Académie d'hygiène contre les maladies du premier âge et la mortalité des nourrissons : L'Art de donner des soins aux nouveau-nés.- Paris : imprimerie V. Goupy et Jourdan, 1883.- 24 p.
2ème partie (suite et fin)

CHAPITRE CINQ
SOINS DE PROPRETE A L'ENFANT

Toutes les fois que les langes et les couches seront mouillés, il faudra les changer. Ne vous contentez pas alors de les exposer au soleil ou de les faire sécher devant le feu pour vous en servir de nouveau, mais faites-les laver, car personne d'entre vous n'ignore que les urines de l'enfant sont aussi bien chargées de sels que celles de l'homme. Ces sels sont solides et attaquent facilement la peau des enfants, si délicate et si sujette à s'enflammer. En agissant ainsi, vous vous éviterez souvent bien des ennuis, et vous aurez moins de croûtes et d'éruptions que vous voyez survenir le plus souvent sans cause pour vous.

Les enfants pleurent généralement dès qu'il se sentent mouillés, la raison en est que l'urine leur produit aux cuisses et aux fesses une cuisson non seulement fort désagréable, mais fort irritable.

TRAITEMENT

Il ressort donc de ce que nous venons de dire que dès que les enfants présenteront des rougeurs à la peau, il faudra veiller à la plus grande propreté des langes et des couches qui ne devront jamais servir deux fois avant d'être préalablement lavés et bien rincés.

Pour vous qui habitez les campagnes et qui avez la plus grande facilité de vous procurer du son de blé, saupoudrez-en à pleines mains vos enfants et soyez persuadés que vous vous en trouverez bien.

Il sera bien rare d'observer des rougeurs qui résisteront à un traitement ainsi approprié.

CHAPITRE SIX
DES CROUTES LAITEUSES

Il est une affection, qui, sans être précisément dangereuse, occasionne souvent de grands ennuis dans les familles. On lui donne généralement le nom de croûtes de lait. Les auteurs qui se sont le plus particulièrement occupés de la question, les ont attribuées soit au lait d'une nourrice scrofuleuse, soit au tempérament débilité des parents. Les causes en sont innombrables ; le médecin seul pourra en trouver l'origine.

Ainsi, chez les enfants mal nourris et faibles, chez ceux dont la dentition influence davantage l'appareil digestif, la croûte laiteuse se rencontre plus fréquemment.

Dès que le travail de dentition commence, l'on peut observer le suintement des oreilles, et le gonflement des paupières.

Il y a aussi des enfants chez lesquels cette sécrétion morbide se perpétue après le sevrage. Dans ce cas, il est essentiel de savoir si les parents n'ont pas été tourmentés eux-mêmes par quelque affection. Il leur sera toujours bon d'en aviser le médecin, qui, retenu par le secret professionnel, gardera toujours pour lui, ce que l'on voudra bien lui confier, et en retirera les plus grands avantages pour l'enfant.

La croûte laiteuse, s'annonce dès les premiers mois de la vie, elle s'étend sur toutes les régions du corps, commençant d'ordinaire par le cuir chevelu, les sourcils, la peau, les fesses, la partie interne des cuisses, et gagne successivement le conduit auditif, le pavillon de l'oreille, les paupières et les angles des lèvres.

Elle rend alors hideux celui qui sera, l'année suivante, l'enfant le plus beau et le plus intelligent du voisinage.

La croûte laiteuse est variée dans sa forme ; tantôt elle sera une exsudation jaunâtre, qui s'attache à la peau et qui se renouvelle avec une extrême rapidité, si l'on essaie de l'en détacher ; ou bien une exsudation muqueuse abondante, qui s'attache avec une grande opiniâtreté aux linges dont est recouvert l'enfant. Cette exsudation peut disparaître pendant quelques jours, pour reparaître ensuite avec plus d'intensité, et à la joie d'un jour, succède le chagrin de plusieurs mois.

Ainsi comme durée, l'affection est des plus indéterminées, généralement si elle ne disparaît pas le cinquième mois elle ne cesse qu'avec le sevrage, alors que l'enfant cesse d'être nourri par le lait et reçoit pour régime d'autres substances alimentaires.

Elle disparaît pour toujours après la première dentition et c'est à peine alors si le cuir chevelu en conserve quelques traces.

La croûte laiteuse ne laisse rien derrière elle, il est impossible dans l'âge adulte d'en soupçonner même l'origine. Le médecin pourtant habitué à classer les tempéraments en pourra presque affirmer l'existence. Ainsi chez les jeunes filles, dont les boucles d'oreilles auront coupé les lobules, vous pourrez presque dire que les croûtes laiteuses auraient persisté pendant leur jeunesse.

Quand l'éruption a lieu sur les conjonctives, elle ressemble à des aphtes, sur la cornée elle l'ulcère et laisse des taches dans l'avenir.

Quand elle a lieu dans le conduit auditif, elle épaissit la membrane du tympan et devient le siège d'une surdité fort rebelle.

Quand elle atteint les replis de la peau, le frottement des surfaces ulcérées détermine des plaies profondes, qui occasionnent l'engorgement des glandions voisins. Ceux-ci suppurent, laissent des traces, connues sous le nom d'écrouelles, et font le désespoir des parents, ayant des jeunes filles à marier.

Quelques auteurs, et de là, les préjugés qui circulent, se sont opposés à la disparition subite des croûtes de lait, en invoquant les conséquences fâcheuses des métastases, c'est-à-dire que l'affection, disparaissant de la peau, pourrait se porter sur les organes internes. Dans ces conditions, le médecin est obligé de lutter contre les voeux mal éclairés des parents, qui souhaitent la guérison rapide d'un mal, qui les empêche de faire parade de leurs bébés.

Passons maintenant à la question importante du traitement.

De ce que nous venons d'avancer, il résulte que le choix d'une nourrice de bonne nature est capital. Il faut la nourrir avec des aliments de bonne qualité et ne point la laisser abuser de toute liqueur fermentée.

Les nourrices ont de la tendance, à cause de la soif qui les dévore, de boire trop de vin, c'est alors que vous les entendrez venir se plaindre de maux d'estomac, que l'on attribue à tort à la fatigue de l'allaitement.

Tout le monde sait que, depuis l'abus déplorable qu'ont fait les marchands de vins en gros, de vins de raisins secs, le nombre des gastrites augmente considérablement.

Il arrivera un temps où nous espérons que la loi sera plus sévère sur ce point.

Le changement d'air est souvent des plus utiles.

Les applications et les remèdes extérieurs doivent être employés avec une réserve extrême.

Comme il sera toujours bon de consulter le médecin sur ce point, il nous est inutile de donner des indications qui pourraient induire en erreur et occasionner des désagréments ; en thérapeutique, chaque cas demande un traitement spécial.

Dr V.

CHAPITRE SEPT
COLIQUES CHEZ LES ENFANTS
PAR SUITE D'ALIMENTATION PREMATUREE

Les coliques chez les enfants peuvent être occasionnées par l'impression du froid sur le ventre, par la dentition, etc. ; mais elles sont dues le plus souvent à des inflammations qui gênent le fonctionnement régulier de l'intestin. Ces inflammations sont presque toujours provoquées par l'alimentation prématurée ; c'est-à-dire que l'on a donné à manger au nourrisson trop tôt. Et l'on ne s'est pas contenté de cela ! on l'a gorgé d'aliments grossiers, tels que farine, bouillie, soupe, etc.

Nous ne mentionnerons pas ici tous les dangers de l'alimentation prématurée qui fera le sujet d'un article spécial ; mais nous insistons sur ce fait qu'elle est dans l'immense majorité des cas, la cause des coliques chez les enfants.

L'enfant qui a des coliques pleure, crie, ne peut dormir ; on est obligé de le tenir sur les bras, de le promener. Il semble être momentanément soulagé si on le couche sur le ventre ; souvent il refuse le sein ou le biberon ; dans ces cas plus graves il vomit ce qu'il prend ; s'il est démaillotté il se tortille, agite ses jambes et replie les cuisses sur le ventre pour que celui-ci ne soit pas tiraillé. Les signes de l'inflammation intestinale sont alors évidents ; car outre un peu de fièvre, il y a de la constipation ou une diarrhée verdâtre.

MEDICATION CONTRE LES COLIQUES

Mettre des cataplasmes de mie de pain cuit dans du lait sur le ventre (la farine de lin provoque des éruptions sur la peau très délicate des nouveau-nés). Cesser toute nourriture autre que le sein si l'enfant y est nourri ou donner du lait frais légèrement sucré de miel à l'aide du Biberon-Robert flexible. En cas de persistance, appeler un médecin.

Dr POTIN de la faculté de Paris.


EXTRAIT DES STATUTS DE L'ACADEMIE D'HYGIENE

ART. DEUX : But de la Société

La Société se propose pour but de vulgariser les préceptes d'hygiène concernant les enfants nouveau-nés et de donner la plus grande notoriété aux procédés qui seront jugés les plus propres à prévenir les maladies chez les nourrissons, et diminuer l'effrayante mortalité constatée par la statistique.

ART. TROIS : Moyens d'action

La Société se propose, pour arriver à ce résultat désiré :

1° De décerner chaque année, dans une séance solennelle, des récompenses aux maires, secrétaires, médecins, sages-femmes, nourrices, fabricants d'instruments hygiéniques à l'usage des jeunes enfants, et généralement à toutes les personnes françaises ou étrangères qui, par leur zèle, leur dévouement ou leurs découvertes utiles, auront contribué à l'amélioration des procédés d'élevage des nourrissons.

2° De faire imprimer et distribuer gratuitement dans toutes les mairies de France, des brochures rédigées par des hommes de l'art, enseignant les préceptes d'hygiène s'appliquant aux jeunes enfants, et les soins à leur donner pour prévenir les maladies du premier âge.

3° De publier une revue périodique en se conformant aux lois et règlements sur la matière, qui aura pour mission de vulgariser les inventions, améliorations et procédés nouveaux intéressant l'élevage des enfants et les mettre à la portée de tous. Cette revue contiendra le compte rendu des séances de l'Académie, la liste complète de ses membres et les noms des lauréats.

ART. QUATRE

L'Académie d'hygiène contre la mortalité des nourrissons se compose d'une seule et même classe de membres dont la cotisation annuelle est de dix francs, payables dans le premier mois de l'admission. Chaque membre recevra gratuitement la revue périodique publiée par la direction.

Chaque membre a le droit de s'affranchir du payement de sa cotisation annuelle de dix francs, par le versement d'une somme de cent francs à titre de cotisation à vie. Cette dernière cotisation lui donne le droit personnel, et non transmissible, à l'envoi de la revue périodique pendant toute la durée de la Société.

ART. CINQ : Admission

Pour faire partie de l'Académie, il faut être présenté par un de ses membres, ou formuler une demande écrite au Comité de candidature au siège social, boulevard du Picpus, 3, à Paris.

Ce Comité propose les admissions des candidats, qui peuvent toujours être refusés par l'administration.

ART. HUIT

L'Académie tiendra séance au moins une fois l'an, dans un local qui sera indiqué par les lettres de convocation qui devront être adressées à tous les membres de la Société au moins un mois à l'avance.

La direction prie MM. les membres de l'Académie d'Hygiène de lui signaler les personnes qui se dévoueraient à l'élevage des enfants, les mères de nombreuses familles élevées par elles-mêmes, les nourrices ayant élevé de nombreux enfants au sein ou au biberon, les fabricants qui auront créé des appareils hygiéniques destinés à l'élevage des nourrissons, enfin, à tous ceux qui, par leurs écrits, leur dévouement à l'enfance, auraient amélioré leur sort.

Après examen, suivant l'article 3 des statuts, le comité des récompenses distribuera, en séance solennelle, des médailles d'or, d'argent et de bronze, aux personnes reconnues les plus méritantes.

Nous ne saurions donc trop recommander notre oeuvre aux médecins inspecteurs des enfants assistés, aux sages-femmes, et à toutes les personnes s'intéressant à l'enfance, afin que, nous procurant des membres adhérents, ils puissent nous signaler les ayants droit aux récompenses de l'Académie d'Hygiène.


LOI du 25 décembre 1874, relative à la protection des enfants du premier âge, et particulièrement des nourrissons.

ARTICLE PREMIER

Tout enfant âgé de moins de deux ans, qui est placé, moyennant salaire, en nourrice, en sevrage ou en garde, hors du domicile de ses parents, devient, par ce fait, l'objet d'une surveillance de l'autorité publique, ayant pour but de protéger sa vie et sa santé.

ART. SIX

Sont soumis à la surveillance instituée par la présente loi, toute personne ayant un nourrisson ou un ou plusieurs enfants en sevrage ou en garde, placés chez elle moyennant salaire ; les bureaux de placement et tous les intermédiaires qui s'emploient au placement des enfants en nourrice, en sevrage ou en garde.

Le refus de recevoir la visite du médecin inspecteur, du maire de la commune ou de toutes autres personnes déléguées ou autorisées en vertu de la présente loi est puni d'une amende de cinq à quinze francs (5 à 15 fr.).

Un emprisonnement de un à cinq jours peut être prononcé si le refus dont il s'agit est accompagné d'injures ou de violences.

ART. NEUF

Toute personne qui a reçu chez elle, moyennant salaire, un nourrisson ou un enfant en sevrage ou en garde, est tenue, sous les peines portées à l'article 3446 du Code pénal (emprisonnement de 6 jours à 6 mois, amende de 16 à 300 francs). :

1° D'en faire la déclaration à la mairie de la commune de son domicile dans les trois jours de l'arrivée de l'enfant et de remettre le bulletin mentionné en l'art. 7 ;

2° De faire, en cas de changement de résidence, la même déclaration à la mairie de sa nouvelle résidence ;

3° De déclarer, dans le même délai, le retrait de l'enfant par ses parents ou la remise de cet enfant à une autre personne, pour quelque cause que cette remise ait lieu ;

4° En cas de décès de l'enfant, de déclarer ce décès dans les vingt-quatre heures.

ART. ONZE

Si, par suite d'une négligence de la part d'une nourrice ou d'une gardeuse, il est résulté un dommage pour la santé d'un ou de plusieurs enfants, la peine d'emprisonnement de un à cinq jours peut être prononcée.

En cas de décès d'un enfant, l'application des peines portées à l'art. 319 du Code pénal peut être prononcée (emprisonnement de 3 mois à 2 ans, amende de 50 à 600 francs).


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