HERVIEU, Paul (1857-1915) : L'Esquimau.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (26.IV.2002)
Texte relu par : A. Guézou
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Texte établi sur un exemplaire (coll. part.) des Oeuvres de Paul Hervieu publiées par Alphonse Lemerre à Paris en 1894 (notre exemplaire : 1 des 15 sur sur papier de Chine avec le portrait front. en double état).
 
L'Esquimau
par
Paul Hervieu

A Jean Psichari.

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CHAPITRE PREMIER

I

AU DELA du cercle polaire arctique et du 70e degré de latitude, non loin de l'Alaska, sur la mer Glaciale, se trouve le village d'Irgonok.

L'hiver, c'est un groupe d'une quinzaine d'iglous ou maisons de glace en forme de grosses cloches, où l'on pénètre, en se mettant à plat ventre, par une étroite ouverture pratiquée au ras du sol.

Pendant dix mois de l'année, une couche de neige, épaisse au moins d'un mètre, couvre toute la région. Dès les premiers jours de novembre et jusqu'à la fin d'avril, un sombre crépuscule s'abat sur les blancheurs éblouissantes de la surface terrestre, et les éteint.

Parmi ces mornes espaces, les ours et les loups rôdent silencieusement, sous des aiguilles de glace plantées dans l'atmosphère par la force du froid.

Au mois de mai, le soleil réapparaît pâle et enveloppé de brumes. Puis il arrive de l'horizon, en excitant son incandescence dans sa marche rapide.

En juillet, un été court éclate. Il brise la mer de glace et renverse les icebergs, avec des fracas grandioses. Une flore vivace perce la neige et la colore. C'est un épanouissement des roses saxifrages sur le violet des anémones et la tête d'or des renoncules. Bientôt le dégel forme d'immenses marais autour des saules nains dont verdissent les rameaux pendants. L'argile brune se couvre de marguerites des prés.

C'est le moment attendu par les habitants d'Irgonok pour planter, sur les éminences du sol ou bien autour des rochers moussus, leurs appareils de petits pieux taillés dans les arbres rabougris de la côte, et sur lesquels ils font reposer les tentes en peaux de bêtes.

Enfin les vents de septembre reviennent sécher le territoire de leur âpre souffle et préparent la place aux grandes neiges.

II

Il y a quelques années, le prudent Seenteetnar venait d'être élu ordonnateur des chasses et des pêches, juge et médecin d'Irgonok. Il gardait le dépôt des têtes de bois sacrées et pouvait donner aux crânes de loups les vertus protectrices.

C'était un homme dans la vigueur de l'âge, trapu et redouté, que l'une des deux factions de la tribu reconnaissait pour chef.

Car les soixante-douze habitants d'Irgonok ne s'étaient divisés qu'en deux factions.

Les partisans de Seenteetnar s'intitulaient avec orgueil Netchewuks, c'est-à-dire «Phoques au nez en vessie».

L'autre parti avait accepté la qualification de Netchuk (Phoque commun) dont il avait été gratifié.

La dissension remontait à une époque éloignée et avait déjà engendré plusieurs luttes à poings fermés. Elle reposait sur un motif assez futile en apparence, un principe de droit coutumier.

Les Netchuks voulaient que tout morse capturé appartînt à celui qui s'était donné la peine de le harponner, souvent au péril de sa vie. Les Netchewuks, au contraire, prétendaient en attribuer la propriété à celui que favorisaient les hasards de la trouvaille.

Les Netchuks se recrutaient parmi ceux qui, n'ayant pas de provisions en réserve, se trouvaient dans la nécessité de se livrer à des chasses perpétuelles, bien qu'elles ne dussent pas souvent leur profiter.

Dès qu'un Netchuk avait réuni un certain amoncellement de subsistances, il se faisait admettre parmi les Netchewuks et se contentait de guetter désormais, au bord de la plage, le gibier rabattu que ses anciens alliés étaient réduits à traquer au large.

Cette haine politique était surexcitée par un souvenir vivace.

Une fois, lors des grandes pêches d'été, un vaste Kaïak de bois et de côtes de baleine avait gagné la haute mer, sous le commandement d'Okzenekjenwook, inspirateur des Netchuks. Un deuxième kaïak, dirigé par le prudent Seenteetnar, attendait les résultats de la battue, en longeant le rivage.

Le premier équipage, ayant harponné un morse gigantesque, ne tarda pas à être attaqué à son tour par une troupe de ces braves animaux, ardents à secourir leur compagnon, qui réussirent à fracasser la barque sous l'effort de leurs mâchoires.

L'équipage de Seenteetnar se garda d'intervenir et contempla le désastre avec une impassibilité satisfaite.

C'est ainsi que de petits faits révèlent les génies variés des espèces.

Okzenekjenwook fut noyé avec tous les siens. Il laissait une femme déjà vieille, Ahlangyah, et un fils, le beau Toogoolor.

III

Au moment où commence ce récit, par une obscure matinée de mars, le prudent Seenteetnar sortait de son iglou, lorsqu'en se relevant il aperçut la sorcière.

Vêtue d'une robe flottante en peau de renard, les cheveux épars ainsi que ceux d'un homme, elle jetait des sorts avec ses bras décharnés et nus sur la demeure du chef et sur ses attelages couchés dans la neige.

« Ahlangyah, que veux-tu ?» demanda Seenteetnar d'une voix rauque.

Sans répondre, la sorcière murmurait une incantation. Elle se mit à psalmodier des paroles qui n'avaient pas de mesure :

« La barque a creusé un large trou dans la mer ; et les Netchuks y sont descendus ;

Ils rament ensemble sous les eaux et tournent avec vitesse ;

Ils n'ont pas peur des squales et jamais ils ne se fatiguent,

Parce qu'ils sont morts.

Ils dérangent les saumons bleus et les cowesilliks, et ceux-ci remontent à la surface où les Netchewuks les capturent ;

Mais ils tournent toujours en ramant plus vite, sans avoir besoin de nourriture,

Parce qu'ils sont morts.

Ils créent les tourbillons en enroulant les eaux de la mer ;

C'est pour faire sombrer leurs ennemis, les fils de ceux-ci et les fils des fils ; ils n'ont pas de pitié,

Parce qu'ils sont morts.

- J'ordonne que tu te taises, sorcière ! » s'écria Seenteetnar en la menaçant avec un crochet aigu.

Ahlangyah fixa sur lui ses yeux rouges, et elle éclata d'un rire lugubre qui fit aboyer les chiens. Puis elle s'enfuit brusquement, en appelant avec frayeur : « Toogoolor !... Toogoolor !... »

Le prudent Seenteetnar, qui attribuait un mauvais présage à toutes les rencontres, rentra chez lui.

IV

En ce temps-là, le beau Toogoolor devait avoir vingt ans. Il n'aurait pu dire lui-même son âge d'une manière exacte, d'abord parce que les Irgonokois n'ont pas d'état civil, ensuite parce qu'ils ne savent pas compter au delà de dix, n'ayant imaginé d'autres chiffres que les doigts de leurs mains.

Toogoolor n'était pas un chasseur émérite ni un artisan renommé.

Il apportait bien une réelle conscience à tendre des pièges aux jeunes rennes et aux loutres marines ; mais, en cas de déconvenue, loin de se lamenter comme ses concitoyens et de formuler des imprécations contre les ruses de ses adversaires, il s'en émerveillait.

C'est que, par une notion intime et confuse, il était sensible aux manifestations de l'intelligence.

Il s'était efforcé, sans succès du reste, d'améliorer la structure des embarcations.

Il inspirait, en outre, des sarcasmes à ses ennemis pour s'être construit une demeure sur le modèle des iglous des ours, qui lui semblaient plus habilement conçus que ceux des Esquimaux.

Toogoolor s'entendait surtout à rouler des idées dans sa tête ronde, et à les exprimer en faisant des gestes. Il était le seul de sa tribu qui eût des rêves, la nuit.

On pense bien qu'avec cette façon de se comporter, il n'assurait guère ses moyens d'existence ; mais il recevait quelques secours des Netchuks qui, depuis la mort de son père Okzenekjenwook, reposaient toutes leurs espérances sur son avenir.

Aux appels désespérés de sa mère, Toogoolor s'était avancé dans la direction indiquée par la voix, à travers la brume.

« Qu'est-il arrivé, femme ? demanda-t-il.

- C'est une chose grave, répondit Ahlangyah essoufflée ; Seenteetnar a voulu me frapper.

- Bon ! murmura Toogoolor ; je l'enfumerai dans sa retraite, ainsi que son épouse, avec un feu de graisse et de bois vert.

- Bien parlé, Netchuk ! » exclama la vieille en montrant ses dents jaunes.

Le beau Toogoolor, après avoir réfléchi, continua :

« J'attendrai, pour suffoquer cette famille, le moment où la petite Ilignik sera sortie. »

La sorcière ne répliqua point. Elle soupçonnait la passion de son fils et n'osait ouvertement la combattre.

Toogoolor et Ilignik s'étaient connus dès leur enfance, et, sans prendre souci de la rivalité de leurs castes, ils avaient continué à se voir en cachette. Ils en étaient venus à concevoir l'un pour l'autre de tendres sentiments.

Quand la température montrait quelque clémence, les jeunes gens se retrouvaient à des rendez-vous discrets et lointains, derrière les vastes icebergs ou sur la pente des glaciers.

C'était pour s'y conter des choses naïves et peu variées.

De peur d'être saisis par le froid, ils s'étaient accoutumés à danser en cadence, sur un rythme qu'ils chantaient. Les mains posées mutuellement sur les épaules, ils se balançaient en sautant de temps à autre, avec de gracieuses pirouettes.

De la sorte, leur amour avait grandi.

V

En rentrant à plat ventre dans son iglou, le prudent Seenteetnar proférait des menaces.

Son épouse préparait, pour le prochain repas, un foie de veau marin accommodé avec des feuilles de saule fermentées. Dans une sorte d'alcôve, assise sur la litière de poils et de varech, la petite Ilignik, avec une aiguille d'ivoire, exécutait un travail de couture, à la lueur de deux lampes d'huile de baleine. Trois enfants nus bataillaient autour d'elle.

« Il faudra, s'écria Seenteetnar, que je fasse respirer de la fumée à cette sorcière ! »

Et le chef raconta dans quelle attitude il venait de surprendre Ahlangyah. Il reprit :

« Qui donc me débarrassera de Toogoolor et de sa mère ? »

Ilignik se leva en frissonnant.

« Père, dit-elle doucement, je suis votre esclave soumise. Je ne songe pas à défendre les crimes de la vieille Ahlangyah et vous pouvez la traiter d'une façon sévère. Mais si mes supplications ne vous sont pas indifférentes, vous épargnerez en toute circonstance le beau Toogoolor que j'ai choisi pour mon époux. »

Le prudent Seenteetnar regretta subitement d'avoir fait connaître ses pensées ; car il voyait bien que sa fille parlait avec résolution. Il fit un effort pour sourire et, sans répondre, regarda fixement Ilignik.

Celle-ci levait, avec angoisse, ses jolis yeux noirs relevés à la chinoise. Son teint cuivré brillait d'une animation extraordinaire, sous sa chevelure de jais nouée en touffe épaisse. Elle portait des bottes mignonnes de cuir de phoque, des bas en fourrure de renne et une petite culotte en peau d'ours. De sa chemise en peau de renard bleu, serrée à la taille par une lanière, tombait une queue souple et battant les talons.

Ilignik, ayant mis la main sur son coeur, s'enfonça dans l'ombre de la couche commune et fondit en larmes.

CHAPITRE DEUXIÈME

I

AUX premiers jours d'avril, plusieurs Européens passèrent en traîneaux à Irgonok. Leur navire hivernait à une grande distance dans l'ouest.

C'étaient des savants taciturnes et résolus qui, depuis plusieurs années, cherchaient une piste. Ils avaient reçu du gouvernement anglais la mission de secourir une expédition précédemment organisée par le gouvernement russe pour découvrir un détroit qui n'existait pas.

Par cet événement insolite, le village fut mis en émoi.

Les voyageurs, qui avaient le désir de recueillir des renseignements et de se procurer des pièces de conviction, se mirent en mesure d'exciter des convoitises. Ils déballèrent des vêtements de laine, des montres avec leurs chaînes à deux sous, des paquets de tabac, quelques fioles d'eau-de-vie.

Autour d'eux, les Esquimaux, sans distinction d'âge, de sexe ni de conviction, se bousculaient pour obtenir une part des libéralités. Ils apportaient, de leur côté, des boutons de manchette, des morceaux de toile fine, des sextants et des couteaux de poche qu'ils avaient acquis par industrie personnelle ou par héritage. C'étaient des objets dérobés dans les cairns où sont ensevelis tant d'explorateurs des régions arctiques.

Aussi les transactions eurent-elles un marché très animé.

Seul, le beau Toogoolor n'eut rien à proposer en échange, parce qu'il n'avait jamais violé de sépulture.

Il s'approcha néanmoins du groupe formé par les étrangers et les regarda avec avidité.

Ceux-ci, lui voyant les mains vides, crurent qu'il venait mendier et ne lui accordèrent aucune considération.

Après un repos de quelques heures, les Anglais repartirent au galop enragé de leurs chiens.

II

Pendant une semaine, la petite Ilignik ne reparut point. Toogoolor, l'âme en proie aux plus sombres inquiétudes, parcourut les lieux divers où ils s'étaient jusque-là rencontrés, mais partout ses recherches furent infructueuses.

Il songea bien à pénétrer hardiment dans la demeure de son amante ; mais la réflexion lui fit abandonner le projet d'une tentative qui aurait pu exposer cette dernière au courroux paternel. Il n'osa davantage interroger aucun de ses concitoyens, à cause de leur malveillance instinctive pour toutes les questions de sentiment.

Enfin le huitième jour, sans forces et désespéré, Toogoolor se coucha dans son iglou, avec l'intention de ne plus se relever.

La sorcière Ahlangyah, inspirée par la tendresse maternelle, lui tenait des propos consolants. Elle assurait à Toogoolor qu'Ilignik le méprisait, et que cette fille, rusée comme les loups, lui préférait le robuste Adelekok ou Narleyow qui possédait au delà de dix rennes.

A plusieurs reprises, Toogoolor avait soulevé ses paupières et jeté sur la vieille des regards terribles. Celle-ci avait reculé son escabeau en ricanant, comme c'était son habitude lorsqu'elle avait peur.

Ahlangyah, s'étant dirigée vers un garde-manger en cuir, y prit une petite fiole plate qui contenait de l'eau-de-vie et une assiette de bois couverte de sang gelé. Avec un ton de prière, elle murmura :

« Soutiens, mon enfant, les forces de ton corps ; bois la liqueur des étrangers. Elle donne le courage et chasse les tourments ; elle est plus chaude que l'haleine des jeunes filles et sèche bien les larmes. »

Au moment où la sorcière achevait cette phrase, un léger grattement fit tourner la tête du Netchuk vers l'orifice de l'iglou.

Sous la tenture en peau de phoque soulevée avec précaution, la petit Ilignik apparut. Toogoolor se redressa d'un bond et, saisissant à deux bras la jeune fille confuse, couvrit de baiser son visage sans trouver une parole.

Tout à coup il se rappela que sa mère était présente et, se retournant vers cette dernière, il lui dit d'une voix dure :

« Va-t'en ! »

Comme elle ne bougeait point, il fit un pas vers elle. Alors la vieille Ahlangyah s'enfuit au dehors, en poussant des éclats de rire épouvantés.

Le beau Toogoolor revint vers Ilignik et, l'ayant assise à ses côtés, se mit à lui adresser des reproches sur sa disparition.

La jeune fille s'excusa dans un court récit :

« Les étrangers venus récemment avaient eu la fantaisie de lui acheter ses guêtres. Certes, pour rejoindre son bien-aimé, elle n'aurait pas craint, jambes nues, de parcourir la neige. Mais sa mère l'avait empêchée de sortir avant qu'elle se fût confectionné des chaussures nouvelles. Le temps est long pour préparer une peau, et les fils en nerf de renne sont faciles à rompre. »

Toogoolor avait écouté en hochant la tête, et sa sérénité était revenue.

« Au moins, fit-il, les étrangers t'ont laissé un généreux cadeaux ? »

Ilignik sourit d'un air entendu. Elle fouilla dans la poche de sa culotte, et en tira un jeu de cartes qu'elle étala triomphalement.

Toogoolor eut un cri d'admiration.

Ce n'était pas, du reste, un jeu de cartes grossier comme en livre la régie française.

Au lieu des rois aux visages uniformes, incultes et sans expression ; au lieu des reines blafardes, dépourvues de dignité et couronnées sur l'oreille ; au lieu des valets à la physionomie ahurie et ingrate, c'étaient des monarques solennels, couverts de velours et de broderies, armés de glaives, rasés de frais ou relevant en crocs leurs moustaches bleues ; c'étaient aussi des dames au teint rose, douées de sourires et de regards variés ; des pages aux cheveux d'or, avec des mines intelligentes, ambitieuses et hardies.

Toogoolor, qui se livrait volontiers aux suppositions, émerveilla de son génie la petite Ilignik

Il exprima l'avis que ces images d'êtres surnaturels, à deux têtes, représentaient les dieux que les gens du Sud adorent ; et, emporté par sa poésie native, il leur attribua le pouvoir de vaincre la maladie, d'étouffer les remords, de consoler des trahisons et d'apporter la richesse à ceux qui savent se les rendre favorables.

« Quant à l'infortuné que ces dieux ont en haine, reprit-il avec un geste prophétique, ses amis l'abandonnent, son épouse le frappe, sa demeure s'écroule, ses mains se mettent à trembler et ses yeux se vident... »

Émue par ce tableau sinistre, la petite Ilignik appuya son corps à celui de Toogoolor et pencha sa tête sur la poitrine du jeune homme, dont la voix s'éteignit.

C'était la première fois qu'ils se trouvaient seuls, ensemble, sous un abri sûr et protégé du froid. Envahis par des curiosités instinctives, ils subissaient peu à peu l'attraction des sexes.

Sans échanger de paroles, comme de jolis animaux couverts de poils doux et brillants, ils en vinrent aux caresses licencieuses et aux extrémités de la passion.

CHAPITRE TROISIÈME

I

EN juillet, une expédition américaine parvint un soir à Irgonok. Elle était à la recherche des Anglais venus trois mois auparavant à la découverte des Russes, et dont on était depuis deux années sans nouvelles, à la Société Royale Géographique de Londres.

Cette mission se composait d'un capitaine de baleinier, d'un interprète et de quatre hommes d'équipage.

Parmi ces derniers, se distinguait un individu de moeurs irrégulières et du nom de Franck Outlaw.

Tour à tour pharmacien, directeur de banque, écuyer de cirque, gardien de cimetière, chef de train, somnambule et professeur de maintien, cet homme avait en outre trouvé le temps nécessaire pour faire un séjour d'une durée convenable dans chacune des maisons de force que possèdent les trente-huit États de l'Union.

Un jour de misère noire, à New-York, lassé par les tracasseries de la police, il s'était adressé à une Société de bienfaisance qui s'occupait des malfaiteurs sans place jusqu'à leur arrestation. Par les soins des Dames patronnesses, il avait été installé comme cuisinier à bord d'un navire en partance pour la mer Glaciale ; et c'est ainsi que sa destinée l'avait conduit à Irgonok.

Avec son esprit actif et fertile en inventions, Outlaw ne pouvait être satisfait de pratiquer les accommodements de grossières salaisons, ni de mettre à bouillir des eaux grasses. Aussi avait-il cherché le moyen de faire produire à son voyage des résultats lucratifs.

A peine descendu de son chariot, Franck chargea l'interprète d'aller quérir le premier magistrat de la tribu. Quelques instants après, le prudent Seenteetnar arrivait, et un long conciliabule s'ensuivit entre les trois hommes qui s'appliquèrent mutuellement à se tromper d'une manière indigne. Ils ne se séparèrent qu'après avoir convenu d'un rendez-vous pour le lendemain, chez le chef.

Les voyageurs se logèrent ainsi qu'il leur fut possible chez les habitants ; et Seenteetnar rentra dans sa demeure, pour y dormir d'un sommeil agité.

Dès le matin, les négociations reprirent et l'accord se fit aux conditions suivantes :

Seenteetnar s'engageait à fournir un Esquimau adulte et bien portant à Franck Outlaw qui l'emmènerait à sa suite.

En retour, ce dernier récompenserait le concours du chef par l'abandon de trois boîtes de conserves, d'une pipe en terre, d'une gourde d'eau-de-vie et d'un foulard jaune où se trouvait imprimé le plan de l'exposition de Philadelphie.

L'interprète avait passé sous silence la gourde, qu'il se réservait.

II

Le prudent Seenteetnar était en proie à une vive perplexité. La pensée lui était bien venue de tirer parti de la circonstance pour se défaire du beau Toogoolor, à d'aussi avantageuses conditions. Mais les usages ne lui permettaient pas d'user de violence envers son rival.

Chez les Esquimaux, le droit à la patrie est sacré.

Ces hommes simples ignorent les pratiques de l'ostracisme et du bannissement ; jamais un des leurs n'a été condamné à la transportation dans les pays civilisés.

C'est pourquoi Seenteetnar, après une méditation profonde, résolut de recourir à la ruse et d'exploiter la passion amoureuse du Netchuk.

Assisté de ses deux complices, il alla le trouver impudemment.

Très surpris par la visite de son ennemi, Toogoolor entra d'abord dans une colère violente lorsque celui-ci lui en eut expliqué le motif.

Mais le prudent Seenteetnar le calma doucement au moyen de flatteries discrètes et par des allusions au rôle prochain que la destinée politique réservait au jeune homme.

Il lui vanta, malgré son ignorance et avec l'aplomb qui résulte de l'âge, la science mystérieuse des étrangers ; et il ajouta :

« Tu apprendras à leur contact des recettes inconnues, et tu reviendras dans Irgonok avec la puissance et la renommée. »

Toogoolor restait silencieux et grave.

Seenteetnar, encouragé, fit un effort suprême ; il dit :

« Je connais ton amour pour Ilignik ; mais la naissance et des raisons de famille vous séparent à jamais. Pourtant, si tu accomplissais le devoir que je viens de te tracer, j'attendrais ton retour pour la marier et je consentirais à ce qu'elle te choisît pour époux. »

A cette perspective radieuse et lointaine, le petit Esquimau ne put retenir un soupir. Il appuya la paume de ses mains sur ses joues colorées et se laissa choir en gémissant.

Alors Franck Outlaw se prit à l'exhorter avec l'énergie qu'il avait apportée à toutes les entreprises de sa vie. Comme jadis lorsqu'il lançait des affaires véreuses dans le Connecticut, il exposa un boniment superbe et si chaleureux que ses paroles traduites gardaient encore, dans la bouche de l'interprète, une réelle éloquence et une force de persuasion.

Peut-être fit-il pénétrer en cette âme obscurcie par les nuits du pôle, mais avide connaître et généreuse, une notion vague de l'existence des grandes villes, de la lumière électrique, du système représentatif, des institutions de crédit et de la vaccine.

On n'aurait pu le savoir.

Toujours est-il que les bourreaux penchés sur leur victime en obtinrent un murmure de soumission.

Pour gage solennel de cette promesse confuse, le prudent Seenteetnar se fit remettre le sac d'amulettes avec les trois pierres plates que Toogoolor portait au cou.

Quand il eut été laissé seul, le Netchuk éclata en sanglots pressés et sonores ; et, dans des bégaiements, il criait :

« O ma petite Ilignik !... »

III

Le moment du départ arriva bientôt.

C'était un matin, dans le temps du soleil et des fleurs. La maison de glace de Toogoolor achevait de fondre, et bientôt il ne devait plus rester rien de cet asile de tant d'amour.

Lorsque Franck Outlaw vint remettre à Seenteetnar le prix de ses services, il trouva le chef paisible en compagnie d'Ilignik, dont le visage était inondé de larmes. Toogoolor, qui avait revêtu son plus somptueux costume, la soutenait, prêt à défaillir lui-même.

Franck, dont le génie commercial était toujours en éveil, demanda immédiatement, par gestes, à Seenteetnar de lui céder sa fille ; et il lui offrit, en échange, la lorgnette de son capitaine que ce brave officier lui avait confiée.

Les yeux du patriarche brillèrent de convoitise à cette proposition magnifique ; mais il réfléchit que cette nouvelle combinaison réunirait les deux amants, et, l'aveuglement des passions netchewukes l'emportant sur les conseils de la raison, il fit un signe de refus.

Les adieux de Toogoolor et d'Ilignik s'effectuèrent dans une douleur tragique ; mais cependant chacun d'eux gardait au coeur des souvenirs inaltérables et la flamme de l'espérance.

Les attelages de rennes furent dirigés vers la côte, dont ils allaient continuer à parcourir les sinuosités.

Une vieille femme, échevelée, les suivait en riant à perdre haleine.

Sa poursuite extravagante dura pendant dix heures ; puis, exténuée, elle s'arrêta devant un gouffre béant, au milieu des anfractuosités de la glace.

Elle appela par trois fois : « Okzenekjenwook !... » et, après s'être penchée pour entendre une réponse, elle entra satisfaite dans l'éternelle nuit de la mer.

CHAPITRE QUATRIÈME

I

LE Jardin d'Acclimatation est un parc élégant, situé dans le bois de Boulogne, pourvu d'arbres bien taillés, de cours d'eau et de groupes en plâtre.

Sa désignation lui vient sans doute de ce que les Parisiens y mènent leurs petits enfants pour les acclimater au bruit terrible des concerts en plein vent et aux bousculades de la foule, pendant les grandes chaleurs de l'été.

Dans cet établissement, on apprend à la jeunesse l'art de monter le chameau, l'éléphant et l'autruche, comme si cela pouvait servir dans la suite.

Grâce à des efforts constants, on y réussit assez bien l'élevage des espèces répandues dans nos régions : les cerfs, les chiens, les moutons, les paons, les canards, etc.

Par-ci par-là, dans le Jardin, on voit encore ruminer un bison qui a la vie dure, un vieux kanguroo sauter, ou un maigre lama cracher.

L'idée d'exhiber à l'état captif, dans un léger treillage de laiton, le plus indépendant et le plus singulier des mammifères, c'est-à-dire l'homme, devait nécessairement venir à une administration soucieuse de réaliser tous les progrès et d'accroître sa prospérité.

Évidemment, le Comité Zoologique pouvait se contenter d'offrir à la curiosité publique des spécimens d'Auvergnats ou de Tourangeaux qui auraient eu, pour le moins, autant de titres à figurer au Jardin d'Acclimatation que les chèvres de leurs plateaux ou les gallinacés de leurs plaines.

Si le goût du jour était à des variétés plus rares de l'espèce humaine, il suffirait de promettre aux exposants les deux repas par jour pour faire accourir sur leurs poignets les culs-de-jatte de la cour des Miracles, pour attirer les Landais sur leurs échasses, les crétins du Valais et les albinos d'Afrique.

Mais nous vivons à une époque de science pratique et de civilisation raffinée qui comporte d'autres exigences. Cela fut parfaitement reconnu en conseil ; et, après des recherches actives, on aboutit à un de ces résultats qui déconcertent la critique.

Certain barnum américain venait d'acquérir un Esquimau tout harnaché, au prix de mille dollars. La Société française se fit céder, pour un an, le droit d'exhibition, avec faculté de reproduire le sujet par le dessin ou la photographie.

Au printemps de 18**, une nuée d'affiches jaunes, rouges et blanches venaient s'abattre sur les murs de Paris et de la banlieue.

Elles portaient, au-dessous d'une face d'homme bestiale, avec des cheveux de noyé, ces simples renseignements :

ESQUIMAU
JARDIN D'ACCLIMATATION

Bientôt la quatrième page des journaux, l'intérieur des omnibus, les kiosques des boulevards et les tables des cafés recevaient la même vignette, composée avec un art exquis pour inspirer le dégoût, l'horreur et la curiosité.

II

C'est le dernier dimanche du mois de juin que Toogoolor fit son apparition en public.

On l'avait installé dans le plus beau parc, et il avait la jouissance d'une cabane aussi grande que celle du tapir.

La lourde chaleur du soleil le faisait cruellement souffrir, car il avait dû conserver ses fourrures polaires. Le public, toujours en méfiance, n'aurait pas admis qu'on pût être à la fois Esquimau et vêtu de coutil.

Toogoolor se disposait à s'étendre à l'ombre, sur quelques touffes d'herbes, lorsqu'un gardien l'invita, par signes, à marcher autour de son enceinte près de la haie profonde des spectateurs.

Le début de Toogoolor faisait recette. La multiplicité des réclames avait causé, chez les Parisiens, une préoccupation banale ; et même quelques discussions scientifiques avaient été suscitées de la sorte, entre des gens graves qui échangèrent des mots vifs.

Aussi, une marmaille joyeuse, bruyante et pomponnée se faufilait au premier rang, en écrasant sans retenue les pieds des grandes personnes.

Il y avait là des ménages pauvres et des familles riches, des pensionnats de jeunes Anglaises, des militaires avec leurs gants de coton blanc, des élèves de Sainte-Barbe, des frères de la Doctrine chrétienne, des paralytiques traînés en voitures, etc.

Ce monde tenait des propos variés, imprévus, naturels ou stupéfiants. Les uns soutenaient que les Esquimaux étaient anthropophages et qu'ils se jetaient sur les voyageurs, comme les ours blancs ; d'autres cherchaient des ressemblances entre Toogoolor et les gens qu'ils connaissaient.

On prétendait aussi qu'il ne se laissait approcher que par celui qui lui apportait sa nourriture.

Un de ces farceurs, qui abusent les foules, désignait un marin venu là par hasard, en disant : « Voilà celui qui l'a pris. »

Par-dessus le treillage, un bébé joufflu jetait des morceaux de mie arrachés à son énorme pain de seigle, et ses parents riaient en s'attendrissant.

Enfin un gamin des faubourgs, au moment où le regard morne de Toogoolor croisa le sien, lui cria : Ça t'épate, mon vieux ! »

Oui, cela l'épatait, effroyablement.

Ainsi, c'était pour exercer cette profession dégradée par la concurrence d'animaux inférieurs, qu'il avait quitté sa patrie et tout ce qu'il aimait !

C'était pour la distraction de ces spectateurs indifférents et impitoyables qu'il s'était confié loyalement à des étrangers sans crédit reconnu dans Irgonok ; qu'avec un héroïsme obscur et digne qu'on le méditât, il avait affronté le mystère des locomotives monstrueuses et du steamer qui disparaît sur les océans mobiles !

Les péripéties de cette triste journée suggérèrent au jeune homme des réflexions qui anéantirent presque en son coeur, déjà épuisé par les angoisses de la solitude morale, les rêves d'amour heureux, de grandeur civique et de retour triomphant.

Heureusement, il se coucha, le soir, avec une insolation dont la fièvre divertit un peu ses noires idées.

CHAPITRE CINQUIÈME

I

PENDANT trois mois entiers, Toogoolor intéressa de nombreux visiteurs. Il marchait tout le jour, sans même qu'on le lui enjoignît, avec le pas leste et brusque des fauves qui sont tombés dans un piège. En revanche, il prenait peu d'aliments et dépérissait.

Sa raison s'était considérablement affaiblie ; mais on ne pouvait le soupçonner, car personne n'était en état de tenir une conversation avec lui.

Toogoolor avait pourtant un ami, son voisin le phoque.

Quant tout le personnel du Jardin d'Acclimatation le croyait endormi, l'Esquimau sortait par la fenêtre de sa cabane, et, escaladant le treillage, il allait trouver cette bête qui était comme lui un Netchuk, un phoque commun, le dernier partisan qui lui restât !

Couchés tous deux à plat ventre sur un tertre de gazon à côté du bassin, ils s'entendaient.

Toogoolor sifflait tout bas à son camarade les airs du pays natal, et contait ses malheurs dans un style sobre. Il demandait conseil.

Le phoque écoutait sans impatience, les pattes croisées, en regardant au clair de lune son interlocuteur avec de gros yeux attentifs et doux.

De la sorte, les nuits s'écoulaient rapidement. Une fois même, Toogoolor fut surpris par une ronde matinale. C'est qu'il avait voulu terminer au phoque le récit des canailleries de Seenteetnar et lui confier les tendresses Ilignik.

Il fut, du reste, réintégré dans son enceinte sans avoir à souffrir de brutalités. Les gardiens étaient bienveillants pour ce pensionnaire dépourvu de tout vice, qui ne donnait pas de coups de tête ni de ruades, et ne mordait personne.

Pour fournir un excellent prétexte à la réclame, Toogoolor fut conduit un soir à l'Opéra. Deux cornacs le firent grimper aux troisièmes galeries et s'assirent à ses côtés. On jouait le Prophète.

L'Esquimau n'avait manifesté aucune admiration en présence du grand escalier et de l'éclairage a giorno de la salle. Car ces étages lui paraissaient aussi pénibles que d'autres à gravir, et la lueur du gaz fatiguait douloureusement ses yeux sauvages.

Mais, dès le commencement du spectacle, ses oreilles et ses yeux se tendirent, et il aspira fortement la musique par ses narines dilatées.

Soit qu'il trouvât un sens aux gestes pathétiques des acteurs, soit qu'il interprétât les sons émis par eux avec des voix chaudes et pénétrantes, Toogoolor comprit que les amours de deux jeunes gens étaient contrariées par le chef d'une tribu. Il se passionna pour leur cause et, faisant un retour sur lui-même, il en vint à pleurer.

Peu à peu, devant ses prunelles obscurcies par les larmes, un mirage s'étendit. Au lieu des héroïnes inconnues Bertha et Fidès, il crut apercevoir distinctement la petite Ilignik et la vieille Ahlangyah.

Au décor des patineurs, ce tableau d'un paysage neigeux et glacé grandit encore l'hallucination de Toogoolor. Il se leva, en tendant les bras et en balbutiant avec force des paroles émues dans sa langue bizarre.

Ce fut un scandale, et des protestations forcenées s'élevèrent de toutes parts.

En effet, parmi tant de traditions qui vont se perdant, le peuple a encore le culte du silence au théâtre autant que dans la chambre des morts.

Toogoolor, violemment tiré par ses deux compagnons, les regarda l'un après l'autre avec stupeur et, revenu à la réalité, se rassit paisiblement.

II

Les chagrins, la fatigue, le changement de climat et les nuits passées dehors auprès du phoque avaient donné au Netchuk le germe de la phtisie pulmonaire.

Cette grave maladie fit, en automne, des progrès rapides. Cependant Toogoolor, par une notion instinctive du devoir professionnel, ne voulut pas suspendre son service.

On put le voir encore, pendant le mois d'octobre, marcher sans trêve dans son enceinte, sur les feuilles jaunies des arbres dénudés.

Les visiteurs se faisaient plus rares de jour en jour, et les enfants sages tourmentaient leurs mamans pour des distractions nouvelles.

Toogoolor voyait bien que son modeste rôle touchait à sa fin, et il pensait l'avoir tenu honorablement. Selon l'habitude des poitrinaires, il s'abusait sur sa position et renaissait à l'espérance.

Il bâtissait des plans de retour et ne s'inquiétait pas des obstacles. Parfois il reconquérait tant de confiance en l'avenir, qu'il s'abandonnait à un rire silencieux, entrecoupé par une toux sèche.

Il préparait les explications qu'il aurait à fournir là-bas sur l'emploi de son temps d'absence ; et, avec une rouerie naïve, il composait des récits mensongers où il accomplissait de grandes choses.

L'image de la petite Ilignik était toujours présente à son esprit.

Il avait arrêté la liste des cadeaux de noce qu'il lui rapporterait.

C'était de la vaisselle, un bahut, deux chaises de paille, l'éléphant et de la pommade.

Il emmènerait aussi le phoque pour ne point laisser de regret derrière lui.

Un matin, ses forces défaillantes ne lui permirent plus de se lever. Toogoolor accepta cette épreuve comme un temps de repos nécessaire, avant son grand voyage.

L'agonie sereine dura quelques jours. A mesure qu'approchait la mort, le jeune homme se fiait davantage à sa destinée.

A l'infirmier qui, sans comprendre, hochait la tête en signe d'approbation, il dépeignait son entrée dans Irgonok en fête. Il entendait des musiques éclatantes au son desquelles dansaient des patineurs netchuks, dans l'illumination d'une aurore boréale.

Enfin, à la tombée de la nuit, il expira en murmurant le nom de sa bien-aimée.

Le lendemain, on enferma soigneusement le beau Toogoolor dans un linceul de grosse toile et on l'ensevelit à proximité d'un lieu consacré.

En le déshabillant, on avait trouvé sur son coeur, dans une petite poche de la tunique, des marguerites desséchées dont les queues avaient été faufilées adroitement le long d'une carte à jouer. On se perdit en conjectures sur l'origine de ce fétiche, et la presse en parla.

Quelque temps plus tard, le barnum américain écrivit à la Société d'Acclimatation pour régler la succession, et demander qu'on lui expédiât son Esquimau dès qu'il serait empaillé.


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