GADEAU DE KERVILLE, Henri (1858-1940) : Le Lamprocoliou chalybé.- Rouen : L’Ami des Sciences naturelles, 1894.- pp. 25-27 – [1] f. de pl. en coul. ; 27 cm. – (Tiré à part du journal L’Ami des Sciences naturelles, n°3 du 1er septembre 1894).

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LE LAMPROCOLIOU CHALYBÉ

par

Henri Gadeau de Kerville

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Le Lamprocoliou chalybé (planche couleurs-1894)

   
Le Lamprocoliou chalybé (Lamprocolius chalybaeus Ehrbg.) appartient à la famille des Lamprotornithidés, qui renferme des oiseaux ayant un merveilleux plumage à reflets métalliques, une grosseur égale à celle des différentes espèces de Grives (Turdus), et un naturel vif. Toutes les espèces de cette famille habitent les régions chaudes de notre globe. Par leur configuration et leurs mœurs, les Lamprotornithidés sont très voisins de la famille des Sturnidés, dont les Étourneaux, les Martins, les Meinates sont des types fort connus.
   
Le Lamprocoliou chalybé, décrit sous les noms de Lamprotornis nitens par Rüppell, de Lamprocolius cyaniventris par Blyth, de Lamprocolius abyssinicus par Hartlaub, etc., a une taille égale à celle du Merle commun. Son plumage est d'un vert d'acier présentant de superbes reflets métalliques, d'où son nom spécifique de chalybé (chalybaeus, adjectif, de chalybs, ybis, acier). Un certain nombre des tectrices ont une tache noire dans leur partie terminale ; le dessous des grandes plumes et d'environ la moitié antérieure des petites est gris foncé, sans reflet métallique, et le bec et les pattes sont d'un noir brunâtre. La longueur totale de l'adulte est d'à peu près 0 m. 23 de l'extrémité du bec au bout de la queue, et sa grosseur, les ailes repliées, est d'environ 0 m. 16.

Sous les éclatants rayons solaires des contrées où ce Lamprocoliou est aborigène, son plumage présente des reflets métalliques véritablement superbes, quelque peu diminués chez nous, mais qui, cependant, lorsque le soleil éclaire convenablement l'oiseau, émerveillent les regards des personnes les plus indifférentes au monde de l'ornithologie. Après la mort, les reflets métalliques perdent beaucoup de leur brillant.
   
Il ne paraît pas exister de différence extérieure bien nette entre le mâle et la femelle. Chez les jeunes, les parties supérieures sont d'un vert bronzé à reflets métalliques, les parties inférieures d'un vert presque sans éclat, et l'iris d'un gris noir ; mais, après quelques mois, ils ont, comme les adultes, l'iris jaune et tout le plumage d'un vert de bronze à reflets métalliques.
   
La planche ci-jointe montre, en demi-grandeur naturelle, un sujet adulte de cette espèce, auquel la chromolithographie ne peut donner les reflets métalliques que son plumage présente, et, dans la grandeur naturelle, la tête d'un jeune individu, né à Rouen, dans l'un des compartiments des spacieuses volières où ma mère conserve, en amateur, de nombreuses espèces d'oiseaux.
   
Le Lamprocoliou chalybé est assez commun dans tout le Nord-Est de l'Afrique, et vit dans les forêts et les bois épais des vallées comme dans les bois clairs des steppes et des montagnes. Dans les régions élevées de l'Abyssinie, on l'observe, d'après von Heuglin, jusqu'à 3000 mètres d'altitude. On le trouve aussi en Sénégambie (Afrique occidentale).

Cet oiseau vit habituellement par couples, mais forme de petites bandes après le temps de la reproduction, qui, selon von Heuglin, a lieu de juillet jusqu'en septembre. Le nid est composé de bûchettes disposées sans ordre, constituant la partie externe, et l'intérieur est garni d'herbes sèches, de plumes et de laine, au milieu desquelles est une cavité assez profonde où sont déposés les œufs, qui doivent être normalement au nombre de trois à cinq.
  
Les quatre œufs que j'ai examinés, provenant du couple dont il est question plus loin, sont ovoïdes et d'un bleu verdâtre, avec des taches et des points bruns vineux situés irrégulièrement. Leur grand diamètre est de 25 à 27 mill. et leur petit diamètre de 19 à 21 mill.
  
C'est sur les Acacias et autres arbres que ce Lamprocoliou construit son nid, et, souvent, il y en a de six à huit sur le même arbre, placés, suivant les circonstances, à une hauteur de trois à dix mètres du sol. Très probablement, lorsque l'oiseau ne peut faire son nid à l'air libre, il doit l'établir dans des trous d'arbres et en garnir le fond avec des matériaux semblables à ceux de l'intérieur de ses nids habituels. Le fait est certain pour l'espèce en captivité, puisque le couple dont il est parlé dans les lignes suivantes a élevé plusieurs nichées dans ces morceaux de troncs ou de branches d'arbres appelés « bûches » en aviculture, et dont il avait garni le fond avec des herbes sèches, de petites racines, de la mousse et des plumes.
   
Le père et la mère prennent part à la confection du nid et à l'élevage de leurs petits ; mais je ne saurais dire, faute de renseignements positifs, si le mâle participe à l'incubation des œufs.
  
Cet oiseau a un vol assez léger, mais non rapide ; sur terre, il court avec célérité, plutôt par saccades que d'une façon régulière. A proprement parler, il n'a pas de chant, car il ne fait entendre que des notes faibles, rapides et inharmonieuses, qu'il répète de temps en temps.
  
Conservée dans nombre de volières européennes à cause de son magnifique plumage, cette espèce s'est reproduite, il y a plus de vingt ans, dans la volière de l'Aquarium de Berlin, et, depuis, peut-être ailleurs ; mais les cas de sa reproduction en Europe sont tellement exceptionnels qu'ils justifient pleinement les détails suivants :
   
Ma mère avait eu déjà des Lamprocolious chalybés qui ne s'étaient pas multipliés. Peut-être étaient-ils de même sexe ?
  
Le couple en question, qu'elle a depuis plusieurs années, fit en 1892 sa première couvée, dont un petit mourut à l'époque où il s'emplumait.

L'année suivante, ce couple eut trois nichées : la première, incubée en mai-juin, produisit deux petits ; la seconde, dont l'incubation se fit en juillet, ne donna qu'un seul petit ; et, des cinq œufs de la troisième, incubés en août-septembre, naquirent quatre petits ; quant au cinquième œuf, on n'en retrouva aucune trace, et l'on ne sut pas s'il avait produit un jeune.

Cette année, ce couple, le seul que ma mère possède, a fait trois couvées : la première a produit deux petits, qui sont sortis du nid le 20 juin ; la seconde était de quatre œufs, couvés en juillet et qui furent abandonnés ; et la troisième a donné cinq petits, éclos dans la première quinzaine d'août, et dont quatre moururent tout jeunes.
  
Jusqu'alors, ce couple a produit, dans les volières de ma mère, une quinzaine de petits, mais plusieurs sont morts jeunes. Actuellement (23 août 1894), il en reste cinq (trois de 1893 et deux de 1894), tous très vigoureux et dont les premiers ressemblent entièrement à leurs parents, plus un tout jeune individu.
   
Ces deux Lamprocolious chalybés vivaient dans une grande volière, en harmonie relativement bonne avec des oiseaux appartenant à des espèces très différentes ; mais, au moment de la reproduction, de dominateurs qu'ils étaient, ils devinrent méchants, pourchassèrent beaucoup certains de leurs compagnons de captivité et en tuèrent plusieurs. Cette année, ma mère les a mis dans un compartiment où ne se trouve que peu d'oiseaux.
   
Pleins de sollicitude pour leurs petits pendant leur prime jeunesse, le mâle et la femelle, lorsqu'ils s'occupent d'une nouvelle couvée, les poursuivent, les battent, et les tueraient certainement si on ne prenait le soin de les leur enlever, et cela, bien qu'ils soient dans un vaste compartiment. Que l'amour maternel et paternel s'oublie donc vite chez ces oiseaux en captivité !
   
Ce Lamprocoliou est désigné par les marchands et beaucoup d'amateurs, sous les noms de Merle bleu et de Merle bronzé vert. Cette appellation est doublement très défectueuse, en ce que les Lamprocolious n'appartiennent nullement au groupe des Merles, même pas à leur famille, et en ce que les espèces du genre Lamprocolius ont, toutes, de superbes reflets métalliques bronzés. C'est pourquoi j'emploie, pour désigner cet oiseau, la traduction de son nom latin, expression sans doute rébarbative, mais qui est tout à fait exacte, ce qui, en matière scientifique, est d'une impérieuse nécessité.
 
D'autres détails seraient encore à donner sur cette espèce à l'état libre et à l'état captif, mais ce modeste article ne doit pas s'étendre davantage.
   
En résumé, le Lamprocoliou chalybé est un magnifique oiseau, facile à nourrir, vivant parfaitement en captivité et pouvant s'y reproduire. Il mérite donc, à tous égards, d'être conservé dans les volières des ornithophiles.


Henri GADEAU DE KERVILLE.
Extrait de L'Ami des Sciences naturelles (No 3, 1er Septembre 1894).

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