SÉRIGNY, Mme Blanche de : [Article] Modes du Conseiller des Dames et des Demoiselles, journal d'économie domestique et de travaux d'aiguille. Janvier 1863.
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Texte établi sur un exemplaire (BmLx : 35071) du Conseiller des dames et des demoiselles, journal d’économie domestique et de travaux à l’aiguille Tome XVI, 1862-1863.

Modes
par
Blanche de Sérigny

Janvier 1863


Les toilettes de bal auront aujourd'hui les honneurs de notre courrier de modes, ma chère Isabelle ; les réceptions commencent, les fêtes s'organisent ; il faut songer à passer en revue les plus nouvelles créations pour y choisir tout à votre aise quelques jolies toilettes bien appropriées à votre élégance habituelle et a votre genre de beauté.

Je ne puis jamais que vous donner des idées générales, c'est à vous de choisir ce qui peut le mieux convenir à votre physionomie : je suis certaine que votre bon goût vous inspirera très-heureusement.

On porte beaucoup de robes blanches, en taffetas, gaze, tarlatane, ou organdi. Les tarlatanes blanches sont quelquefois parsemées d'appliques de velours, de fleurettes d'or, de pois métalliques rouges ou bleus. Je vous citerai comme gracieux arrangements une robe de tarlatane blanche ayant un volant d'une hauteur moyenne ; il est garni du haut et du bas par deux rangs de velours n° 8 ; sur chaque demi-lé est placé en hauteur un bouillonné large d'une main sur lequel sont disposées, en travers, des brides de velours noir assez rapprochées les unes des autres ; ces bouillonnés remontent jusqu'au corsage en diminuant un peu. Fichu décolleté croisé devant, il est garni d'un bouillonné, puis d'un volant comme la jupe. Les manches, courtes, sont composées de deux bouillons illustrés de brides de velours noir.
 
Avec cette robe une jeune fille peut mettre une coiffure composée de myosotis et de boutons de roses moussues ; une femme pourra exécuter cette toilette en tarlatane mouchetée d'or ou de velours, et choisir une couronne de géraniums ponceaux, ou bien une couronne formée de lierre et de boutons de roses.
 
La même toilette, ornée de rubans de velours rouge, est du plus joli effet, mais elle est moins jeune fille qu'avec des velours noirs.

Robe de tarlatane blanche garnie au bas de trois bouillonnés, dont le dernier atteint la hauteur du tiers de la jupe ; entre ces bouillonnés, un rang de velours noir large de deux doigts, et au-dessus quatre rangs de ces velours ; plastron de corsage tout en bouillons de tarlatane séparés par des velours plus étroits ; manches formées de deux bouillons pareils. Coiffure de reine-marguerites blanches panachées de rose et mélangées de bruyère ; elle est disposée en deux touffes dont l'une est placée au sommet de la tête sur le devant, et l'autre, plus petite, se trouve sous le chignon par derrière; une simple branche rustique les relie l'une à l'autre.

Robe de tarlatane blanche garnie au bas par cinq petits volants de tarlatane bleu ciel, montés à tête et espacés les uns des autres. Fichu croisé garni de deux petits volants pareils à ceux de la jupe, puis, au haut, d'une ruche à deux têtes. Ceinture de tarlatane blanche encadrée d'un petit volant bleu ; le bas des pans est fort large ; cette ceinture se noue derrière avec trois coques tombantes. Coiffure de lilas bleu ciel mélangé de quelques branches de clématite.
  
Toutes ces toilettes peuvent convenir pour jeunes filles, mais voici spécialement pour elles une mise toute simple et fort gentille :
  
Robe d'organdi garnie par trois petits volants à tête hauts de dix centimètres environ et espacés d'une largeur de deux doigts ; un peu au-dessus est placé un entre-deux de Cambrai garni de chaque côté par un velours noir n° 8 et une petite dentelle haute de deux centimètres environ ; sur le côté du devant de cette garniture est placé un noeud à bouts flottants composé par deux entre-deux séparés d'un velours, puis encadré d'un velours et d'une dentelle ; ceinture en large ruban Pompadour nouée derrière ; corsage plat; fichu décolleté garni dans le haut d'une petite ruche d'organdi, puis, au bas, d'un volant à tête surmonté d'une garniture comme celle de la jupe. Pour coiffure un pouf de boutons de rose, de muguets et de myosotis; par derrière, un petit bouquet des mêmes fleurs retenant un noeud à bouts flottants et coques tombantes formé de dentelles et de petits velours.
  
Pour la garniture de la coiffure et du fichu, on se servira du velours n° 6, et pour le dernier on devra, sous le velours, croiser le pied de l'entre-deux et de la dentelle, et coudre l'un après l'autre sur le corps du fichu les différentes parties de la garniture; il serait impossible sans cela de les faire tourner exactement comme le bord que l'on veut orner. Pour la jupe, il n'en est pas ainsi :
la garniture étant toute droite, on coudra le bord du velours au bord de l'entredeux, puis le pied de la dentelle à l'autre bord du velours; le même travail se fera de l'autre côté de l'entre-deux. Il ne restera plus qu'à bâtir cet assemblage sur la jupe.
  
Une robe d'organdi tout uni pourra être encadrée dans le bas par trois garnitures noires comme celle de la toilette précédente, la première posée au-dessus de l'ourlet de la robe et toutes espacées les unes des autres. On fera une ceinture composée de même manière, elle sera à larges pans arrondis et nouée derrière; des bretelles semblables, reliées l'une à l'autre par deux barrettes analogues, complèteront ce costume.

Une toilette toute blanche ; soit en organdi, soit en mousseline; sera suffisamment ornée avec une ceinture en mignardise, et les bretelles pareilles doublées ou non de taffetas clair.
 
Comme toilettes de jeunes femmes plus riches que les précédentes, je vous citerai : une robe de taffetas blanc bordée par une bande de taffetas rose haute de deux doigts ; un peu au-dessus sont disposées en forme d'S, très-allongées et proches les unes des autres, de grosses chicorées de taffetas rose qui s'élèvent jusqu'au tiers de la jupe ; le corsage est à pointe et bordé de rose ; la berthe reçoit une garniture semblable à celle de la jupe, mais beaucoup plus mignonne. Les manches courtes sont garnies de deux chicorées roses. La coiffure et le bouquet de corsage sont composés de roses épanouies avec feuillage de velours noir à nervures d'or.
 
La même toilette peut s'exécuter en taffetas blanc avec des chicorées de crêpe rose.
 
Robe de taffetas blanc illustrée dans le bas par des biais de crêpe alternés lilas et blanc; ils sont posés en ondulations ; sur le pied du dernier, qui est blanc, est placée une suite de marguerites lilas, des touffes de marguerites blanches et lilas reposent sur le sommet de chacun des festons que forment les biais de crêpe. La berthe est formée de même avec des biais surmontés d'une guirlande de marguerites, une seule touffe est placée devant. Pour coiffure : couronne composée de marguerites lilas et blanches.
 
Comme toilette de jeune fille ou de jeune femme, je citerai une robe de tarlatane blanche ayant un seul volant haut de quarante à cinquante centimètres garni de chaque côté par une ruche très-fournie, ayant alternativement un pli rose et un pli blanc, le tout en tarlatane. Le fichu du corsage est garni de ruches semblables, une seule dans le haut, deux dans le bas ; la ceinture est en tarlatane blanche à larges pans encadrés de même. Pour coiffure: une demi-couronne de boutons de roses.
 
Cette toilette, quoique fort simple, est du plus ravissant effet, à quelque distance elle parait toute garnie de roses.
 
On fait pour coiffure de fort jolies résilles entièrement composées de plantes grimpantes, soit liserons, ou clématites, ou pensées sauvages ; un cordon des même fleurs se pose séparément en couronne.
 
Je vous citerai encore comme toilette riche, une robe de Taffetas rose garnie d'un volant d'Angleterre sur la tête duquel court un feuillage de lierre en velours noir ayant de loin en loin une touffe de roses ; corsage à pointe, garni d'une berthe d'Angleterre et encadré par un cordon des mêmes feuilles ayant une touffe de roses sur le devant.
 
Comme toilette très élégante, pour la ville et pour soirées, je vous citerai : une robe de taffetas gris sarde, garnie au bas d'un volant haut d'un travers de main et monté à plis creux sur la tête duquel est placé un liseré solférino ; un peu plus haut est posée une même bande liserée pareillement et garnie du bas par un volant semblable au précédent, et du haut par un volant plus petit. Sur le corsage une bande garnie de liserés et de volants plus petits dessine une veste espagnole, les manches sont arrondies par derrière et fendues jusqu'au coude ; la garniture, qui est semblable à celle de la veste, remonte jusqu'à l'entournure. Col et manches en dentelles.
 
Robe de taffetas vert d'eau: au bas un volant de douze centimètres sur la tête duquel court une chicorée de taffetas pareil, une même chicorée dessine une haute grecque au-dessus de ce volant. Les manches sont demi-larges avec un petit jockey monté à plis creux; sur le pied de ce jockey, et par conséquent sur l'entournure, est placée une petite chicorée; une autre garnit le bas du corsage, une grecque semblable est posée en berthe et sur le bas des manches. Pour coiffure : une couronne de dentelle noire avec une touffe de grenades sur le côté.
 
Une toilette de soirée pour enfant ou toute jeune fille sera en taffetas bleu ciel ; au-dessus de l'ourlet une large bande de taffetas blanc ayant de chaque côté une petite guirlande de soutache bleue, puis au bord un tuyauté de ruban bleu, ceinture Médicis en taffetas blanc garni de même et se nouant derrière à longs pans flottants. Corsage suissesse, c'est-à-dire très-décolleté, avec simple épaulette et sans manches; il remonte en pointe par devant et se garnit d'un tuyauté de ruban. Guimpe montante en organdi à petits plis, avec d'étroits velours noirs posés dans les entre-deux du tour du cou et du dessus d'épaule ; manches longues en organdi avec poignet garni de petits velours et de valenciennes, comme l’encolure.
  
Pour toilette de ville, une petite fille de cinq ou six ans aura une robe de taffetas bleu azuline garnie au dessus de l'ourlet par une bande de velours noir ondulé sur laquelle court une broderie au passé en cordonnet bleu ; une ceinture Médicis, des bretelles, des jockeys de manche, le tout en velours brodée complètent l'ornementation.
 
Une jupe Gabrielle, c'est-à-dire sans plis, devant et remontant un peu en pointe sur la chemisette, une veste senorita, le tout en popeline violette. La jupe est garnie de trois rangs de velours noir au-dessus de l'ourlet et de deux rangs plus étroits sur le haut du devant formant ceinture; autour de la veste, des entournures et du bas des manches, deux rangs de velours. Des boutons grelots garnissent le devant de la jupe, le bas des manches, les entournures et le tour de la veste. Deux rangs de velours avec grelots, ornent les poches, qui sont placées en biais.
 
Pour petite fille de dix ans, robe de fantaisie Havane à petits quadrillés noirs, un volant de douze centimètres garnit le bas ; il se termine du haut en ondulations sur lesquelles court une chicorée de taffetas noir. Un volant plus petit, monté de même à plis creux, forme berthe sur le corsage et garnit les manches; il est surmonté par une chicorée.
 
Pour un petit garçon de trois ou quatre ans, une jupe et une veste large en popeline bleu azuline sur les bords desquelles remontent des rubans de velours terminés en pointes ; ils sont de trois hauteurs différentes et disposés de manière qu'ils s'arrêtent sur la jupe en formant des ondulations régulières. Chapeau de velours noir avec plumes noires et bleues.
 
Parmi les chapeaux, je mentionnerai comme nouvelle création :
 
Un chapeau de velours noir avec bavolet de dentelle et bride de taffetas bleu se nouant sur le côté pour retenir un paquet de plumes noires. Fleurs de velours bleu dans le haut du tour de tête.
 
Chapeau de velours royal blanc avec bavolet de blonde et bride de taffetas rose retenant un volant de blonde qui garnit le sommet de lapasse et sur lequel sont placés des plumes roses et blanches. Des liliums de velours blanc tigré de rose sont placés dans le haut du tour de tête.
 
Chapeau de velours noir, avec bavolet de dentelle, bride de taffetas noir posée au bord de la passe et touffe de plumes de coq placée dans le haut. Dans l'intérieur, fleurs en velours violet avec coeur de jais.
 
Malgré notre très-longue causerie, je veux encore vous parler des robes de foulards que j'ai admirées au comptoir des Indes, boulevard de Sébastopol, n°129 ; il y en a de fort jolies imprimées sur fond noir et marron, qui sont aussi hiver qu'une robe de taffetas ; puis, d'autres sur fond clair fort convenables pour soirées ; puis, des cravates et mille choses encore. Si vous étiez à Paris, je vous engagerais beaucoup à faire une visite dans cette maison ; cependant, si vous voulez y faire quelques emplettes, vous le pouvez très-facilement car elle envoie sa collection d'échantillons à choisir.
 
Et maintenant, chère, Isabelle, que je vous ai faite aussi savante, en fait de modes, que la plus élégante parisienne, il ne me reste plus qu'à vous dire mille tendresses et vous assurer que je joins mes voeux à tous les voeux sincères que vous recevez aujourd'hui pour vous souhaiter tous les bonheurs possibles.

                                                 Votre amie dévouée,
                                                             BLANCHE DE SÉRIGNY.


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