Histoires de Lexoviens au XIXème par la classe de 4ème 4 du collège Marcel Gambier de Lisieux.- Programme de Travaux croisés de l'année scolaire 2000-2001 sous la direction de Véronique Lehuédé, documentaliste, Angéla Bogros, professeur d'histoire et Danièle Reberga, professeur de français.
 
La blonde de Caen
par
Agathe Legout, Anaïs Orvain,
Pauline Le Tallec et Marie-Charlotte Bonnois
 
I

Laura Hamel, une jeune fille de vingt-deux ans, vivait encore avec sa mère Marie-Lou, rue des Deux Sœurs, dans une petite maison en briques rouges. Celle-ci avait perdu ses deux premiers enfants à leur naissance, et son mari était mort quelque temps après de la tuberculose. Marie-Lou n'avait que Laura et chaque matin, elle gardait sa part de fromage pour la donner à sa fille. Avant de partir à l'usine, elle la glissait dans la veste de Laura avec un morceau de pain noir pour améliorer son repas de midi. Marie-Lou travaillait comme ménagère dans la maison de monsieur Fournet.

Laura était sociable et toujours serviable avec les personnes de son entourage qui l'appréciaient beaucoup. Ses cheveux, longs et châtains, regroupés en chignon, étaient recouverts d'un vieux fichu noir qui encadrait son visage pâle et fin. Ses yeux bleu azur exprimaient sa gaîté. Laura était de taille moyenne et assez mince. Elle s'habillait souvent d'une robe de froc marron et d'un corsage blanc pour égayer sa tenue sans fantaisie. Tous les jours, elle se levait à quatre heures pour se rendre à son lieu de travail, l'usine Merry Samson où elle filait du coton. Son atelier sombre n'était éclairé que par quelques lampes à huile et une petite fenêtre qui donnait sur un terrain vague. Ce matin-là, Laura traversait sa rue habituelle avec certaines difficultés à cause de la pluie torrentielle de la nuit précédente.

Arrivée un peu en retard à l'usine, elle rejoignit rapidement les autres fileuses et commença son rude travail. Toutes les femmes paraissaient endormies. Seul le bruit des machines venait troubler le silence qui régnait dans l'atelier.

Soudain Laura alertée par une odeur âcre leva les yeux et tout à coup une explosion retentit et un feu énorme se déclara. Tous les employés s'affolèrent et coururent dans tous les sens. Le feu semblait avancer à grands pas. Laura instinctivement chercha une sortie lorsqu'elle vit au fond de l'atelier une vieille femme qui suffoquait à cause de la fumée de plus en plus épaisse. Laura voulut la rejoindre mais tout à coup elle trébucha et tomba. Au moment où elle voulut se relever, une poutrelle métallique s'effondra sur sa jambe droite. Elle essaya de se dégager mais n'y parvint pas. Elle commençait à étouffer à cause de la fumée qui épaississait. Prise de panique, elle prit un bout de bois qui se trouvait à côté d'elle et tapa sur une barre de fer pour signaler sa présence. Une jeune femme munie d'un chiffon mouillé accourut vers elle. Cette femme appela rapidement de l'aide et d'autres personnes les rejoignirent. Tous ensemble ils soulevèrent la poutrelle qui retenait Laura, puis deux personnes la portèrent en dehors de l'usine et l'emmenèrent à l'hospice pour soigner ses blessures.

II

Une semaine plus tard, Laura sortit de l'hospice. Les médecins avaient tout fait pour sauver sa jambe mais elle avait dû en être amputée et une partie de son visage avait été brûlé dans l'incendie. En rentrant chez elle, sa mère fut très heureuse de la revoir mais Laura lui adressa juste un sourire. Marie-Lou ne sut quoi dire en la voyant si désemparée...Elle avait tellement maigri et paraissait si faible ! Sa mère voulut l'aider à rejoindre sa chambre mais Laura refusa son aide et avança péniblement avec sa béquille.

Le matin, sa mère lui apportait son petit déjeuner, avant de partir travailler mais une fois Marie-Lou partie, Laura jetait son repas dans le fossé sur lequel donnait la fenêtre de sa chambre. Un jour, sa mère lui rapporta du fil de soie que son patron lui avait donné pour qu'elle puisse occuper ses journées à faire de la dentelle. Cela l'éloigna quelque peu de son malheur. Elle passait la plupart de son temps à croiser et recroiser les fils de ses fuseaux. Cependant, elle s'isolait de plus en plus et refusait toujours de revoir ses anciennes amies.

Un jour de printemps, quand Marie-Lou revint, Laura découvrit avec émerveillement, dans les bras de sa mère, un joli petit chiot. Un large sourire illumina son visage. Elle tendit aussitôt les bras vers le petit chien qui se blottit contre elle, et remercia sa mère en l'embrassant tendrement comme elle ne l' avait plus fait depuis longtemps.

Immédiatement, elle lui chercha un nom et l'appela Pinceau à cause de sa queue noire.

De jour en jour, grâce à son chien qui la rendait heureuse, elle reprenait goût à la vie : elle cuisinait, faisait de plus en plus de dentelle et revoyait certaines de ses amies.

Pinceau était un petit chien vif qui avait l'habitude de venir dans la chambre de sa maîtresse, tous les matins. Il grimpait sur son lit et lui léchait les oreilles ce qui la réveillait. Il l'accompagnait dans toutes ses activités.

III

Un matin, Laura fut surprise de ne pas voir Pinceau près d'elle. Elle descendit péniblement de son lit et s'aperçut que la porte d'entrée était entrouverte. Elle s'affola et appela son chien, en vain. Elle s'habilla le plus vite qu'elle put et alla frapper à la porte de ses voisins mais ils ne l'avaient pas vu. Quand sa mère rentra de son travail, elle lui raconta sa triste histoire. Pendant toute la soirée, elles cherchèrent Pinceau, sans succès. Laura ne dormit pas de la nuit et ne cessa de penser à son chien. Deux jours passèrent et elle se désespérait. Le vendredi suivant, elle lurent une annonce dans le journal : " chien blanc à queue noire trouvé à Lisieux jeudi. Se manifester sous 24 heures sinon chien tué. Pour le récupérer payer 40 sous. " Aussitôt Marie Lou courut jusqu'à la fourrière. Le gardien lui expliqua qu'il lui fallait les quarante sous avant demain dix-huit heures. Marie Lou revint vite chez elle et ensemble elles cherchèrent un moyen de trouver cet argent. Elles frappèrent chez les voisins pour leur demander les trente sous qui leur manquaient en échange de quelques services, mais eux-mêmes ne savaient pas s'ils auraient assez d'argent pour manger jusqu'à la fin de la semaine. Vers deux heures du matin, Laura se réveilla brusquement, elle avait trouvé la solution : elle vendrait ses dentelles. Elle se leva et finit ses dentelles. Marie Lou, réveillée par le bruit, fut surprise de voir sa fille travailler en pleine nuit et avec autant d'ardeur. Dès qu'elle eut fini un long ruban de dentelle écrue, elle se prépara pour aller au marché car le jour se levait déjà et elle partit le plus vite possible. Elle traversa la route qui menait à la grande place et s'installa pour vendre ses dentelles. Les habitués du marché ne semblaient guère intéressés par le produit de son travail. Les heures défilaient et elle n'avait toujours rien vendu. A la fin de la matinée, une jeune couturière qui s'appelait Henriette Clotu, s'arrêta devant son travail et s'exclama : " Oh ! de la magnifique blonde de Caen ! Quelle chance ! J'en ai besoin pour la robe de mariée de Jeanne Longeon." Elle lui acheta aussitôt tout son lot pour cinquante sous. Folle de joie, Laura alla prévenir sa mère le plus vite possible et ensemble, elles allèrent chercher le chien. Les retrouvailles furent merveilleuses. Laura sentit une grande joie l'envahir et elle comprit qu'elle pouvait encore être heureuse. Dès lors, elle décida de continuer à confectionner de la dentelle pour aider financièrement sa mère et en faire son métier.


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