ROBLET, Baptiste : De la formation et de l'entretien des Pépinières de Pommiers (1883).
    - Extrait du Bulletin de la société d'horticulture et de botanique du centre de la normandie, années 1878-1897, pp 283-300.
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De la formation et de l'entretien des Pépinières de Pommiers
par
M.Roblet
jardinier au château d'Osmont, à Aubry-le-Panthou (1)

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Propagation du Pommier
 

Le Pommier se propage par la greffe ou par le semis ; pour la greffe on choisit différents sujets :
Le Pommier franc, né de pépins de pommes sauvages ou de pommes à cidres ;
Le Pommier doucin, race d'arbre de végétation moyenne, d'une origine incertaine et très-multipliée dans les pépinières ;
Le Pommier paradis, qui se propage très-aisément par les bourgeons poussant sur la racine, et par le marcottage en cépé.

Nous ne nous occuperons exclusivement que du mode de propagation le plus usuellement employé, c'est-à-dire du mode par semis de graines ou pépins.

Du choix des pépins dépend l'avenir de la plantation ; on devrait, au moment de la récolte, faire une sélection sévère d'une certaine quantité de fruits, provenant d'arbres bien francs, sains et ne portant aucune trace de chancre ou de moisissure sur le tronc ou les branches ; mais cette opération offrirait le grave inconvénient de réclamer beaucoup de temps et de soin ; aussi est-elle rarement mise en pratique. Le procédé le plus généralement employé est celui-ci : quand le jus de la pomme est extrait, on recueille les pépins ; on les fait sécher pour les semer au printemps dans une terre légère, profondément labourée ; si le germe se trouve dans des conditions favorables, il se développe facilement, et la racine acquiert une longueur à peu près égale à celle de la tige. Opérer le semis très-clair, afin que le collet de la racine ait de l'espace pour se développer et acquérir une robusticité convenable.

Quelques propriétaires ou créateurs de pépinières ne sont pas pourvus d'un assez grand nombre de graines pour effectuer un semis. Ils se trouvent dans la nécessité d'acheter sur les marchés du plant ou pépin (tel est le nom généralement employé et dont nous nous servirons nous-même dans le cours de ce travail).

Nous considérons qu'il est préférable de choisir le pépin sur place, car il arrive souvent que, sur les marchés, on ne rencontre que des sujets ayant plusieurs fois circulé ou ayant été arrachés depuis un certain laps de temps ; tandis qu'en se déplaçant pour faire son choix sur le terrain où le semis a été opéré, on peut se rendre un compte exact de la marchandise offerte, et, par conséquent, présentant les meilleures conditions pour la réussite ultérieure. - Ne prendre que des sujets d'un an, accusant une racine franche, forte, droite, avec un collet bien formé, et avec une tige munie de bons yeux ; ce dernier point est capital pour la végétation pendant la première année ; car, souvent, dans le pépin de deux ans, les yeux de la base font défaut, et la reprise, par conséquent, offre plus de difficulté et éprouve un retard.

Choix de l'emplacement d'une pépinière

Le pépin de Pommier demande un sol ni trop humide, ni trop sec, moitié argileux, moitié calcaire ; nous avons obtenu d'excellents résultats en le plantant sur des terrains provenant de défrîchements de bois, après avoir fait subir au sol les préparations convenables. La plantation en terre franche, forte, offre cet avantage d'exiger moins d'engrais qu'une terre maigre ou épuisée, qui exige, pour se refaire, de larges fumures ou de fréquents apports de composts.

Aménagement du sol

Quand on est bien fixé sur la nature du terrain à convertir et à aménager en pépinière, on devra défoncer profondément le sol au moyen de la pioche ; extraire toutes les racines s'il s'agit d'un terrain nouvellement défriché ; enlever toutes les pierres, malgré le préjugé qui attribue à leur présence un effet favorable (nous faisons une exception en faveur des terrains contenant des débris de fossiles, animaux ou végétaux) ; labourer à l'automne avec une charrue ; herser à diverses reprises pour détruire les mauvaises herbes ; rouler plusieurs fois, afin d'obtenir un tassement parfait et un nivellement régulier.

Les terres maigres ou épuisées réclameront à l'automne une forte couche de fumier consommé, qui aidera puissamment au départ de la végétation au printemps suivant.

Préparation et habillage du pépin

Avant de confier le pépin à la terre préparée, comme nous l'avons expliqué ci-dessus, on lui fait subir une préparation ou, vulgairement, un habillage ou toilette. Avec une serpette bien aiguisée, on supprime les radicelles formant un chevelu dont le contact de l'air a altéré et atrophié les spongioles ; par une section nette, on coupe la tige et la racine de façon à ne laisser au pépin qu'une longueur totale de 20 à 25 centièmes.

Beaucoup de pépinièristes, à cause de leurs nombreuses occupations, ne peuvent, la plupart du temps, opérer eux-mêmes cette toilette ; ils confient cette opération à des ouvriers ou aides-jardiniers qui, pour accélérer la besogne, prennent une poignée de pépins, la couchent sur un billot et frappent dessus à coups de serpe ou de faucillon jusqu'à ce que le tout ait atteint la longueur voulue. Ce procédé est certainement très-expéditif, mais il est très-vicieux en ce que les sujets, au lieu de subir une section très-nette, sont presque toujours hachés, froissés, meurtris ; c'est alors que la serpette et le sécateur interviennent pour réparer ces meurtrissures. Pourquoi ne pas faire, dès le premier instant, usage de la serpette, et pratiquer à chaque brin séparément une toilette soignée ? Il y aurait, à notre avis et sans que cela cause de surprise à personne, sinon économie de temps, mais pour sûr une chance plus certaine de reprise en faveur du pépin.

Plusieurs bifurcations se trouvent souvent au-dessous du collet ; supprimer celles qui sont mal disposées et ne conserver qu'une seule racine.

Plantation du pépin

Le sol ayant été préparé dès l'automne, on procéde, au printemps, à plusieurs hersages ; on roule pour obtenir, nous l'avons déjà dit, un tassement aussi parfait que possible. Quand cette opération n'est pas exécutée convenablement, le terrain s'affaisse de place en place et la plantation n'offre aucune régularité, suivant elle-même les mouvements du sol. Le pépin se place, à l'aide du cordeau, sur des lignes droites, en établissant entre chaque sujet une distance de 45 centimètres ; ces lignes seront espacées elles-mêmes entre elles de 65 centimètres. Au moment de la mise en terre, appuyer fortement avec le plantoir le long de la racine et du collet ; si l'on n'observait pas cette pratique rigoureusement, le collet seul serait couvert de terre, et la racine resterait dans le vide, puis se dessécherait.

Cette plantation devra se faire, si le terrain est sain, de préférence vers la fin de novembre ; les pluies et la neige affermissent la terre autour de la racine par un travail lent, mais continu ; le bourrelet des radicelles se forme pendant la période hivernale, et au printemps, la végétation marche normalement.

Si le terrain est humide, il est préférable de ne planter qu'en février ou en mars, époques où le hâle est très-actif pour le dessèchement du sol ; reculer plus tard la plantation, ce serait faire courir au pépin les risques de la sécheresse, d'où reprise difficile, malgré la rusticité naturelle dont est doué la plant de Pommier.

Soins à donner au pépin

1re Année. - Vers le mois de juin, quand le pépin a atteint une longueur de 12 à 15 centimètres, donner un binage à l'aide de la houe à main, pour le rechausser et enfouir les herbes ; il serait préférable d'avancer ce binage si les herbes prenaient un envahissement trop rapide. Si par hasard elles avaient acquis trop de vigueur et d'empire, il vaudrait mieux les couper que les arracher, afin de ne pas ébranler les racines du pépin.

Un mois ou cinq semaines plus tard, on déchausse avec précaution le plant pour qu'il ne se forme pas de racines au point où elles sont inutiles. Par un beau temps, on pratique de légers labours pour remédier à l'envahissement des mauvaises herbes ; à l'entrée de l'hiver, on pratique un dernier déchaussement pour chasser les insectes et garantir le plant de leurs atteintes.

2e Année. - On continue les labours comme précédemment, en les répétant assez souvent même pour entretenir la pépinière en un bon état de propreté.

Taille par le pied

Beaucoup de pépiniéristes procèdent, au bout de la première année, à la taille par le pied du pépin ; nous préférons n'y procéder que la deuxième année ; en effet, l'accroissement des jeunes plants ou pépins est lent pendant la première année ; malgré les soins que l'on a apportés à la plantation, il est rare que l'évolution soit réguliére et simultanée pour tous les sujets. On remédie à cet inconvénient par la taille au bout de deux ans ; cette taille s'opère pendant la première quinzaine de mai, et elle a pour but de former des sujets trapus et bien fournis de scions à la base. La section se fera avec un instrument bien tranchant, à ras de terre, et non au-dessus, et sans tenir aucun compte des époques de lunaison, malgré les préjugés généralement répandus.

Il va sans dire que le plant doit toujours être déchaussé de façon à ce qu'il ne se forme pas au collet des racines dont il faudrait se débarrasser.

Quelques personnes laissent des balives, c'est-à-dire des pépins qui ont poussé avec plus de vigueur que les autres ; mais a-t-on un réel avantage à conserver ces balives sous le prétexte que leur vente est avancée d'une année ou deux ? Nous ne le croyons pas, étant reconnu que ces balives étouffent le plus souvent le plant moins vigoureux, en causant la plupart du temps la perte par la constitution tardive d'un mauvais pied.

Cépage

Du 15 au 30 juin, le cépage est pratiqué ; cette opération consiste en la suppression d'une partie des scions qui ont poussé après la taille ; il suffit d'un coup sec donné à l'aide de la main ou avec le dos de la serpette ; on ne conserve que le plus beau sion, placé autant que possible sur la ligne de plantation ; on a le soin de ne rechausser ce scion qu'après un intervalle de plusieurs jours, afin qu'il se raffermisse ; on continue les labours comme l'année précédente, et l'on a soin de ne couper aucune branche pendant le cours de l'année.

On peut planter ces cépages, que l'on appelle boutures, coupés à la 1re ou 2e année, en buttant à l'automne ce qui doit être rechaussé. Le collet, en hiver, prend une teinte jaunâtre, qui suffit à une bonne reprise ; déchausser au moment de la coupe qui se pratique à ras de terre. Ces scions plantés sont, en réalité, les jets primitifs, et ne peuvent que bien réussir en bon terrain ; c'est une économie de pépin.

L'inconvénient est que, le sujet coupé en terre, les yeux s'affaiblissent, se développent plus difficilement, donnent naissance à une quantité de scions, même sur les racines, au lieu où il devrait n'y en avoir que trois à quatre. La suppression devient nuisible par la quantité de plaies qui doit se faire alternativement.

Quant à la bouture qu'on prétend obtenir d'une branche prise sur un pommier, elle ne peut fournir un bon résultat, surtout si elle est prise sur une branche latérale.

Pincements

A la fin de juillet ou au commencement d'août, après la taille par le pied, quelques sujets s'emportent, s'allongent, se dénudent de branches à la base, et forment un bouquet de feuilles à l'extrémité ; il faut pincer ces sujets, c'est-à-dire supprimer par une pression exercée par le pouce et l'index, les parties herbacées. Après cette mutilation, la ramification se fait d'une façon normale : à l'extrémité de la coupe, on voit surgir de nouvelles pousses ; il convient de ne conserver que celle qui se trouve dans l'axe du plant.

Pendant le courant de la végétation, un petit insecte, communément appelé Taille-Bois, se charge de l'opération du pincement, mais sans attendre le moment propice choisi par le pépiniériste. Il attaque plus particulièrement l'extrémité des branches verticales pour sucer la sève.

Taille

1re Année. - Cette opération se réduit, la première année, à bien peu de chose, à une simple revue ; avant le départ définitif de la végétation, on rabat les sujets qui ont tendance à pousser avec trop de vigueur sans ramification à la base ; s'il se présente, à l'extrémité, deux branches se bifurquant, on en supprime une pour ne conserver que le scion le plus droit ; car la neige et la pluie trouvent dans cette bifurcation un asile pernicieux pour le plant pendant les rigueurs de l'hiver ; si besoin est, on fixe ce scion sur un tuteur. Quant aux branches latérales qui se développent sur le scion principal, on se garde bien de les supprimer, car elles favorisent l'évolution de la sève et participent, dans une large mesure, à la formation des racines.

2e Année. - Une attention plus grande doit être réservée à l'opération de la taille de la seconde année. Quand le plan a poussé vigoureusement, on supprime ou plutôt l'on ne fait qu'ébouqueter les branches présentant un excès de force, en conservant toujours les petites brindilles.

Souvent, la seconde année, beaucoup de sujets ont atteint une longueur de 2m,20 à 2m,25 de hauteur ; on rabat la tige à 2m,10 par une section pratiquée à plat et non en biseau ; on coupe quelques branches latérales, le plus près possible du tronc, afin que les plaies se recouvrent plus rapidement, au moment du départ de la sève.

Si, ce qui arrive assez souvent, le plant avait tendance à devenir tortueux, il ne faudrait pas hésiter à le couper au départ de la courbure ; on enlève toutes les branches latérales. Il se développe alors plusieurs scions, comme dans le cas que nous avons cité plus haut ; on choisira le plus droit ; on pincera les autres.

L'ébourgeonnage a pour but d'éviter la confusion des yeux qui se développent, au printemps, au-dessous de la coupe destinée à former la tête du sujet vers laquelle la sève afflue ; on conserve trois bourgeons pendant l'été et l'on supprime, avec le doigt, huit à dix bourgeons qui poussent au-dessous ; de cette façon, les trois branches conservées prennent de la force et contribuent à la beauté de l'arbre. Cette opération se fait au départ de la sève, et une seule fois, quand la flèche a été coupée.

3e Année. - Quand elle est faite en temps opportun, la taille de la troisième année assure le succès de toute pépinière bien suivie. La tête du sujet est alors parfaitement formée. On enlève une certaine quantité de branches, en ayant soin de laisser, de place en place, les branches les plus faibles, si l'on juge que le sujet ne puisse pas encore atteindre sa grosseur. Si, au contraire, il est arrivé à sa grosseur normale, on le mettra à blanc complètement, c'est-à-dire qu'on supprimera toutes les branches, en n'en conservant que trois à la tête. Il faut, dans cette élimination de branches, agir avec beaucoup de circonspection et ne pas les supprimer toutes ensemble ; les arbres souffriraient de cette mutilation et pousseraient mal. Nous renouvellerons le conseil de toujours faire les coupes bien nettes et rapprochées du tronc, afin que la plaie se recouvre rapidement.

Il faut éviter de faire ces suppressions pendant l'hiver ; la sève alors est en repos ; des fendilles se manifesteraient sur la tige, offrant un asile aux insectes, et déterminant des désordres graves et irréparables dans la végétation.

Pendant les années qui suivent la taille de la troisième année, il suffit de mettre à blanc les sujets assez forts, tout en conservant les branches qui n'offrent pas assez d'ampleur ni de force.

Engrais

Pendant l'hiver qui suit la première pousse, après la taille par le pied, on porte sur le sol de la pépinière une légère couche de fumier ou de terreau, si le sol est maigre.

La seconde année, on déchausse le pépin, et, dans les rangs, on répand des débris de végétaux, tels que bruyères, fougères, jonc marin, feuilles d'arbres même ; ces apports rendent la terre plus meuble et maintiennent pendant l'été une certaine fraîcheur au-dessus des racines ; s'il y a excès de débris de végétaux, on ne renverse son rayon de déchaussement que d'un seul côté.

Les années suivantes, on continue les apports de fumier ; car les racines, en se multipliant, affament le sol. L'excès d'engrais ne vaut rien ; il ne faut en employer que la quantité nécessaire et indispensable pour obtenir un ameublissement propice à la culture, et surtout propice à l'arrachage.

Animaux nuisibles

Le pépiniériste éprouve parfois de malencontreux déboires causés soit par les insectes, soit par les intempéries ou les maladies.

Parmi les animaux nuisibles, nous citerons le mulot, la taupe, la chenille, le puceron lanigère ou tigre, le man ou larve de hanneton.

Pour la destruction du mulot, nous coupons une carotte en deux, nous enduisons de pâte phosphorée l'intérieur de ces deux portions, que nous réunissons par une cheville de bois ; répandus à diverses places dans la pépinière, ces appâts, dont cette espèce de rongeur est très-avide, sont dévorés par eux et les empoisonnent rapidement.

Pour la taupe, nous employons une sorte de piège trop connu pour qu'il nous paraisse nécessaire d'en faire ici la description.

Le tigre ou tingis est un insecte qui s'attache au corps de l'arbre, et dont la piqûre y produit souvent des loupes ou des fausses galles. Cet insecte se multiplie avec une si effroyable rapidité, qu'un remède immédiat pour sa destruction doit être appliqué lors de son apparition. On se sert, à cet effet, d'une petite brosse, appelée passe-partout, assez ferme ; on l'imprègne légèrement d'huile de lin ou même de vieille lessive. La brosse doit atteindre toutes les parties infectées de tigres, en évitant de la promener sur tout le corps de l'arbre ; car l'huile de lin décomposerait l'écorce et abîmerait les jeunes branches. Si l'opération est nécessaire plusieurs fois, il ne faut pas hésiter à la répéter.

Il est à remarquer que le tigre n'élit généralement domicile que sur les sujets souffreteux, cultivés dans des terrains médiocres.

La chenille naît, au printemps, d'oeufs pondus par la femelle d'un papillon et déposés en forme de bracelet autour des rameaux de l'arbre. Ces insectes, après leur éclosion, se dispersent pendant le jour afin de chercher leur nourriture ; ils se rassemblent le soir, notamment par les temps sombres, pour se reposer. Le meilleur moyen de destruction consiste à les écraser entre les doigts en englobant les feuilles où se réfugient les chenilles, ainsi que l'espèce de toile qui les enveloppe ; cette opération exige une certaine rapidité.

Le man ou larve de hanneton, dit aussi ver blanc, cause des ravages incalculables dans les pépinières. Il serait utile que, comme pour l'échenillage, des arrêtés fussent pris par les préfets pour rendre le hannetonage obligatoire ; mais, en attendant l'époque où cette mesure, que nous considérons d'ordre public, sera prise administrativement, nous ferons part du moyen que nous mettons en oeuvre pour combattre ce fléau.

Nous savons tous que la femelle du hanneton dépose en terre ses oeufs, d'où sortent des vers blancs armés de mandibules énergiques qui rongent les racines des jeunes plants ; quand nous nous apercevons de la présence d'un man au pied d'une plante, nous nous servons d'une pique en fer, aiguë, de la grosseur d'une plume ; avec cet instrument, nous dégageons, sur un côté seulement, l'emplacement des racines du plant attaqué ; nous enlevons très-doucement la terre jusqu'à ce que nous ayons rencontré les galeries souterraines creusées par le ver blanc ; nous détruisons cet insecte nuisible, et nous replaçons la terre sur les racines.

Quand on laboure les pépinières, il est bon de se faire suivre d'un ouvrier ou deux qui recueillent les mans au fur et à mesure que la houe remue la terre. Les arbres arrivés à un certain âge résistent plus aisément à la morsure de ces insectes.

Maladies

Parmi les maladies qui atteignent les pépinières, nous signalerons le chancre. Cette maladie provient souvent de mutilations répétées ou de blessures accidentelles. De même qu'un chirurgien, même des plus habiles, succombe à une piqûre anatomique à la suite de la dissection d'un animal ou d'un individu atteint du charbon ou d'une maladie gangreneuse, de même les végétaux, notamment le pommier, gagnent le plus souvent le chancre par suite de l'emploi, par le pépiniériste, d'une serpette ou d'un sécateur mis en contact, au moment du départ de la sève, avec un sujet affecté de cette maladie. Quant on s'aperçoit qu'un arbre est atteint, on l'enlève sans retard pour le brûler. On peut encore supprimer les branches infectées pendant leur jeunesse ; à l'âge adulte, on enlève à vif la partie malade et l'on y applique un enduit ou du mastic à greffer.

Le blanc ou meunier envahit les pépinières dès la première année. L'extrémité de chaque branche se recouvre d'une poussière de couleur cendrée, qui atrophie la branche et la dessèche. Avant que cette maladie ait commis trop de ravages, on badigeonne les branches avec un lait de chaux léger ; l'année suivante, on taille au premier oeil au-dessous de la partie atteinte ; à l'arrière-saison, il se développe souvent quelques brindilles d'aspect maigre et souffreteux ; il faut n'y faire aucune attention et ne s'attacher qu'à garder un oeil dormant, c'est-à-dire celui qui se trouve sur le jeune bois de l'année précédente, ou, pour mieux dire, sur la dernière pousse ; on doit bien se garder de couper sur une coupe de deux ans, car il y a là des yeux latents qui ne se développent pas ou qui se développent horizontalement et sans flèche.

Plantation. - choix du plant

Au bout de cinq à six années de séjour dans la pépinière, le pépin, soumis aux soins que nous avons indiqués, est devenu arbre et apte à la vente ou à la plantation.

Nous renouvellerons le conseil que nous avons déjà donné lorsque nous avons parlé de la création de la pépinière : l'acheteur devrait-il payer plus cher les arbres dont il veut faire l'emplète, nous l'engagerons toujours à se rendre sur la pépinière et à faire son choix sur place ; à n'arrêter son choix que sur les arbres ayant subi l'élagage en temps utile, bien droits, exempts de noeuds et dont l'écorce présentera une teinte plutôt grise que verte ; à surveiller surtout l'arrachage et à ne prendre que les arbres qui n'auront pas de pivot et seront pourvus de quelques grosses racines ; enfin à éliminer ceux qui auront trop de chevelu. Il est facile de reconnaître à peu près l'âge d'un pommier à sa tête et à ses racines ; un arbre avancé en âge présente une peau rugueuse, principalement au collet. Il faut se défier des arbres qui ont circulé sur les marchés ; ils sont souvent défectueux, et, comme ils sont dénantis de leur tête, on ne peut juger de leur physionomie ni de leur aspect pendant la végétation.

Nous dirons, en passant, que deux procédés sont habituellement employés pour l'arrachage des plans de pommiers : l'un avec la pioche, l'autre avec une mécanique.

L'emploi de la pioche est loin d'être préconisé par nous ; cet instrument brise les racines ou les meurtrit ; deux ou trois ouvriers sont indispensables pour arracher la plante ; celle-ci est appuyée sur les genoux des opérateurs et subit de ce fait, une courbure endommageant l'écorce ; elle prend une teinte rougeâtre, par suite de l'altération des tissus ; la circulation de la sève est plus difficile et la reprise est beaucoup plus lente.

Nous préférons l'usage de la mécanique. On enveloppe l'arbre d'une forte toile ou d'un sac épais, le tronc est enserré par une courroie solide et large ; le sujet est ensuite soulevé par la mécanique avec toutes ses racines sans qu'elles aient subi aucune altération, surtout si on a soin de tenir le terrain bien ameubli par de fréquents binages.

Quand les arbres que l'on a choisis sont rendus à domicile, on leur fait subir l'habillage de la tête et des racines. On raccourcit, à 25 ou 30 centimètres du tronc, les deux ou trois branches de la tête, malgré la taille qu'elle a déjà subie au sortir de la pépinière ; on ne laisse sur ces branches que peu ou point de petites branches ; les sections s'opèrent par une coupe toujours très-nette.

Pour les racines, on pratique la coupe en dessous et en biseau, à l'aide d'un sécateur, sur la plus grosse, en lui conservant la plus grande longueur possible ; on pare la plaie à l'aide de la serpette ; on supprime tout le chevelu à 1 millimètre du corps de chaque grosse racine.

Si les racines sont de force moyenne, on ne conserve que les plus fortes, et l'on réduit le pivot, s'il en existe ; c'est de la bonne exécution de ces coupes que dépend l'avenir d'un pommier.

L'arbre étant convenablement préparé, on procède à sa mise en terre.

Nous allons dire un mot de ce qui se pratique d'habitude, avant de nous étendre sur le moyen que nous employons.

D'ordinaire, on fait un trou avec la pioche et la bêche. Si le sol fouillé est de nature compacte, et que la tranchée soit profonde, les parois de cette tranchée forment une sorte de muraille que les racines ne peuvent réussir à percer ; au contraire, elles se contournent, et l'arbre a épuisé, en peu d'années, la nourriture en terre et en compost qu'on lui a donnée au moment de la mise dans la tranchée ; de là un arrêt subit dans la végétation.

Si le sol est empreint d'humidité, la fouille fait office de drainage, l'eau s'y accumule, et la terre, dont on a recouvert les racines est, au bout d'une année, convertie en bouillie ; conditions des plus désavantageuses pour le pommier, en ce que le chevelu se développera outre mesure, sans aucun profit pour les grosses racines.

Nous ne sommes nullement partisan de la préparation faite longtemps a l'avance des tranchées ; les pluies et les neiges s'y amoncellent et provoquent une humidité persistante, malgré les soins pris par bon nombre de propriétaires de garnir les trous, au moment de la plantation, de bruyères, de fougères ou de jonc marin.

Nous ne donnons aux trous que nous pratiquons, au moment de la plantation, qu'une faible profondeur, d'un simple tour de bêche, surtout quand nous avons affaire à des terrains argileux ou humides ; pour ces derniers même, nous n'enlevons, sur un diamètre de 1m50 à 1m70, que la superficie pour dresser ensuite un monticule au pied de notre arbre.

Cette légère fouille étant faite, nous plantons, un peu à côté du point central que doit occuper l'arbre, un échalas ou tuteur dont l'usage fera l'objet d'une explication ultérieure ; nous tranchons et divisons les plaques de gazons que nous avons enlevées, nous les jetons ensuite au fond du trou en formant un petit monticule ; un second ouvrier jette sur les racines plusieurs pelletées d'un compost préparé à l'avance jusqu'à ce qu'elles soient recouvertes ; le premier ouvrier, à l'aide d'un bâton d'une longueur de 1m50, qu'il tient de la main restée libre, fait descendre ce compost dans les racines ; le second ouvrier achève le comblement du trou, avec la terre meuble apportée à pied d'oeuvre, jusqu'à une hauteur de 25 à 30 centimètres au-dessus du collet de la racine. Il faut bien se garder de tasser la terre, ce travail s'opèrant graduellement par l'effet des pluies. Pour assainir le Pommier, on ménage une petite tranchée à l'entour.

Ainsi planté, le Pommier excède quelque peu le sol environnant ; mais son propre poids et le travail des pluies, le font arriver au niveau du sol.

Échalas

Nous avons vu tout à l'heure qu'avant de planter, on avait fixé à côté du point central du trou un échalas ; cet échalas ou tuteur en bois de chêne ou d'acacia a une longueur totale de 2m50 environ ; le pied en est brûlé. Cet échalas a pour but de servir de soutien à l'arbre nouvellement planté et de l'affermir contre les coups de vent qui ébranleraient la tige et les racines ; il est destiné aussi a recevoir le grillage métallique, appelé garde-arbre, qui doit protéger les pommiers de l'atteinte des bestiaux. L'arbre est assujetti à l'échalas au moyen d'une forte lanière en cuir garnie à différentes places, intérieurement, d'une certaine quantité de mousse, dont l'effet est d'éviter les blessures occasionnées par des frottements répétés le long du bois et du fer.

Le grillage métallique est fixé lui-même par quelques clous sur l'échalas, en ayant soin de bien maintenir l'arbre au centre.

Il arrive souvent qu'après le printemps, époque de la plantation, une grande sécheresse survient ; c'est à ce moment qu'il faut employer la réserve de débris de bruyère, fougère ou jonc marin, déposée par prévoyance, au moment de la plantation, à la circonférence de la fouille. On étale, sur le périmètre occupé par l'arbre, une couche de ces débris en quantité suffisante pour conserver une certaine fraîcheur au pied de l'arbre ; il faut éviter l'excès qui aurait pour résultat de gêner l'action bienfaisante du soleil, et surtout d'entretenir une trop grande humidité.

Quelle que soit l'intensité de la sécheresse, on doit bien se garder d'arroser le pied de l'arbre, à moins que l'on ait la ferme intention de ne pas discontinuer ces arrosements.

L'hiver qui suit la plantation, on découvre légèrement le pied de l'arbre sur un diamètre d'environ 40 centimètres ; cette opération a pour but de déloger les insectes et de mûrir la terre environnante. Au printemps suivant, on remet la terre en place. Cette opération devra être répétée tous les ans, en élargissant le cercle ; on ne négligera pas de nettoyer à vif l'écorce de l'arbre qui souvent se fendille sous l'influence d'une basse température.

Quand l'arbre est bien repris, on lui donne, la seconde année, les mêmes soins que la première ; l'échalas et le grillage métallique sont inspectés et, s'il y a lieu, réassujettis ; les scions adventifs qui poussent le long de l'arbre, au moment de l'évolution de la sève, sont enlevés.

Greffe

La greffe, opération qui a souvent pour but de changer la nature d'un arbre ne donnant que de mauvais fruits, en y substituant une meilleure espèce, est souvent, presque toujours même, employée pour le Pommier.

Nous ne décrirons pas les diverses sortes de greffes employées suivant la nature et l'essence des arbres fruitiers ou forestiers, mais nous entrerons dans les détails de la greffe en fente appliquée aux arbres à fruits à cidre.

Certains praticiens greffent en plantant les sujets ; mais l'effet vraiment utile ne se manifeste que sur les arbres faibles et endurcis, ne produisant que de mauvaises branches, et que l'on a l'espoir d'amener par ce moyen à une végétation plus satisfaisante.

Généralement, c'est lors de la troisième année de plantation que nous avons l'habitude de greffer nos sujets, parce qu'alors les racines ont pris assez de développement pour contrebalancer les effets de la mutilation que l'on a dû faire subir à la tête pour y insérer la greffe.

On greffe au mois de mars ou d'avril ; on choisit pour cela des branches jeunes, munies de bons yeux, pas trop allongées, vigoureuses. Si l'on ne peut opérer à cette époque le greffage, on met les greffons en jauge au nord et le long d'un mur.

Pour greffer le Pommier, on coupe horizontalement la tige du sujet à la hauteur où l'on veut poser le greffon. On se sert pour cela d'une égohine ou scie à main ; avec la lame de la serpette, on pare la plaie ; puis sur le milieu de la coupe, on pratique une fente verticale afin de pouvoir y insérer le greffon ; on maintient l'ouverture béante au moyen d'un coin très-lisse en buis ou en os.

On choisit un greffon d'une longueur de 8 à 10 centimètres, ayant de bons yeux ; les deux côtés de ce greffon sont amincis de façon à former un coin ; puis on insère ce greffon dans la fente pratiquée sur le sujet en en facilitant l'insertion au moyen du pouce et de l'index ; on doit avoir soin que l'écorce du greffon ne dépasse pas celle du sujet. Quand le sujet est assez fort, on peut y apposer deux greffes. On ligature ensuite le tout pour faire rapprocher toutes les parties, et l'ensemble de la plaie est couvert de mastic à greffer, du mastic Lhomme-Lefort généralement, dont l'application est des plus simples et des plus faciles ; quelques personnes recouvrent la plaie d'un tampon de mousse, procédé que nous pratiquons. Au bout d'un an ou deux, quand la plaie est bien recouverte par les efforts de la sève, on déligature. Si deux greffes avaient été posées, on en supprime une lors de l'inspection que l'on passe l'année suivante pour s'assurer si toutes les greffes ont réussi. On laisse l'extrémité des branches pour commencer la formation de la tête de l'arbre, en ayant soin de tailler à 1 ou 2 millimètres au-dessus d'un bon oeil pour ne pas l'altérer, et en dehors de la branche ; il doit être procédé à cette opération avec une extrême précaution. Si la greffe a produit plusieurs branches, on n'en conserve que trois, alternées, c'est-à-dire n'étant pas insérées au même point ; de cette façon, on évite les funestes effets de la neige et de la pluie par leur séjour dans les bifurcations.

La deuxième année, on dégagera l'intérieur de l'arbre en supprimant quelques branches qui s'opposeraient à la circulation de l'air.

Si, la première année, la greffe donnait des fruits, il faudrait les supprimer pour ne pas laisser l'arbre s'affamer par une production prématurée.

Quelques personnes, pour propager une variété qu'ils sont désireux de conserver, en écussonnent leurs sujets à oeil dormant au mois d'août de la deuxième année qui suit la plantation du pépin ; c'est dans le but non seulement de conserver les espèces, mais aussi de donner à leurs sujets une plus grande vigueur.

Cet écusson se pose le plus ras de terre possible ; au printemps suivant, on coupe à 1 millimètre au-dessus de l'écusson qui a reposé tout l'hiver ; il se développe pendant l'été avec vigueur, car l'on emploie souvent des espèces vigoureuses pour attirer la sève ; ce qui n'empêche pas, une fois en place, pour en changer l'espèce, de le greffer à nouveau.

Quand l'opération du greffage est terminée, au mois de novembre et de décembre, on apporte des engrais dans les plantations. On en dépose une faible quantité au pied des Pommiers greffés et autres, et une plus grande entre les rangées. De cette façon, l'extrémité des racines profite lentement, mais sûrement, de l'engrais ; au mois de février ou de mars, on passe un coup de herse ou de râteau sur ce fumier pour le diviser.

On déchaussera le pied de l'arbre pendant l'hiver et on le recouvrira au printemps.

A l'automne, on gratte la mousse qui croît sur les Pommiers, au moyen d'une râclette analogue à celle des ramoneurs, en se gardant d'écorcher l'arbre ; cette opération donne beaucoup de vigueur aux arbres et déloge les insectes.

En terminant ce petit travail, nous recommanderons de tenir les arbres en bon état de propreté, d'élaguer les branches que leur poids incline vers la terre, et qui se trouvent ainsi exposées à la morsure des bestiaux.

Il faut avoir soin de supprimer aussi les scions adventifs que l'on aperçoit au milieu des vieux arbres ; ces scions sont des gourmands qui se nourrissent aux dépens de l'arbre ; on aura bien soin enfin de recouvrir de mastic à greffer toutes les plaies faites par la serpette ou le sécateur.

Il nous paraît trop long, pour l'économie de ce modeste travail, d'entrer dans la nomenclature des nombreuses variétés de Pommiers qui existent dans la contrée et d'indiquer leur mode de végétation ou leur degré de productibilité ; mais le peu que nous avons mis sous les yeux de nos lecteurs leur sera, nous l'espérons, d'un utile enseignement, résumant dans un cadre restreint toutes les opérations concernant les pépinières.

BAPTISTE ROBLET.


Note :
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