MARLY, Comtesse de : Chronique élégante.- Revue de Paris, Nouvelle série – Numéro 49 - 1er Juin 1868.
Saisie du texte et relecture : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (09.IV.2004)
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Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (BM Lisieux : nc).
 
Chronique élégante
par
la Comtesse de Marly

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Si l’on écrivait la chronique du temps, on aurait à dire : Beau, beau, toujours beau ! – Pour la mode, cela se traduit par : Mousseline, mousseline, toujours mousseline ! Elle est, en effet, blanche, unie, rayée, à pois, à fleurs ou autrement encore, mais elle est toujours jolie et aussi fraîche à l’oeil qu’au porter.

Le foulard partage la vogue, et la Compagnie des Indes, 42, rue de Grenelle-Saint-Germain, vient de fournir une masse de tissus à fleurs, unis et à raies, pour des costumes aussi frais que jolis. Deux des plus remarqués ont été : l’un en foulard javanais gris perle tout uni, relevé seulement par des choux cerise et blanc sur une jupe rayée blanc et cerise ; la ceinture pareille au jupon et un petit paletot court en foulard gris sans aucune garniture. L’autre est une jupe rayée blanc et vert ornée de deux petits volants en taffetas découpé, l’un vert et l’autre blanc. La robe en foulard écru se relève des deux côtés sous deux gros choux de guipure blanche, que l’on retrouve également à la jupe, aux poches, aux manches, aux épaulettes, à la ceinture et à la casque très-courte et demi-ajustée à la taille sans la ceinture. Le foulard javanais gris est satiné et le foulard écru est d’un tissu aussi beau, mais plus mate et par conséquent un peu moins habillé.

Ces deux toilettes sont complétées par de jolis chapeaux de Mme du Séjour, 7, rueLouis-le-Grand. L’un est en tulle gris, garni de fleurs des îles, cerises et blanches, et l’autre avec la passe en paille et de longues herbes vertes qui font cache-peigne et traînent un peu sur l’épaule.

On commence à faire de tous les côtés des préparatifs pour les eaux et la campagne. Pougues sera une des stations les plus suivies et où l’on verra des élégances de bon aloi. On y a fait de grandes améliorations, cette année, et les personnes qui s’en sont bien trouvées chez elles cet hiver, ne manqueront pas d’aller y faire une saison de reconnaissance et de provision pour le reste de l’année.

Mme Rabeau, 28, faubourg Saint-Honoré, vient d’être appelée à fournir les corsets du trousseau de la jeune princesse M… - Il est impossible de voir rien de mieux fini que ce qu’elle a imaginé pour ce trousseau ; les corsets ne prêtent pas à une grande nouveauté, et elle a su pourtant les varier à l’infini en leur conservant l’excellente coupe dont elle a particulièrement le cachet.

- Les châtelaines qui partent pour s’enfouir à la campagne jusqu’à décembre ou janvier, ne se mettent pas en route sans avoir pris des arrangements avec Seugnot, 28, rue du Bac, pour recevoir chaque semaine une caisse de bonbons assortis pour leurs desserts, des pastilles digestives pour combattre l’âcreté des fruits, et avec G. Dupont, 22, rue Turbigo, un abonnement pour recevoir chaque mois une boîte de biscuits de Montbozon et de gâteaux secs pour le thé et les goûters improvisés où l’on sert à des voisins en visite des fruits, du vin, des sirops et de la Bénédictine des moines de Fécamp.

Mlles Talon, 24, rue Drouot, préparent pour les eaux des toques ou des chapeaux ronds de formes charmantes et qui ont la spécialité, en outre de leur élégance, de garantir du soleil mieux que les ailes enlevées des années précédentes. Elles les garnissent très-simplement, avec un voile de tulle et de gaze posé d’une façon distinguée et arrêté par un oiseau, un papillon ou une églantine ornée d’un scarabée vert ou bleu.

Mlles Leneveu, 62, rue Neuve-des-Petitss-Champs, ne suffisent pas à fournir les corsets qui leur sont demandés pour monter à cheval. Beaucoup de femmes avaient renoncé à en porter sous l’amazone, mais ceux de Mlles Leneveu sont tellement souples qu’ils soutiennent la taille sans la gêner en rien et sont devenus aujourd’hui indispensables pour monter à cheval et pour toutes les personnes délicates qui ont besoin d’être soutenues sans être comprimées.

La maison Lafilé Legeai, 83, rue d’Aboukir, est très-occupée à fournir les étoffes de plusieurs châteaux où vont s’installer de jeunes mariés. Elle a pour la campagne de merveilleuses étoffes peu chères qui ont un aspect bien en harmonie avec les grandes pièces des châteaux !

A Paris elle change de genre et s’en tient au luxe dans les limites du goût le plus parfait.

La princesse J… a choisi chez ces messieurs les tentures de son futur appartement du boulevard Haussmann, et l’on assure que rien de plus beau n’aura encore été vu à Paris. Il y a surtout un boudoir gris argent et bleu dont on annonce des merveilles !

On a tort de dire que nul n’est prophète en son pays, car il faut convenir qu’en Amérique, patrie de l’Eau de Virginie parfumée, qui se vend à Paris, chez Damas, 336, rue Saint-Honoré, elle a un grand succès, et que M. Damas est obligé d’augmenter chaque jour le nombre des ses dépôts dans les villes du nouveau monde. Mme R…. – une charmante Parisienne, mariée à la Nouvelle-Orléans, écrit qu’autrefois on y voyait beaucoup de cheveux blancs, et qu’aujourd’hui ils sont passés à l’état de souvenir, grâce à l’excellence de l’Eau de Virginie parfumée.

Il y a beaucoup de maux de dents ces derniers jours, à cause des variations de la température. Mme Sora, 9, boulevard des Italiens, s’en est ressentie en voyant prodigieusement augmenter la ventes des fameuses brosses dentaires électriques du docteur Laurentius. Leur succès augmente journellement, car tous ceux qui ont été guéris par elles, ne se lassent pas de les recommander à leurs amis. En outre de leurs vertus incontestables contre les maux de dents et les névralgies de la mâchoire et même de la tête entière, elles purifient les haleines les moins suaves et l’on cite une dame, nommée par Mme R*** le mancenillier des mouches, qui ne tue personne, grâce aux brosses Laurentius !

On nous écrit souvent pour nous demander des renseignements auxquels nous nous ferons toujours un devoir de répondre dans cette chronique. Nous dirons donc à Mme de V*** que l’on fait beaucoup de costumes en mousseline à deux jupes pareilles et que l’on fait des visites habillées en costume court. Les traînes ne sont exigées que pour les visites ou les réunions de grande cérémonie, et encore les robes courtes prônées par la comtesse de Pourtalès ont-elles été vues à de grands bals et même aux lundis de l’Impératrice.


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