MARQUANT, E (18..-19..) : La Lettre à travers les âges – Etude d’Histoire Technique. - Paris : Bureau du Moniteur de la Jeunesse, 1897.- 114 p. : ill. ; 16 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (19.VI.2015)
Relecture : A. Guézou.
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La lettre

A TRAVERS LES AGES

Etude d’Histoire Technique


ILLUSTRÉE DE GRAVURES ET DE 4 PLANCHES HORS TEXTE


PAR

E. MARQUANT

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La Lettre à travers les âges (1897)

INTRODUCTION


L’origine de l’écriture se perd dans la nuit des temps. Dès que l’homme fut capable d’une pensée, il chercha à la conserver, à la fixer, à la transmettre.

De même que les premiers mots furent des onomatopées, c’est-à-dire des termes dont le son rappelle l’objet qu’ils veulent désigner, les premières écritures furent des dessins, des représentations graphiques des sujets qui occupaient l’esprit humain. C’est ainsi que, sur les débris préhistoriques, on retrouve la trace de grossières esquisses, qui sont comme les premiers témoins de l’écriture et de cette préoccupation qu’avait l’homme primitif de communiquer ses idées à ses semblables.

Lorsque l’intelligence avança en développement, elle eut recours à d’autres moyens pour exprimer ses conceptions. Telle est l’origine des CARACTÈRES D’ÉCRITURE. Ce sont des signes conventionnels que les hommes ont inventés pour représenter tout ce qui fait l’objet de leur pensée.

Il y a différentes sortes de caractères : les  CARACTÈRES LITTÉRAUX ou LETTRES, les CARACTÈRES NUMÉRAUX ou CHIFFRES et les CARACTÈRES ABRÉVIATIFS, fort employés dans les anciennes inscriptions et les anciens manuscrits.

Les caractères se divisent encore en CARACTÈRES NOMINAUX et en CARACTÈRES EMBLÉMATIQUES ou SYMBOLIQUES ; les premiers sont les lettres, et ils sont appelés ainsi, parce qu’ils servent à écrire le nom des choses ; les autres servent à désigner les choses mêmes par la représentation plus ou moins exacte de leurs formes.

L’art de l’emploi des caractères constitue l’ÉCRITURE, mode de fixation, de conservation, de transmission de la pensée humaine. En l’état actuel de la civilisation, c’est surtout de LETTRES, de CARACTÈRES NOMINAUX qu’elle fait usage, et c’est ceux-ci que nous allons suivre dans leurs transformations à travers les âges.

Le Phénicien CADMUS est considéré comme l’inventeur de l’écriture. C’est lui qui passe pour l’avoir apportée de Phénicie en Grèce, d’où elle se propagea, avec les colonies grecques, sur toutes les côtes de la Méditerranée. On s’explique ainsi que les écritures de l’Europe dérivent toutes de la même origine, avec cette différence, toutefois, que cette écriture va de gauche à droite, alors que l’écriture phénicienne primitive allait de droite à gauche, comme l’écriture sémitique.

L’écriture, chez les peuples de l’Europe moderne, s’exécute de gauche à droite. L’habitude d’écrire dans ce sens parut s’implanter, chez les Grecs, au temps d’Homère. Il y a une période de transition qui indique que le changement dans la manière de tracer l’écriture ne se fit pas radicalement, du premier coup. C’est la période correspondant au BOUSTROPHÉDON, genre d’écriture dont les lignes successives sont alternativement tracées de gauche à droite, puis la ligne suivante, de droite à gauche et ainsi de suite, simulant ainsi la marche du bœuf de labour, qui, la raie creusée, revient sur ses pas en traçant un nouveau sillon, après avoir tourné au bout du champ.

Les philologues distinguent différentes sortes d’écriture :

L’écriture IDÉOGRAPHIQUE qui représente directement les idées, telle est celle des Chinois ;

L’écriture ALPHABÉTIQUE ou PHONÉTIQUE représente les sons de la voix au moyen d’un petit nombre de caractères figurant les sons et les articulations simples : exemple, notre écriture française et, en général, les écritures des peuples modernes ;

L’écriture SYLLABIQUE est une écriture phonétique dont les caractères, au lieu de représenter des sons (voyelles) ou des articulations (consonnes), représentent des combinaisons de sons et d’articulations, c’est-à-dire des SYLLABES.

Certaines écritures ont représenté à la fois des idées, des syllabes, et des sons ou articulations ; ainsi en est-il de l’écriture hiéroglyphique qui offre la triple combinaison de caractères idéographiques, symboliques et phonétiques, comme on le verra plus loin.

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Ecritures Manuscrites
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LES HIÉROGLYPHES

L’ÉCRITURE hiéroglyphique, dont le nom signifie gravure sacrée, formait le système graphique des anciens Egyptiens. Elle prenait plus spécialement le nom d’hiéroglyphique quand elle était employée sur les monuments. Elle s’appelait hiératique (grec, hieros, sacré) quand elle était employée dans les manuscrits, les prêtres faisant servir ce genre d’écriture à la propagation de leurs doctrines religieuses.

Les hiéroglyphes nous sont parvenus par ceux qui ont été trouvés sur les monuments, monolithes ou obélisques, – dont celui de la place de la Concorde à Paris, offre un des plus beaux types, – et  surtout sur les colonnes hermétiques qui étaient entièrement couvertes d’hiéroglyphes, et placées dans l’endroit le plus mystérieux des temples égyptiens.

C’est à un Français, Champollion, que revient l’honneur d’avoir découvert la clef des hiéroglyphes. Ce qui frappe, dans les dessins hiéroglyphiques, c’est leur élégance vraiment remarquable, dans sa simplicité. Ils sont si parfaitement exécutés, que, dans de simples silhouettes, il est facile de reconnaître le genre, l’espèce des oiseaux, des insectes. Rien de plus expressif que l’attitude des lions, des serpents, de certaines représentations d’êtres humains.

Hiéroglyphes

Hiéroglyphes. – Signes figuratifs.
Hiéroglyphes. – Signes symboliques ou tropiques.


Au point de vue de la valeur graphique, les hiéroglyphes se divisent en 3 groupes :

1° Les signes figuratifs, qui expriment l’idée de l’objet dont ils reproduisent la forme ; ainsi, un lion, un scarabée, un cheval, sont exprimés graphiquement, par le dessin même de chacun de ces êtres.

2° Les signes symboliques, énigmatiques ou tropiques, qui exprimaient les idées métaphysiques par les images d’objets physiques se rattachant aux dites idées par l’effet d’une comparaison ou de certains rapports plus ou moins éloignés ; tels : un vase, pour évoquer l’idée des libations, des bras tendus en l’air, pour signifier l’idée d’offrande, etc.

3° Les signes phonétiques, qui exprimaient non des mots et des idées, mais représentaient les sons de la langue parlée, au même titre que les lettres de nos alphabets.

Hiéroglyphes

Hiéroglypes. – Signes phonétiques.

Au point de vue de la forme des signes, l’écriture hiéroglyphique se divisait en trois groupes comprenant trois sortes de caractères propres à chacun d’eux. On distinguait :

1° Le caractère appelé démotique (Hérodote et Diodore de Sicile) ou épistolographique (Clément d’Alexandrie). L’écriture démotique était une abréviation des signes hiéroglyphiques proprement dits, qui conservaient la même valeur ; seulement le nombre des caractères employés dans l’écriture démotique était moindre que celui des caractères employés dans l’écriture hiératique. La plus facile, la plus simple de toutes, l’écriture démotique servait à tous les usages ; c’était, comme son nom l’indique, l’écriture populaire.

2° Le caractère sacré, appelé hiératique ou écriture sacerdotale ; l’écriture hiératique fut l’écriture cursive des Egyptiens ; ce n’est que l’écriture hiéroglyphique, dont les signes ont été simplifiés. Elle constitue, eu égard à la forme une abréviation de l’écriture hiéroglyphique, tout en conservant les mêmes signes, qui gardaient la même valeur ; elle est une écriture hiéroglyphique plus facile, dont les signes pouvaient être tracés par ceux qui n’avaient pas la connaissance suffisante du dessin, nécessaire à l’exécution des véritables hiéroglyphes.

Elle s’exécutait sur un papyrus spécial, tiré d’Egypte, fort recherché dans l’antiquité et qu’on nommait papier hiératique.

Les caractères propres à l’écriture hiératique portaient le nom d’ hiérogrammes ou caractères hiérogrammatiques. Quant aux scribes égyptiens employés aux écritures, à l’explication des mystères dans les temples, on les nommait hiérogrammates ou hiérogrammatistes.

3° Le caractère hiéroglyphique proprement dit employé dans la véritable écriture hiéroglyphique. Celle-ci exigeait, de la part des écrivains, la connaissance du dessin, voire même de la sculpture. Elle se composait de signes représentant des objets du monde physique, animaux, plantes, etc., des figures de géométrie, dont le tracé était linéaire, quelquefois colorié, ou creusé en intaille, sur les colonnes des obélisques. Elle était seule employée pour les monuments publics. La classe populaire en décorait quelquefois les ustensiles vulgaires ce qui semble controverser l’opinion d’après laquelle les prêtres de l’antique terre des Pharaons en auraient fait un mystère et un moyen d’ignorance et – comme conséquence – d’oppression pour la classe des profanes non initiés à leurs mystères.

On trouve parfois les trois sortes d’écritures employées simultanément ; rien d’étrange à cela, puisque, en réalité, elles n’en constituent réellement qu’une seule, les écritures démotique et hiératique n’étant qu’une sorte de tachygraphie de l’écriture hiéroglyphique proprement dite.

Les hiéroglyphes transposés ou transformés portant le nom d’anaglyphes ou anaglyptes, qu’on donnait encore aux dessins gravés au burin avec bas-reliefs, ou aux vases ornés de ce genre de sculpture.

Les Egyptiens se servaient d’anaglyphes pour écrire les louanges de leurs rois, dans leurs fables théologiques.


L’ÉCRITURE CUNÉIFORME

En Perse et dans l’Asie-Mineure, on a découvert des inscriptions, dites cunéiformes, qui sont gravées sur des rochers, des pierres taillées, des poteries, des briques.

On a appelé caractères cuneiformes ou cludiformes, les caractères de ces inscriptions, parce qu’ils semblent affecter la forme de coins ou de clous à tête plus ou moins nettement détachée de la pointe.

Ces coins ne paraissent être autre chose que les sillons tracés avec des stylets triangulaires dans les tablettes d’argile molle qu’on faisait ensuite sécher, pour tenir lieu de manuscrits ou servir de frontons, de façades à certains édifices.

Ces signes se lisent de gauche à droite. On en distingue plusieurs systèmes. Les uns sont idéographiques ; d’autres sont symboliques, d’autres sont phonétiques et quelquefois même représentent des syllabes entières.

Le plus compliqué est celui des briques et des cylindres gravés de Babylone ; ensuite viennent les inscriptions de Khorsabad et de Van ; enfin les inscriptions trilingues de Persépolis, d’Hamadan et Ecbatane et de Bisouton. Ce système d’écriture se compose de 600 signes que l’on commence à interpréter, et l’on a déjà pu lire plusieurs de ces inscriptions qui ont fait entrer des faits nouveaux dans l’histoire. Depuis l’interprétation des hiéroglyphes par Champollion, la lecture de ces inscriptions cunéiformes est le plus grand triomphe de la philologie moderne.

Caractères cunéiformes

Caractères cunéiformes

Grâce aux travaux de Niebuhr, de Grotefend, de Munter, de Burnouf, Ravlinson et Oppert, on sait aujourd’hui que les caractères cunéiformes se rapportent à deux systèmes d’écritures tout à fait différents :

1° L’alphabet assyrien et l’alphabet médoscythique ou touranien, offrant un mélange d’écriture phonétique et d’idéogrammes, qui ont été employés pour le chaldéen, l’assyrien, l’ancien arménien, le susien et le mède ;

2° L’alphabet persépolitain ou iranien, qui n’a de commun avec le précédent que le dessin cunéiforme des caractères. Il paraît originaire de la Bactriane ; il fut d’abord syllabique ; mais dans certaines inscriptions, par exemple celle des Achéménides, il est purement phonétique.


LES ÉCRITURES SÉMITIQUES

Les Phéniciens, dont l’un d’eux, Cadmus, comme nous l’avons dit plus haut, passe pour avoir inventé l’écriture, complétèrent l’œuvre des Egyptiens en supprimant les valeurs syllabiques, en répudiant toute trace d’idéographisme et en ne représentant que des voyelles et des consonnes.

Leur alphabet paraît résulter d’une sélection opérée parmi les caractères de l’écriture hiératique égyptienne, dont chacun représente invariablement une voyelle et une consonne de leur idiome. Leur activité comme navigateurs, leur esprit d’émigration, leurs relations commerciales, les nombreuses colonies qu’ils fondèrent tout autour de la Méditerranée, propagèrent leur invention dans la plus grande partie du monde connu de l’antiquité.

De là, naquirent les alphabets usités, d’une part, chez les Hébreux, dans l’ancienne Grèce et dans l’ancienne Italie, en Espagne ; d’autre part chez les Germains et les Slaves avant leur conversion au christianisme ; plus près d’eux, dans l’Arabie et la Lybie, et enfin dans l’Inde, dont le plus ancien alphabet, le Maghâdhi rattaché par les philologues à la source phénicienne, a donné naissance à une foule de dérivés.

L’écriture sanscrite est celle des anciens peuples de l’Inde. Ils lui ont donné le nom de Devanâgari ou écriture des dieux, parce qu’ils prétendaient qu’elle leur avait été révélée par les puissances supérieures.

Sa direction est de droite à gauche, et c’est d’elle que dérivent les alphabets usités dans les deux presqu’îles de l’Inde, au Thibet, à l’île de Ceylan, ainsi que le pali, langue sacrée de l’empire birman et du royaume de Siam.

On désigne, sous le nom d’écritures sémitiques, tous ces groupes d’écritures dont le type est le samaritain ou ancien hébreu, le peuple juif passant pour descendre deSem, fils de Noé. Les écritures dites sémitiques se tracent de droite à gauche et semblent dérivées du système égyptien, mais à l’état alphabétique.

Les principales écritures sémitiques sont : le chaldéen, le syriaque, le koufique ou cufique, écriture des anciens Arabes et l’arabe moderne ou neskhi.

Lécriture zend employée dans les livres sacrés de Zoroastre, le législateur religieux des anciens Perses, s’écrit, elle aussi, comme les modes graphiques d’origine sémitique, de droite à gauche.


ECRITURES DE L’EXTRÊME-ORIENT
TRIGRAMMES

Les écritures de l’Extrême-Orient diffèrent de celles qui sont ou furent usitées dans le monde occidental. Le type est l’écriture chinoise.

L’élément primitif de cette écriture fut un simple trait, combiné de diverses manières, qui entre dans la constitution des signes employés à l’origine, ou trigrammes. Les plus célèbres sont les trigrammes dont l’invention est attribuée, 3640 ans avant notre ère, à l’empereur Fo-Hi ou Fou-Hi et par lesquels il figura les différents principes renfermés dans le livre intitulé Y King. Aux trigrammes ne tardèrent pas à s’ajouter de véritables caractères hiéroglyphiques, avec leurs différents sens figuratifs, symboliques, auxquels s’adjoignirent à une époque encore plus rapprochée, des éléments d’ordre phonétique.

Malgré différentes modifications, l’écriture chinoise en est encore restée, en quelque sorte, à la période hiéroglyphique, et elle est tellement compliquée, qu’une vie d’homme suffit à peine à l’apprendre, car on y compte environ 40.000 signes.

Les peuples de race jaune (Coréens, Tonkinois, Cochinchinois) ont adopté les signes écrits du chinois. Au IIIe siècle avant notre ère, ils pénétrèrent également au Japon. Vers l’an 800 de l’ère chrétienne, des lettrés japonais en tirèrent deux syllabaires destinés à figurer syllabiquement les mots de la langue vulgaire. Les plus connu de ces syllabaires est celui qui est désigné sous le nom de Kata-Kana.


QUIPOS – GAIONNÉ

Il n’est pas jusqu’aux gens ne sachant pas écrire qui n’aient eu leur écriture particulière, en admettant que nous regardions comme écriture tout mode de représentation de la pensée, quelle qu’en soit la forme.

La taille des boulangers est-elle autre chose qu’une forme d’écriture, d’arithmétique écrite ? Si les porteuses de pain l’emploient de moins aujourd’hui, elle fut d’usage constant au moyen-âge, et les collecteurs d’impôts s’en servaient quotidiennement, à tel point que le nom de ce morceau de bois coupé (talea, taille) est resté à l’un des plus lourds impôts de l’ancien temps.

Au même ordre d’idées, se rattache le quipo ou quipu encore en usage chez les Indiens, dans certaines provinces du Chili, du Pérou, même du Mexique.

Très usité autrefois, ce quipo ou quipu paraît remonter à la plus haute antiquité. Il semble avoir précédé tous autres signes ou figures exprimant la pensée.

« Ainsi, dit Confucius, les hommes de l’antiquité se servaient de nœuds de corde pour donner des ordres. Ceux qui leur succédèrent y substituèrent des signes ou figures. »

Une telle explication convient admirablement aux quipos, sortes de cordelettes de couleurs différentes, sur lesquelles les Péruviens faisaient des nœuds qui leur servaient, par leur groupement, de registres publics.

Le nombre de nœuds faits sur chaque cordelette semblait correspondre à un système de numération, chaque nœud figurant des unités ou des groupes conventionnels. Quant à la couleur des fils, elle avait aussi sa signification ; des fils jaunes figuraient de l’or ; des fils blancs de l’argent, etc.

On prétend même que ces cordelettes à nœuds avaient une valeur symbolique ou phonétique, et que, de la sorte, les quipos constituaient non seulement des sortes de répertoires numériques, mais une véritable écriture.

Ceux qui lisaient les nœuds colorés à Lima, à Cuzco, portaient le nom de quipo-camayos, archivistes lecteurs de quipos.

De ceux-ci, on peut rapprocher également les objets désignés par les Indiens de l’Amérique du Nord sous le nom de gaionné, garthona garsuenda, sortes de colliers commémoratifs qui ne sont que des variétés de quipos.


L’ÉCRITURE GAULOISE
PIERRES ÉCRITES – OGHAM

On a une idée de ce que fut l’art de la lettre chez nos ancêtres, par les pierres écrites, monuments gaulois que l’on a trouvés dans différentes parties de la France, et sur lesquels on voit des inscriptions en caractères qui rappellent les caractères grecs.

Certains philologues croient que cette écriture n’était autre que l’ogham, qui fut longtemps en usage parmi les peuples de l’Irlande, surtout aux environs du XIIe siècle. Quelques-uns ont prétendu qu’elle représentait l’écriture sacrée des anciens Druides ; d’autres, au contraire, n’y voient qu’une écriture secrète inventée en Allemagne à une époque reculée du moyen âge. L’ogham, d’après les premiers interprétateurs, tirerait son nom d’Ogham ou  Ogmius, dieu de l’éloquence et des lettres chez nos ancêtres et qu’on figurait avec des chaînes d’or partant de sa bouche pour aller enchaîner ses auditeurs.


LES RUNES

Les peuples scandinaves qui habitaient le Danemark, la Suède, la Norwège et une partie de l’Allemagne septentrionale employaient des caractères qui portaient le nom de runes ou lettres runiques.

Ces caractères étaient longs, angulaires, formés de traits horizontaux et verticaux se coupant à angle droit ; tels qu’ils sont, ils ressemblent aux stries que produirait un instrument grossier sillonnant une surface dure.

Les caractères runiques sont au nombre de seize. Les savants ne s’accordent pas sur leur origine.

Quoi qu’il en soit, on trouve fréquemment, dans les pays du Nord, des pierres portant à leur surface des lettres runiques gravées dans la masse rocheuse. On a retrouvé également des tiges de bois ou d’os, appelées aunes ou bâtons runiques, sur lesquelles les anciens Scandinaves ont gravé, en runes, des sortes de calendriers, avec des calculs d’astronomie primitive, qui semblent y avoir rapport.

Les anciens magiciens du Nord employaient les runes dans leurs enchantements. C’étaient les runes magiques. Une seule faute d’orthographe passait pour faire perdre tout leur pouvoir aux runes magiques. On distinguait les runes amères caractères qui avaient la propriété de nuire ; les runes secourables, qui détournaient, croyait-on, les accidents ; les runes victorieuses, et les runes médicinales, auxquelles on attribuait la vertu de guérir les maladies.


LES DIVERSES ÉTAPES DE L’ÉCRITURE
EN EUROPE :
ONCIALE – GOTHIQUE
ÉCRITURES MODERNES

Notre écriture actuelle dérive de l’écriture phénicienne ; elle nous est venue par la Grèce et Rome, propagée par les navigateurs phéniciens et les tribus des Pélasges, d’où son nom d’écriture pélasgique. Tracée d’abord de droite à gauche, puis passant par la période transitoire du boustrophédon, dont nous avons parlé plus haut, ce fut, croit-on, Proponidès, d’Athènes, qui commença à la faire tracer de gauche à droite, sens qu’elle a conservé depuis.

Les différents caractères employés aujourd’hui en Europe tireraient donc leur origine de l’alphabet romain, dont nous venons de voir la genèse et ils se seraient répandus dans l’Occident avec le progrès des armes romaines.

On en peut suivre les différentes étapes, à travers les variations de formes que subirent les lettres, durant toute la période du moyen âge, en examinant les manuscrits qui nous sont restés comme les témoins du progrès de l’esprit humain et des diverses transformations de l’art graphique.

On se servit d’abord de l’écriture majuscule, formée de majuscules à peu près semblables à celles que nous employons encore aujourd’hui.

Elle se divisait : 1° en capitale, régulière, usitée sur les monuments, et assez rarement dans les manuscrits, sauf, toutefois une forme de capitale irrégulière, appelée capitale rustique. Ce nom de capitale est, du reste, demeuré aux lettres majuscules, dans le langage typographique ; 2° en onciale, c’est une écriture majuscule dont les contours sont la plupart du temps arrondis, et dont quelques caractères diffèrent, par leur forme, des caractères de même nom dans l’écriture capitale. Elle servit d’abord à faire le texte courant ; puis, plus tard, on conserva le nom d’onciale aux initiales ou aux textes entièrement composés de majuscules parfois richement ornées ou rehaussées de dorures.

L’écriture onciale remplaça, dans les manuscrits grecs l’écriture capitale. Elle fut employée pour les livres jusqu’au IXe siècle et dans les livres d’Eglise jusqu’au XIIe siècle.

A partir du IXe siècle, l’onciale fut remplacée par les livres vulgaires par la demi-onciale qui devint la cursive.

Quelquefois, au lieu de se contenter de la simplicité ordinaire des caractères, on ajoutait à l’onciale des ornements variés qui en rehaussaient le cachet et en enjolivaient la forme. L’écriture ainsi modifiée porte le nom d’onciale enjolivée.

Au Xe siècle, à l’écriture onciale succéda l’écriture minuscule, qui est une onciale simplifiée, et qui correspond au caractère ordinaire de nos livres imprimés, dit caractère romain. Les onciales ou les demi-onciales étaient réservées pour les titres et les têtes de chapitres.

Signature de Jean Channdos (type d’écriture intermédiaire)

Signature de Jean Channdos (type d’écriture intermédiaire)

Dégénérée jusqu’au VIIIe siècle, l’écriture minuscule se releva au temps de Charlemagne, sous le nom d’écriture caroline. Au temps des Capétiens, elle s’appela écriture capétienne, et finit par aboutir à l’écriture cursive, qui n’est autre chose que l’écriture liée, usuelle et expéditive, comme son nom l’indique.

L’écriture appelée gothique n’a pas plus été empruntée aux Goths que l’architecture qui porte leur nom. Elle n’a paru comme l’architecture ogivale, qu’au XIIe siècle, et s’est maintenu jusqu’au XVIe, époque à laquelle la découverte de l’imprimerie donna le pas au caractère romain.

Cependant, il y a lieu d’établir ici un fait, qui permettra d’éviter une confusion qui s’est souvent produite. Il faut bien distinguer ce qu’on appelle vulgairement l’écriture gothique, datant du XIIe siècle, de la gothique ancienne, créée à la fin du IVe siècle par l’évêque Goth Ulfilas ; elle dérive de l’alphabet runique, complété par un certain nombre de lettres grecques ; elle n’est assujettie à aucune règle fixe, et les éléments s’y confondent avec plus ou moins de bizarrerie.

Quant au gothique moderne, qui date du XIIe siècle, et qui est issu de la scolastique, à une époque de décadence, c’est l’écriture latine dégénérée et chargée de traits hétéroclites.

Les manuscrits étaient ordinairement exécutés en caractères gothiques d’une grande régularité et d’une grande pureté de contours. L’écriture minuscule gothique fut employée à la copie des livres d’église, de Louis IX à Henri IV.

Au contraire, comme écriture courante, pour les actes des gens de loi, pour les comptes et dépenses, on avait adopté une sorte de gothique qui pouvait être assez facilement tracée et facilement lue. La nécessité de faire vite amena nécessairement, en vertu du principe du moindre effort, l’arrondissement des angles de la gothique qui, insensiblement, devint l’ancienne écriture française.

Les Allemands emploient encore aujourd’hui l’écriture gothique ; mais elle tend de plus en plus à disparaître de leurs livres imprimés, où l’on y substitue le caractère romain, adopté par tous les peuples de l’Europe occidentale.

Quant à l’écriture allemande manuscrite, il est fort possible qu’elle suive la même transformation car, aujourd’hui même, pour éviter toute confusion, dans les actes publics, les noms propres d’hommes et de lieux sont généralement écrits en écriture romaine.

Cette énumération des divers genres d’écriture serait incomplète, si nous ne rappelions les noms des différentes écritures usitées de nos jours. Ce sont :

L’écriture anglaise qui est une cursive dont les traits vont en obliquant de droite à gauche. Elle est généralement adoptée ; elle offre l’avantage d’une grande rapidité, mais a l’inconvénient d’être beaucoup moins lisible que l’ancienne écriture française, qu’on a essayé de remettre en honneur dans ces derniers temps ; l’anglaise rapide porte le nom d’écriture expédiée.

L’écriture ronde qui est une écriture arrondie, dont les pleins diffèrent notablement des déliés, et qui est perpendiculaire aux lignes du papier.

La coulée, écriture penchée dont les lettres se tiennent et dont les jambages sont droits.

L’écriture bâtarde est une sorte d’écriture à jambages pleins et à liaisons arrondies, tenant à la fois de la ronde et de la coulée.

Il faut y ajouter : les divers procédés d’écriture abrégée ou rapide, qui ont pris successivement les noms de logographie, tachygraphie, sténographie ; les différents modes d’écriture déguisée qui constituent la cryptographie qu’on ne peut lire qu’à l’aide d’une clef ou d’une grille, selon la nature des combinaisons  qui ont servi de base au système ; et enfin la dactylographie, mode de reproduction de la pensée humaine qui sert d’intermédiaire à l’écriture manuscrite et à l’écriture imprimée, puisqu’elle emploie à la fois la main du dactylographe pour frapper sur le clavier indicateur, et un caractère d’imprimerie pour tracer la lettre sur le papier.


LES MANUSCRITS – LES COPISTES
LES ENLUMINEURS

Les plus anciens manuscrits sont des papyrus égyptiens retrouvés dans des sépultures.

Puis viennent les volumina ou rouleaux de parchemin, représentant d’anciens manuscrits latins, retrouvés sous les cendres d’Herculanum et de Pompéi.

On voit par ces deux exemples que les copistes antiques s’efforcèrent de conserver et de perpétuer la pensée.

Un des plus curieux spécimens de l’écriture des copistes antiques est le Manuscrit de Phylé ou d’Eléphantine, qui fut trouvé en Egypte, dans l’île d’Eléphantine, en 1805. Il contient huit ou neuf cents vers de l’Iliade, à partir du 160e ; ces vers sont tracés en belles capitales. On pense que ledit manuscrit a dû être écrit à l’époque des Ptolémées.

Les manuscrits les plus nombreux furent à l’origine des manuscrits reproduisant les écrits sacrés. Les moines apportaient à leur transcription un soin minutieux et une patience admirable. Nous leur devons, à côté des œuvres religieuses, un grand nombre d’ouvrages de l’antiquité et la plupart des chroniques qui nous ont transmis l’histoire du temps où ils vivaient.

Les copistes de livres, qui jouèrent dans l’évolution de l’esprit humain, le même rôle que les imprimeurs de nos jours, ont porté différents noms, variables avec les pays et les temps.

Le notaire fut, chez les anciens Romains, l’esclave chargé de prendre des notes en abréviation pour son maître. C’était également l’esclave public chargé de prendre note de tout ce qui se passait dans une procédure. A Constantinople, ils remplissaient les mêmes fonctions et on les a appelés longtemps gardes-notes.

Dans la primitive Eglise, des officiers spéciaux étaient également institués pour recueillir et conserver en notes ou abréviations les actes des martyrs. L’écriture en notes étant obscure et difficile à lire, on adjoignit aux notaires des sous-diacres comme auxiliaires. De là vient que les sous-diacres furent quelquefois, abusivement, appelés notaires, et que saint Marcien et saint Martyrius sont désignés, dans les menées ou livres liturgiques des Grecs, par le nom de Saints Notaires.

Aujourd’hui, on désigne sous le nom de calligraphe toute personne qui est habile dans l’art d’exécuter matériellement l’écriture.

Dans l’antiquité, le calligraphe était l’esclave qui remplissait l’office de secrétaire ; on désignait aussi, sous ce nom, l’écrivain employé à la copie des livres dans une bibliothèque, au moyen-âge.

Les copistes que les bibliopoles ou libraires employaient à transcrire les livres, portaient quelquefois le nom de calligraphes.

Ceux qui avaient une belle écriture, qui copiaient à main posée, recevaient plus particulièrement ce nom. Ceux qui écrivaient rapidement, à main levée, et dont les œuvres scripturales avaient moins de valeur artistique, s’appelaient plutôt de l’ancien nom de notaires.

On donnait encore quelquefois aux écrivains de profession du moyen-âge le nom de scribes ou scripteurs, et, dans les couvents, la chambre où travaillaient les moines copistes, s’appelait scriptorium.

Jusqu’à la découverte de l’imprimerie, le nom de calligraphe resta pourtant à ceux qui faisaient métier de copier les manuscrits. C’était une profession fort lucrative. Un des plus célèbres calligraphes du XVIe siècle fut Ange Vergèce ; les travaux qu’il a laissés firent l’admiration de ses contemporains ; ils étaient si remarquables comme art, comme pureté, comme fini, qu’ils ont donné lieu au proverbe : Ecrire comme un Ange. Le dicton Ecrire comme un notaire a une origine analogue, et s’il renferme une idée de malicieuse critique, nos honorables tabellions ont moins à s’en prendre à eux-mêmes sans doute, qu’à leurs devanciers homonymes appartenant à la noble corporation des faiseurs de grimoires.

Les meilleurs copistes du moyen-âge furent : Thierri de Matonville, abbé de Saint-Egroult, de l’école duquel sortirent Bérenger, Goscelin, Raoul, Bernard, Turquetil, Richard et un grand nombre d’autres.

A côté de tous ceux-là, de tout temps, il y eut des artistes calligraphes experts, qui ont fait de la belle écriture un véritable art.

Tels sont : chez les Chinois, Wan-Hi-Che, qui vécut au troisième siècle de notre ère ; à Venise, au moyen-âge, Girolamo Rocco ; le Siennois Augustin, le Milanais Creci, Li Curion à Rome, A-Kempis, dans les Pays-Bas. Les temps modernes ont compté parmi les plus réputés dans l’art de la calligraphie : Œillard et Bales en Angleterre, Josserand, Rossignol, Jarry, en France ; ce dernier est l’auteur de la décoration calligraphique de la célèbre Guirlande de Julie. A une époque plus rapprochée de nous, il faut citer encore Saint-Omer, Favarger, Verdet, etc. Les Persans ont eu, au siècle dernier, deux fameux calligraphes, Imâd et Dervich, dont les écrits sont tellement recherchés des amateurs, qu’on en suppute la valeur au prix de la lettre.

Lettre du manuscrit de Rubriquis conservé à Cambridge (Angleterre)

Lettre du manuscrit de Rubriquis conservé à Cambridge (Angleterre)
Fragment d’un manuscrit du XIVe siècle, avec initiale ornée.


Les copistes ne se bornaient pas à copier simplement les manuscrits, ils les enjolivaient d’illustrations qui en augmentaient la valeur.

Les initiales des anciens manuscrits étaient enrichies de peintures ; quelques-unes formaient le sujet de jolies miniatures, de véritables petits tableaux, d’un travail artistique comme conception et très perfectionné comme exécution.

C’est ce qui se fait encore aujourd’hui, dans les éditions de luxe de certains ouvrages illustrés ; les initiales sont parfois de charmantes vignettes, gravées avec le plus grand soin et composées quelquefois par les meilleurs artistes. Aussi les manuscrits soignés d’autrefois nous offrent-ils différents types de ces initiales illustrées, tels que :

Les lettrines, vignettes formant de petites lettres ornées ;

Les lettres grisées ; ce sont des lettres ornées commençant un chapitre, et dont les pleins sont couverts de hachures produisant l’impression d’une teinte grise.

Les lettres rubriquées ; quelquefois les initiales étaient peintes au vermillon ; on les appelait alors lettres rubriquées (de ruber, rubri, rouge.)

D’autres fois, on les ornait de vives couleurs : bleu, vert tendre ; on les rehaussait de dorures ; on les enjolivait de traits de plume, de dessins, de fioritures délicates débordant la marge des pages et quelquefois, même, empiétant sur le texte.

Ce travail d’illustration des lettres était fait soit par le copiste lui-même, soit par des professionnels qui portaient le nom d’enlumineurs ou miniaturistes.

Les enlumineurs remontent à la plus haute antiquité ; il y en avait chez les Grecs et les Romains ; on conserve au Vatican un Virgile enluminé remontant au quatrième siècle ; les enlumineurs bizantins faisaient, paraît-il, des manuscrits auxquels ils travaillaient, de véritables merveilles. Au VIIIe siècle, l’art de l’enluminure était en pleine prospérité, et l’on conserve au Louvre l’Évangéliaire de Charlemagne, enluminé, et contemporain de cette époque. Vers le Xe siècle, il y eu un arrêt, même un recul dans l’art de l’enluminure ; mais au XIIIe siècle, il reprit force et vigueur, avec plus de variété et de richesse. Au premier rang de ces enlumineurs illustres, il faut citer Jehan Foucquet, né en 1416, mort en 1485, auteur des Heures d’Anne de Bretagne, et à une époque plus rapprochée de nous, Robert, qui exécuta en 1641 les fameuses guirlandes de fleurs qui entourèrent le célèbre manuscrit si admirablement calligraphié par Jarry et offert, sous le nom de Guirlande de Julie, par le duc de Montausier à Julie d’Angennes, duchesse de Rambouillet.

Les plus habiles parmi les enlumineurs du moyen-âge, étaient les chrysographes. Ils étaient à la fois enlumineurs et calligraphes. Ils traçaient en lettres d’or ou d’argent les initiales, les légendes qui accompagnaient les miniatures, et parfois des manuscrits entiers. Le parchemin sur lequel ils opéraient était parfois teinté de couleur pourpre. Jusqu’au Xe siècle, la chrysographie eut une grande vogue ; du XIe au XIIIe siècle, les lettres d’or et d’argent furent moins fréquemment employées ; mais du XIVe au XVIe siècle, elles revinrent en grand honneur.


AVANT L’IMPRIMERIE
OBJETS AVEC LESQUELS ON ÉCRIVAIT

Les Chinois, avant d’avoir trouvé leur papier si estimé, écrivaient sur des tablettes de bambou.

Les Assyriens faisaient usage de briques, sur lesquelles ils traçaient leurs caractères cunéiformes.

Les Égyptiens se servaient de planches de sycomore. Ils employaient également la toile, et ils enveloppaient souvent leurs momies de linges couverts d’écritures.

Plus tard, ils firent usage de papyrus, c’est-à-dire de lames minces provenant de la partie centrale de la plante de ce nom, ou cypereus papyrus.

On employait également, dans l’antiquité, des tablettes d’ivoire sur lesquelles étaient peintes ou gravées des inscriptions. Ces tablettes avaient reçu un nom qui rappelait leur origine : on les appelait livres éléphantins.

Chez les Grecs, on écrivait quelquefois sur l’abaque, tableau couvert de poussière, sur lequel on traçait, avec le doigt, des nombres, des figures, des lettres, comme font encore les enfants qui s’amusent à écrire ou à dessiner sur les carreaux recouverts de buée.

On écrivait également, à Athènes, sur des tables de bois enduites de cire ou de toute autre composition. Ces tables portaient le nom d’axones.

C’est sur des coquilles d’huître (ostrakon) que le peuple athénien écrivait ses suffrages, les jours de vote, d’où le nom d’ostracisme donné au jugement populaire qui bannissait un citoyen réputé dangereux, du territoire de la République.

Les colonies grecques de Sicile écrivaient sur des feuilles d’olivier (petala) le nom du citoyen qu’elles voulaient bannir ; d’où le nom de pétalisme resté à cette forme d’expulsion.

A Rome, les pontifes écrivaient sur l’album planche enduite de craie ; plus tard on fit usage de toile ; ils se servaient aussi de feuilles d’ivoire, de bois, de métal, enduites de cire verte, sur lesquelles on traçait les caractères à l’aide d’un style ou poinçon de métal ou d’os. C’étaient les tablettes.

On se servit longtemps de l’écorce intérieure ou liber de différents arbres ; c’est de là que viendrait le mot livre.

Les peaux tannées furent employées dès la plus haute antiquité. On croit que l’usage en remonte au IIe siècle de notre ère.

Les meilleures venaient de Pergame (Italie) et elles en ont conservé le nom : parchemin. On se servait aussi de peaux de veau préparées de la même manière que le parchemin ; c’était le vélin dont le nom est resté à une sorte des meilleurs papiers.

On arriva ainsi au papier sur l’origine duquel on n’est pas d’accord, et que prétend-on, les Chinois connaissaient depuis la plus haute antiquité.

Le papyrus, le parchemin, le papier étaient désignés au moyen âge sous le nom générique de carte (grec karta ; latin charta). Le mot est passé dans notre langue ; les chartes des monastères comprenaient l’ensemble des actes manuscrits qu’on y conservait ; au temps de Rabelais, on désignait sous le nom de charte un abécédaire collé sur du carton.

Les écrivains professionnels étaient, de ce fait, désignés quelquefois sous le nom de chartographes.

Les objets employés pour écrire furent tour à tour le doigt (abaque), le pinceau (Égypte), encore employé aujourd’hui en Chine ; le style, poinçon dont le nom est resté, en se généralisant, à la manière d’exprimer la pensée ; le calame, roseau pointu en usage à Rome, et qui est encore employé dans l’Orient ; la plume d’oie, dont on se servit jusque dans ces derniers temps ; aussi a-t-on pu dire, avec une pointe de malice « que les chefs-d’œuvre de notre littérature avaient été écrits par des plumes d’oie. » Elle fut détrônée par la plume métallique, employée partout aujourd’hui, et à laquelle, depuis quelque temps le style de verre ou d’onyx ou les divers stylographes à pointe montée sur ressort viennent faire concurrence.

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Ecritures Imprimées
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L’IMPRIMERIE – GUTENBERG


L’IMPRIMERIE n’a pas été inventée d’un seul coup ; comme toutes les inventions, elle a procédé par étapes successives. On a discuté fort longtemps sur le nom de son inventeur. Les uns regardèrent Laurent Coster, de Harlem, comme l’inventeur de l’imprimerie, car il publia au commencement du XVe siècle, un Speculum nostræ salutis et des Donat, sur planches gravées sur bois. Ces premiers produits de l’art de l’imprimerie sont appelés INCUNABLES (du latin, incunabula, berceau) ; ils constituent les incunables xylographiques ou tabellaires, c’est-à-dire obtenus au moyen de planches gravées ou sculptées, d’une seule pièce. On distingue aussi les incunables typographiques, c’est-à-dire composés de caractères mobiles ; ce sont ceux-là les véritables livres imprimés. A ce titre, Gutenberg qui imita Laurent Coster, mais se servit de caractères mobiles, d’abord en bois, puis en métal, peut être considéré comme l’inventeur de l’imprimerie proprement dite. Il s’associa à Faust et à Schœffer, qui perfectionna la fonte des caractères ; c’est à lui qu’on attribue généralement l’invention du moule à fondre et celle du poinçon d’acier servant à la frappe des matrices. Le rôle de Schœffer serait, si le fait est exact, presque aussi considérable que celui de Gutenberg, dans l’histoire de l’art typographique, car la fabrication des caractères usités dans l’imprimerie se fait aujourd’hui encore par les mêmes procédés qu’à l’origine de cet art. On grave chaque lettre en relief à l’extrémité d’un poinçon d’acier ; on enfonce le poinçon dans une plaque de cuivre où la lettre forme une matrice en creux, dans laquelle le fondeur introduit du métal en fusion.

Fac-similé du premier livre imprimé à Paris.

Fac-similé du premier livre imprimé à Paris.
Fac-similé du plus ancien livre imprimé en français


Quoiqu’on attribue à Schœffer l’invention du poinçon d’acier destiné à la frappe des matrices, il semble possible que les premiers imprimeurs ou prototypographes, durent après l’abandon des planches xylographiques gravées en relief, renverser l’ancien procédé en gravant des lettres en creux, dans du bois ou du métal, pour en prendre ensuite des empreintes en plomb.

Les partisans de cette théorie se basent sur les divergences remarquées entre la forme des mêmes lettres, qui ne peuvent provenir que d’une gravure multiple, ayant fourni pour la même lettre des matrices différentes.


LES ANCIENS CARACTÈRES

Quant aux plus anciens caractères, à ceux fondus les premiers par Gutenberg, ils ne furent pas perdus dans la débâcle qui suivit le procès de l’illustre inventeur avec son associé Faust.

Un érudit, M. Helbig, a publié en effet dans le Bulletin du Bibliophile belge une intéressante étude, dans laquelle il démontre ce que les caractères fondus primitivement par Gutenberg sont devenus.

Une partie a été cédée à Henri Bechtermünd, parent de Gutenberg, qui s’établit imprimeur à Eltwill, dans le duché de Nassau, à qui Gutenberg laissa son imprimerie lorsqu’il fut nommé par Adolphe II, duc de Nassau, archevêque et grand électeur de Mayence, gentilhomme de la maison de ce prince. Ce matériel qui avait servi à composer le Catholicon de 1460, servit également à la composition du Vocabulaire ex quo, de 1467, et finit par être cédé par acte de vente daté de 1508, aux frères de la Vie commune, de Marienthal, près d’Eltwill, qui achetèrent l’imprimerie léguée par Gutenberg à ses parents, les frères Bechtermünd.

Quelques érudits ont voulu faire de l’Allemand Pfister un des inventeurs de l’imprimerie. Son nom est même resté à une sorte de caractères primitifs, appelés caractères de Pfister. Il y a erreur ou tout au moins exagération.

On peut regarder maintenant comme hors de tout doute que Pfister tenait ses types de Gutenberg, n’importe à quel titre. On n’a pas besoin, pour cela, de recourir au soupçon d’un vol, comme quelques-uns l’ont fait. Il est beaucoup plus probable que Gutenberg, après s’être séparé de Faust, aura vendu ou donné à Pfister, graveur en bois, qui était peut-être un de ses ouvriers, une partie de ces caractères usés qui lui étaient devenus inutiles.

D’abord les premiers livres imprimés furent semblables en tout aux manuscrits dont ils représentaient les caractères et les abréviations. Les deux spécimens que nous donnons ci-contre des premières productions typographiques, permettent d’en juger.

Peu à peu les caractères gothiques ou lettres de somme, se débarrassèrent en France de leurs aspérités et devinrent la bâtarde ou ronde, de laquelle, par une légère modification, JENSON, de Venise, fit dériver le caractère romain actuellement encore employé.

Les initiales des premiers livres imprimés, comme celles des manuscrits du moyen âge, étaient ornées.

Parmi les curieuses initiales et vignettes de cette époque, il est une collection remarquable ; c’est celle des grandes lettres initiales avec vignettes, dite Alphabet de la Mort, et dessinée par Holbein, le célèbre peintre bâllois, auteur de la fameuse Danse macabre. Un squelette en est presque toujours le principal motif. Cet alphabet fut longtemps employé par les imprimeurs de Bâle et de Strasbourg ; les frères Trechsel, de Lyon, publièrent également, sous le titre de Simulacres de la Mort, une série de dessins d’Holbein, dont la vogue n’est pas encore épuisée.

Aujourd’hui, on désigne les caractères par le nombre de points (unité typographique adoptée par les imprimeurs) qu’ils contiennent.

Autrefois, ils reçurent différents noms, dus à diverses circonstances, parfois accidentelles.

Le cicero reçut son nom de ce que, à l’origine, il fut employé à l’impression des œuvres de Cicéron, à Rome. Le saint-augustin servit d’abord à imprimer les œuvres de saint Augustin, à Bâle.

Les bibliophiles connaissent tous certain caractère qu’on appelle caractère de civilité ; c’est un caractère imitant l’écriture ordinaire, et qui fut fréquemment employé à la réimpression du livre de Jean-Baptiste de La Salle : la Civilité puérile et honnête. Ils furent inventés à Lyon en 1556, par Nicolas Granjon.

L’écriture italique est ainsi appelée parce qu’elle est due au célèbre imprimeur italien Alde Manuce. L’axe et la direction de cette écriture, au lieu d’être perpendiculaires à la ligne, obliquent légèrement à droite. Les caractères italiques sont employés, dans les textes imprimés, pour attirer l’attention du lecteur sur certains mots ou passages plus spécialement intéressants.

La célèbre dynastie d’imprimeurs, les Estienne, perfectionna la forme du caractère et laissa en même temps que de remarquables travaux typographiques, des ouvrages de haute valeur littéraire qui témoignent du génie et du savoir étendu de ses membres.

Philippe Pigouchet se fit remarquer, vers la fin du XVe siècle, par la publication de livres d’heures qu’il encadrait d’ornements très finement gravés sur bois.

Le caractère typographique fut perfectionné par les célèbres imprimeurs, les Elzévir ou Elzévier, originaires de Hollande, pour lesquels Claude Garamond et de Sanlecque, fabriquèrent ce magnifique type de lettres qui porte encore le nom d’elzévir et qui a reconquis, depuis quelques années, une faveur méritée.

Ambroise Firmin-Didot, au XVIIIe siècle, donna des bases scientifiques à la fonderie typographique et obtint de magnifiques caractères, aussi élégants que lisibles, qui ont conservé son nom et ont fait la gloire d’une de nos plus importantes maisons d’imprimerie actuelle.

Il faut encore citer parmi les fonderies de beaux caractères, celle de l’Imprimerie Nationale. Ses caractères se reconnaissent à une marque distinctive que, seule, elle a le droit d’employer, et qui consiste en une sorte de sécante placée sur le flanc gauche de la lettre l .

Il suffit de consulter les spécimens de nos fondeurs actuels pour constater des merveilles de bon goût, de sens artistique, et demeurer convaincu que nos graveurs et producteurs contemporains ne le cèdent en rien à leurs devanciers, et que l’art de la fonderie typographique est un de ceux qui ont marché de front avec ce mouvement ascensionnel du progrès, qui est le caractéristique de notre époque.


PROCÉDÉS SCIENTIFIQUES MODERNES

Cette étude sur l’histoire de la lettre à travers les âges serait incomplète, si nous ne disions quelques mots des procédés scientifiques appliqués à l’art typographique et qui ont permis de le perfectionner, grâce aux découvertes de la mécanique et de la chimie. Ces procédés sont :

La Stéréotypie, qui consiste à reproduire en une seule masse solide, une composition typographique faite en caractères mobiles. On obtient cette reproduction en coulant la matière (alliage de plomb et d’antimoine) dans un moule, ou matrice, obtenu en creux par l’application sur la composition en mobile d’un flan ou gâteau de plâtre coulé et qui a été remplacé depuis par un flan formé de couches alternatives de papier de soie et d’un enduit de colle de pâte et de blanc d’Espagne.

L’inventeur du flan préparé est M. Lottin de Laval, qui appliqua, à la prise des empreintes du fameux cylindre d’Opis à Bagdad, ce procédé qui a été, de son nom, appelé Lottinoplastie, et qui fut appliqué pour la première fois en 1848, dans l’imprimerie du célèbre socialiste Pierre Leroux, à Boussac.

La Galvanoplastie, procédé de reproduction qui consiste à faire déposer, dans un bain électrique, du cuivre dans un moule de gutta-percha enduite de plombagine, lequel moule est une sorte de flan qui a pris l’empreinte d’une composition mobile ; quelquefois le moulage a été fait avec de la cire au lieu de gutta-percha. On renforce la coquille de cuivre du galvano en coulant derrière de la matière d’imprimerie. Citons encore :

La Lithographie ou gravure sur pierre.

L’Autographie, nom donné aux divers systèmes de reproduction par l’imprimerie, de l’écriture que l’on trace généralement soi-même, et qu’on reporte sur une matière variable, gélatine, parchemin gélatiné, etc.

La Papyrographie, art d’obtenir des épreuves lithographiques en substituant  des blocs de carton-pâte aux pierres lithographiques.

La Xyloglyphie ou Xylographie qui est la gravure sur bois.

La Gravure à l’eau-forte, qui constitue l’art des aquafortistes et qui utilise les propriétés corrosives de l’acide azotique ou eau-forte, pour tracer sur les métaux les figures ou dessins qu’on désire reproduire par ce moyen.

La Pointe sèche, gravure au burin ou taille douce qui se fait directement.

La Gravure au lavis qui donne des tons semblables à ceux des dessins lavés à l’encre de Chine et qui est une variante de la gravure à l’eau-forte, obtenue par des morsures successives et dégradées des parties dont on veut atténuer la nuance.

La Sidérographie qui est l’art de graver sur fer ou sur acier. Ces procédés étaient très usités au XVe  et au XVIe siècle, et furent remis en honneur en 1816 par les artistes américains.

Lithochromotographie. On donne ce nom à l’art d’imprimer en couleur sur pierre ; on dit plus souvent chromolithographie.

La lithochrysographie est l’art d’imprimer, sur pierre, les ors et les couleurs.

Chalcographie. Les chalcographes vinrent ensuite, qui gravèrent la lettre en taille-douce, firent des planches sur cuivre, et en 1851, l’un d’eux, l’Allemand Heims nous donne la Chalcotypie, ou gravure en relief sur cuivre.

Gillotage. Le gillotage, du nom de Gillot, son inventeur, est le procédé qui consiste à mettre en relief sur zinc, par les acides, un dessin tracé à l’encre grasse, de façon à le transformer en cliché dont on peut tirer des épreuves par les procédés ordinaires de l’impression typographique.

La Photozincographie ou la Photoglyptie ou Hélioplastie, procédés de reproduction dans lesquels sont utilisées l’action de la lumière et celle des acides sur la gélatine et les métaux, pour obtenir en relief des images qui seront au tirage des dessins, lettres reproduites, etc.

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Les Enseignes
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L’ENSEIGNE AUTREFOIS


PRIMITIVEMENT, l’enseigne était l’objet, le signe qu’on pendait « devant un logis pour faire connaître que, dans ce logis, on vendait ou faisait quelque chose qui regarde le public. »

Des bassins blancs pendus indiquaient un barbier ; des bassins jaunes un chirurgien. Un chou pendu au-dessus d’une porte indiquait un marchand de vin. De la paille, de petits paniers pendus devant une maison avertissaient qu’on y vendait du lait et du fromage.

Les auteurs anciens ne nous disent rien des enseignes de Rome ou d’Athènes. Cependant la découverte des ruines de Pompéi et d’Herculanum, où la vie antique se trouve pour ainsi dire sur le vif, nous a révélé quelques notions sur les enseignes romaines.

A Rome, l’enseigne était souvent un tableau peint à la cire rouge, et dont le sujet était en rapport avec la profession ou la marchandise qu’elle annonçait (vache peinte chez les crémiers ; combat de gladiateurs chez les maîtres d’armes).

A Pompéi, on a retrouvé de petits bas-reliefs en terre cuite, ayant servi d’enseignes ; on peut également regarder, fort probablement comme des enseignes les sgraffiti ou inscriptions tracées sur les murailles anciennes, qu’on a retrouvées dans cette dernière cité, et dont le nom s’applique également à ce mode de décoration italienne, qui consiste à appliquer sur un fond de stuc noir un enduit blanc, de manière à former des dessins.

Au moyen-âge et au temps de la Renaissance, les enseignes consistaient le plus souvent en potences de fer, supportant un panneau de tôle mobile, qui tournait et grinçait au moindre vent. Quelques-uns de ces panneaux étaient décorés d’ornements, d’enroulements bizarres, qui les ont fait conserver dans nos musées comme de curieux types de l’industrie d’autrefois.

Quelquefois l’enseigne était un bas-relief ou une peinture sur panneaux, représentant un intérieur de boutique, avec une foule de personnages s’occupant à la manutention des objets relatifs à l’industrie que l’on adoptait pour enseigne. C’est là que l’on a pu trouver de curieux ornements à consulter, pour l’histoire du costume et celle des arts et métiers du temps-passé.

Le choix de l’enseigne, fut d’abord abandonné au libre arbitre de chacun. Et nos ancêtres, nés malins, donnaient libre cours à leur malice gauloise. Tel désignait sa maison à la Roupie par une roue et une pie ; tel autre à l’Assurance, par un a sur une anse. C’étaient les enseignes à rébus.

Il y avait aussi les enseignes fantaisistes : telles celle du Chat qui pelote, de la Chèvre qui danse, et de la Truie qui file.

Il y avait des enseignes mythologiques : telles la Fontaine de Jouvence, les Forges de Vulcain ; les enseignes bibliques : à l’Arche de Noé, à l’Echelle de Jacob ; les enseignes astronomiques : Soleil levant, Croissant d’or, Sept étoiles, etc., les enseignes agricoles : Le Veau qui tette, la Pomme de pin et le Cheval blanc ; les enseignes politiques : hôtel des Princes, du Grand Monarque, etc.

Chacun s’efforçant d’attirer, de forcer l’attention du public, on vit les commerçants rivaliser d’ingéniosité pour trouver les sujets d’enseignes les plus capables de frapper l’esprit du passant.

Si nous tenons compte en même temps de l’ignorance générale, il nous sera facile de comprendre qu’au moyen-âge, l’enseigne dût par elle-même être parlante, puisqu’elle s’adressait à un public qui ne savait pas lire.

C’est ce qui explique pourquoi ce qui domine dans l’enseigne d’autrefois, c’est plutôt le dessin que la légende. L’enseigne-dessin tenait même tant de place, à cette époque où les rues n’étaient pas plus baptisées que les maisons numérotées, qu’elle servait de point de repère pour s’orienter dans la ville. Aussi bien, nombre d’anciennes enseignes ont laissé leur nom aux rues où se trouvait l’établissement qu’elles servaient à annoncer et à décorer. Les noms des rues du Croissant, de l’Homme Armé, du Chat qui pêche, etc., n’ont pas une autre origine.

L’enseigne fut, par un édit de Henri III, décrétée d’utilité publique, et les gens qui voulaient obtenir la permission de tenir une auberge devaient non seulement faire connaître au greffe du tribunal leurs nom et demeurance, mais encore leurs affectes et enseignes.

Jusque-là, les aubergistes et gargotiers se contentaient de placer au-dessus de leur porte un paquet ou bouchon de feuillage ou de fougères ; d’où le nom de bouchon qui est resté aux débits de boisson de peu d’importance.

Les bourgeois, artisans et artistes de certaines villes avaient obtenu le droit d’écuage, c’est-à-dire le droit d’avoir des armes timbrées, à l’instar des armoiries féodales, depuis 1371, époque à laquelle le roi Charles V leur en octroya le privilège.

Le grand public ne savait pas lire. Aussi beaucoup d’entre eux fixèrent-ils leurs armes, non seulement sur les produits de leur industrie, mais au-dessus de leurs portes, où elles leur servaient d’enseigne.

L’esprit français ne perdant jamais ses droits, ils s’ingénièrent à combiner les sujets de ces armoiries du travail, de manière à en faire de véritables armes parlantes. C’étaient des sortes de rébus, qui rappelaient le nom du possesseur des armoiries. Tels sont : l’imprimeur Michel Moules, qui exerçait à Paris en 1515, dont les armes figurent saint Michel combattant le démon, au-dessus d’une mer agitée, de laquelle émergent des moulesJehan Granjon, dont le blason figure des joncs gigantesques (géants, grands joncs).

Armes de Michel Moules

Armes de Michel Moules


Un nommé Payen  figurait un musulman, un païen dans ses armes. Le nommé Nyverd y plaçait un nid peint en vert.

Pierre Ricoart, imprimeur à Paris en 1545, inscrivait sur son enseigne un écu sur lequel figurait un coq au milieu des flammes, et au-dessus duquel se lisait la syllabe Ri. L’interprétation de cette enseigne était assez compliquée ; mais, en style du temps elle faisait le nom du propriétaire. Coq se prononçait co, comme aujourd’hui en quelques provinces ; arder signifiait brûler ; ard, il brûle. Il était alors facile de lire Ri co ard.

Armes de Pierre Ricoart.

Armes de Pierre Ricoart.

Tel autre, répondant au nom de Pynson plaçait au-dessus des emblèmes de son métier un pinson frétillant et semblant saluer le soleil de sa joyeuse chanson.

Les commerçants n’usaient pas seuls d’enseignes qui étaient en quelque sorte leurs armoiries professionnelles ; on peut faire rentrer dans la catégorie des enseignes (signum) tout ce qui avait pour objet une signification de réclame ou même gouvernementale.

On figurait des devises, des armoiries, des emblêmes, sur les baverolles, sortes de drapeaux qu’on attachait autrefois aux trompettes comme ornementation. C’étaient comme les enseignes des corps de troupe.

Les devises figuraient non seulement sur les écus, en chef ou en pointe des armoiries, autour des timbres ; on les reproduisait aussi, en lettres variées sur les bannières ou pennons. C’est comme une sorte de prélude à la lettre sur toile, à l’enseigne sur étoffe.

Il n’est pas jusqu’à l’administration, même à l’époque où il n’y en avait pour ainsi dire pas, qui ne fit usage d’enseignes emblématiques. Tel est le cas de la Billette ou Billot, petite enseigne en forme de baril qui se plaçait autrefois au haut d’une perche dans certains endroits, pour indiquer qu’un péage y était établi.

La Girouette elle-même avait jadis sa valeur symbolique et servit d’enseigne. Sa forme variait avec le rang du propriétaire sur le château duquel elle avait la liberté de tourner à tous les vents. Les simples chevaliers n’avaient droit qu’à une girouette en pointe. Si l’on apercevait au-dessus du donjon une girouette carrée, décorée d’armoiries, d’ornements de toute sorte, on était fixé : on savait immédiatement que le maître de céans était un chevalier banneret.


LES EPITAPHES

Des enseignes, peuvent être rapprochées, les épitaphes, qui sont en réalité des enseignes privées, destinées à rappeler le souvenir de toutes les vertus des défunts, même de ceux qui n’en avaient pas et à confirmer ce malicieux proverbe : Il n’y a que de braves gens dans les cimetières.

L’usage des épitaphes remonte à la plus haute antiquité. On peut dire en quelque sorte qu’il est aussi vieux que le monde et que la mort. Car si l’on peut, à la rigueur, regarder comme une épitaphe tout signe placé par la reconnaissance ou la pitié filiale sur le tombeau d’un aïeul ou d’un père, l’épitaphe n’a pour nous d’intérêt, qu’autant qu’elle peut être envisagée comme une inscription graphique et littéraire. On trouve les épitaphes dès la plus haute antiquité civilisée ; on les lit sur presque tous les tombeaux de l’époque romaine, qui sont si fréquemment rencontrés dans le midi de la France. Tels sont, par exemple, ceux situés aux environs d’Arles, dans le vaste cimetière des Alys Camps  ou Champs-Elysées et qui, presque tous, portent une épitaphe extérieure.

A l’époque mérovingienne, on grava les épitaphes dans l’intérieur des tombeaux, de peur, disait-on, de provoquer les violations de sépulture. A partir des Carlovingiens, les épitaphes furent de nouveau placées à l’extérieur des tombeaux.

A côté des enseignes et des épitaphes, sorte d’enseigne privée et morale, se placent les inscriptions sur des tablettes de marbre ou sur des emplacements réservés dans les entablements, indiquant la destination d’un monument, ou destinées à perpétuer le souvenir d’un fait, à préciser une date, à rappeler le souvenir d’un grand homme.

Ces inscriptions se font toujours sur marbre, sans doute pour obéir à un vieil usage ; plus loin, nous expliquerons pourquoi au bout de peu de temps la plupart de ces inscriptions deviennent presque illisibles, en raison surtout de ce que leurs caractères sont de faibles dimensions, et d’inconvénients de nature atmosphérique et chimique, qui nous font regretter que là, encore, on reste esclave de la routine et on ne suive pas les progrès de l’art industriel.


L’ENSEIGNE MODERNE

Les maîtres de l’art ne dédaignaient pas à l’occasion de travailler à des enseignes. Quelquefois ce fut par amitié pour des commerçants ; d’autres fois, probablement pour s’acquitter envers quelque créancier impitoyable. C’est sans doute à quelque considération de ce genre que nous devons des merveilles, telles que le Cheval blanc peint par Géricault à la devanture d’un quidam, l’enseigne du marchand de tableaux Gesaint, qui fut peinte par Watteau, la Chaste Suzanne de Jean Goujon, qu’il fit, dit-on, pour un marchand de la rue aux Fèves, Paris.

Aujourd’hui l’enseigne est remplacée, en général, par une inscription, plus ou moins compliquée, qui est, en ce siècle d’industrialisation, une véritable affiche.

Cependant, si au début, l’inscription fut quelconque, le désir d’éclipser le voisin, de faire mieux que lui, de frapper davantage le public, combiné avec le goût des artistes, amena peu à peu l’industrie de l’enseigne à être une véritable industrie d’art, surtout, depuis que des esprits judicieux, observateurs, ont appliqué à l’enseigne les connaissances mécaniques, géométriques, physiques et chimiques, qui lui ont permis d’atteindre le degré de perfection qui la caractérise en ce temps.


L’ENSEIGNE-LETTRE

Du jour où l’on a fait l’enseigne-lettre, la forme la plus simple a été l’inscription sur la muraille.

Cette inscription s’est faite en lettres peintes ou en lettres gravées sur la pierre. Ce sont les enseignes fixes.

On a fait cependant des enseignes mobiles peintes sur panneaux de bois ou plaques de tôle ou écussons, comme il a déjà été dit plus haut.

La peinture et la gravure n’offrant pas assez de lisibilité, on en arriva à la lettre en relief.

Les lettres en relief de petites dimensions s’appliquent généralement sur les glaces et sont faites en cuivre, en émail, en cristal.

La grande lettre d’enseigne en relief, apposée aux tableaux de devanture ou aux façades des maisons se fabrique surtout en zinc et en bois.

Le besoin de satisfaire le goût du beau, qui se développe de plus en plus chez le public et dans le monde commercial a conduit à substituer au zinc et au bois une forme d’enseignes d’une plus grande élégance, d’un plus grand cachet artistique. Là est l’origine de l’enseigne-marbre, de la pierre sous glace, de l’enseigne-xylocristal.

On verra par ce qui va suivre, en quoi consistent ces différents genres.


LA LETTRE-ZINC

La lettre-zinc se compose de lamelles de zinc, découpées selon la forme convenable et soudées entre elles, de façon à constituer la forme du caractère.

Cette lettre est ensuite dorée suivant les procédés usités dans l’industrie.

Elle offre l’avantage d’être légère, en raison de la faible densité relative du zinc ; facile à fabriquer, à cause de la grande malléabilité du métal. Mais elle offre divers inconvénients, notamment celui d’être facilement déformée par un choc. De plus, si la soudure a été négligée, il arrive souvent qu’en raison de l’inégale dilatabilité d’un métal qui n’est pas toujours homogène, parce que pas chimiquement pur, il se produit des dessoudures qui nécessitent de coûteuses réparations, sans compter les inconvénients d’origine chimique, tenant à la nature même du métal employé.

Lettre zync

Ce que deviennent souvent en peu de temps les lettres en
zinc doré, par l’oxydation.
(Reproduction d’après nature)


On a beau peindre le zinc en couleur, le recouvrir d’une couche dorée pour lui donner l’éclat nécessaire et le protéger contre les intempéries et en assurer la conservation ; ces moyens préventifs sont manifestement insuffisants à empêcher l’altération du zinc. On peut s’en rendre compte par la reproduction photographique de la lettre en zinc doré, prise sur nature, que nous donnons ci-dessus. En effet, le zinc livré par le commerce n’est pas chimiquement pur ; il est toujours plus ou moins allié à différents métaux. Si, à froid, le zinc est peu attaquable par les acides forts, tels que l’acide azotique et l’acide sulfurique, il n’en est plus de même lorsque ces acides agissent sur le zinc en présence d’autres métaux. Il se produit un véritable effet de pile. Les métaux étrangers, électro-négatifs par rapport au zinc, déterminent la formation d’un couple voltaïque, où le zinc est l’élément le plus oxydable.

Or si l’on songe que, notamment dans les orages, il se forme sous l’influence de l’électricité atmosphérique de l’acide azotique résultant de l’action de l’oxygène sur l’azote de l’air, on comprend sans peine l’altération de la lettre-zinc et le peu de durée des enseignes faites avec cette matière.


LA LETTRE EN BOIS

La fabrication des caractères en bois n’est pas chose nouvelle ; on emploie depuis fort longtemps cette matière dans l’imprimerie, pour tracer les grands caractères d’affiches.

L’art de graver ces caractères constitue la xyloglyphie (de xulon, bois).

Le xyloglyphe est le graveur de caractères sur bois, celui qui exécute des lettres ornées pour la librairie, aussi bien que les grosses lettres destinées aux affiches.

Le xylographe est le graveur sur bois, et le xylotomiste (de xulon, bois ; tomê, action de couper) le découpeur de la lettre en bois employée pour l’enseigne.

A l’origine, avant que les progrès de la mécanique eussent permis le travail facile du bois, la lettre-bois se faisait par parties détachées, que l’on réunissait à l’aide de goujons, rattachant les éléments de la même lettre.

On saisira sans peine les inconvénients de cette manière de faire au point de vue de la solidité et de l’élégance.

Pour peu que la lettre fût de grandes dimensions, les parties avaient une tendance au ballottement, à moins d’user de goujons très forts qui augmentaient le poids de la lettre et dont les dimensions, seule garantie de solidité, se trouvaient forcément limitées par l’épaisseur du corps de la lettre.

Ancienne lettre en bois formée de parties séparées.

Ancienne lettre en bois formée de parties séparées.

On se rendra facilement compte de ce fait, par l’examen de la figure ci-dessus, qui représente les parties d’une ancienne lettre de bois, et qui parlera plus à l’intelligence du lecteur que les plus longues descriptions ne le pourraient faire.

Outre ces inconvénients, la longueur de la fabrication de la lettre en bois à parties détachées la mettait à un prix tellement onéreux qu’elle n’eut aucun succès.

Il s’agissait donc d’obtenir une lettre-bois solide, faite d’une seule pièce et d’un prix abordable. Ce problème a été résolu par l’inventeur Emile Bouvais qui arrive, par des procédés mécaniques fort simples à produire des lettres en bois de toutes les formes, qui peintes et recouvertes d’une couche de dorure, font le même effet que la lettre-zinc, demeurent intactes pendant une durée 3 ou 4 fois plus considérable, et donnent des enseignes beaucoup plus économiques, tout en restant, pendant toute leur durée, aussi nettes, aussi propres, aussi élégantes qu’au moment de la pose.


LA LETTRE TRIÉDRIQUE

Une des plus remarquables productions de cet ingénieux inventeur est la lettre-bois à 3 faces, dite encore lettre triédrique, qui, faite en creux et placée sous glace offre l’avantage d’une plus grande lisibilité et d’un plus grand éclat.

Figure théorique prouvant que la lettre triédrique a un plus grand éclat

Figure théorique prouvant que la lettre triédrique
a un plus grand éclat.


En effet, l’observation la plus élémentaire, faite en pleine rue, au hasard de la rencontre, permettra au plus prévenu de s’assurer qu’elle est beaucoup plus lisible que celle affectant toute autre forme, lettre découpée à angles droits, ou lettre diédrique, dont les faces se coupent à arête à la partie la plus externe de la lettre. Il ne faut pas un gros effort pour se rendre compte que sous un angle approchant de 90 degrés, soit à droite, soit à gauche de la lettre triédrique, celle-ci reste quand même lisible. Ce n’est pas là un des moindres avantages, l’enseigne, qui doit tirer l’œil, frappant surtout le passant au passage.

Tel est l’avantage de la lettre à trois faces en ce qui concerne la lisibilité.

Elle se fait aussi bien en creux qu’en relief et dans ce cas, elle offre un éclat remarquable ; ce sont des considérations d’optique mathématique qui ont conduit l’inventeur à l’établir.

En effet, que représente le fond de la lettre à 3 faces ? Une surface unie, polie, réfléchissante, un véritable miroir, en un mot.

Sans vouloir entrer dans des développements théoriques hors de mise avec le cadre de cet ouvrage, qu’il nous soit permis néanmoins de faire comprendre aussi simplement que possible, quel en est le rôle joué par la troisième face, ou face de fond, de la lettre triédrique.

Les rayons lumineux émis ou réfléchis par la face C D, forment un faisceau compris entre les points B, C, D, faisceau qui vient se réfléchir sur la surface B C, formant miroir. Ils seront réfléchis suivant T S U. Le même effet sera produit par les rayons venant de la surface A B, par rapport à la surface B C.

On se rend compte, maintenant sans peine, de la manière dont la lettre à trois faces donne un éclairement plus considérable, apparaît plus lisible et plus brillante, par suite plus frappante aux yeux du lecteur, ce qui est la qualité essentielle de toute enseigne qui veut répondre à son but.

Les spécimens ci-contre des lettres-bois obtenues par le système Bouvais, accompagnées de leur relief, montrent que la lettre bois se prête à la plus grande variété de formes et de dessins, tout en conservant les avantages de la solidité, du bon marché, d’une durée plus longue et d’une lisibilité plus grande.

Lettres-bois

Les quatre planches que nous reproduisons hors texte sont dues à M. EMILE BOUVAIS, fabricant d’enseignes et artiste-dessinateur en lettres. Ces modèles qui sont de véritables œuvres artistiques, ont été exécutés en bois et figurent au musée forestier de Vincennes et au Conservatoire des Arts et Métiers.

Lettres-bois d'Emile BouvaisLettres-bois d'Emile BouvaisLettres-bois d'Emile BouvaisLettres-bois d'Emile Bouvais


LETTRE GRAVÉE SUR MARBRE

La Glyptique est l’art de graver sur pierre. Il s’applique aussi bien à la gravure des pierres fines, des intailles, qu’à celle qui est faite sur les minéraux, tels que le marbre, où l’on grave des enseignes, des inscriptions, des épitaphes.

Le marbre noir est employé à la fabrication des enseignes, en raison de ce que la lettre dorée s’en détache mieux sur le fond.

Malheureusement, le marbre s’altère rapidement ; il grisonne au bout de peu de temps ; d’autre part, la lettre dorée n’étant pas protégée contre les intempéries, perd vite son éclat.

En effet, le marbre n’est autre chose que du carbonate de chaux mélangé de matières colorantes et modifié par l’action métamorphique de la chaleur qui, aux époques géologiques, exerçait son effet sur les masses minérales qui composent l’écorce terrestre.

Le carbonate de chaux est pour ainsi dire insoluble dans l’eau ordinaire, mais il devient soluble dans l’eau chargée d’acide carbonique. C’est, d’ailleurs, cette propriété qui permet de donner l’explication scientifique des sources ou fontaines incrustantes, appelées encore, improprement, fontaines  pétrifiantes, et dont un des plus beaux types, en France, est celle de Sainte-Allyre, près de Clermont-Ferrand.

De plus, il est attaquable par les acides, même les plus faibles, qui déplacent l’acide carbonique ainsi qu’on peut s’en assurer en versant quelques gouttes de vinaigre (acide acétique) sur un morceau de craie, qui n’est autre que du carbonate de chaux presque pur. Ainsi s’expliquent les taches faites sur les plaques de marbre des commodes, tables de nuit, etc., sur lesquelles on répand un liquide acide ou quelques gouttes de citron (substance riche en acide citrique).

Or la plaque de marbre des enseignes, exposée à l’air subit les atteintes :

1° De l’eau chargée d’acide carbonique qui se dissout dans ce liquide ;

2° Des acides qui se forment dans l’atmosphère durant les orages, tels par exemple l’acide azotique.

De la sorte, on comprend facilement la disparition du poli de la plaque de marbre, cette teinte terne qui se produit au bout d’un certain temps, et qui résulte de l’attaque de la partie superficielle du marbre par les agents cités plus haut.

Il en résulte que l’enseigne, dont la première qualité est de rester éclatante, perd de son éclat, au grand détriment de l’effet esthétique, autant que de la lisibilité.

Ces considérations ont donné l’idée de substituer au marbre une substance qui fût inattaquable aux agents atmosphériques, fût facile à nettoyer, et conservât à l’enseigne son poli, son brillant primordial, en même temps qu’elle lui assurait une plus longue durée.

La glace de verre réunit ces conditions.

En effet, elle reste brillante, est facile à nettoyer et n’est pas attaquable par les acides, sauf par l’acide fluorhydrique, employé industriellement pour la gravure sur verre.

Telle est l’origine de l’enseigne sous glace.


LETTRES EN DORURE SOUS VERRE

C’est ici le lieu de parler d’une lettre qui a eu une grande vogue il y a quelques années : la lettre en dorure à plat sous verre. Elle s’obtenait en appliquant sur une glace des feuilles d’or au moyen d’un apprêt spécial. On traçait alors les lettres sur la couche d’or et on les recouvrait de vernis. Un lavage enlevait la partie d’or non vernie et laissait la lettre subsister.

La pierre sous glace est une variante de l’enseigne-marbre. On a été conduit à l’adopter par la nécessité de protéger la surface de l’enseigne contre les accidents d’origine météorologique.

Ce mode d’enseigne consiste essentiellement dans la mise sous une glace d’une pierre à grains fins, dans laquelle sont gravés les caractères de l’enseigne ; la glace est de fond noir ou de couleur variable, et la lettre apparaît par transparence dans la glace.

Ces enseignes présentent le désagrément d’être d’un poids excessif que toutes les devantures ne peuvent supporter.


L’ENSEIGNE EN XYLOCRISTAL

L’enseigne en xylocristal est encore une invention de M. Emile Bouvais.

La fabrication de ce genre d’enseignes constitue la xylocristallographie, qui fournit l’enseigne dite xylocristal. Ce nom rappelle à la fois que l’enseigne est constituée par une glace de verre ou cristal et que le bois (grec xulon) entre dans sa composition.

Ces lettres sont faites en creux dans le système triédrique exposé plus haut.

Section de lettres-xylocristal

Section de lettres-xylocristal


Elles offrent donc l’avantage de la grande lisibilité. La facilité de travail du bois permet de leur donner les formes les plus harmonieuses, les plus originales telles que peuvent les concevoir le goût de l’artiste, les exigences de la clientèle, ou que le demandent les emplacements où elles doivent être appliquées.

On jugera de la variété de formes qui peuvent être obtenues par le spécimen ci-dessous.

La glace qui recouvre l’enseigne peut être facilement lavée. La dorure, à l’abri de la glace, se trouve hermétiquement enfermée dans un milieu où les agents atmosphériques n’ont aucune action, et indéfiniment, conserve son éclat, son brillant, sans détérioration ni dommage.

Spécimen d’enseigne en xylocristal montrant la grande variété de formes à laquelle le xylocristal peut se prêter.

Spécimen d’enseigne en xylocristal montrant la grande variété
de formes à laquelle le xylocristal peut se prêter.



Dans ces conditions l’ensemble garde son éclat et sa fraîcheur d’origine, à tel point que des enseignes faites depuis quinze ans et plus ont l’apparence d’avoir été posées la veille.

Ces avantages expliquent le succès de l’enseigne-xylocristal et sa substitution progressive aux autres genres pour toutes les enseignes de goût.

Voilà où en est aujourd’hui la question. On voit, en suivant une à une les étapes que nous venons de parcourir, par quels progrès successifs a passé la lettre, depuis l’hiéroglyphe égyptien et le caractère cunéiforme babylonien, jusqu’à la création de l’artistique lettre sous glace à triple biseau.

C’est, dans le cadre restreint des transformations du signe de la pensée, la vérification, une fois de plus, de cette loi générale du progrès, qui veut que tout aille sans cesse se perfectionnant, dans les différents domaines de l’activité humaine.



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