PALLUY, Maurice (17..-18..) .- Une visite à Charenton (1832).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (10.VII.2008)
Texte relu par : A. Guézou
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Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : nc) de  Paris ou le livre des cent-et-un. Tome cinquième.- A Paris : Chez Ladvocat, libraire de S.A.R. le Duc d'Orléans, MDCCCXXXII.- 399 p. ; 22 cm.
 
Une visite à Charenton
par
Maurice Palluy

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Sur les bords de la Marne, à égale distance des jolis villages de Saint-Maur et de Saint-Mandé, au milieu de vastes jardins bornés au nord par le parc de Vincennes et qui dominent les plaines fertiles de Maisons et d’Ivry, s’élève une masse de bâtiments irrégulièrement groupés, dont l’aspect rappelle le souvenir de ces grands édifices élevés autrefois à la religion par le génie de la solitude. Une longue avenue plantée d’arbres dont les branches convergent en arceaux, et que suit le courant d’un des bras de la Marne, y conduit le promeneur qui s’égare de ces côtés. Veut-il en explorer les entours ? un pont léger lui ouvre l’accès d’une île formée par la rivière, et dont les contours gracieux offrent les perspectives les plus pittoresques. Un épais gazon, des bosquets de bouleaux et de peupliers en décorent les longues sinuosités. Quel est donc ce séjour riant ? c’est le Bedlam de la France ; c’est ce qu’on appelle la Maison royale de Charenton ; c’est l’asile de la plus déplorable des infirmités humaines. C’est là que, sous l’influence de tous les genres de délire que peut enfanter l’altération des facultés intellectuelles, parlent, agissent, se meuvent, d’une manière plus ou moins désordonnée, près de cinq cents malheureux des deux sexes devenus étrangers aux sentiments de la nature, aux douces affections de l’âme, aux bienséances sociales ; isolés de leurs proches, de leurs amis, de leurs intérêts les plus chers ; qu’une guérison incertaine peut rendre à la société, mais que l’inefficacité des moyens de l’art peut condamner à une séquestration sans fin.

Gens du monde, qui, au milieu des soucis des affaires, des préoccupations de la politique, de l’enivrement des plaisirs, donnez quelquefois une pensée au malheur de vos semblables ; qui vous êtes dit par hasard qu’il existe dans le monde des êtres privés du plus noble attribut de l’humanité : de la raison ; réduits à l’état d’automates, si ce n’est pis encore ; vous avez cherché peut-être à vous faire une idée de l’aspect que devait présenter la maison de Charenton ; et comme la folie ne se peint ordinairement à l’imagination qu’accompagnée de tous les symptômes de la violence ou de l’abrutissement, vous vous êtes représenté les malheureux aliénés, gémissant dans des cachots, traînant des chaînes peut-être, et maudissant l’existence, ou bien encore abandonnés à la brutalité d’un instinct perverti. Rassurez-vous : rien ne ressemble moins à ce tableau que l’intérieur de la maison de Charenton. Vous entrez, et dès les premiers pas que vous faites dans son enceinte, vous êtes frappé de l’ordre, de la tranquillité, des soins de propreté qui président à tous les services ; rien ne blesse vos regards, n’affecte d’une manière pénible votre sensibilité ; aucun bruit étrange, aucun mouvement insolite ne vous avertit de la maladie des habitants de ce séjour ; ce sont, à la vérité, des prisonniers, mais leur prison est si douce ! Là, point de ces gardiens à mine rébarbative, à la parole saccadée, au geste brusque, à l’oeil terne. Tous les gens de service, à commencer par le concierge, sont polis, complaisants, empressés à se rendre agréables. A peine avez-vous franchi la cour, que vous avez déjà fait connaissance avec une partie des pensionnaires ; car, chemin faisant, vous en avez rencontré au moins une douzaine circulant dans les corridors d’un pas grave et monotone. Ce sont des aliénés tranquilles, qui vont partout, jusque dans l’appartement du directeur ; passant de la chapelle au billard, du billard dans les jardins ; fumant, prisant, lisant le journal comme vous et moi, espèces de privilégiés de la maison ; mais ce privilége n’est point une préférence, ils ne le doivent qu’à leur douceur habituelle, et au sentiment d’humanité qui porte les chefs de l’établissement à accorder aux malheureux aliénés toute la liberté compatible avec leur sûreté personnelle et celle d’autrui. Ceux-ci sont assez généralement taciturnes, sans être pourtant mélancoliques. Quelques-uns toutefois se montrent empressés d’aborder les étrangers. L’un d’eux demandait dernièrement à quelqu’un s’il revenait de Paris, s’il y avait toujours des émeutes, et il a ajouté : Vos Parisiens sont donc fous. Un autre allait demandant partout le journal, pour lire, disait-il, le discours de M. le duc de Fitz-James sur la pairie : en vérité j’ai vu dans le monde des gens qui m’ont paru plus fous que ceux-là. Il y a du vrai dans ce mot de Walter-Scott : Les fous sont ceux qui n’ont qu’un genre de folie. Ce sont ceux-ci qu’on enferme ; les autres vont au spectacle, à la bourse, dans les maisons de jeu ; ils fréquentent les salons, les promenades publiques, et entretiennent des actrices.

Les aliénés moins tranquilles que ceux que je viens de vous dépeindre, et qui exigent conséquemment une plus grande surveillance, ne sont pas absolument enfermés ; ils se promènent dans les jardins, mais seulement à certaines heures du jour, et sous la conduite d’infirmiers qui ne doivent pas les perdre de vue. Quelques-uns, pour lesquels les familles font la dépense d’un domestique particulier, vont même, ainsi accompagnés, faire des promenades au dehors de l’établissement.

La folie offre ici une foule de variétés : l’un se croit roi, empereur ; il se promène gravement, parle de sa puissance, dispose de millions, et vous demande deux sous pour acheter du tabac. Celui-ci est propriétaire de vastes domaines ; la maison lui appartient ; elle ne se soutient que par ses largesses. C’est sur les sens de quelques autres qu’agit la folie : l’un a dans sa chambre un amas de petits cailloux qui sont à ses yeux autant de diamants et de pierres précieuses. Il a déjà payé avec cette monnaie, sous le règne de Louis XV, quinze cents millions de dettes de l’État ; il a des conférences avec le capitaine Cook, et se vante des conseils qu’il a donnés à l’empereur Auguste. Tout s’embellit aux yeux d’un autre, à la faveur du prisme d’une imagination exaltée : la couleur jaunâtre des murs de sa chambre lui paraît une dorure précieuse ; il voit dans une tache de graisse qu’un accident a imprimée sur la muraille d’un corridor, une peinture antique du plus grand prix ; il serre précieusement dans sa poche, sous une demi-douzaine d’enveloppes de papier de soie, un tesson de faïence, qu’il prend pour un lapislazuli ; il a daigné me faire cadeau d’une coquille d’escargot, en me vantant pendant un quart d’heure le fini de cette pierre antique. Celui-ci est en conversation suivie avec la roue d’un moulin voisin dont il traduit les cris aigus en paroles humaines. Pour celui-là, sa montre est un oracle : elle lui parle, lui fait des confidences, l’avertit des complots de ses ennemis ; c’est d’après les conseils malveillants de cet interprète de la vérité qu’il battait sa femme avant qu’on l’amenât à Charenton. Quelques-uns sont poursuivis par des voix qui les menacent, qui les forcent de leur obéir. Ces illusions affectent quelquefois tous les sens : la vue, l’ouïe, le goût, le tact. On se sent frappé ; on ne respire que de mauvaises odeurs ; les aliments donnent au palais une sensation désagréable, inconnue ; les objets revêtent mille formes fantastiques. Il est un pensionnaire de la maison qui voit dans les nuages toute la représentation de la révolution française. Un autre soutiendra qu’on sature ses aliments de substances malfaisantes et désagréables au goût. Celui-là affirme qu’il est toutes les nuits frappé de coups de bâton sur la tête et sur les reins. Un troisième écrit sous la dictée de l’archange saint Michel, et se qualifie quatorzième apôtre. Beaucoup se croient poursuivis par la police, victime de ses complots, ou s’imaginent qu’on en veut à leurs jours. Eh bien ! tous ces aliénés circulent, avec la simple attitude de gens désoeuvrés, passant les uns à côté des autres, sans s’occuper de leurs voisins, préoccupés qu’ils sont de l’idée qui les domine ; les uns taciturnes, les autres gais, quelques-uns polis, obséquieux, chacun voyant la folie des autres et restant aveugle sur la sienne.

La monomanie bien caractérisée est rare chez les aliénés. Il n’y en a, à bien dire, qu’un seul dans la maison de Charenton qui offre, d’une manière bien marquée, les caractères de ce genre de folie ; mais c’est dans l’espèce un type. Parvenez à le distraire du sujet de son délire, vous verrez un homme posé, causant bien, enchaînant à merveille ses idées, tirant de tous les principes des conséquences logiques ; du reste, homme du monde, de bonnes manières, au courant de tout. Eh bien ! cet homme, depuis dix ans, n’a pas pu s’ôter de l’esprit une maudite histoire de vol de fourrages sur laquelle il divague sans relâche. Il a fait à la main plus de deux mille exemplaires de cette histoire ; il l’a envoyée à sa blanchisseuse écrite sur ses caleçons, sur le dos de ses gilets ; il distribue aux dames des éventails sur lesquels il la résume en distiques. Il l’écrira sur vos gants, dans la coiffe de votre chapeau, s’il les trouve à sa portée ; tant il sent le besoin de faire pénétrer ce qu’il appelle la vérité sur cette épouvantable histoire, dans laquelle il se croit victime de la cupidité d’administrateurs et de juges criminels. Convenons-en, voilà des fous qui ne sont pas bien malheureux, et c’est le plus grand nombre : mais il en est que la fatalité de leur maladie a placés sous l’influence d’un plus sombre délire ; je veux parler des mélancoliques, et, parmi ces derniers, de ceux qui sont portés au suicide. C’est un affligeant spectacle que celui qu’offrent des êtres continuellement plongés dans une sorte de stupeur qui les rend insensibles à tout ce qui se passe autour d’eux ; concentrés, n’exécutant que des mouvements en quelque sorte automatiques, ou bien ne prêtant à ceux qui les entourent que des intentions malveillantes, sinistres ; ne recevant leurs soins les plus affectueux qu’avec méfiance et terreur, et leur imputant à crime les oeuvres les plus charitables. Ces aliénés sont les objets d’une surveillance des plus attentives. Ceux chez lesquels la manie du suicide s’est développée sous l’influence des idées religieuses, ou de la fausse conscience de crimes imaginaires, ne doivent pas être perdus de vue un seul instant. Il semble que leur intelligence, sur tout autre point pervertie, se soit concentrée dans la recherche des moyens de se détruire ; tant ils montrent quelquefois d’astuce à tromper la vigilance de leurs gardiens, ou d’imagination à se procurer des instruments de destruction. Faut-il conclure de ce besoin de s’ôter la vie qu’elle leur soit devenue insupportable ? Les personnes qui ont observé les aliénés ne le pensent pas. Dans cette impulsion qui les précipite irrésistiblement vers ce dénoûment tragique, elles ne voient qu’un mouvement instinctif de la même nature que celui qui, dans l’état de raison, nous fait choisir les moyens de nous conserver ; et cette opinion n’est-elle pas confirmée par les raisons que quelquefois accusent les aliénés revenus à eux-mêmes, pour justifier leurs intentions ? C’était, chez une religieuse que j’ai vue à Charenton, sainte et irréprochable fille, la conviction qu’elle était vouée à la damnation ; ainsi la crainte de l’enfer la déterminait à s’y précipiter, car elle avait la conscience que c’était un crime de se donner la mort. Chez d’autres, c’est l’idée de concourir à l’accomplissement d’un ordre de choses qu’ils ont rêvé ; de procurer à quelqu’un envers qui ils se croient obligés, un bien imaginaire. Chez quelques-uns, ce sont des motifs encore plus frivoles. Manquent-ils leur coup, ils n’aspirent qu’à recommencer. Je le crois fermement, la manie du suicide, chez les aliénés, ne prend point sa source dans cette agonie morale qui porte quelquefois à se détruire des hommes en jouissance de la plénitude de leur raison ; elle est le résultat d’un instinct délirant, d’une aberration des sens ; c’est l’effet, quoique moins spontané, de cette impulsion à laquelle obéit un malade dans un accès de fièvre chaude en s’arrachant de son lit pour se précipiter par la fenêtre. Autre remarque : la sensibilité physique diminuant en raison de l’excitation cérébrale, au paroxisme de cette excitation, la douleur peut devenir nulle, se transformer même en une sorte de bien-être, et ne plus opposer à l’instinct qu’un frein inutile. On a vu en effet des aliénés se faire d’horribles mutilations ; se scier la gorge avec des instruments à peine tranchants, avec un morceau de fer-blanc par exemple, et ne donner non-seulement aucun signe de souffrance, mais manifester comme une sensation de plaisir. Les cris, ces cris qui semblent exprimer la terreur, ne sont pas plus un indice de ce sentiment, chez les aliénés qui les profèrent, que les tentatives de suicide ne sont, chez d’autres, une présomption de souffrances morales ou physiques. C’est encore une impulsion toute machinale ; et ce qui porte à le croire, c’est leur retour à-peu-près réglé ; c’est leur incohérence avec l’action ou la parole qui les suit. Si cette théorie est trompeuse, laissez-moi mon erreur ; il m’est doux de croire que, si les aliénés sont privés des douceurs de la vie intellectuelle, ils n’ont pas du moins le sentiment de leur malheur. Ne me détournez pas de l’idée que leurs proches, leurs amis, et ceux qui leur donnent les soins dont ils ont besoin dans leur déplorable infirmité, sont plus à plaindre qu’eux ; car au moins je puis me dire que le sentiment pénible que doivent éprouver ceux-ci est adouci par la réflexion qu’eux aussi pourraient être privés de ce noble attribut de la raison, et qu’ils ont encore des actions de grâce à rendre au ciel de le leur avoir conservé.

La monomanie, la lypémanie (idée fixe triste), la manie, qui ont fait jusqu’ici l’objet de mes observations, ne sont que des caractères distinctifs de la folie, dont la démence est le type. On peut guérir de la monomanie, de la lypémanie, de la manie ; on ne guérit pas de la démence, qui est ordinairement le signe d’une folie invétérée. Dans toutes les autres variétés de l’aliénation mentale, on conserve une portion de discernement ; on raisonne à tort et à travers ; on peut même conserver la faculté d’enchaîner ses idées, tout en partant de bases fausses. Dans l’état de démence, l’incohérence des paroles, des actions, est complète ; les sens sont pervertis comme l’intelligence : on n’a plus que des mouvements instinctifs ; l’homme est réduit à l’état de machine. Il y a encore un état pire, s’il est possible : c’est celui où la folie se complique de paralysie. Cette paralysie des aliénés, qui atteint rarement les femmes, est commune chez les hommes ; elle détermine un affaiblissement général des organes, et amène infailliblement la mort. Les progrès en sont plus ou moins prompts. Il est rare qu’on vive en cet état plus de deux ou trois ans. Laissons ces tristes et affligeantes définitions. Revenons au train de vie des aliénés. On pense bien que, dans un établissement comme la maison de Charenton, le premier établissement de l’Europe dans sa spécialité, tous les malades dont j’ai parlé ne sont pas confondus. Quoique les bâtiments, la plupart fort anciens, ne se prêtent pas, autant qu’on pourrait le désirer, au classement rationnel des malades, on a grand soin, si l’on ne peut y établir autant de divisions qu’il y a de genres de folie, de ne réunir que des analogues. Ainsi les malades tranquilles sont soigneusement séparés des malades agités ; les convalescents, des malades en traitement. Les bâtiments destinés aux hommes sont disposés en dortoirs, en infirmeries et en chambres particulières. Cette disposition est indispensable ; car la plupart des aliénés ne pourraient pas être abandonnés à eux-mêmes dans une chambre, à moins qu’ils n’y fussent surveillés par un domestique particulier dont peu de familles peuvent payer la dépense. Il y en a quelques-uns dans cette catégorie : ce sont en général des personnes riches, titrées même, qui, après cinq ou six mois de traitement, peuvent être rendues à la société, ou des incurables destinés à en rester séparés ; mais que les soins, les égards dont ils sont l’objet, les distractions qu’ils trouvent dans l’établissement ont attachés à ce séjour. Il en est qui, depuis quinze ou vingt ans accoutumés au train de la maison, regarderaient comme un malheur de la quitter.

Les hommes sont beaucoup plus nombreux que les femmes dans la maison de Charenton. Il n’en faut pas conclure que la folie soit moins commune chez les personnes du sexe ; les nombreuses observations recueillies par M. Esquirol, qui a consacré sa vie à l’étude de l’aliénation mentale, qui a visité presque tous les établissements de l’Europe destinés au traitement de cette maladie, accusent au contraire une supériorité dans le nombre des femmes aliénées comparativement à celui des hommes. Ici la proportion inversion s’explique par cette circonstance, que les militaires, les marins et les invalides, officiers et soldats, atteints d’aliénation mentale, sont envoyés par M. le ministre de la guerre et de la marine dans la maison de Charenton, pour y être traités aux frais de leurs départements respectifs. En déduisant ces pensionnaires de la population mâle de l’établissement, on serait, à la vérité, encore au-dessus de la population des femmes ; mais cette différence n’infirme point le résultat des observations de M. Esquirol ; elle provient de ce que les femmes aliénées étant en général moins difficiles à contenir que les hommes, bien des familles peu aisées s’obstinent à leur donner, dans leur propre maison, des soins nécessairement inefficaces. Cette disproportion, qui n’a pas été prévue, fait que les femmes sont mieux logées à Charenton que les hommes ; elles sont aussi plus délicates, plus occupées des détails de la vie, et sous ce rapport un peu de préférence leur est peut-être due. La maison de Charenton en contient environ cent quatre-vingts ; elles occupent des bâtiments entièrement séparés ; elles ont leurs jardins, leurs promenoirs particuliers. L’un de ces bâtiments, construit il y a cinq ans, nous a semblé réaliser tout ce que la philantropie la plus exigeante pourrait attendre des chefs d’un pareil établissement en faveur des infortunées que le sort a réduites à y être enfermées : belle exposition, perspective agréable, architecture riante, décoration simple, mais élégante, propreté minutieuse ; tout concourt à donner à ce bâtiment un aspect propre à rassainir les sens de celles qui l’habitent. Les chambres sont telles qu’on pourrait les désirer dans une maison de campagne dont l’aisance aurait fait les dispositions ; les dortoirs, ne contenant pas au-delà de douze lits, sont vastes et soigneusement cirés ; le poli jaunâtre des meubles de noyer s’harmonise merveilleusement avec la blancheur éblouissante du calicot que garnit les couchers. Les réfectoires, le salon de travail, la salle de bains, les vastes portiques, ne laissent rien à désirer. Les habitudes de propreté, une certaine tranquillité sont les conditions nécessaires pour être admises dans ce bâtiment, où sont ordinairement logées les convalescentes. Une agitation extraordinaire se manifeste-t-elle chez une malade, et fait-elle prévoir un accès, elle est à l’instant retirée de ce quartier, presque toujours à son grand regret ; l’accès passé, elle y revient ; et comme les aliénés peuvent, jusqu’à un certain point, réprimer leurs mouvements, la crainte de quitter ce que ces dames appellent le château, ou le désir d’y revenir, a prévenu ou abrégé plus d’un accès.

Chose remarquable, la population des femmes quoique beaucoup moindre que celle des hommes, offre pourtant beaucoup plus de malades violents, furieux même, qu’il n’y en a parmi ces derniers. Une douzaine de femmes sont dans le cas d’être habituellement contenues, à cause de leurs violences, tandis que, parmi les hommes, on en compte à peine trois ou quatre à l’égard desquels on soit obligé de prendre cette précaution. Il en résulte, en somme, que, sur près de cinq cents malades que renferme l’établissement, il n’y en a pas plus de quinze à seize dont la violence exige des moyens de répression. Ce résultat est le prix des soins, des égards dont ils sont l’objet, de la douceur inaltérable avec laquelle ils sont traités, de la sage liberté qu’on leur accorde : car rien ne serait plus aisé que de faire de tous les pensionnaires de la maison autant de furieux : il ne faudrait pour cela que se départir des principes d’humanité qui président à l’administration de l’établissement. Au reste, les moyens de répression dont j’ai parlé, consistent à les vêtir de ce qu’on appelle la camisole, espèce de blouse en grosse toile, dont les manches plus longues que les bras se croisent par devant et s’attachent par derrière, et, si ce moyen ne suffit pas, à les fixer ainsi vêtus dans un grand fauteuil de malade bien rembourré et pourvu de courroies qui les retiennent par les bras. Nous avons vu ainsi retenues dans des fauteuils, des femmes élégantes qui ont fait le charme des salons ; de jeunes et jolies personnes qu’on a pu admirer, qu’on admirera peut-être encore dans les cercles dont elles ont fait l’ornement ; des mères qui idolâtraient leurs enfants et qu’il a fallu séparer d’eux, pour qu’elles n’en fissent pas les victimes de la manie du meurtre qui s’était emparée d’elles. On suffoquerait de pitié en voyant en cet état des femmes qui ont vécu dans des habitudes d’élégance et de délicatesse, si l’on pouvait les croire condamnées à s’y passer le reste de leurs jours ; mais l’excès de l’agitation, l’acuité du délire n’excluent pas les chances de guérison, bien au contraire ; et ces sortes de malades sont, sauf quelques exceptions, rendues à la société, après un traitement plus ou moins long.

Le chiffre des guérisons a toujours été comparativement très-élevé dans la Maison de Charenton ; mais il a dépassé, en 1830, toutes les proportions constatées jusque-là. D’après les relevés officiels recueillis dans l’établissement, il y est entré, dans le cours de cette année, cent quatre-vingt-six malades, parmi lesquels cent et un reconnus incurables au moment de leur entrée, d’après les renseignements fournis par les familles elles-mêmes et consignés dans les registres de la maison, incurabilité résultante, soit de leur âge, soit de l’ancienneté de leur maladie, soit encore de ce qu’ils offraient les symptômes d’une paralysie plus ou moins avancée ; ce qui réduit à quatre-vingt-cinq le nombre des malades mis en traitement. Soixante sont sortis guéris, c’est-à-dire un peu moins des trois quarts. On n’avait pas encore obtenu des résultats si satisfaisants. Affreuse maladie ! Que l’on en guérisse au moins, que nous le sachions, que nous en soyons bien persuadés, pour ne pas devenir fous à la terrible pensée qu’un saisissement violent, une terreur profonde, un chagrin trop vivement senti, un revers subit de fortune, une commotion sociale, ou seulement une congestion au cerveau, peut nous priver de cette raison dont nous sommes si justement fiers. J’ai oublié l’amour, cette passion fougueuse, dans l’énumération des causes de la folie ! Et pourtant combien de victimes n’a-t-elle pas précipitées dans les maisons de fous ?

Quelle est cette jeune et ravissante fille à la démarche à-la-fois hardie et voluptueuse, dont la belle voix jette aux vents des préludes brillants ; qui croit s’être parée pour le bal en mêlant à ses blonds cheveux une vile paille que les pieds ont foulée, et en ajustant sur ses blanches épaules un chiffon souillé d’ordure ; qui prend des attitudes théâtrales, déclame avec un accent passionné, s’interrompt pour figurer les pas de la danse du châle, puis s’échappe en poussant un cri douloureux qui vous glace ? Il y a peu de temps qu’elle brillait dans le monde, qu’on enviait un de ses regards ; beauté, talents, fortune, tout ce que les hommes estiment, elle pouvait le donner. Elle aima ; elle se crut aimée ; elle fut trahie. Le chagrin n’a pu altérer ses charmes ; il a tué sa raison.

Il y a dans la maison de Charenton deux choses curieuses à observer : le salon où se réunissent le soir les pensionnaires des deux sexes, et la table de l’administration. A cette table, qui est de soixante-dix couverts et qui est présidée par le directeur, sont admis les employés du service administratif, les médecins, les élèves en médecine, quelques dames attachées à l’établissement par leurs fonctions, et environ une quarantaine d’aliénés des deux sexes ; ceux-ci, quand ils sont de première classe, ont le droit d’y venir tous les jours, et deux fois par semaine quand ils sont de la deuxième classe, autant toutefois que leur état mental le permet. L’institution de cette table, est utile en ce que les aliénés convalescents et ceux qui sont tranquilles, y trouvent une diversion aux habitudes un peu monotones de la maison, un ordre qui leur impose l’obligation de s’observer, de se contraindre au besoin, et aussi une communication récréative avec les employés de la maison. L’admission à cette table est considérée par les malades comme une faveur, et le désir de l’obtenir, la crainte d’en être privé, sont pour eux un frein qui les retient dans ceux de leurs mouvements qui ne sont pas par trop impératifs ; car il faut bien reconnaître que dans beaucoup de cas, les aliénés peuvent réprimer jusqu’à un certain point leurs volontés. Le logement au château pour les dames, l’admission à la table du directeur pour tous, sont deux puissants auxiliaires des médecins. Les gens du monde auront peine à concevoir qu’à une table de soixante-dix personnes, au nombre desquelles sont quarante aliénés, il soit possible de s’entendre, qu’un certain ordre puisse y être maintenu. C’est pourtant plus que de l’ordre qui y règne ; c’est du silence, de la décence, de la tenue. Il n’appartient qu’aux gens qu’on appelle raisonnables, de faire à table un bruit étourdissant, de s’y livrer à des disputes à propos d’opinions politiques ou littéraires, et de casser les verres, quand ils se sont échauffés par le vin ou par de vaines querelles.

Quant au salon, c’est encore une faveur d’y être admis, et cette faveur est le prix d’habitudes calmes, d’une certaine soumission aux règles de la maison, d’un certain respect pour les convenances. Il s’ouvre immédiatement après le dîner ; c’est-à-dire à sept heures ; il ferme à neuf heures et demie. Les deux sexes y sont admis sous la surveillance de préposés de l’établissement. Un piano y est à la disposition des pensionnaires, et il est rare qu’il ne se trouve pas parmi eux quelque musicien ou musicienne, qui en parcoure les touches avec plus ou moins de talent, ou qui unisse à ses accords les modulations d’une voix exercée. Tandis qu’une partie de la société est groupée autour de l’instrument, et prête l’oreille à la romance ou à la sonate qui la captive ; une partie de boston ou de whist s’arrange dans un autre coin du salon ; plus loin, deux champions s’attaquent aux échecs ou se défient au trictrac ; des conversations particulières s’engagent d’un autre côté. La politique s’y mêle quelquefois ; il y a à Charenton, comme à la Chambre des Députés, une majorité et une opposition. Dans celle-ci figurent deux ou trois carlistes ; l’un d’eux, pensionnaire de troisième classe, et qui n’a pas le droit de venir à la table de l’administration, présenta le jour de la Saint-Charles une requête au directeur, à l’effet d’y être admis en l’honneur de la fête du roi. Le directeur écrivit en marge de la demande : Accordé pour la Saint-Philippe. Ici un vieux militaire qui a fait toutes les campagnes de la révolution et de l’empire, et qui se croit sans cesse attaqué par une douzaine de soldats anglais, raconte ses exploits, en assaisonnant son récit de mainte apostrophe contre la Grande-Bretagne. Là un ecclésiastique, dans le costume de son ordre qu’on n’a pas pu parvenir à lui faire quitter, récite un sermon sur l’assoupissement de l’âme, et s’interrompt pour régaler ses auditeurs d’épigrammes contre Napoléon, qu’il appelle des chefs-d’oeuvre de sarcasme et d’ironie. Plus loin, un ancien auteur de vaudevilles développe le plan d’une tragédie ; un petit homme à redingote boutonnée jusqu’au menton, le chef couvert d’une petite perruque qui en dessine les contours comme une calotte de prêtre, s’informe des besoins de ceux qui l’entourent ou des malheureux qu’ils pourraient connaître, et il leur distribue gravement des dessins de sa façon, dont il a toujours ample provision, et qu’il croit d’un prix inestimable. Ces dessins qui représentent invariablement une procession de capucins dessinés dans le style des statues de pierre qui décoraient l’architecture du douzième siècle, sont, entre ses mains, une source de richesses inépuisables. Il a la conscience que c’est avec le produit de leur vente que se soutient la maison de Charenton, et il travaille alternativement, avec un zèle que rien ne peut refroidir, pour les besoins de la cuisine, du mobilier, de la pharmacie, etc., etc. Cet homme, avant d’avoir perdu la raison, était un estimable littérateur. Cet autre, qui n’a que quatre pieds et demi de haut, qu’une gibbosité des plus marquées n’empêche pas de se croire un Apollon, et prince du sang par-dessus le marché, se pavane dans l’amour qu’il a conçu pour une belle et auguste princesse. Les employés de la maison reçoivent régulièrement, une ou deux fois par semaine, des lettres de faire part de son prochain mariage avec cette princesse (1). Il adresse au Directeur l’injonction de faire les dispositions nécessaires dans le parloir de la maison, qu’elle a choisi pour sa résidence. Ainsi l’ordonne le prince de Bourbon croix de Saint-Louis, du reste le meilleur prince de toute la chrétienté, affable, poli, obséquieux même, et déposant volontiers sa dignité pour n’être plus qu’un simple citoyen.

L’énumération de tous les genres de délire qui se manifestent dans cette réunion, qui pourtant n’offre qu’une faible fraction de la population de la maison, serait trop longue et finirait par devenir fastidieuse. Qu’il suffise de dire que l’on y retrouve, sous l’influence des idées les plus baroques, des hommes qui ont commandé les armées, dirigé les affaires publiques ou de grandes entreprises commerciales. Quel sujet de réflexion pour le philosophe ! Connaît-on du moins les causes de la folie ? L’art a-t-il des règles certaines pour la guérir ? Existe-t-il des moyens de s’en préserver ? Nous avons déjà dans le cours de cet article, assigné des causes à la folie, des causes occasionnelles s’entend, telles qu’un profond chagrin, un saisissement, une révolution de fortune, etc. Nous ajouterons, que toutes les passions portées à un degré extraordinaire, peuvent, en influant sur les organes, devenir des causes d’aliénation mentale, et que les folies ne sont alors que les passions mêmes dans leurs excès. On pourrait donc jusqu’à un certain point se préserver de la folie, en sachant contenir ses passions dans de justes bornes. On pourrait, par le même principe, se prémunir en partie contre les causes physiques de la maladie, telles que les congestions sanguines, en évitant les écarts de régime de toute nature, qui ne les déterminent que trop souvent. Quant à l’altération même que subit le cerveau des aliénés, elle n’a pas été, que nous sachions, reconnue jusqu’à présent d’une manière positive. Les nombreuses autopsies qui ont été faites depuis vingt-cinq ans, ont pourtant à-peu-près établi que l’inflammation des méninges (enveloppes du cerveau) est, chez les aliénés, le signe le plus caractéristique de cette altération. L’incertitude qui règne encore, qui régnera probablement toujours à ce sujet, ne répond que trop à cette question : l’art a-t-il des moyens certains de guérir la folie ? La science de la médecine est sur ce point comme sur tant d’autres toute conjecturale ; mais ses conjectures prennent une grande force de probabilité quand elle agit d’après cette opinion généralement adoptée, nous le croyons, qu’une altération quelconque du cerveau existe dans l’état d’aliénation mentale, et que les moyens physiques, les révulsifs par exemple, aident bien plus la nature que les moyens moraux dans le traitement de cette maladie. Nous considérons comme un très-puissant auxiliaire de la médecine en pareil cas la séquestration des malades. Dans leur propre maison, au sein de leurs familles, entourés de parents affectueux, de domestiques empressés, leurs volontés deviennent despotiques ; dans la crainte de les irriter, un sentiment de déférence ou d’affection commande à ceux qui les approchent une obéissance mal entendue ; on va même jusqu’à flatter leur manie ; l’exaltation devient alors de plus en plus intense, nourrie qu’elle est souvent par la présence des objets de leur aversion ou de leur sympathie. Faut-il leur administrer des remèdes prescrits ? qui osera violenter leur répugnance à s’y soumettre ? Dans un établissement spécial, au contraire, environné d’étrangers sur lesquels ils ont bientôt reconnu qu’ils ne peuvent exercer leur empire, et qui ne craignent pas de résister à leurs caprices, une crainte salutaire soumet leur volonté qui s’use en efforts superflus. Soumis, ils deviennent tranquilles, surtout en s’apercevant que cette soumission est payée de bons procédés, d’attentions délicates, et la tranquillité est ce qui leur est le plus nécessaire dans cet état.

J’ai tracé une esquisse bien imparfaite, bien superficielle de la maison de Charenton ; mais j’en ai dit assez pour remplir mon but, qui est de donner aux gens du monde une idée juste et positive de ce qu’est cet établissement très-peu connu. Que si l’on y cherche une dissertation scientifique sur la folie, on ne l’y trouvera pas. Je n’ai parlé, je ne pouvais parler qu’en observateur, qu’en philosophe, de cette triste et déplorable infirmité. Ceux qui voudront en savoir davantage sur ce sujet, pourront puiser à des sources abondantes. Les savants ouvrages du docteur Pinel, du docteur Esquirol surtout, qui a fait de l’étude de la folie l’occupation de toute sa vie et auquel l’humanité doit une réforme radicale dans le traitement de cette maladie, leur offriront une ample moisson d’observations dignes à la fois de l’intérêt du savant et du philosophe. M. le baron Cuvier, dans l’éloge du docteur Pinel, raconte que, grâces aux améliorations introduites par les soins de ce célèbre médecin dans le régime des aliénés, améliorations qui portèrent le calme dans les loges où s’agitait auparavant la fureur, il est arrivé souvent que des étrangers avaient parcouru presque toute la partie de la Salpêtrière consacrée aux aliénés, et demandaient encore si on ne les y conduirait pas bientôt ; tant, dit-il, les malades y sont tranquilles, tant leur existence ressemble à celle des personnes raisonnables. C’est surtout au milieu des malades confiés aux soins de M. le docteur Esquirol (2) qui a poussé bien plus loin que son devancier ces améliorations, que des étrangers pourraient demander où sont les fous. Et pourtant combien ne laissent pas encore à desirer sous le rapport des constructions, des divisions et subdivisions les établissements consacrés au traitement de l’aliénation mentale ? Mais le défaut d’argent est un obstacle à tout le bien qu’on voudrait faire en ce genre. Ne pourrait-on pas dire à ceux qui en disposent, ce que M. Esquirol disait un jour au célèbre duc de Liancourt qui repoussait une demande qui lui était faite en faveur des aliénés par la nécessité de venir d’abord au secours des prisonniers. « A la bonne heure, monsieur le Duc ; mais il ne va dans les prisons que des gens qui l’ont plus ou moins mérité, et nous ne sommes pas sûrs, vous et moi, de ne pas aller à Charenton. »

MAURICE PALLUY,
DIRECTEUR DE LA MAISON ROYALE.


NOTES :
(1) Il faut lire les lettres de quelques aliénés pour concevoir jusqu’à quel point leurs idées sont perverties par la maladie. J’en copie quelques-unes dans le but de fournir un sujet d’observations de plus aux personnes qui étudient, sous le rapport philosophique, l’aliénation mentale.

Ière. « Depuis vingt ans je demeure à Charenton qui est de fait près de s’écrouler. Au milieu de ce péril, nous n’avons pas le sou, et je ne puis compter, pour toute ressource, que sur le lapis de cette citadelle. Je ne reçois point de nouvelles de ma chère épouse, Louise de Bourbon, ni de mesdames ses six soeurs de Bourbon Aleazaris, ni de ses sept soeurs de Saint-Albain. Jusqu’ici j’ai sauvé Charenton…. Mais quel péril, grand Dieu ! Je suis ici sans l’ombre même d’autorité, et pourtant on veut s’emparer de cette clé du monde, afin de se rendre maître du monde même. Ma mère de Montmorency, mon père de Barte, fils de la reine, sont morts. Mon frère le jeune est mort. Les ordres du congrès de Rastadt sont méprisés. Daignez me donner vos ordres suprêmes, etc., etc. »

Cette lettre est adressée à sa hautesse le grand seigneur souverain à la cour ottomane.

IIe. « Les proclamations continuelles de la troupe française, ainsi que de l’intérieur de la France, qui m’a reconnu son empereur légitime, ainsi que l’ont fait les puissances étrangères, m’étonnent du peu de soumission de ceux qui en sont les chefs. Déjà le général Compan a passé à la Russie….. Dites-moi pourquoi ? Les napoléonistes, dont les années 1811, 1812 et 1813 nous ont fourni matière à réflexion, ont encore osé reparaître en France. Je le sais, monsieur le ministre. La conduite du fils de l’ex Charles X, malheureux depuis trente ans, ne lui plaît pas. Veillez à ce que vous avez à faire ; je vous donne un avis  positif. La France est malheureuse. Quoique reconnu roi d’Angleterre, j’aime la France.
                Signé, CHARLES, fils de Charles X.

IIIe .    « Bonne princesse et adorable amie,
Aujourd’hui j’ai l’honneur de vous supplier d’agréer qu’il me soit permis de vous entretenir respectueusement de mes hommages, de ma fidélité, de mon amour. Vous m’êtes toujours bien chère ; vous m’êtes toujours bien précieuse. Votre empire, c’est l’empire des charmes et de la beauté ; c’est l’empire des grâces et de la douceur ; c’est aussi le règne de la candeur, de la constance, de l’aménité, de la franchise, de l’innocence, de la vérité, de la vertu. Notre mariage arrêtera pour toujours notre bonheur, et la France et nos amis, qui nous contemplent, proclameront nos louanges, notre allégresse. LL. MM. Alexandre-le-Grand, empereur de toutes les Russies, Frédéric-le-Grand, roi de Prusse, et LL. MM. Léopold, empereur d’Allemagne, Georges et Wellington, rois d’Angleterre, m’ont donné leur parole d’honneur que notre dynastie jouira à perpétuité de la gloire, de la splendeur, de l’opulence qui lui appartiennent éminemment d’après tous les droits de la noblesse et de la naissance, etc., etc. »

IVe. « Mesdemoiselles Virginie et Caroline sont priées de se rappeler le soussigné d’autre part pour des raisons sociales antiques et nouvelles.

        Tel qu’un oiseau mouche
        Lui-même se couche ;
        Mais il ne dort pas
            Chez Maupas.
    Autrefois l’haleine des plus légers zéphyrs
        Se mêlait à ses soupirs ;
        Mais aujourd’hui Mélanie et Athalie
        Sont, je crois, retournées en Italie.
        Puisse le fleuve du Rubicon
        Ne pas submerger ce pauvre garçon !
    Car, auprès de jeune et gente demoiselle,
    L’Amour, ce tendre enfant, revient avec l’hirondelle
        Dans le jardin de Charenton,
        Au salon, sur l’Hellespont.
    Heureuse poésie, roi qui vivifie tout ce qui a vie,
    Ravifie aussi toutes les Sophies et les philosophies,
        Jusques dans le temple de Charenton,
        Et sur le tabernacle de Caton. »

Ve. « Contre eux des scélérats titrés font des lois… ! mettant tout le monde à leur poursuite et à celle des électeurs butors. Le roi aurait une force majeure invincible !!!!
Je joins ici un manuscrit pour nous assurer des députés de la noire intrigue ; il porte ce titre : La Taxe correctionnelle ou l’Impôt tranchant et économique imaginé pour disposer le peuple paisible aux amusements publics.
Cette cote doit entrer au sac du grand procès des conjurés ! Les imposés rempliront le rôle efficace de la Dynastie nouvelle… bagatelle non coûteuse pourtant du Brutus ! vous m’entendez bien. »

VIe. « Hier sur les sept heures un quart du soir, entendant un certain bruit dans les nues, j’y jette les yeux et j’y vois Dieu, vêtu d’un camelot gris avec des sandales grises, d’un rosé léger. Je suis enlevé et j’ai l’honneur d’entretenir Dieu sur mon lit. Je lui ai parlé environ jusqu’à minuit. Il m’a dit de vous, monsieur le directeur, que vous étiez de sa famille et son proche parent. Il vous recommande que nous en terminions en ce qui concerne le raccommodage de la citadelle de Charenton, où tout périrait sans ressource si l’on n’y mettait promptement la main. »

Il y en a qui expriment des idées encore plus bizarres s’il est possible.
(2) M. le docteur Ferrus, M. le docteur Pariset, ont aussi considérablement perfectionné le régime des aliénés à Bicêtre et à la Salpêtrière. Le premier de ces établissements surtout a reçu, dans ces derniers temps, par les soins de M. le docteur Ferrus, utilement secondés par l’administration des hospices, de notables améliorations.


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