire qu'il faille complétement mettre de côté la forme palmette, nous ne proscrivons cette forme que dans certains cas.

Le propriétaire, c'est un axiome, est obligé de planter suivant les lieux.

Or, si l'arboriculteur doit utiliser un espace en hauteur c'est la forme candélabre à ramifications intérieures qu'il devra préférer, eût-il à sa disposition une grande étendue en largeur.

Tandis que s'il manque de hauteur et que ce soit en largeur qu'il lui soit donné de s'étendre c'est la forme palmette qu'il devra préférer ; les arbres ayant cette forme ont besoin d'un espace relativement considérable, 10 mètres sont nécessaires pour que ces arbres atteignent leur entier développement.

Mais dans ce dernier cas la taille de ces arbres sera bien plus exigeante qu'avec la forme candélabre ; il y aura une circulation de sève en quelque sorte anormale, contrariée dans sa marche et qui subira des temps d'arrêts ou au moins une compression certaine en parcourant les prolongements latéraux constitutifs de la forme dont il s'agit ; il y aura à lutter contre une expansion de sève dans le sens vertical qui produit ces rameaux vigoureux, ces têtes de saule et ces chicots qui sont ordinairement l'apanage des arbres d'une structure manquant d'air et d'espace. Ce n'est pas tout, avec la forme candélabre à ramifications inférieures l'arbre sera toujours parfaitement éclairé, les rayons solaires, si utiles à la formation des fruits et à leur maturation, pénétreront dans toute l'étendue des prolongements, c'est-à-dire depuis la base jusqu'au sommet.

Au contraire, avec la forme palmette aux prolongements horizontaux, il n'y aura que le sommet de l'arbre d'éclairé et la base ombragée par les ramifications supérieures de l'arbre restera privée d'air et de chaleur.

Une grande négligence à reprocher aux horticulteurs, c'est de ne pas prendre leurs dispositions avant de planter leurs espaliers.

La première chose qu'ils devraient faire c'est, lorsqu'ils ont un espace à utiliser, d'y placer un treillage en bois espacé dans ses lignes de 0m28 à 0m30 environ.

Avec un treillage l'arboriculteur est maître de son sujet, il le conduit où il veut, il en fait ce qu'il désire, et il est assuré de le soumettre à ses exigences.

Sans treillage la végétation peut aller au-delà des limites qui lui sont assignées ; l'arboriculteur n'a rien pour se guider ; il est obligé de marcher à tâtons et bientôt son espalier s'insurge contre la direction qu'il s'agissait de lui imposer.

C'est surtout lorsque le jardinier se trouve en présence d'un groupe d'espaliers plantés sur le même mur sans treillage, que ces arbres forment entre eux un fouillis et des entrelacements qu'on a beaucoup de mal à faire rentrer dans l'espace qui leur appartient. Il va sans dire que la fructification et la bonne direction du sujet en souffrent beaucoup, et que le jardinier éprouve des désagréments de toute sorte que lui auraient épargné ceux qui ont procédé à la plantation des arbres dont nous venons de parler.

Dans les bâtiments d'exploitation, qui ne sont pas, par des clôtures, garantis de l'approche des bestiaux, nous conserverons encore la forme candélabre à ramifications intérieures, et nous prendrons sur les branches mères des ramifications horizontales nécessaires pour garnir l'espace compris au-dessus et au-dessous des ouvertures. Cette forme peut être aussi employée très-avantageusement dans les murs continus servant de clôtures, qui ont une hauteur minimum de 2m50 pour des espèces peu vigoureuses, de 3 mètres pour les arbres d'une vigueur moyenne et, enfin, de 4 mètres pour les espèces vigoureuses. Il va sans dire que cette forme peut être employée avec profit pour le pêcher.

Nous proscrivons l'attache avec des clous, parce que ce mode d'attache produit un étranglement et empêche le développement de l'arbre.

Nous pensons avoir fait bien comprendre notre système et démontré les avantages qu'il présente sur les autres.

Il est bien clair que, toutes choses égales d'ailleurs, relativement à l'espace dont on dispose, lorsque cet espace en hauteur le permet, c'est la forme candélabre à ramifications intérieures que nous préconisons.

La forme des espaliers que nous préférons pour ces arbres adossés à des bâtiments d'habitation ou d'exploitation est la forme candélabre à ramifications intérieures, à quatre, six et même huit branches, selon l'espace en largeur que l'on veut occuper.

Cette forme est à nous, c'est nous qui l'avons inventée et dans le pays on a bien voulu, parmi les horticulteurs qui ont été à même de l'apprécier, l'appeler le Candélabre Ledoux.

Avec cette forme nous obtenons en six ans la charpente et la fructification que l'on obtient avec peine en dix ans avec les autres formes.

La taille avec cette même forme en sera plus facile, l'équilibre plus certain, l'aspect de la charpente plus harmonieux et plus agréable.

Qu'on ne l'oublie pas, la production des fruits est une des branches les plus fécondes du pays. Si cette industrie rapporte déjà beaucoup à la contrée, avec un bon système de taille, un choix judicieux de bonnes espèces, des formes rationnelles, et des engrais et amendements intelligemment distribués aux sujets que l'on veut faire fructifier, l'on arrivera en peu d'années à plus que doubler les produits de nos arbres à fruits et à augmenter dans la même proportion les revenus qu'on est en droit d'en attendre.

D. LEDOUX.


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Note :
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