LE FORT, Victor :  Jehan Aubert, fondeur de cloches (1913).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (09.III.2007)
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Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 31 bis GF) du numéro d'avril 1913 de La Revue illustrée du Calvados, publiée à Lisieux par l'Imprimerie Morière.

A propos des carillons de Pâques 
Jehan Aubert, fondeur de cloches
par
Victor Le Fort

~*~


   
Noël, les Rois, la Toussaint et Pâques sont des époques où il est impossible au lecteur d'échapper à la tyrannie du « conte » qui offre aux littérateurs un facile et abondant sujet à copie. Cette année nous avons profité de l'usage général pour dire à propos de Pâques quelques mots d'une famille de fondeurs de cloches, qui furent de bons normands et de bons artistes.

LISIEUX, ville épiscopale, était si bien dotée jadis de clochers et de sonneries qu'elle est appelée par les vieux chroniqueurs la Ville Sonnante.
     
Cette harmonie campanaire qui faisait l'admiration des voyageurs n'était pas seulement obtenue par la grande diversité des timbres, les cloches lexoviennes étaient choisies et accordées comme les chanterelles d'une immense lyre de bronze,et elles émettaient leurs larges vibrations sonores sous un rythme déterminé par des carillonneurs artistes et passionnés.

Aujourd'hui encore, la Cathédrale avec ses cloches neuves, dispose d'une sonnerie particulièrement émouvante lorsqu'elle égrène le glas des trépassés.

Avant la Révolution, à quelques mètres du parvis de Saint-Pierre s'élevait, où se trouve aujourd'hui la place Thiers, l'église Saint-Germain qui possédait dans son clocher un des plus beaux carillons de Normandie.

Ce carillon fut réalisé par l'abbé Morin, curé de la paroisse, d'après le projet ébauché par Messire Aubert, prestre chapelain de Saint-Germain et grand amateur d'art campanaire, comme il était de tradition dans sa famille.

Les Aubert, en effet, étaient d'une vieille souche lexovienne de fondeurs de cloches et de canons. Leur renommée aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles était très grande et atteignait celle des plus célèbres fondeurs de Lorraine.

Leur réputation était égale en tout cas à celle des Buret de Rouen ou des Cavilliers de Carpuis, qui ont laissé de véritables chefs-d'oeuvre de science et d'art.

Le premier des Aubert apparaît dans les registres de l'Hôtel-de-Ville de Lisieux en 1562 comme fondeur de canons et ......artilleur.

Voici où et comment :

« Du mardy XXVIjeme le jour d'Octobre l'an mil cinq cens soixante deux. A esté délibéré etc... Aussy que à Pierre Aubert fondeur sera baillé descharge d'un moys et demy de ses gaiges, qu'il a servi au faict de ladicte artillerie à prendre sur Olivier Berthault naguères recepveur des deniers communs de lad. ville de Lisieux, qu'il a esté dit estre au prix de XIj l. X s. par moys ».

Et plus loin :

« Du XXIIJeme jor de Feurier mil VCC LXVIIJ aud. Lisieux... Délibère que Pierre Aubert, fondeur et canonnyer fera l'estat et charge de canonnyer pour la porte d'Orbec au lieu de François Lebourgeois. »

Nous ne savons pas bien si Pierre Aubert fondait aussi des cloches et s'il n'en eût pas préféré les célestes vibrations aux rauques abois de ses fauconneaux.
 
Nous n'avons rien qui nous permette de dire le contraire, mais pas davantage de preuves qui puissent confirmer une assertion.

Il nous faut arriver en 1579 pour trouver la première cloche portant le nom de Jehan Aubert, le fils du canonnier.

C'est celle de Rugles, sur laquelle on lit cette inscription gothique.

† LAN M DCC LXXJX, JE FUS REFAITE DE NEUF LORS
TRÉSORIERS MS RENÉ GIRARD LUCE GUILLe FORCINAL. JE POISE
DEUX MILLE Dcc PEU PLUS OU MOINS AINCY LENTENS
JEHAN AVBERT MA FAICTE

A dater de ce moment, par exemple, il ne va pour ainsi dire plus y avoir en Normandie, un clocher orgueilleux de sa sonnerie où ne se trouve la signature du fondeur lexovien ou celle de ses descendants.

Tous comme lui se prénommeront Jean malgré la vulgarité de ce nom ; car il y avait à Lisieux dans le seizième et le dix-septième siècles un nombre incroyable de Jean Aubert : aucun nom n'était plus commun : sur les registres paroissiaux on trouve jusqu'à deux décès à un jour d'intervalle de personnes s'appelant ainsi.

Les fondeurs lexoviens se chargèrent d'illustrer cet humble patronyme.

*
* *

Nous allons passer en revue, tout-à-l'heure, les oeuvres de nos compatriotes, au moins celles que nous connaissons, mais il n'est pas hors de propos auparavant de parler un peu des fondeurs de cloches en général et de leur difficile et savant métier. Une cloche n'est par l'oeuvre du hasard, mais le résultat de combinaisons savantes de tracé, de diamètre et de poids qui doivent concourir dans des conditions strictement déterminées à l'obtention d'une masse sonore donnant le ton désiré.

Des secrets de métier pour la composition de l'alliage, la confection des moules et la conduite du coulage, achevaient au XVIme siècle de faire de la fonte des cloches, une science jalousement gardée et dont les mystérieux arcanes se transmettaient ordinairement de père en fils.

Ce fut le cas pour les Aubert.

On professait alors pour les fondeurs de maîtrise un tel respect qu'on alla jusqu'à leur accorder le droit de porter l'épée comme aux nobles. (1)

Ces habiles artisans étaient essentiellement nomades : aujourd'hui on peut mettre n'importe quelle cloche au chemin de fer qui la mène sans danger ni tracas de la fonderie vers son beffroi : jadis, il fallait procéder sur place.

Les fondeurs se mettaient donc en route le jour des Cendres pour ne revenir qu'à la Toussaint, emportant dans leurs bagages les ustensiles indispensables ; ustensiles peu nombreux d'ailleurs, consistant en un compas, une réglette appelée brochettebâton de Jacob ou échelle campanaire, dont les divisions correspondaient aux diamètres et aux épaisseurs proportionnelles.

Cet attirail se complétait de quelques matrices pour l'ornementation et l'impression des inscriptions. Ces derniers accessoires se transmettant de main en main sur plusieurs générations expliquent la singularité des lettres gothiques ou de la Renaissance qu'ont voit utilisées pour une inscription tracée à une époque où ces caractères n'étaient plus en usage.

Les fondeurs s'en allaient d'abbaye en abbaye, de cathédrale en cathédrale, à la recherche des cloches brisées à refondre, des clochers nouveaux à pourvoir, et lorsqu'ils avaient trouvé de la besogne, qu'ils s'étaient installés dans un monastère, ou dans les bâtiments d'un chapitre, ils n'y menaient point triste vie.

Pendant que leurs moules séchaient, ils se livraient aux plaisirs de la chasse, de la pêche et de la chère, qu'on s'ingéniait à leur procurer bonne.

Obéissant à des motifs pieux ou superstitieux, les fondeurs choisissaient de préférence pour établir leurs moules, les lieux bénis ou consacrés, cimetières, chapelles ou églises.

Mgr Pie dans un travail sur les cloches de Chartres a constaté la chose qui est du reste absolument prouvée en ce qui concerne notre région.

Jehan Aubert en 1618 refondit la grosse cloche de Saint-Germain d'Argentan au bas de la nef ; on a trouvé des débris de moules de cloches sous le portail de Saint-Pierre de Caen et sur un pilier du clocher de Norrey on lit :

CI-DEVANT FUT FONDU LA PETITE CLOQUE

La préparation des moules était une opération délicate par les précautions qu'elle exigeait ; mais la délicatesse se bornait là, car les ingrédients dont on se servait n'étaient rien moins que ragoûtants. Ironie des choses, la beauté pure du bronze et la poésie ailée, prenant corps au milieu des immondices !

On préparait au lieu convenable, une fosse au fond de laquelle un bloc de maçonnerie représentant la forme intérieure de la cloche était construit : par dessus, on moulait une fausse cloche en terre glaise, ayant exactement la forme et les épaisseurs de la cloche future. Cette maquette saupoudrée de poussière et de suie recevait l'application du moulage extérieur.

Un grand nombre de matières avaient été expérimentées pour composer cette terre plastique ; il n'y en avait pas de meilleure qu'un mélange de terre fine, de bouse de vache et de crotte de cheval. Le mastic ainsi obtenu ne crevassait jamais.

On laissait le tout bien sécher ; après dessication complète, la chape extérieure était levée avec soin, la fausse cloche brisée et le contre-moule remis en place après avoir été frotté de cendres délavées dans du lait et de l'urine.

Les moules des anses et de l'anneau du battant ajustés, il n'y avait plus qu'à procéder au coulage.

Là commençait la grosse difficulté et le fondeur en emportant du brasier le creuset plein de métal liquide avait à supputer et à craindre les bulles, soufflures, dartres et mauvaises liaisons sans compter parfois l'éclatement des moules pourtant enterrés.

Le bronze des cloches se compose généralement d'un alliage déterminé empiriquement de 78 parties de cuivre et de 22 d'étain. Mais ces proportions variaient suivant les fondeurs qui ajoutaient à ces métaux, certains éléments dont ils gardaient jalousement la formule.

Parfois aussi, les nobles parrains venaient jeter dans le creuset quelque vaisselle précieuse ou une poignée de pièces d'argent.

L'opération terminée, il restait encore au fondeur un sujet d'appréhension. La tonalité escomptée était-elle obtenue ? La cloche allait-elle donner l'accord désiré ?

C'est qu'il y a à tout cela des règles inflexibles.

L'épaisseur de la cloche qui est à peu près égale dans la partie supérieure - le cerveau - augmente à mesure que la paroi s'évase, si bien que la plus grande épaisseur est au bord inférieur.

De plus, le nombre de vibrations d'une cloche est en raison inverse de son diamètre ou de la racine cubique de son poids. Les plus grands diamètres correspondent aux sons les plus graves.

Il arrivait souvent que le tracé mal établi ou les proportions mal calculées réservaient aux fondeurs de désagréables surprises ; il fallait tout recommencer.

*
* *

C'est ce qu'il advint en 1712 à Jehan Aubert et aux prêtres de Saint-Jacques de Lisieux.

Cette église possédait 11 cloches. Neuf furent fondues en 1689 et 1690. La sonnerie totale pesait 17.660 livres.

La deuxième cloche qui a été conservée et qui est à présent la plus grosse, pèse 3500 livres, son diamètre est de 4 pieds 3 pouces. Son inscription est ainsi formulée :

IAY ÉTÉ REFONDUE,
COMME CELLE QUI ME SVIT PAR LES SOINS DES SIEVRS CVRÉ
ET DÉPUTÉS DE CETTE ÉGLISE ET BÉNITE SOVS L'INVOCATION
DE LA BIENHEVREVSE VIERGE MARIE EN L'AN 1712.
SALVE REGINA
JEAN AVBERT DE LISIEUX
MA FAICTE.

M. d'lngremont raconte ainsi la mésaventure du fondeur.

« Au mois de Janvier 1712, MM. les curés et prêtres de Saint-Jacques portant envie à ceux de Saint-Germain firent refondre les deux grosses cloches de leur église quoiqu'elles fussent assez bien d'accord, mais ne réussirent pas bien dans leur dessein, car la fonte fut manquée une première fois et la deuxième, les dites cloches se trouvèrent beaucoup moins d'accord qu'elles n'étaient auparavant ».
                            
Ce fut alors qu'on offrit à M. Morin, curé de Saint-Germain, de changer la grosse cloche de son carillon pour la troisième de Saint-Jacques qui était une peu plus grosse. Mais M. Morin répondit : « Gardez vos bourdons, nous gardons nos violons ».

Le Carillon de Saint-Germain se composait de dix cloches donnant les notes: fa, sol, la, si, ut, ré, mi-bémol, mi, fa, sol.

Le sonneur titulaire avait été formé à l'abbaye du Val-Richer qui était une véritable école de carillonneurs. On raconte qu'à Saint-Germain, comme à Saint-Pierre-sur-Dives, pendant les sonneries, un bedeau se tenait sur la place devant la tour et battait la mesure.

En Juillet 1711, les quatre plus grosses cloches de St-Germain avaient été fondues au Mesnil-Asselin par Jehan Aubert.

La tonique avait 3 pieds 9 pouces de diamètre et pesait 2.500 livres. Elle fut nommée par le sieur d'Ouillie et la dame de Franqueville.

C'est elle qui sonnait les réunions municipales ; elle remplaçait dans cette fonction, l'ancienne cloche de l'Hôtel-de-Ville qui fut abandonnée à St-Germain pour concourir au nouveau carillon.

Pour réunir la matière de ces premières cloches, l'abbé Morin sacrifia sans regret les plus beaux ornements de son église. Il fit jeter au creuset le lutrin en cuivre avec son aigle, six anges de cuivre qui accompagnaient le Maître-autel, la vieille cloche de l'Hôtel-de-Ville et les tuyaux en étain de son orgue.

La deuxième cloche de St-Germain fut nommée par le sieur de la Planche, receveur des tailles et la dame femme de M. Laillier, élu en élection ; la troisième par M. Ricquier, procureur en l'élection et Mme Surlemont, femme du procureur du roi et receveur de l'Evêché ; la quatrième, par le sieur Boscher, huissier au bureau des Finances et la dame Beslière, épouse du procureur du roi au grenier à sel.

Les 5, 6, 7, 8 et 9mes furent fondues en 1738, la dixième en 1789. La cinquième et la sixième se trouvaient en 1865 dans la paroisse d'Auvillars

A la Révolution, le maire M. Conard livra bien celles de sa commune conformément au décret de la Convention, mais il rechargea subrepticement sur sa voiture deux des cloches de
Saint-Germain, les couvrit de paille et rentra chez lui sans qu'on se fût aperçu de son pieux larçin.

La cinquième portait l'inscription suivante :

† L'AN 1738,
IAY ÉTÉ NOMMÉE MAGDELAINE-FRANÇOISE PAR FRANÇOIS
MIGNOT, CONSEILLER DU ROY, PRÉSIDENT EN L'ÉLECTION DE
CETTE VILLE ET PAR NOBLE DAME MARIE-MAGDELAINE DU
MOVCEL, EPOUSE DE MESSIRE ALEXANDRE LE MAIGNEN,
CHEVALIER, SEIGNEVR DE HOVLBEC ET DE CASTILLON.

Diamètre : 2 pieds 2 pouces. Poids : 700 livres.

Sur la sixième on lisait :

† L'AN 1738,
IAY ÉTÉ NOMMÉE  LOUISE-NICOLASE PAR NICOLAS RIQVIER
DE LA ROSIÈRE, CONSEILLER DU ROY EN L'ÉLECTION ET PAR
DAMOISELLE LOVISE-GENEVIÈVRE D'OSMONT, FILLE DE
MESSIRE LOVIS D'OSMONT, ECVYER DU MESNIL-POISSON.

La septième offrait cette inscription :

†  L'AN 1738
IAY ÉTÉ NOMMÉE MARGVERITE-GVILLEMETTE PAR GVILLAUME
LE FORT MARGVERITE LEROY, EPOUSE DE GVILLAUME
PICQVENOT, ÉCHEVIN DE CETTE VILLE.

Cette cloche était en 1865 dans la paroisse d'Ammeville, canton de Saint-Pierre-sur-Dives.

L'une des cloches du campanile en bois qui s'élevait au-dessus de l'église des Mathurins sert de timbre à l'horloge de l'hôtel de ville de Lisieux. Elle fut fondue par Jean II Aubert en 1733.

La petite cloche de l'Hospice porte autour d'un médaillon

† IAY ÉTÉ DONNÉE CEANS
PAR
M. DV MESNIL FLAMBAR CHANOINE
1712
JEAN AVBERT MA FAITE

*
* *

Les Aubert ne travaillaient pas seulement pour leur ville natale.

En 1624, Jehan Aubert retournait à Argentan fondre deux petites cloches ; l'année suivante il y refondait la grosse cloche de l'église St-Germain.

Il y avait aussi dans sa famille de zélés propagandistes qui s'ingéniaient à lui procurer du travail.

Voici l'obligation que prenait devant le tabellion de la Neuve-Lyre « discrette personne Messire Aubert,prestre chapellain de la paroisse St-Germain de Lisieux » le 21 décembre 1631.

« Vers le trésor et fabrique de Sainct Gilles de la Neuve Lyre, stipulée par Noble Seigneur Messire Jean Le Pellerin, chevalier Sr de Gauville  et vug des trésoriers de lad parroisse et du consentement de Messire Jean Le Loutre ptre, curé de lad parroisse et de bien et deuement faire et fondre deux cloches assçavoir la grosse et une autre petite etc.... en lui baillant le métail avec stipulation expresse que, au cas qu'il ne les fasse sonnantes et accordantes avec les deux autres, il se submet de les refaire et refondre à ses frais. »

« Prix, 45 livres, payables 1 mois après la livraison. »

Trois timbres de l'horloge de la Vieille-Lyre portent aussi la signature de notre compatriote.

En 1686, Jehan Aubert est appelé à Rouen pour y fondre des cloches pour la Cathédrale et pour Saint-Ouen.

La tour Nord Saint-Romain de Notre-Dame possédait une octave d'une grande puissance ainsi que l'indique la tonique qui a seule échappée à la Révolution.

Elle a un diamètre de 6 pieds 4 pouces 6 lignes et pèse 12.000 livres.

C'est le plus gros bronze fondu par les Aubert. Autour du cerveau on lisait :

1. - GUILL. CARD. DESTOUTEVILLE. - 2. ROMANUS. -
3. MARIA MINOR. - 4. COMPLÉTORIUM EX QUATOR UNA DIVISO
QUONDAM NUNC CONJUNCTO META. LO. ANNO 1686.

Puis au dessous ces paroles du prophète Isaïe :

AUDITE POPULI ATTENDITE LONGI

Et enfin sous la belle croix Renaissance dont la matrice faisait partie du matériel de notre fondeur :

JEAN AUBERT DE LIZIEUX MA FAICTE 1686

On voit par l'inscription que cette cloche avait été faite avec le métal de 4 autres ; c’est pourquoi on l’appelait la Quatrune ou la Réunie. Elle a été refondue en 1849 par M. Bollée, du Mans.
     
Dans la tour de Saint-Ouen de Rouen, une cloche de Jehan Aubert voisine avec le bourdon enlevé à l'abbaye de Jumièges. C'est la cloche fondamentale : elle pèse 8.000 livres, son diamètre est de 5 pieds 6 pouces.

L'inscription est enguirlandée de gracieuses arabesques et de tête d'anges.

IAY ESTÉ BÉNITE PAR DON JEAN LE TELLIER, GRAND PRIEUR
DE L'ABB. YE ET NOMMÉE ST-OVEN PAR HAVT ET PVISSANT
SEIGVR MESSIRE CHARLES-FRANÇOIS DE MONTHOLON, CHVR
PREMIER PRÉSIDENT DV PARLEMENT DE NORMANDIE ET PAR
HAVTE ET PVISSANTE DAME ELISABETH MARIE DE BRETEL,
MARQVISE DE GREMONVILLE, VEVVE DE HAVT ET PVISSANT
SEIGR MESRE ADRIEN DE CANOVILLE CHLR SEIGR DE GROMESNIL
GRAY, CRICQUETOT ET AVTRES LIEVX.
JEAN AVBERT DE LIZIEUX
M'A FAICTE 1701
       
Au dessous, les armes des Bénédictins de St-Maur et l'écusson de France encadrent le mot Pax.

Pour qui connait la puissance et la richesse de l'abbaye de Saint-Ouen, le fait pour le fondeur lexovien d'avoir été appelé à couler la plus belle cloche de l'admirable église, orgueil de la Normandie, démontre bien de quel crédit l'habile artisan jouissait dans les milieux ecclésiastiques et en quel honneur son talent y était tenu.

Le clocher de N.-D. d'Orbec abritait six cloches. On lit sur la plus grosse :

† IAY ÉTÉ FAICTE EN L'HONNEUR
DE LA SAINTE-TRINITÉ
AV MOIS JVIN 1700

Au pied de la croix formée de rinceaux de la Renaissance.

JEAN AVBERT DE LIZIEUX
MA FAICTE

Son diamètre est de 4 pieds 4 pouces: elle pèse 4.000 livres.

L'abbaye de Saint-Pierre-sur-Dives avait six cloches d'une harmonie parfaite.

La première de ces cloches est à présent dans le clocher de Vendoeuvre. Elle pèse 1.000 livres et a 96 centimètres de diamètre.

Elle porte l'inscription :

JEAN AVBERT MA FAICTE 1681
SAINT-PLACIDE.

La cinquième est à Donville, on lit sur ses flancs en regard d'une effigie de Sainte-Catherine :

L'AN 1681 - SAINTE-CATHERINE
JEHAN AVBERT MA FAICTE

Elle pèse 125 kilogs et mesure 64 centimètres de diamètre. La seconde cloche de Courtonne-la-Meurdrac porte aussi la croix Renaissance au bas de laquelle Jean Aubert mit son chiffre en 1705.

La tierce de Bonneville-la-Louvet du poids de 2.800 livres fut coulée en 1703 par le fondeur lexovien.

Sur celle-là comme sur les autres, partout, les mêmes caractères ; des V pour les U et la signature régulière comme le cachet d'une marque de fabrique où il y aurait une faute d'orthographe :

JEAN AVBERT MA FAITE

Partout le même galbe harmonieux, la même pureté de lignes, semblable sonorité profonde.

Mais combien de chefs-d'œuvre des Aubert ont disparu livrés à la Révolution, combien de bronzes merveilleux transformés en gros sous et en mauvais canons ! Néanmoins par ce qu'il nous en reste, nous pouvons juger du talent de ces bons artisans de chez nous, dont un peu de l'âme vibre encore dans l'euphonie des cloches de Pâques, balancées en hosannahs d'allégresse au dessus des campagnes normandes.

V[ictor] L[e] F[ort]


Image agrandie (362 ko) L'ancienne église St-Germain de Lisieux. - Cette tour renfermait avant la Révolution un magnifique carillon de 10 cloches dont la plupart avaient été fondues par Jehan Aubert.
Image agrandie (495 ko)Une Cloche de Jehan Aubert. - Celle-ci se trouve dans le clocher de l'église Saint-Jacques, c'est la plus grosse actuellement, mais elle n'était que la seconde des 11 que cette église possédait. Elle pèse 3.500 livres. ..Les oeuvres du fondeur lexovien se distinguaient par la pureté de leur galbe et leur remarquable sonorité.

(1). Dr Billon. - Sonneries françaises et étrangères.
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