Arrêté de Bollet, représentant du peuple près l'Armée des Côtes de Cherbourg, & Départemens environnans. Du 17 Brumaire, 3e année Républicaine Concernant les Citoyens & Citoyennes détenus en la Maison d'Arrêt de Lisieux..- Lisieux: de l'Imprimerie de Mistral, [1794].- 9 p. ; 20 cm.
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Arrêté de Bollet,
Représentant du peuple
Près l'Armée des Côtes de Cherbourg,
& Départemens environnans.
Du 17 Brumaire, 3e année Républicaine
 
Concernant les Citoyens & Citoyennes détenus
en la Maison d'Arrêt de Lisieux.
 
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LIBERTÉ.     ÉGALITÉ.     FRATERNITÉ.

A Vire le 17 Brumaire, 3.e année républicaine

BOLLET,
REPRÉSENTANT DU PEUPLE
Près l'Armée des Côtes de Cherbourg, & Départemens environnans.

VU l'Arrêté de l'Assemblée des Citoyens de Lisieux réunis à la Société Populaire, en date du trois présent mois, & souscrit d'environ cinq cens signatures, tendant à obtenir la liberté des Citoyens dont suivent les noms : Michel Thillaye, Thibout le jeune, Lefrançois, Hypolyte Thillaye, Toustain, Leliquaire, Durand, Margeot & son épouse, Delivet, Laballe, la citoyenne Douesnel femme Berniere, Courval dit Bonnechose, de Nocey le jeune, Belleau dit Saint-Paul, Agathe Philippe dite d'Echalou, Thibout dit Mongeron, Douesnel dit d'Hermival & son épouse, Simon Depraël, d'Alaume femme Lambert, Lehure dit Cernieres, & ses deux domestiques, Lefebvre dit la Potelliere, sa femme et sa fille, Chevreux, Foucques dit Lanos, Brochaye Architecte, la fille Gallot, Ribaux, les ci-devant Religieuses de toutes les Communautés, & les nommés Levillain, Drieu, Lebourgeois, Cabasson & Châtel ex-curés, détenus en la maison d'arrêt dud. Lisieux : & considérant que ledit Arrêté n'a été pris par l'Assemblée des Citoyens de Lisieux, que d'après le rapport d'une Commission par elle nommée, à l'effet de recueillir les motifs d'arrestation de chaque Détenu, & des pieces justificatives, pour lui en faire un rapport, afin de la mettre à portée de distinguer ceux qui ont été injustement arrêtés, de ceux dont la détention doit être continuée.

Vu le certificat donné par les citoyens Langueneur & Morin, porteurs de l'Arrêté pris par les Citoyens assemblés de la Commune de Lisieux ; lesquels attestent tous leur responsabilité individuelle & capitale, que la sortie des Citoyens mis en liberté par le présent Arrêté, ne peut avoir aucunes suites fâcheuses, ni compromettre la sûreté publique :

ARRÈTE, 1.°, Que les citoyens Michel Thillaye, Thibout le jeune, Lefrançois, Hypolyte Thillaye, réclamés par leur Commune comme excellens patriotes, & comme citoyens dont la détention est un outrage fait à la révolution ; les citoyens Michel Thillaye & Thibout réclamés en outre par les Représentans du Peuple JOUENNE & DUBOIS-DUBAIS, par leur lettre du 23 Vendemiaire dernier ; les motifs d'arrestation des citoyens Michel & Hypolyte Thillaye étant d'ailleurs amplement détruits par les pieces qu'ils présentent, seront sur le champ mis en liberté.

Mais les motifs d'arrestation du citoyen Thibout n'étant point connus, & Lefrançois étant assusé de propos tendans à altérer l'esprit public, la liberté ne leur sera donnée que provisoirement, en attendant que les motifs d'arrestation soient connus, & que Lefrançois ait été interrogé sur les propos dont il a été accusé.

2°. Que les citoyens Toutain & Leliquaire, réclamés comme cultivateurs, & demeurant constant qu'ils le sont, seront de même mis en liberté, au terme de la Loi du 21 Messidor dernier.

Que Durand, compris au même article de l'Arrêté de l'Assemblée, n'ayant pas justifié de son bail, & de l'Arrêté du District qui constate sa qualité de cultivateur, & dont d'ailleurs les motifs d'arrestation, émanés du Comité de Salut Public, sont inconnus, restera détenu jusqu'à la présentation desdites pieces, lors de laquelle le Comité de Surveillance sera tenu de lui rendre la liberté, si toutefois les motifs ne contiennent aucuns faits particuliers portés dans l'exception de la Loi du 21 Messidor.

3°. Que les citoyens Margeot & son épouse ex-nobles, Delivet ex-homme de Loi, & Laballe cultivateurs, reconnus pour être peres & mere de défenseurs de la Patrie, dont la suspicion est suffisamment détruite par les pieces qu'ils produisent ; (le citoyen Delivet réclamé en outre par une lettre du citoyen Legot député, en date du 14 Vendemiaire dernier), seront également mis en liberté.

4°. Que la citoyenne d'Alaume, femme Lambert, déclarée suspecte pour avoir tenu des assemblées d'Aristocrates chez elle ; ce qui est détruit par les certificats de ses voisins & de sa Section ;

Que le citoyen Lefevre dit la Potelliere, sa femme & sa fille, détenus pour avoir fui de leur commune, être ex-nobles & parens d'émigrés, ayant détruit ces inculpations en établissant qu'ils sont partis de Lisieux avec des passeports ; que leur résidence à Rouen a été connue, puisqu'ils en ont envoyé des certificats à la Municipalité de Lisieux ; que ledit Lefevre s'est présenté plusieurs fois à la Municipalité dud. Lisieux pendant leur séjour à Rouen ; qu'ils n'ont jamais eu de lettres de noblesse, & qu'ils ont été baptisés comme enfans de marchand ; ledit Lefevre détruisant d'ailleurs tout soupçon de complicité avec son gendre émigré, sur lequel il n'avoit aucune autorité, & avec lequel il ne demeuroit pas ; en déclarant à sa Municipalité la rente de 1200 liv. qu'il avoit donné en dot à sa fille, lorsqu'il l'a su émigré :

Chevreux, ci-devant Entreposeur du Tabac, n'ayant été arrêté que sur la conjecture vague & incertaine, qu'il pourroit avoir des liaisons avec les fermiers-généraux, & être leur complice ; justifiant son absence de sa commune par un certificat de la Garde Nationale de Paris, portant qu'il a toujours fait son service en personne, & qu'il y étoit parvenu au Grade Caporal, dont il faisoit les fonctions au jour mémorable du 31 Mai 1793. (v.s.)

Que le citoyen Foucques dit Lanos, détenu pour soupçon d'aristocratie, & comme agent de ci-devant, reconnu de toute sa commune pour n'avoir occupé d'autre place que celle de commis du Receveur des décimes ; ayant perdu son épouse au moment de son arrestation, restant chargé de trois enfans, & du faire valoir de ses biens, par la mort de son fermier :

Le citoyen Douesnel dit d'Hermival, ex-noble, & son épouse, détenus pour avoir été déclarés suspects par la commune d'Hermival, & pour n'avoir donné aucune marque de civisme depuis leur séjour à Lisieux ; mais infirmes, avancés en âge, reconnus pour avoir vécu retirés, sans aucunes communications, & ayant fait des dons à la Patrie, notamment de deux chevaux ; n'ayant jamais tenu aucuns propos qu'on puisse leur reprocher ; & n'ayant pas même résisté à l'oppression à laquelle ils ont été exposés pendant leur séjour à Hermival ;

La citoyenne Douesnel, femme Berniere, ex-noble, détenue comme aristocrate, épouse & fille d'émigrés, notoirement hors d'état de faire aucun sacrifice pour la révolution, réduite en quelque sorte à l'indigence, chargés de quatre filles de l'âge de onze à seize ans, lesquelles sont obligées de travailler pour leur subsistance ; n'ayant pas eu l'autorité nécessaire pour empêcher l'émigration de son pere & de son mari, & n'étant d'ailleurs accusée d'aucun fait particulier ;

Thibout-Mongeron, ex-noble & ex-chevalier de Saint-Louis, déclaré suspect pour avoir participé à l'insurrection qui eut à Lisieux lors de l'enlevement des cloches, & avoir été refusé à la Société Populaire ; mais acquitté du premier grief par le Juré d'Accusation ; le second grief étant nul, & l'imputation d'aristocratie détruite par le service constant qu'il a fait en personne dans la Garde Nationale, soit comme Capitaine, soit comme Fusillier, après sa démission volontaire ;

Le citoyen Courval dit Bonnechose, ex-noble, détenu comme suspect, pour n'avoir pas paru aux assemblées de sa Commune, afin de voter dans les délibérations, étant sexagénaire, ne pouvant marcher qu'à l'aide de deux béquilles, & dans l'indigence ;

Le citoyen Nocey, détenu comme noté d'incivisme, pour n'avoir pas fait son service dans la garde nationale, étant un misérable qui a vécu dès son enfance dans la derniere classe du peuple, où il a pris une femme qui ressent comme lui les horreurs de la famine, même en temps d'abondance, & n'ayant été empêché de faire son service que par défaut de vêtemens : seront mis en liberté.

5°. La citoyenne Simon femme Dupreles, sera provisoirement mise en liberté, sous la surveillance de sa Municipalité, sauf à elle, pour obtenir sa liberté définitive, pourvu qu'elle n'ait pas participé à l'émigration de ses parens.

6°. Que Bello dit Saint-Paul, ex-noble, détenu pour propos & actions inciviques, dénoncé par les lettres de la Municipalité & du Comité de Surveillance de Courtonne-la-Ville ;

La citoyenne Duboscq, son fils & sa fille, ex-nobles, détenus comme mere, frere & sœur d'émigrés, & s'étant trouvé une lettre chez ladite Dubosch, à elle adressée par un de ses fils émigré, de laquelle on pourroit induire correspondance ;

Lehure de Cerniere, & ses deux domestiques, détenus, parce qu'il s'est trouvé chez lui des lettres contenant des réflexions inciviques ;

La citoyenne Agathe Philippe, détenue pour cause de lettre à elle adressée, en style énigmatique ;

Brochaye, architecte, détenu pour propos inciviques ;

Ne devant pas être définitivement élargis, sans avoir été préalablement entendus ; mais ne devant pas être présumés coupables, d'après l'intérêt que les Citoyens de la Commune de Lisieux réunis à la Société Populaire, se sont décidés prendre à eux, sur le rapport qui leur a été fait par la Commission qui a elle-même pris des informations, dont le résultat a tourné à la décharge des prévenus, seront provisoirement mis en liberté, sous la surveillance de leurs Municipalitées respectives, & à la garantie desdits Citoyens de Lisieux, conformément à leur Arrêté du 14 du présent mois, aussi souscrit d'environ 500 signatures.

7°. La fille Gallot, détenue pour cause de fanatisme, & parce qu'il a été trouvé dans sa poche une profession fanatique & contre-révolutionnaire, sera entendue & restera en arrestation jusqu'à ce que, sur le vu de son interrogatoire, il en ait été autrement ordonné.

8°. Que Ribaux, détenu pour avoir refusé le serment exigé par la Loi des Instituteurs ; vu qu'il n'est point prouvé qu'il ait fait les fonctions d'Instituteur depuis que défenses lui en a été faite, & que cessant ses fonctions il n'étoit pas assujetti au serment ; qu'il est d'ailleurs simple & crédule, infirme & nullement dangereux, sera mis en liberté.

9°. Que les ex-curés Lebourgeois, Levillain, Drieu, Cabasson & Chastel, resteront en arrestation, jusqu'à ce que les motifs de leur détention soient connus, & qu'ils aient justifié de la remise de leurs lettres de prêtrise.

10°. Que les Religieuses détenues pour avoir refusé le serment de l'égalité & de la liberté, resteront en arrestation.

11°. Le François & Thibout le jeune, resteront sous la surveillance immédiate de la Municipalité, jusqu'à ce que leur liberté définitive ait été prononcée, sur le vu de leur interrogatoire.

12°. Charge la Municipalité de Lisieux de nommer deux Commissaires, pour entendre les détenus qui n'auront obtenu leur liberté que provisoirement, ainsi que la fille Gallot.

13°. Charge le Comité Révolutionnaire provisoire du District de Lisieux, de mettre sur le champ le présent Arrêté à exécution, de procéder incessamment dans les formes prescrites par la Loi, à la levée des scellés apposés sur les lettres & papiers des détenus, à charge d'inventaire d'iceux, dans les formes prescrites par la Loi, quant à ceux qui sont peres, meres ou parens d'émigrés, & d'envoyer copie du présent Arrêté à toutes les Municipalités où ils résident. Signé BOLLET, & en marge le cachet de la République, en cire rouge.

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La présente copie certifiée conforme à l'original, par Nous Président & Secrétaire soussignés. Signé ARMANDIE, Président, FERTEY, Secrétaire.

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Imprimé du vœu unanime des Citoyens de la Commune de Lisieux, réunis en Société Populaire.

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A LISIEUX, de l'Imprimerie de MISTRAL.

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