TRISTAN L'HERMITE, François dit (1601-1655) : Stances et autres oeuvres du sieur Tristan. - Paris : à la Sirène, [s.d.]. - 42 p. ; 16 cm. - (Les Muses oubliées ; 4).
Saisie du texte : Aurélie Duval pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (15.III.1999, v2. : 17.VI.2000)
Texte relu par : A. Guézou
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Stances et autres oeuvres
du sieur Tristan

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MISERE DE L'HOMME DU MONDE
SONNET

Venir à la clarté sans force & sans adresse,
Et n'ayant fait long temps que dormir & manger,
Souffrir mille rigueurs d'un secours estranger
Pour quitter l'ignorance en quittant la foiblesse :

Apres, servir long temps une ingratte Maistresse,
Qu'on ne peut acquerir, qu'on ne peut obliger ;
Ou qui d'un naturel inconstant & leger,
Donne fort peu de joye & beaucoup de tristesse.

Cabaler dans la Cour ; puis devenu grison,
Se retirant du bruit, attendre en sa maison
Ce qu'ont nos derniers ans de maux inevitables.

C'est l'heureux sort de l'homme. O miserable sort!
Tous ces atachemens sont-ils considerables,
Pour aimer tant la vie, & craindre tant la mort?

 

LA BELLE ESCLAVE MORE
SONNET

Beau Monstre de Nature, il est vray, ton visage
Est noir au dernier point, mais beau parfaitement :
Et l'Ebene poly qui te sert d'ornement
Sur le plus blanc yvoire emporte l'avantage.

O merveille divine, inconnüe à nostre âge!
Qu'un objet tenebreux luise si clairement ;
Et qu'un charbon esteint, brusle plus vivement
Que ceux qui de la flame entretiennent l'usage!

Entre ces noires mains je mets ma liberté ;
Moy qui fus invincible à toute autre Beauté,
Une More m'embrase, une Esclave me dompte.

Mais cache toy Soleil, toy qui viens de ces lieux
D'où cet Astre est venu, qui porte pour ta honte
La nuit sur son visage, & le jour dans ses yeux.

 

INQUIETUDES APPAISEES
SONNET

Meurs, timide penser, ennemy de ma joye,
Qui portes dans mon sein la tristesse & la mort :
Mes jours furent filez d'une si belle soye
Que je n'ay point à craindre aucun funeste sort.

Desloge de mon coeur, ce n'est pas une proye
Où tu doives porter ton insolent effort :
Amour en deux beaux yeux d'un regard me foudroye
Si je croy de mes sens le perfide rapport.

Ce n'est pas que je pense avoir tout le merite
Qui pourroit retenir l'esprit de Roselite :
J'aurois trop d'insolence & trop de vanité.

Mais c'est sur sa vertu que mon espoir se fonde :
Car je sçay que la foy d'une Divinité
Dépasse en fermeté les fondemens du monde.

 

LE PROMENOIR DES DEUX AMANS
ODE

Auprès de cette Grote sombre
Où l'on respire un air si doux,
L'onde lutte auec les cailloux,
Et la lumiere avecque l'ombre.

Ces flots lassez de l'exercisse
Qu'ils ont fait dessus ce gravier,
Se reposent dans ce Vivier
Où mourut autre-fois Narcisse.

C'est un des miroirs où le Faune
Vient voir si son teint cramoisi
Depuis que l'Amour l'a saisi,
Ne seroit point devenu jaune.

L'ombre de ceste fleur vermeille,
Et celle de ces joncs pendans
Paroissent estre là dedans
Les songes de l'eau qui sommeille.

Les plus aymables influances
Qui rajeunissent l'univers
Ont relevé ces tapis vers
De fleurs de toutes les nuances.

Dans ce Bois, ny dans ces montagnes
Jamais Chasseur ne vint encor :
Si quelqu'un y sonne du Cor,
C'est Diane avec ses compagnes.

Ce vieux chesne a des marques saintes ;
Sans doute qui le couperoit,
Le sang chaud en decouleroit
Et l'arbre pousseroit des plaintes.

Ce Rossignol melancholicque
Du souvenir de son malheur,
Tasche de charmer sa douleur
Mettant son Histoire en musique.

Il reprend sa note premiere
Pour chanter d'un art sans pareil
Sous ce rameau que le Soleil
A doré d'un trait de lumiere.

Sur ce fresne deux Tourterelles
S'entretienent de leurs tourmens,
Et font les doux apointemens
De leurs amoureuses querelles.

Un jour Venus avec Anchise
Parmy ses forts s'aloit perdant
Et deux Amours en l'atendant,
Disputoient pour une Cerise.

Dans toutes ces routes divines
Les Nymphes dancent aux chansons,
Et donnent la grace aux buissons
De porter des fleurs sans espines.

lamais les vents ny le Tonnerre
N'ont troublé la paix de ces lieux ;
Et la complaisance des Cieux
Y sou-rit tousjours à la Terre.

Croy mon conseil, chere Climeine,
Pour laisser arriver le soir,
Je te prie, alons nous assoir
Sur le bord de cette fonteine.

N'oy tu pas soupirer Zephire
De merveille et d'amour attaint,
Voyant des roses sur ton teint
Qui ne sont pas de son Empire ?

Sa bouche d'odeurs toute pleine
A souflé sur nostre chemin,
Meslant un esprit de lasmin
A l'Ambre de ta douce haleine.
Panche la teste sur cette Onde
Dont le christal paroist si noir ;
Je t'y veux faire apercevoir
L'objet le plus charmant du monde.

Tu ne dois pas estre estonnée
Si vivant sous tes douces lois,
J'apelle ces beaux yeux mes Rois,
Mes Astres & ma Destinée.

Bien que ta froideur soit extresme,
Si dessous l'habit d'un garçon
Tu te voyois de la façon,
Tu mourrois d'amour pour toy mesme.

Voy mille Amours qui se vont prendre
Dans les filets de tes cheveux ;
Et d'autres qui cachent leurs feux
Dessous une si belle cendre.

Cette troupe jeune et folastre
Si tu pensois la despiter,
S'iroit soudain precipiter
Du haut de ces deux monts d'albastre.

Je tremble en voyant ton visage
Floter avecque mes desirs,
Tant i'ay de peur que mes soupirs
Ne luy facent faire naufrage.

De crainte de cette avanture,
Ne commets pas si librement
A cet infidele Element
Tous les tresors de la Nature.

Veux tu par un doux privilège
Me mettre au dessus des humains?
Fay moy boire au creux de tes mains
Si l'eau n'en dissoust point la neige.

Ah! je n'en puis plus, je me pasme,
Mon ame est preste à s'envoler ;
Tu viens de me faire avaler
La moitié moins d'eau que de flame.

Ta bouche d'un baiser humide
Pourroit amortir ce grand feu :
De crainte de pecher un peu
N'acheve pas un homicide.

J'aurois plus de bonne fortune
Caresse d'un jeune Soleil
Que celuy qui dans le sommeil
Receut des faveurs de la Lune.
Climeine, ce baiser m'enyvre,
Cet autre me rend tout transi.
Si je ne meurs de cetui-cy,
Je ne suis pas digne de vivre.

 

LA NEGLIGENCE AVANTAGEUSE
SONNET

Je surpris l'autre jour la Nymphe que i'adore
Ayant sur une jupe un peignoir seulement ;
En la voyant ainsi, l'on eust dit proprement
Qu'il sortoit de son lit une nouuelle Aurore.

Ses yeux que le sommeil abandonnoit encore,
Ses cheveux autour d'elle errans confusement
Ne lierent mon coeur que plus estroitement,
Ne firent qu'augmanter le feu qui me devore.

Amour, si mon Soleil brusle dés le matin,
Je ne puis esperer en mon cruel destin
De voir diminuer l'ardeur qui me tourmente.

Dieux! quelle est la Beauté qui cause ma langueur?
Plus elle est negligée & plus elle est charmante,
Plus son poil est espars, plus il presse mon coeur.

 

LA BELLE EN DEUIL
SONNET

Que vous avez d'apas, belle Nuit animée!
Que vous nous apportez de merveille et d'amour.
Jl faut bien confesser que vous estes formée
Pour donner de l'envye et de la honte au jour.

La flame esclate moins à travers la fumée
Que ne font vos beaux yeux sous un si sombre atour,
Et de tous les mortels, en ce sacré sejour,
Comme un celeste objet vous estes reclamée.

Mais ce n'est point ainsi que ces Divinitez
Qui n'ont plus ny de voeux, ny de solemnitez
Et dont l'Autel glacé ne reçoit point de presse.

Car vous voyant si belle, on pense à vostre abord
Que par quelque gageure où Venus s'interesse,
L'Amour s'est desguisé sous l'habit de la Mort.

 

LES LOUANGES DU VERT
STANCES

Je veux eslever jusqu'aux cieux
Un objet qui plaist aux beaux yeux
Que les miens treuvent adorables :
Et monstrer avecque raison
Qu'entre les couleurs agreables,
Le vert est sans comparaison.

Lorsque le Monde fut produit,
La premiere fois que la nuit
Quita sa place à la lumiere ;
Entre mille rares beautez,
Le vert fut la couleur premiere
Dont les yeux furent enchantez.

Le vert est l'ame des desirs
Et l'Avantcoureur des plaisirs
Que le doux Printemps nous aporte :
Lors que l'univers est en dueil,
Lors que la terre paroist morte,
Le vert la tire du cercueil.

C'est le simbole de l'espoir,
Dont la puissance nous fait voir
Le beau temps au fort de l'orage :
Et par qui nous sommes flatez
Quand nous portons nostre courage
A veincre des difficultez.

Amour y treuve tant d'attraits
Qu'il en esmaille tous les traits
Dont il blesse les belles Ames :
Et croit que sans cette couleur
La violence de ses flames
N'auroit ny plaisir, ny douleur.

La belle Iris se faisant voir
Du costé qu'il vient à pleuvoir
Durant les saisons les plus chaudes,
Doit son plus aimable ornement
Au vert esclat des Esmeraudes
Qui brillent en son vestement.

Le vert par ses rares vertus
Releve les coeurs abatus
Et resjouist les yeux malades :
Oubliant mille apas divers,
La plus charmante des Nayades
Se vante d'avoir les yeux verts.

La Rose, la Reine des fleurs,
Sur qui l'Aurore espand des pleurs
De jalousie & de colere,
En naissant sur son arbrisseau
N'auroit pas la grace de plaire
Si le vert n'estoit son berceau.

Au jugement des bons espris
Le vert emportera le pris
Sur les couleurs les plus nouvelles.
Ce qu'est la Rose entre les fleurs,
Ce qu'est Madame entre les Belles,
Le vert l'est entre les couleurs.

 

LA PALINODIE

Je croyois que vous eussiez
Mille vertus heroïques,
Je croyois que vous feussiez
De ces esprits angeliques,
A la fin l'emotion
De la moindre passion
Montre le fonds de vostre ame
Ou je voy distinctement
Que vous n'estes qu'une femme,
Mais femme, parfaitement.

 

LE RAVISSEMENT D'EUROPE
SONNET

Europe s'apuyant d'une main sur la croupe
Et se tenant de l'autre aux cornes du Taureau,
Regardoit le rivage & reclamoit sa troupe,
Qui s'affligeoit de voir cet accident nouveau.

Tandis, l'amoureux Dieu qui brusloit dedans l'eau,
Fend son jaspe liquide & de ses pieds le coupe
Aussi legerement que peut faire un vaisseau
Qui le vent favorable a droitement en poupe.

Mais Neptune envieux de ce ravissement,
Disoit par moquerie à ce lascif Amant
Dont l'impudique ardeur n'a ja mais eu de bornes :

Inconstant, qu'un sujet ne sçauroit arester,
Puisque malgré Junon tu veux avoir des cornes,
Que ne s'en resoust elle à t'en faire porter ?

 

JALOUSIE
SONNET

Telle qu'estoit Diane, alors qu'imprudemment
L'infortuné Chasseur la voyoit toute nue ;
Telle dedans un Bain Clorinde s'est tenue,
N'ayant le corps vestu que d'un moite Element.

Quelque Dieu dans ces eaux caché secretement
A veu tous les apas dont la Belle est pourveue :
Mais s'il n'en avoit eu seulement que la veue,
Je serois moins jaloux de son contentement.

Le traistre, l'insolent, n'estant qu'une eau versée,
L'a baisée en tous lieux, l'a tousjours embrassée ;
J'enrage de colere à m'en ressouvenir.

Cependant cet Objet dont je suis Idolastre
Après tous ces excez n'a fait pour le punir
Que donner à son Onde une couleur d'albastre.

 

LES MEDECINS TEMERAIRES
SONNET

Voyant dessouz un Ciel ma Clorinde en langueur,
Mille Amours desolez pleurent de son martire,
S'entredisans tout bas, que la mesme rigueur
Qui change ses beautez, destruira leur Empire.

Aprochez, Medecins, & vueillez un peu dire
Si cette esmotion doit tirer en longueur :
Si vous estes sçavans vous le pourrez bien lire
Selon le batement & du poulx & du Coeur.

Mais quoy? vous abusez de vostre privilege ;
C'est trop vous arrester dessus ces monts de neige,
De qui le feu secret brusle tous les humains.

ll vous est bien permis d'approcher de sa couche,
Mais non pas de tenir plus d'un instant vos mains
En des lieux ou des Rois voudroient mettre la bouche.

 

LA GOUVERNANTE IMPORTUNE
STANCES

Vieux Singe au visage froncé
De qui tous les Pages se rient,
Et dont le seul nom prononcé
Fait taire les enfants qui crient.
Vieux simulachre de la Mort,
Qui nous importunes si fort
Par le chagrin de ta vieillesse ;
A parler sans déguisement,
Le temps avec trop de paresse
Te traîne vers le monument.

Il n'est point de chesnes plus vieux,
Ny de Corneilles plus antiques ;
Tu peux avoir vû de tes yeux
Tout ce qu'on lit dans nos Croniques :
Tes membres saisis d'un frisson
Tremblent de la mesme façon
Que font les feuilles en Autonne :
Tu ne fais plus rien que cracher,
Et toute la terre s'estonne
De te voir encore marcher.

Mais on ne vit plus si long-temps :
Ton corps devenu pourriture,
A payé depuis cinquante ans
Ce qu'il devoit à la Nature ;
Qui t'a fait sortir du Tombeau?
Caron t'avoit en son basteau
Mise au dela du fleuve sombre :
Et rompant ton dernier sommeil
Lors que tu n'es plus rien qu'une ombre
Tu viens esclairer mon Soleil.

Rentre dans ton dernier repos,
Squelette couvert de poussiere,
Que par de magiques propos
On a fait sortir de la biere.
Ou si pour faire des Sabats
Tu dois demeurer icy bas,
Par un ordre des Destinées :
Va te retirer dans les trous
De ces maisons abandonnées,
Où ne hantent que les hibous.

Pourquoy viens-tu dans cette Cour,
Pour y choquer la complaisance ?
Tousjours les Graces & l'Amour
Y languissent en ta presence :
Les ris, les jeux, & les plaisirs
Que le sujet de mes desirs
Fait par tout éclore à sa veuë,
Fuyant tes importunitez
Prennent l'essor à ta venuë
Ainsi qu'oiseaux espouventez.

C'est toy qui murmure tousjours
Quand je parle avec Angelique,
Accusant d'innocens discours
De quelque mauvaise pratique.

C'est toy qui d'un coeur obstiné
Fais la ronde autour de Daphné,
Rendant son accez difficile,
Et qui ne sçaurois endurer
Que Mirtil ait pour Amarille
La liberté de souspirer.

Deuant toy l'on ne peut parler
Auec pretexte legitime :
Dire bon jour c'est cajoler,
Et tourner l'oeil c'est faire un crime.
Ton humeur pleine de soupçons
Fait de ridicules leçons
A des coeurs exempts de malice,
Et tes deffences bien souvent
Leur enseignent des artifices
Qu'ils ignoroient auparavant.

La Vertu froide et sans couleur
En ternit sa grace immortelle,
Et souspire avecque douleur
Voyant qu'elle est souz ta tutelle :
Elle a descrié ton suport,
Ne pouvant souffrir sans effort
Les soins dont ton esprit s'acquite :
Car ton sens débile & leger
Se rend oppresseur du merite,
Qu il s'ingere de proteger.

Avec d'importunes clartez
Tu veilles de trop belles choses,
Qui te void parmy ces Beautez
Void un serpent parmy des roses,
Mais tu fais beaucoup plus de mal
Que ce dangereux animal,
Si l'on en croit la Renommée ;
Car tu piques en trahizon
D'une sagette envenimée
Qui n'a point de contrepoison.

Quand tu m'as blessé jusqu'au coeur
Par tes inhumaines censures,
Tu soustrais avecque rigueur
Les apareils de mes blessures :
Angelique cherche par fois
Dans le ton charmant de sa voix
Quelque douceur qui me console :
Mais tu l'appercois promptement
Et viens retrancher sa parole
Dés le premier mot seulement.

Desormais aplique toy mieux,
Prenant garde à ce qui te touche ;
Fay tarir la glus de tes yeux,
Et non pas le miel de sa bouche ;
N'espan plus la mauvaise odeur
D'une criminelle laideur
Parmy des beautez innocentes :
Au lieu de tant de traits laschez
Qui blessent des vertus naissantes
Repren toy de tes vieux pechez.

 

LE SOUPIR AMBIGU
MADRIGAL

Soupir, subtil esprit de flame
Qui sors du beau sein de Madame,
Que fait son coeur aprens-le moy?
Me conserve-t'il bien la foy?
Ne serois tu pas l'interprete
D'une autre passion secrete?
O Cieux! qui d'un si rare effort
Mistes tant de vertus en elle,
Destournez un si mauvais sort :
Qu'elle ne soit point infidelle,
Et faites plustost que la Belle
Vienne à soupirer de ma mort,
Que non pas d'une amour nouvelle.

 

L'EGALITE DE CHARMES

Deux Merveilles de l'Univers
Tiennent en leurs mains ma fortune,
Et leurs appas sont bien divers :
Car l'une est blonde, & l'autre brune.
Cependant leurs jeunes beautez
Regnent dessus mes volontez
Auec une egalle puissance,
Et dans leur glorieux destin
Je ne voy que la difference
D'un beau soir & d'un beau matin.

 

EPITAPHE D'UN PETIT CHIEN

Cy gist un chien qui par Nature
Sçavoit discerner sagement
Durant la Nuict la plus obscure
Le Voleur d'avecque l'Amant.
Sa discrette fidelité
Fit qu'auec beaucoup de tendresse
A sa mort il fut regretté
Par son Maistre, & par sa Maistresse.

 

LE PORTIER INEXORABLE
SONNET

Si l'amour du bon vin qui ton visage enflame
Adoucist quelquefois ton courage irrité,
Suisse, rabats un peu de ta severité,
Et permets ce matin que i'aille voir Madame.

Deux flacons d'un muscat qui touche jusqu'à l'ame
Seront le prix certain de ta civilité ;
Mais il ferme la porte auec brutalité,
En vain je le conjure, en vain je le reclame.

Si ce lieu m'est tousjours de si fascheux accez,
Je ne puis esperer aucun heureux succez,
Et que rien me console en ma peine cruelle.

Dieux! pour eterniser la rigueur de mes fers
Mettrez vous point Cerbere à garder cette Belle ;
Il suffit de ce Suisse à garder les Enfers!


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