Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°15 - juin 1918.Normandie : Revue régionale illustrée mensuelle de toutes les questions intéressant la Normandie : économiques, commerciales, industrielles, agricoles, artistiques et littéraires / Miollais, gérant ; Maché, secrétaire général.- Numéro 15 Juin 1918.- Alençon : Imprimerie Herpin, 1918.- 16 p. : ill., couv. ill. ; 28 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (17.VII.2014).
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NORMANDIE

REVUE RÉGIONALE ILLUSTRÉE MENSUELLE
DE TOUTES LES QUESTIONS INTÉRESSANT LA NORMANDIE
Économiques, Commerciales, Industrielles, Agricoles, Artistiques et Littéraires

DEUXIÈME ANNÉE. - N°15 JUIN 1918

Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°15 - juin 1918.

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Vers une Action Normande

IX. – LES CAUSES.

(Suite.)


Nous avons maintenant les données du problème : celui-ci sera facile à résoudre.

D’abord, une race impulsive, généreuse ; race disciplinée, dans son ensemble, par des siècles de Monarchie, dans ses individus par la culture gréco-latine et par une morale à base franchement religieuse ; cette race habite une contrée justement enviée, et cette situation géographique exceptionnellement favorable, lui commande une politique faite de prudence et de fermeté, une politique réaliste : en outre nous constatons que cette race, ce pays, ont de mauvais et puissants voisins, des voisins inaccessibles aux idées nobles, généreuses et qui ne respectent que la force. Tout concourt donc : tempérament, défaut d’éducation politique, nécessité d’être forts, pour qu’on ne se lance point dans les aventures.

Que faisons-nous ?

La plus formidable expérience politique qu’il puisse être donnée à un peuple de tenter !

Cette société française façonnée par des siècles de pouvoir monarchique, étayée, pour reprendre la figure de Balzac d’un côté par la royauté, de l’autre par le catholicisme, nous la privons brusquement de ses appuis séculaires, et nous lui donnons pour breuvage, le vin fort de la liberté ! Nous opérons ce changement radical dans son Régime, sans transition, sans frein, sans l’ombre d’une éducation préalable !

A cette mineure pliée à une tutelle de tous les instants dans l’ordre matériel, à une discipline morale sévère dans l’ordre spirituel, on donne l’émancipation totale.

Du jour au lendemain cette enfant inexpérimentée, naïve, de tempérament léger et impulsif, retenue d’obéir aux instincts qui nous sollicitent tous si fort, par le frein moral le plus puissant connu jusqu’alors, se trouve chargée d’accomplir seule les tâches les plus délicates et les plus redoutables, et libérée de toute obligation morale.

La société française devenue soudain orpheline et majeure, devra :

Gérer son domaine.
Administrer les individus.
Diriger la politique étrangère, etc., etc.

Et pour ce faire, à défaut des mandataires et des tuteurs, non seulement on ne lui laisse ni papiers, ni testament, ni même ces recettes empiriques parfois si précieuses, mais encore on lui impose des directions nettement contraires à celles observées jusqu’alors. Il faut nécessairement continuer à exploiter le beau domaine de la monarchie, mais avec défense expresse d’employer des méthodes ressemblant même de loin, à celles usitées jusque-là. Systématiquement on condamne les procédés de gouvernement de l’ancien régime, systématiquement, en en prend le contre-pied ! Comme les théories nouvelles procèdent d’un idéal humain très élevé, comme elles rompent nettement avec les systèmes utilitaires et prosaïques du régime déchu, l’enfant impulsive et généreuse qu’est la société française s’enthousiasme éperdûment pour elles. La folle du logis exercera ses ravages à loisir : il sera superflu de lutter contre cette vague formidable d’idéalisme qui dégénère presque instantanément en idéologie. La France est folle, la France est grisée, il faudra la lente mais inéluctable leçon des faits, du temps, pour qu’elle se demande si l’on n’a pas fait fausse route ou tout au moins brûlé les étapes, et supprimé des freins de première utilité.

La France a une situation géographique, des voisins, qui commandent la prudence et la force ? Allons donc ! Tous les peuples comme les hommes naissent libres et nous déclarerons la guerre au monde pour assurer le triomphe du principe des Nationalités. On ne se demande point si l’intérêt français bien entendu ne commande pas, lui, quelque circonspection, quelque tempérament dans la réalisation de ce grand et beau Rêve. Le vent est à la fraternité humaine. Durant tout le XIXe siècle, la griserie intellectuelle continue. L’Encyclopédie, la Révolution, Michelet et Victor Hugo présentent successivement l’enivrante liqueur sous les espèces les plus séduisantes. Michelet appelle de tous ses vœux l’heure bénie où les peuples auront réalisé leur unité : il a pour la future unité allemande une tendresse particulière. De nos jours, ne voyons-nous pas le gouvernement de la République prisonnier des mêmes théories, sanctionner l’indépendance d’une Finlande dont les armes se pourraient bien retourner contre nous !

Voilà un exemple pris entre mille de l’erreur commise par la société française et envisagée dans son ensemble. Prenons un autre exemple d’erreur aussi grosse de conséquences, mais au point de vue de l’individu.

Sous l’ancien régime, le peuple avait en quelque sorte remis son sort entre les mains de mandataires munis de pleins pouvoirs : il importait fort que ces mandataires fussent bien pénétrés de leurs devoirs vis-à-vis  du peuple, il importait peu que celui-ci ne fût pas aussi pénétré des siens puisqu’il était gouverné et ne détenait aucune parcelle de l’autorité publique. Le peuple avait le rôle passif, le roi le rôle actif ; or l’expérience démontre que la nature humaine est toujours encline à abuser de son rôle et de ses attributions ; on peut donc dire que ce qui importait à l’équilibre de l’ancien régime, c’était une monarchie très soucieuse de ses devoirs avec un peuple sachant défendre ses droits.

Du jour où les rênes du gouvernement passaient des mains défaillantes de la royauté dans celles du peuple, il devenait clair pour des esprits que la passion n’eût pas aveuglés, qu’une des premières conditions de santé sociale c’était que le peuple devînt très soucieux de ses devoirs. Le gouvernement du peuple par le peuple ne se conçoit pas autrement. Il n’est possible qu’à la condition que l’individu qui devient le maître de ses propres destinées comme de celles de la société dont il est un élément, soit assez armé de moralité pour toujours, en toutes circonstances, faire passer l’intérêt général avant son intérêt particulier.

Si l’individu n’est pas cet être de haute et inflexible moralité, le gouvernement démocratique – appelons-le par son nom – sera vicié dans son essence même : nous n’aurons plus la démocratie, mais la démagogie : ce ne sera plus l’idéalisme, qui guidera nos pas incertains, mais la dangereuse idéologie ; nous ne cheminerons plus sur la terre ferme, mais au milieu des nuées. Ces réflexions suffisent, je pense, à faire comprendre le raisonnement que je veux tenir.

Du jour où les théoriciens que nous savons renversaient l’ancien régime, ils avaient pour premier devoir non pas d’abattre toutes les barrières morales, non pas d’énerver et de supprimer les disciplines spirituelles, non pas de tarir les sources de moralité, mais bien d’en créer de nouvelles, plus abondantes, plus riches, plus puissantes.

Or, vous savez ce qui fut fait : je n’y reviendrai pas. On proclama les droits de l’Homme et du Citoyen, mais dans le moment même où l’on abattait le trône qui les eût mis en valeur et leur eût donné toute leur signification. Enfin et surtout alors que les devoirs seuls vont devenir essentiels à la bonne marche des affaires publiques, on n’en souffle mot : la démocratie commence l’édifice sur le sable mouvant, sans base, sans assises, probablement pour ne pas s’aliéner le « lion populaire », mais voilà comment par une capitulation de conscience, on crée de la démagogie là où l’on se flattait de faire de la démocratie !

J’entends bien que pour justifier cette façon de faire une démocratie on invoque la bonté foncière, la droiture, le désintéressement de l’âme humaine ! Ouais ! comme dit l’autre, j’aimerais mieux voir… Et qu’on ne me dise pas que je soutiens là un raisonnement « bien usé » ; je répondrai en invoquant mille et un témoignages sur la nécessité de la forte armature morale, clef de voûte des démocraties.

Quelle est la démocratie qui s’impose le plus à l’attention émerveillée du monde ? La République des Etats-Unis bien entendu. Ouvrez une histoire et dites-moi si les Franklin, les Washington, ne l’ont pas construite sur le roc solide de la moralité et de la « vertu » pour reprendre l’expression de Montesquieu.

Voyez ces jeunes combattants qui se révèlent comme des âmes ferventes dans des corps robustes, ne nous donnent-ils pas l’impression d’êtres disciplinés moralement. Est-ce le matérialisme ou le spiritualisme qui est à la base de toutes les graves décisions, de tous les discours que prend ou que prononce le consciencieux Wilson ?? Craint-il d’invoquer le secours de la Providence divine celui qui est de l’aveu de tous, le plus éminent des démocrates de l’époque ? Reconnaissons qu’en voulant fonder la démocratie sur le matérialisme nos directeurs de conscience ont commis la « plus grande erreur du siècle » !

………. Jouis, dit la raison païenne ;
Jouis et meurs ; les dieux ne songent qu’à dormir ;
Espère seulement, répond la foi chrétienne !

La crise française est donc avant tout une crise d’ordre moral : c’est ce que j’ai voulu préciser en disant que l’action de demain devrait être : morale d’abord ! Cette crise morale nous la retrouvons à la racine de tous nos maux : dépopulation, altération de la cellule familiale, désertion des campagnes, pornographie, mœurs politiques néfastes, etc.

Il semble bien que la guerre ait ouvert les yeux de beaucoup et les citations par lesquelles je voulais clore cet article, mais que le défaut de place m’oblige à reporter au prochain numéro, démontreront que l’union sacrée est encore à la base de ces critiques.

(A suivre.)

G. VINCENT-DESBOIS.


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Le Canard de Rouen
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La Normandie a ses titres de gloire, non seulement dans l’héroïsme de ses enfants, qui luttent pour la sauvegarde de la Patrie et de la Liberté, et dans ses hommes illustres par leur talent dans les arts, les sciences, les lettres, etc., mais encore par le renom qu’elle a conquis pour la valeur des produits de son sol fertile. Parmi ces produits qui jouissent d’une renommée légitime et, en quelque sorte, mondiale, le fameux canard de Rouen mérite, à tous égards, les honneurs d’une particulière citation. C’est d’ailleurs, pour lui, un droit au même titre que la citation du poilu qui, en se comportant vaillamment devant l’ennemi, illustre nos gloires nationales et fait honneur à son pays.

Sans médire des canards gascons, nantais, ou vendéens, qui ont d’incontestables qualités, on me permettra bien cette manifestation toute spéciale en faveur du régionalisme – oserais-je dire du régionalisme… avicole – dont l’utilité ne me paraît pas discutable puisque nous voulons, ici, mettre en relief l’importance et la valeur des ressources de notre petite patrie, en même temps que l’intérêt qui s’attache à leur accroissement, à leur amélioration, en vue de retirer de leur exploitation le plus grand profit. Il me semble que l’on ne saurait traduire en termes plus élogieux ni plus exacts les brillantes qualités du canard de Rouen qu’en débutant par la flatteuse appréciation et le portrait fidèle, frappant, qu’en a donné le très érudit et très spirituel Fulbert Dumonteil, le subtil écrivain à qui l’on doit les plus enthousiastes descriptions mettant en relief l’attrait qu’offre le peuple de nos basses-cours :

« A la Normandie, si riche en tant de choses, appartient le plus délicat, le plus fin, le plus gras, le plus savoureux, le plus opulent, le plus estimé de tous les canards de France et de Navarre. La merveille de la broche et la volupté de la table, c’est le canard de Normandie. C’est à croire que les navets ne poussent que pour lui faire cortège et que la douce Provence se pare d’oliviers pour lui faire honneur. Ses aiguillettes roses, que le citron relève, sont exquises, et ses cuisses, un peu grasses, triomphent dans ces daubes odorantes qu’adorait le vieux Corneille.

« Le premier de tous les canards de Normandie : fine chair, fine graisse et fine fleur, c’est le canard de Rouen. Il est de noble origine, issu en ligne directe du canard sauvage dont il a gardé le plumage superbe et le fumet original. On dirait qu’il porte son extrait de naissance sous son aile. Un jour de jeûne, il s’est laissé séduire par les charmes de l’auge et l’attrait du grain. Le voilà conquis à la civilisation et à la casserole. C’est le mieux vêtu de nos canards : bec jaune taché de noir, couleurs vives et tendres, capuchon d’un vert charmant aux reflets veloutés, poitrine marron et collier blanc, ventre gris-perle, ailes cendrées que terminent de beaux miroirs à reflets verts et bleus, rehaussés d’un liseré blanc. La robe est fort jolie, mais c’est particulièrement le dessous qui nous intéresse : la plume s’envole, la chair reste, et la fourchette a des plaisirs aussi sacrés que le regard. Quelque admirable profusion de teintes et de nuances artistement combinées que présente son plumage, la plus belle couleur d’un canard de Rouen est la robe d’or qu’il emprunte à la flamme des cuisines. »

Ainsi s’exprime Fulbert Dumonteil, ce fervent de la lèchefrite, autre Monselet, autre Brillat-Savarin, amateur délicat, fin connaisseur sans être disciple de Pantagruel. La description physique et gastronomique qu’il nous donne du canard de Rouen est d’une exactitude, d’une fidélité que l’on ne saurait contester, car notre canard rouennais est bien de ressemblance parfaite avec son ascendant, le canard sauvage, le joli col vert, joie du chasseur au marais ; mais sous l’influence de la domestication et d’un élevage qui en a amplifié les formes, augmenté le volume, le canard de Rouen présente une différence de poids considérable. Tandis que le poids du canard sauvage n’atteint que 1 k. 500 environ, celui du canard de Rouen amélioré par la sélection et un élevage rationnel, atteint jusqu’à 4 k. 500. Le même écart existe entre la cane sauvage et la cane rouennaise, dont l’aptitude à la ponte s’élève au quintuple. Cette dernière a le fond du plumage isabelle clair, les plumes du dos, des flancs et du ventre marquées de brun, d’un liseré marron et d’une autre marque en fer à cheval, de couleur marron. Son plumage est moins riche que celui du mâle, mais dans l’ensemble elle présente bien les caractères d’une parenté extrêmement étroite avec la cane sauvage. Notre canard de Rouen est, avant tout, un canard pratique, gros, gras, plantureux, massif comme nos rudes gars normands. On critique son allure, on dit qu’il marche en titubant comme s’il avait bu six pintes de cidre. On oublie trop que son véritable élément c’est l’eau, la mare ou la rivière où il déploie toute son élégance aquatique, surtout quand il baigne sa tête veloutée et tourne vers le ciel l’antipode du bec, friandise artistement rôtie des bouches sensuelles, croupion fameux qu’on appelle avec une gaîté gouailleuse : « Le sot-l’y-laisse. » M. de Talleyrand, qui l’aimait fort, ne le laissait jamais. C’était sa bouchée de prédilection ; et c’est de même celle de tout gourmet qui se respecte.

Le canard de Rouen aime ses herbages, ses vergers de pommiers, ses marais et ses ruisseaux. S’il se balance fièrement comme pour faire sonner les écus que la nature a mis sous son aile, s’il traîne en chantant, comme un bourgeois de Lisieux ou de Pont-l’Evêque, et prend toujours à droite….. pour aller à gauche, c’est qu’il, transporte avec lui, en lui, le trésor que représente la plasticité de ses formes rebondies, riches des plus séduisantes promesses gastronomiques. Car le canard de Rouen est une race utile, sérieuse, productive, ainsi que l’atteste le rôti du pays arrimé en un grand plat de Rouen à fleurs bleues tout tapissé d’aiguillettes fumantes et roses.

N’est-ce pas aussi une race facile à élever ? Le canard de Rouen est apprécié partout en France et à l’étranger. En temps ordinaire, la Vendée, particulièrement, en fait un important commerce. Les huttiers vendéens élèvent de grandes quantités de canards, et ce sont nos canards rouennais, qu’ils expédient à Nantes. A son tour, Nantes expédie sur Paris, en sorte que le commerce de notre précieux canard est bien plus important qu’on ne le croit, généralement, puisqu’il n’est pas limité à la Normandie, mais s’est étendu, de longue date, dans d’autres régions françaises. Le canard de Rouen, suivant la route de son glorieux compatriote, Guillaume le Conquérant, s’est même implanté jusqu’en Angleterre où ses descendants ont su conquérir….. les fourchettes britanniques.

Le canard de Rouen a pour lui les plus authentiques parchemins, et l’on a tout intérêt à le conserver dans toute sa pureté, à éviter, dans son pays d’origine, les mésalliances qui terniraient la grande et légitime renommée acquise par cette race. Dans les petites vallées qui aboutissent à la Seine, dans la partie occidentale de l’arrondissement de Rouen, à Yvetot et dans ses environs, l’élevage des canards a toujours été une spéculation avicole d’un excellent rapport. Les canards se vendent principalement sur les marchés de Duclair, Gournay et Dieppe.

Mais qu’est-ce que la race de Duclair ? demandent les profanes.

Le canard de Duclair est une variété locale du Rouen, obtenue et sélectionnée plus particulièrement à Duclair, localité située à vingt kilomètres de Rouen. Ce canard a le bec vert noir, la tête et le derrière du cou d’un beau vert bronzé brillant ; deux traits blancs au-dessus des yeux et à la base du bec ; le devant du cou et la poitrine sont blancs, formant une sorte de bavette blanche, large comme le fond d’un verre ; le corps est brun en dessus, noir en dessous ; le miroir est vert ; les tarses sont bruns ; les formes massives ; l’envergure a 1m05. C’est, comme on le voit, un très gros canard.

La cane a le bec presque noir, le plumage gris et brun ; chez les jeunes, le duvet est brun et jaune. Les œufs sont verdâtres.

Le canard de Duclair est précoce, fécond ; à neuf semaines, les canetons sont bons à consommer. La chair est excellente, à saveur plus prononcée, plus « canard » que celle du Rouen ; c’est du reste ce que l’on constate chez les races où le noir domine (Duclair, Cayuga, Labrador). On attribue cette saveur prononcée à l’effet du milanisme, à la présence, dans le sang, d’une grande quantité de pigment, colorant non seulement la plume, mais aussi la chair. L’excès contraire, l’albinisme, produit l’effet opposé : plumage blanc et belle chair blanche.

L’influence favorable exercée par le canard de Rouen sur la production du canard de rapport, sur les autres races qui doivent être améliorées dans ce sens, est connue de longue date. On sait que pour produire le canard bien gras, c’est au gros canard normand qu’il faut s’adresser, et que si l’on donne à une cane ordinaire un beau canard rouennais, on obtient des sujets de bonne taille, robustes, faciles à élever et à nourrir. On sait aussi que la chair des canards qui se baignent régulièrement est plus savoureuse, et qu’en exploitant une grosse race comme le Rouen, à développement rapide, on a des canetons bons à consommer vers huit à dix semaines. Si on les gardait jusqu’à sept ou huit mois, ils seraient certainement moins appréciés pour la table.

Les qualités du canard de Rouen sont mises à contribution largement, dans bien des contrées, même les plus méridionales. C’est que ce canard a des aptitudes telles qu’on trouve en lui un excellent facteur de croisement améliorateur. C’est le croisement du canard de Barbarie avec notre cane de Rouen qui permet aux éleveurs du sud-ouest (région de Toulouse, des Landes, du Gers, etc.), de produire ce canard dit Mulard ou Mulet, de fort poids, de grande taille, métis infécond, mais dont la chair est fine, délicate, et ayant une forte propension à l’engraissement et au foie volumineux chargé de graisse extrêmement  fine, que l’industrie des foies gras met en œuvre, et dont elle obtient ces pâtés exquis, renommés dans le monde entier. Pour obtenir ces volumineux foies, les éleveurs gascons ont recours au gavage des mulards. L’élevage de ce canard mulard devrait être répandu dans toute la France. Ce serait une grande ressource. Pour cela, il faudrait que se vulgarise cette industrie des pâtés de foies de canards et autres conserves alimentaires fournies par cet utile palmipède. Quelle précieuse ressource alimentaire ne serait-ce pas par ces temps de restrictions et de vie chère !

Notez que les croisements du canard de Rouen avec d’autres races telles que le Pékin, l’Aylesbury, donnent d’excellents résultats : chair fine et succulente, juteuse, croissance rapide, grande précocité, forte taille, rusticité. Le croisement du canard anglais d’Aylesbury avec la cane de Rouen est en tous points recommandable.

Ce même canard anglais croisé avec notre excellente race de Duclair donne des sujets encore plus robustes que ceux issus des croisements précités, et ayant même précocité, forte taille et finesse de chair. Les canes de Rouen mariées au canard de Barbarie donnent des produits à chair excellente et abondante ; sur leur poitrine, on détache des filets qui ont l’épaisseur d’une tranche de gigot. On a constaté qu’il faut près de trois kilogrammes de nourriture sèche pour produire un kilogramme de canard vif. En passant, qu’il me soit permis cette simple observation relative à la préparation des canards pour la vente sur les marchés ou l’expédition ; Le canard étouffé a une chair rouge, de goût et d’aspect sauvage. Le canard saigné est plus blanc, plus fin, sa chair a une saveur plus douce, moins caractéristique. Mais si on saigne « à blanc » la chair devient alors trop sèche. Il semble que la méthode de sacrifice qui consiste en la désarticulation du cou est la plus simple, la plus expéditrice et la moins cruelle.

En terminant ce panégyrique amplement justifié par les mérites, les qualités réelles qu’on doit reconnaître au canard de Rouen – qui est à sa façon une de nos célébrités locales – souhaitons que nos éleveurs normands en développent le plus possible la production, non seulement pour subvenir, présentement, aux grands besoins de l’alimentation, mais encore pour apporter, dans l’avenir, une part contributive à la reconstitution du patrimoine national.

Henri BLIN,
Lauréat de l’Académie d’Agriculture de France.

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L’Organisation Economique
Régionale

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Nous n’avons cessé dans cette revue d’appeler l’attention sur l’organisation économique régionale qui doit être créé dès à présent, afin de parer aux besoins d’après-guerre. Dans notre numéro d’avril, nous signalions celle de la région du centre. Aujourd’hui, nous constatons le mouvement qui se dessine en Normandie, à la suite de l’initiative prise par les représentants des intérêts bas normands.

Toutes les régions d’ailleurs ont compris l’intérêt vital qu’il y avait, pour elles, à préparer l’organisation économique d’après-guerre. En Provence, notamment, notre excellent confrère La Race, mène une vigoureuse campagne pour l’organisation de cette région. Dans le bassin du Rhône, les représentants des populations se sont réunis en un groupement de l’Aménagement du Rhône et de ses affluents, et, avec le concours du Ministre des Travaux publics, ils sont bien décidés à poursuivre vigoureusement l’aménagement du fleuve par l’exécution simultanée des travaux afférents à la navigation, à l’irrigation et à la production de l’énergie.

En ce qui concerne la Normandie, lors de l’établissement du projet gouvernemental en vue de la distribution de la France en régions économiques, par la fédération régionale des Chambres de Commerce, il avait été prévu l’organisation d’une seule région comprenant les cinq départements normands.

Mais, depuis, sur l’initiative de M. Blaisot, député du Calvados, les représentants des Chambres de Commerce du Calvados, de la Manche et de l’Orne avec l’appui des sénateurs et députés de ces départements ont soumis au ministre du Commerce un vœu tendant à la création d’une région économique de la Basse-Normandie.

Sous prétexte que les trois départements précités avaient entre eux des contacts économiques permanents qu’ils n’avaient pas avec la Seine-Inférieure et l’Eure, les Chambres de Commerce de Caen, Honfleur, Alençon, Cherbourg, Granville, Flers, souhaitaient de se réunir entre elles plutôt que d’être rattachées à Rouen, et, naturellement, la Chambre de Commerce de Caen qui doit bénéficier de cette nouvelle organisation demandait la division en deux parties de la région économique prévue au projet gouvernemental : Région de Caen pour la Basse-Normandie et région de Rouen pour la Haute-Normandie.

C’est ce vœu qui a été présenté par M. Lefebvre, président de la Chambre de Commerce de Caen au ministre du Commerce dans l’audience accordée par celui-ci aux représentants des Chambres de commerce de la Basse-Normandie.

M. Clémentel a répondu que le souci de ne pas trop morceler les régions étaient la cause de la décision contenue dans le projet gouvernemental, mais que l’intérêt du vœu qui lui était présenté ne lui avait pas échappé et que déjà il avait songé à prévoir cette région économique de la Basse-Normandie avec Caen, comme chef-lieu et que, après une nouvelle étude de la question, il avait été amené à se rallier au point de vue soumis par le Président de la Chambre de Commerce de Caen, et il a assuré la délégation que cette région économique figurerait dans le projet gouvernemental.

Voilà donc, décidé, en principe, la division de la Normandie en deux régions distinctes.

Que pensent de cette décision les Chambres de Commerce et les représentants des départements de l’Eure et de la Seine-Inférieure ?

Nous ne sommes pas de ceux qui croient que les anciennes provinces françaises qui n’ont jamais cessé d’exister, doivent seulement revivre dans leur intégralité, mais si l’on doit tenir compte pour la délimitation de ces régions de la production du sol et du sous-sol, des voies de communication, des moyens de transport, etc., nous croyons que les intérêts spéciaux ne peuvent trouver satisfaction que dans une œuvre d’ensemble.

Dans l’élaboration du projet gouvernemental, M. Clémentel n’a eu, dit-il, qu’un seul souci : l’intérêt du Commerce et de l’Industrie français. C’est parfait, mais ces branches de notre activité ne sont pas les seuls éléments de la prospérité nationale. En Normandie, notamment, nous avons un autre élément qui, par son importance, devrait bien avoir voix au chapitre. C’est l’agriculture. Mais celle-ci n’a probablement pas été consultée dans ses Syndicats.

Et c’est ici que l’on voit l’importance qu’aurait la création, réclamée dans la proposition de M. de l’Estourbeillon, des Chambres d’agriculture, des Chambres de métiers et des Commissions régionales des Arts français, car comme l’a fort bien dit, M. Charles-Brun « la formule la meilleure de la région future sera celle qui satisfera le plus grand nombre d’éléments. »

Aussi espérons-nous que la décision du Ministre du Commerce n’est pas irrévocable et qu’une consultation plus générale des intérêts normands précédera la solution définitive dans l’organisation régionale normande.

A. MACHÉ.

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Les Activités régionalistes, le très important courrier trimestriel de M. Georges NORMANDY, paraîtront dans un prochain numéro.

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Tout en causant…
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Depuis longtemps déjà, la nuit était tombée, une nuit que la réverbération lunaire et le scintillement des étoiles laissaient claire et illuminée. Heure exquise, dont je savourais le charme enveloppant, en compagnie du capitaine Percy Fergusson, dont j’étais l’hôte ce soir-là, et d’un jeune sergent canadien, Paul Dumoustier, originaire de Québec, et qui, parlant notre langue avec un archaïsme savoureux, compte probablement parmi ses aïeux quelqu’un des hardis compagnons de Champlain.

Nous étions tous trois assis sur le perron d’un chalet bâti à mi-flanc du mont Thuringe, et dont les toits pointus, comme ceux d’une pagode chinoise, abritèrent les derniers jours d’un savant chimiste rouennais qui fut des familiers de Flaubert.

Dans cette « villa des chimères » comme l’avait appelée son original propriétaire, que de fois, il y a maintenant des années de cela, je m’étais attardé à écouter le père Houzeau, me raconter, sur la vie du « grand Flô », mille piquantes et curieuses anecdotes qu’on ne trouvera pas dans les doctes biographies de l’auteur de Madame Bovary.

Et ce soir-là, par un de ces hasards imprévus qui brisent d’une surprise la ligne monotone de notre vie, dans cette même « villa des chimères », louée par le capitaine Fergusson, je me retrouvais causant avec un officier de l’armée britannique et un sergent canadien.

A vrai dire, notre causerie qui, depuis le dîner, avait roulé sur Flaubert, et sur son disciple Maupassant, dont les œuvres, comme nous l’avait longuement exposé Paul Dumoustier, sont l’objet d’un véritable culte dans les milieux intellectuels d’outre-Atlantique – et en Angleterre aussi – avait ponctué le capitaine Fergusson, notre causerie s’était arrêtée.

Nous ne parlions plus ; nous regardions. Du haut du perron, nous voyions s’allonger devant nous le ruban argenté de la Seine, et le double ligne des lumières des quais, feux jaunes d’entre lesquels se détachaient, çà et là, des fanaux verts et rouges. Et sur les côtés et au delà de ces raies lumineuses, éclairant le travail  nocturne du port dont la fin du jour n’interrompt pas l’incessant labeur, s’estompaient la masse sombre de la ville endormie, surmontée de la flèche altière de la cathédrale, et là-bas, tout au loin, fermant l’horizon, la courbe de ces collines de Croisset au pied desquelles Flaubert promena l’amertume désenchantée de son génie créateur.

Pourquoi, par quelle association d’idées inconsciente, devant ce spectacle s’encadrant dans un décor lunaire, dans le calme et la sérénité silencieuse de cette douce nuit, des petits vers, ingénus et charmants, me revinrent-ils soudain à la mémoire que je me suis mis à fredonner tout haut :

                Il est un âge dans la vie
                Où chaque rêve doit finir
                Un âge où l’âme recueillie
                A besoin de se souvenir…
                Lorsque ma muse refroidie
                Aura fini ses chants d’amour
                J’irai revoir ma Normandie…
                C’est le pays qui m’a donné le jour !

- Ah ! pardon ! s’exclama Paul Dumoustier en riant, quand votre muse sera refroidie,  ̶  ce qui, je vous le souhaite de tout mon cœur, n’arrivera pas encore demain – vous n’irez pas revoir votre Normandie, vous continuerez à la voir, car si je m’en rapporte à vos propres confidences, aimable Normand que vous êtes, vous ne l’aurez guère quittée, votre Normandie et vous seriez bien embarrassé de dire, comme Frédéric Bérat…

- Comment, interrompis-je, vous connaissez Frédéric Bérat ?

- Parbleu, répliqua le jeune canadien, et il chantonna à son tour :

                J’ai vu les champs de l’Helvétie
                Et ses chalets et ses glaciers
                J’ai vu le ciel de l’Italie
                Et Venise, et ses gondoliers…

Je fus bien forcé de convenir qu’en effet je n’avais vu ni les glaciers de l’Helvétie, ni les gondoliers de Venise.

- A part quelques excursions, ajoutai-je, et de courts séjours en Bretagne, dans les Vosges, sur les rives de la Loire et dans les montagnes d’Auvergne, ma vie pourrait être figurée dans un tryptique dont Paris et le Havre seraient les vantaux, et Rouen le panneau central. Je n’ai jamais visité les peuples « estranges », comme disait le bon poète rouennais Paul Delesques. Je le regrette d’ailleurs.

- Pourquoi, fit à son tour le capitaine Percy Fergusson ? Pourquoi aller chercher au loin des sensations fugitives et souvent décevantes quand votre propre pays, votre « patelin » comme vous dites, a des beautés suffisantes pour émouvoir et émerveiller votre sensibilité ? Et c’est votre cas, à vous autres, Normands !...

Il resta un moment silencieux, puis :

- Ce que j’admire dans les Français, c’est leur attachement au sol natal, ce sol sacré que vos poilus depuis quatre ans défendent avec un si splendide héroïsme. C’est aussi l’affection profonde, indéracinable, qu’a chacun de vous pour sa « petite patrie ».

- Les Anglais n’ont-ils pas, eux aussi, leur « petite patrie ? » demandai-je.

- Oh ! que si. Et tenez, en ce moment, je songe à mon cher pays de Galles, et à ma petite ville de Cardignan, qui baigne ses vieilles maisons sur les bords du canal Saint-Georges. C’est là que je suis né, c’est là que j’ai vécu jusqu’au jour où le devoir m’a fait répondre à l’appel de mon roi et de mon pays. C’est là que m’attend mon père. Pauvre père, le reverrai-je jamais ?

Le capitaine se tut. De nouveau, nous demeurâmes silencieux. Une angoisse indéfinissable opprimait maintenant notre rêverie.

Tout à coup, brusquement, sur toute la ligne des quais, les lumières s’éteignirent.

De la ville plongée dans le noir, des appels de clairon montèrent, stridents et prolongés.

Le canon tonna.

Et sur nos têtes, dans les hautes couches de l’atmosphère, un vrombrissement passait, lugubre, sinistre……

Henry BRIDOUX.


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Organisez-vous, car à l’heurede la paix, il ne faudra pas être pris au dépourvu. C’est d’ailleurs votre intérêt et celui du pays.

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FIGURES NORMANDES
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Auguste Dorchain

Auguste Dorchain par Nadar
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Je me souviendrai toute ma vie de la Fête des Roses qui, sur l’initiative du poète Emile Lesueur et de M. Tersen, fondateur et président des Rosati d’Artois, eut lieu en 1914, à Cambrai, cité natale d’Auguste Dorchain. Dans le cadre fleuri du parc, devant le plus bel horizon d’azur sombre, nous parlâmes à la foule, le président Soïl de Moriamé, de l’Académie d’archéologie de Belgique – demeuré dans sa bonne ville de Tournai et quoi devenu parmi le mascaret boche qui la submergea ? – et moi, avant le poète de la Jeunesse pensive, qui célébra sa cité natale, la paisible gloire de Martin et de Martine et les roses, toutes les roses, dans un des plus magnifiques discours qu’il m’ait été donné d’entendre. Or, le soir, lorsque les musiques se turent, lorsque les applaudissements s’éteignirent, lorsque la foule se dispersa, l’Echo du Nord nous apprit la tragédie de Serajevo. A vrai dire, nous étions loin de nous douter que le mince ruisseau rouge sorti des veines d’un déplorable archiduc autrichien, allait s’allonger en rü, s’enfler en rivière, rouler en fleuve, déferler en océan sur le vieux continent et sur le monde tout entier. Nous célébrions la beauté dans la paix de nos vieilles cités tranquilles sans nous douter que de sinistres gredins se préparaient à remplacer l’épanouissement de nos roses rouges françaises par celui des atroces blessures faites dans la plus pure des chairs humaines par la guerre – la guerre « fraîche et joyeuse » aimée des hobereaux prussiens… Ce que fut notre réveil l’univers le sait. La rapidité avec laquelle nous nous adaptâmes a stupéfié nos ennemis eux-mêmes. Ceux qui, chez nous, ne pouvaient combattre par l’épée se dévouèrent autrement. Auguste Dorchain plus qu’aucun autre. Il a voulu oublier les roses de Cambrai. Il a arraché les cordes d’argent de sa lyre pour les remplacer par des cordes d’airain. Il s’est replongé dans les sources de notre héroïsme – et il a écrit, lui aussi, un livre de guerre – l’un des plus beaux, l’un des plus salutaires, l’un des plus solides parmi les rares livres qui surnageront sur le… niagara des ouvrages de cet ordre – il vient de publier un admirable, un passionnant Pierre Corneille (1).

Avant toutes choses, qu’on ne me chicane pas le droit d’intituler cette Figure Normande : AUGUSTE DORCHAIN. Dorchain est presque aussi normand que Pierre Corneille. Né à Cambrai en 1857, il quitta cette ville alors qu’il était en bas-âge, grandit à Elbeuf et surtout à Rouen, où il naquit vraiment à la vie intellectuelle et où son esprit se forma. Il faut lire l’adorable Avant-propos du Pierre Corneille, tout entier consacré à l’évocation de ces années vécues dans la paix studieuse du Lycée Pierre Corneille (où il eut pour condisciples des hommes aussi éminents et aussi modestes que l’archéologue, graveur et peintre Léon Coutil et le poète Pierre Nebout) ce Lycée où le Corneilliste François Bouquet, « le père Bouq », l’initia « au culte quasi religieux de l’auteur du Cid. » La lumière auguste de l’immortel rouennais ne devait plus cesser de baigner l’existence et l’œuvre du dramaturge de Pour l’Amour. Sur la cheminée de son cabinet de travail triomphe le « cabinet » du grand Corneille, vénérable héritage ; sur le pupitre d’un prie Dieu s’ouvre en permanence la belle édition de l’Imitation de Jésus-Christ, traduite et paraphrasée en vers français par Pierre Corneille, l’Imitation, dont l’auteur d’Horace a magnifiquement transmué les alinéas écrits dans une « langue barbare mais si expressive et si suave, par un moine inconnu » (ou plus exactement mal connu), « en périodes d’alexandrins robustes et graves » et « en strophes ailées et ferventes », telles que celle-ci, entre autres :

Sers pour l’amour de Dieu, mortel, sers ton prochain
    Sans en avoir de honte.
Et quand tu parais pauvre, empêche que soudain
    La rougeur au front ne te monte
    Pour le paraître avec dédain.

A bien regarder la vie et l’œuvre de Dorchain, on découvre qu’elles furent influencées par celles de notre immortel tragique. En expliquant l’auteur de Cinna et du Menteur, Auguste Dorchain s’est expliqué lui-même. Ecoutez-le : « … De cette œuvre si diverse, si souple dans son développement et dont ce serait se faire une idée très fausse que de se la figurer perpétuellement raidie dans une tension héroïque – est-ce que nos héros sont ainsi tendus ? – je ne séparerai point la vie du poète ; j’essaierai au contraire de l’évoquer sans cesse autour des poèmes, en me gardant bien, pour la replacer dans son décor et à sa date, de demander à l’imagination sympathique aucune aide qui ne se puisse appuyer elle-même sur les renseignements les plus certains. Ainsi, malgré les siècles, nous approcherons un peu du maître. N’espérons pas, ou plutôt ne craignons pas, de rencontrer en lui un surhomme – on sait que pour les inventeurs de ce mot c’est par l’inhumanité que se définit la surhumanité – mais réjouissons-nous d’avoir à hanter un grand homme qui fut, avec beaucoup de génie, mais avec une simplicité non moindre, un homme, un honnête homme, un brave homme. »

.. Un homme, un honnête homme, un brave homme, ah ! que cela s’applique donc exactement à Auguste Dorchain pour qui connaît un peu l’intimité de sa vie auprès d’une épouse idéale, la sincérité profonde et la pureté de son œuvre dédaigneuse des succès faciles et des effets trop certains, la sobriété de sa prose plus robuste qu’éclatante et de sa poésie plus cornélienne qu’hugolienne.

L’espace m’est, hélas ! étroitement mesuré. La photographie laissera deviner en ce que je n’ai plus la possibilité d’écrire, car je veux signaler tout spécialement le passage du Pierre Corneille qui, à mon sens, replace le mieux l’auteur de Polyeucte dans son cadre et, parmi tant de pages de tant d’auteurs, met le mieux en valeur son œuvre, enfin lui rend le plus complètement justice.

« … En ce temps-là, écrit Auguste Dorchain, on s’instruit quand on peut ; aussi n’est-il pas rare de trouver assis côte à côte, dans une même classe, des jeunes gens et des hommes faits qui, plus véritablement que le Dorante du Menteur, reviennent des guerres d’Allemagne. C’est pourquoi, si la discipline est sévère au-dedans du collège, si la peine du fouet y est prévue, et si pour surprendre les fautes, les meilleurs élèves, décurions et censeurs, sont particulièrement chargés de l’espionnage et de la délation de leurs camarades – c’est la tare abominable et honteuse de cette éducation si remarquable à tant d’autres égards – les pères sont obligés de fermer les yeux, car il y aurait trop à dire, sur ce qui se passe au dehors, où les collégiens ne se font pas faute de troubler le repos nocturne des bourgeois, de molester les passants, de causer du scandale à la foire du Pré, où Gauthier-Garguille nous a si plaisamment célébré les tracas, de hanter les combats de coqs et les jeux de paume mal famés de la Cigogne et du Château-Rouge, enfin d’assister aux exécutions capitales. Sur ce dernier point, l’autorité rectorale dut intervenir et signifier d’expresses défenses avec une exception, toutefois, pour les exécutions d’hérétiques, dont le spectacle resta permis, sinon recommandé, aux collégiens.

« On pense bien que le jeune Corneille n’était pas de ceux que pouvaient toucher ni cette permission ni ces défenses ; mais en se rendant de la rue de Pie à la rue du Grand-Maulévrier, il a pu malgré lui percevoir quelque chose de l’horreur de ces supplices et il a certainement, de sa chambre même, entendu les hurlements des suppliciés ; car c’est sur la place du Vieux-Marché que se dressait alors, sans parler du pilori où l’on expose, l’échafaud où l’on décapite, où l’on écartèle, où l’on roue. En 1635, l’année d’avant le Cid, un camarade de Corneille au collège, le bon Hercule Griset, en son poème latin des Fastes de Rouen, Fasti Rothomagenses, nous l’y montre construit en pierre, structum saxo, ainsi que les potences, cruces, et que la cuve de cuivre, olla œrea, où avant que le Parlement n’adoucit un peu la peine pour ces sortes de crimes, il a vu cuire un faux monnayeur : « Dans mon enfance, je m’en souviens, elle rougit et bouillonna sous l’action des flammes ; à peine avais-je vu mon quatrième automne. Le ciel se couvrit des vapeurs noirâtres de l’huile bouillante ; on y plongea, ligotté en boule, le corps vivant du condamné… » Si l’on ne lisait que le noble livre de M. Guizot sur Corneille et son temps, on ne saurait pas au juste ce que fut ce temps encore atroce. IL LE FAUT POUR COMPRENDRE MIEUX DE QUELLE HAUTEUR D’HUMANITÉ UN CORNEILLE LE DOMINE. »

C’en est assez. On a lu suffisamment pour avoir le désir de tout lire. On a compris l’importance de l’étude, enfin complète, consacrée par Dorchain au poète immortel qui fut notre premier et qui reste notre meilleur professeur de noblesse réelle et d’héroïsme raisonné.

Le Pierre Corneille du poète de Vers la Lumière est une œuvre capitale, un livre de chevet. J’ose espérer qu’il sera, de plus, un livre de propagande française.

Georges NORMANDY.

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(1) Garnier frères, éditeurs, 6, rue des Saints-Pères, Paris. 1 vol. de 500 pages, 3 fr. 50.



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L’ÉCOLE DE FÉCAMP
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Conférence

Le 28 mai, en la salle des spectacles du collège de jeunes filles, M. Eugène Leroux donna sous ce titre : « La dépopulation rurale et le retour à la terre », une très solide conférence, suite et complément attendus de la causerie : « La terre et le paysan », faite précédemment par M. G. Demongé, le maît’ Arsène des « Gars de Normandie. »

La dépopulation rurale et le retour à la terre : ce vaste plan d’action où nous avons glané quelques idées neuves et originales, clairement exposées en un style sobre et précis, émaillé çà et là de poèmes dus à l’inspiration de poètes du terroir : Brizeux, MM. Paul Harel, Georges Normandy, G. Demongé, etc., de fragments d’articles signés par d’éminents économistes : R. Béchaux, de l’Institut (le Correspondant), MM. Henri Blin et Vincent-Desbois (Normandie), fut unanimement apprécié des auditeurs compétents.

Les chiffres officiels épars dans le texte, permirent de mesurer toute l’ampleur du péril (la dépopulation rurale), qui, si l’on n’y remédie à temps et avec une très grande énergie, menace de devenir un véritable désastre national.

Les remèdes nécessaires furent présentés en grand nombre par l’orateur qui préconisa entr’autres la création d’une « Œuvre des concerts ruraux » ayant pour but la lutte contre le cabaret. Ce fut, en même temps qu’une belle œuvre oratoire, un acte d’un caractère généreux et noble, d’inspiration toute patriotique pour lequel nous ne saurions trop louer son auteur.

A l’issue de la soirée, Mme A. Constantin, avec un charme exquis et un rare talent, interpréta deux ravissantes mélodies de son mari, M. Adrien Constantin, qui détailla lui-même quelques très spirituelles chansonnettes humoristiques de sa veine, accompagné au piano par Mlle Annette Constantin.

Les poètes dirent des vers et Maît’ Arsène, à la satisfaction générale, joua quelques-unes de ses inimitables imitations du Paysan cauchois.

La quête, aimablement faite à l’entrée par Mme Dubosc-Duglé, produisit la somme de 320 francs qui fut remise au Comité des orphelins de guerre.

Ce fut une soirée charmante qui aura, nous l’espérons, des « sœurs dans l’art et dans la charité. »


Au Tombeau de Jean Lorrain

Parmi le funèbre, disparate et solennel chaos des monuments orgueilleux, des marbres luisants, des granits simples, des humbles pierres blanches, il est, dans le cimetière de Fécamp, une tombe, « une vaste dalle de granit poli, posée sur une dalle beaucoup plus vaste encore, grave comme la mort et solide comme la gloire (1) » où nul être ne s’agenouille : c’est là, sous cette pierre que, mêlée à la clémente terre natale, en ce coin du charmant pays si cher à son pauvre grand cœur nostalgique, gît la cendre de celui qui fut Jean Lorrain.

C’est sur cette tombe que, le 30 juin, les membres de l’Ecole de Fécamp, en commémoration du douzième anniversaire de sa mort, vinrent rendre un touchant hommage au grand homme, à l’illustre écrivain, l’une des gloires les plus curieuses et les plus originales de la Littérature contemporaine.

Ce fut une cérémonie très intime, très simple, très belle, qui dût être bien douce aux mânes du maître, tacitement haï  et volontairement méconnu par tels de ses compatriotes.

Sur la tombe, au-dessous des quatre vers d’une si profonde mélancolie, où passa, un jour de spleen, la grande âme amère du jeune poète ardent, une lourde gerbe de fleurs – de ces fleurs qu’il aima et chanta si passionnément – fut déposée, qui se fanera demain, mais demeurera longtemps, pauvre souvenir défloré d’un geste de pieuse vénération.

Et cet hommage rendu au maître par les « jeunes » de l’Ecole de Fécamp, s’il ne leur avait été inspiré par un sentiment sincère d’admiration, leur aurait paru, en ces heures tragiques, obligatoire, car ils n’oublient pas que tous ceux des nôtres qui meurent chaque jour sur les champs de bataille du monde, ne meurent que pour conserver intacte la totale grandeur de la patrie que ses ouvriers du verbe, ses soldats de la pensée, dont Jean Lorrain est un des plus remarquables parmi ceux du XIXe siècle, ont faite ce qu’elle est : la France impérissable, éternelle.

C. A.

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(1) La Légende et la Vie de Jean Lorrain. Essai biographique, par Georges Normandy.



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*    *

Les poètes Charles Argentin, Julien Jeanne, Deschamps, Henri Maugis, professeur au collège, le peintre Henry-E. Burel, les compositeurs Ad. Constantin et Callet, enfin l’excellent journaliste et critique E. Leroux, faisaient partie de la délégation qui se rendit sur la tombe de Jean Lorrain. Les poètes G. Demongé (Maît’ Arsène) et André Maréchal, aux armées, s’étaient associés par lettre à cette pieuse démarche au cours de laquelle une gerbe de fleurs fut déposée sur le granit du mausolée par Mme E. Leroux.

A cette occasion le poète Julien Jeanne composa l’agréable sonnet que voici :

    Pour l’Anniversaire de Jean Lorrain

Sur le granit où sont marqués, en lettres d’or,
Les vers qu’il écrivit en ses heures de rêve,
Nous avons au matin, lorsque chantait la grève,
Déposé quelques fleurs, qui font dans le décor

Du sévère tombeau, songer que de Lorrain
La gloire ne fut pas à jamais éphémère
Et que, même endormi dans l’ombre et le mystère,
Son pays le regrette et pleure l’écrivain !

A celui qui fut grand en sa magique prose
Notre fervent amour d’une gerbe de roses
Sut fleurir la demeure où le coucha le sort

Et, quand le soir viendra sur le grand cimetière,
Les fleurs en se mourant, paraîtront en prière,
Et leur parfum ira jusqu’aux cendres du mort !

            Julien JEANNE.


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*    *

Nous rendrons compte, dans notre prochain numéro, du pèlerinage que les membres de l’Ecole de Fécamp feront au tombeau du romancier Carolus d’Harrans, le jour de la mort de cet écrivain regretté.

Ajoutons encore que l’Ecole de Fécamp – qui se réunit dans l’intimité chaque quinzaine, en la Salle de l’Union, mise à sa disposition par le Foyer du Soldat Belge – donnera  sa troisième soirée publique le 5 août. Au programme une conférence du bon poète rouennais PIERRE PRÉTEUX, rédacteur en chef de La Revue Normande, sur Les Trouvères Normands. Nous y reviendrons. Quand toutes nos cités françaises, si riches en personnalités intéressantes, suivront-elles l’exemple donné par l’Ecole de Fécamp ? Le meilleur régionalisme est celui qui agit.

G. C.


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Campagnes
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I

LABOURAGE

Hiop ! hue ! avec lenteur ils parcourent le champ.
Appuyé des deux poings aux mancherons, le torse
Au vent, le laboureur hâte leur marche et force
Ses bêtes, car déjà le ciel flambe au couchant.

Et le zéphir allonge un peu l’agreste chant…
Hue ! hiop ! et le soc rompt du sol la lourde écorce
Et le groupe pensif chemine et, plein de force,
Cumule les sillons qu’il aligne en marchant.

Et parmi l’automnal et triste crépuscule,
Tandis qu’à l’occident vermeil l’astre recule,
L’équipage poursuit son auguste travail,

Car, grisé par l’odeur de la terre, qu’il hume,
L’homme, sur la charrue inclinant son poitrail,
Va, sans ouïr l’appel de son chaume qui fume…

II

SOIR

Des nuages de pourpre à l’occident serein
S’éparpillent au gré d’un lent zéphir qui muse.
Le jour décroit… Un son lointain de cornemuse
Exhale dans le soir un agreste refrain.

En l’espace, un parfum léger de romarin
Plane… Un trille parfois du cœur d’un buisson, fuse !
Seul, là-bas, l’océan qui s’enlève et refuse
Déferle incessamment au rivage marin.

Voici venir la nuit !... Vers son humble chaumière,
Ivre de chants d’oiseaux, d’odeurs et de lumière,
Le laboureur chemine à travers les sillons.

Cependant que, parmi la campagne céleste
L’Harmonieux semeur disperse d’un seul geste
Tout le poudroîment d’or des constellations.

III

MOISSON

Sous un large soleil de cuivre rutilant
Qui, du zénith en feu choît d’aplomb sur les plaines,
Les moissonneurs, humant la flamme, hors d’haleines,
Impriment à leurs faulx un rythme étincelant.

Partout, les blés rompus jonchent le sol brûlant,
Et sur les chariots où l’on rit à voix pleines,
Les épis mûrs, ployant sous la lourdeur des graines
S’écroulent, enlevés d’un sûr et brusque élan.

Tout à coup, des clameurs ! La campagne est en branle.
Un fouet claque, un char crie et pesamment s’ébranle
Sous le quadruple effort de ses lourds percherons ;

Et, vers l’agreste toit de chaume de la ferme,
Parmi les tourbillons du chanvre et les jurons
Le rustique attelage avance d’un pas ferme…

IV

RETOUR DES CHAMPS

Roulant à l’horizon sans bornes, le soleil
Qui, sans trêve, poursuit sa gigantesque ronde,
Parmi des flamboiements de pourpre et d’or, en l’onde
Enfonce avec lenteur son grand orbe vermeil.

Le ciel crépusculaire, à quelque nef pareil
Allume ses flambeaux qui brillent à la ronde,
Et la lune s’accuse, énorme lampe ronde,
Qui doit du temple obscur éclairer le sommeil.

Voici l’heure sereine où, par les hautes herbes
Quittant les champs, en chœur, les glaneuses superbes
Vont, sous le chaume heureux, savourer le repos.

Et les rires joyeux qui tintent sur leurs lèvres
Se mêlent, dans le soir, au bêlement des chèvres
Que rentrent les bergers au sein de leurs troupeaux.

                    Charles ARGENTIN


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Un Honnête Homme

UN ACTE EN PROSE

(Suite)
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GERMAIN.

Bon. Mais, tout de même, il y a, dans la façon dont tu me parles, dans le ton que tu as… une espèce de… désapprobation. On dirait que tu…

RAYMOND.

Eh ! bien oui, puisque, pour une fois, tu es si perspicace… Oui, je te reproche quelque chose. Certes, tu as été ferme, mais tu n’as eu, à aucun moment, la belle violence que j’attendais, celle qui aurait fait cesser immédiatement les injures…

GERMAIN.

C’est ça !... Tu aurais voulu que je crie, que je m’emballe comme un écervelé… Ah ! parbleu !... je t’entends, toi, si tu avais été à ma place… Tu en aurais dit des grands mots, tu en aurais fait des gestes !.... et à quoi cela t’aurait-il avancé ?... Après tout, c’est mon père…

RAYMOND.

Et à quoi ta… correction t’a-t-elle avancé, toi ?

GERMAIN. (Embarrassé.)

Oui…, oui..., tu profites d’une circonstance… particulière. Enfin, oui ou non, ai-je accompli mon devoir, ai-je rempli mes engagements ?

RAYMOND. (Haussant les épaules.)

Tes « engagements » !... Mais oui, c’est entendu, archientendu, tu les as remplis… Commerçant va !... (Répétant.) Tes « engagements » !....

GERMAIN. (Appuyant toujours.)

Ai-je fait mon devoir ? Ai-je été fidèle à ma qualité d’honnête homme ?

RAYMOND.

Oui, oui, oui et oui. C’est entendu, compris, définitif !... Il est entendu aussi que tu ne comprendras pas ce que je veux te dire ?... Précisons alors : Dans une circonstance pareille, alors que ta… plus chère affection était en jeu, tu aurais dû avoir, il me semble, un coup de cœur, un élan, un geste… quelque chose, enfin, de spontané, d’instinctif, de…

MARIE. (Entrant : elle apporte une lettre sur un plateau.)

C’est une lettre qu’un petit chasseur vient d’apporter pour Monsieur. Il n’y a pas de réponse mais il a dit que c’était très pressé.

GERMAIN.

Donnez. (Lisant sur l’enveloppe). « Monsieur Druard fils » (Stupéfait). Mais c’est l’écriture de mon père !

MARGUERITE.

L’écriture de… ?

GERMAIN. (Ayant ouvert l’enveloppe et lisant.)

« Monsieur Eusèbe Druard attend au Café de la Terrasse, son associé, Monsieur Germain Druard, afin de régler rapidement l’affaire pour laquelle il était venu le trouver… commande de fils et câbles pour les Postes et Télégraphes. Prière de venir de suite. Druard. » C’est bien ça lui !... Ah ! cette fois, c’est bien fini entre nous… !

RAYMOND.

Ça ne manque pas de saveur. En voilà un procédé !

GERMAIN.

Cela me navre, car je vois bien que, cette fois, la réconciliation ne sera plus possible. C’est mon père pourtant…

MARGUERITE. (Plaintive.)

Germain…

GERMAIN. (Décidé.)

Enfin ! c’est ainsi. C’est bien.

RAYMOND.

Et… tu vas y aller ?

GERMAIN.

Bien entendu. J’y vais : les affaires !... Il y en a pour une heure à peu près… Il ne faut pas que je le fasse trop attendre, d’autant plus que le Café de la Terrasse est à trois cents mètres d’ici…, au bout de la rue… (Appelant). Marie ! mon chapeau, ma canne !... (A Raymond). Je compte te retrouver ici tout à l’heure, hein ?

RAYMOND.

Mais…

GERMAIN.

J’en ai à peine pour une heure, je te le répète… Tu tiendras compagnie à Marguerite… qui me paraît en avoir bien besoin en ce moment. (S’approchant d’elle)… Voyons, du ressort que diable !... Tu ne vas pas te chagriner comme ça !... Nom d’un chien ! réagis…, maîtrise-toi…, montre que tu es un homme !... (Se reprenant vivement)… non… une… c’est-à-dire…

RAYMOND.

Ah ! elle est bien bonne !

MARGUERITE. (Riant, navrée.)

Oui, Germain… Ça ne sera rien… Je te montrerai, je pense, que je suis… (Sourire très pâle)… un homme…

GERMAIN.

La langue m’a fourché !... Tu le sais bien : je ne suis pas un beau parleur moi… mais…

MARIE.

Voilà le chapeau de Monsieur.

GERMAIN.

Enfin, à tout à l’heure… (Il serre la main de Marguerite comme il serre celle de Raymond.) A tout à l’heure aussi, Favier. Ça va être vite réglé.

MARGUERITE.

A tout à l’heure.

RAYMOND. (Presque en même temps que Marguerite.)

C’est entendu.


    (Germain sort.)


(A suivre.)

Georges NORMANDY.

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ÉCHOS ET NOUVELLES

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On a procédé à Beauvais, par ordre du Ministre des Beaux-Arts, à l’enlèvement des vitraux de la cathédrale et des vitraux de l’église Saint-Etienne. C’est une excellente précaution, car il faut si peu de chose pour « souffler » dans le néant ces incomparables œuvres des grandes époques de l’Art Français. Les Allemands ont assez détruit ainsi, et s’ils essaient encore de détruire, il faut au moins limiter les méfaits de ces remarquables vandales. En ce qui concerne Beauvais, si proche de notre Normandie, aura-t-on mis à l’abri cette fameuse sainte crucifiée, nommée Wilgeforte, ou encore Sainte Débarras ? Cette sainte, raconte-t-on, voulant repousser ses prétendants, supplia Dieu de l’enlaidir, grâce qu’elle obtint, puisque une magnifique barbe orna ses joues. Son père, furieux, la fit crucifier. Et depuis, elle est invoquée par celles qui désirent se débarrasser de leur mari. Dans son savoureux volume, De Tout, Huysmans lui consacre un curieux article, où il mentionne que cette sainte est révérée également à Wattetot-sur-Mer, village qui possède deux statues de Sainte Wilgeforte. En ce village, la fête de Sainte-Débarras est célébrée le 20 juillet. La même sainte est implorée à Wittefleur, pour l’anémie et les maux d’estomac. A Wittefleur, on la nomme aussi Vierge forte, corruption de Wilgeforte. Efin, à Fauville, il existe d’elle une statue du XVIIIe siècle. Elle est encore adulée dans le Pas-de-Calais, à Wissant ; dans les Hautes-Pyrénées, à Mazères (sous le nom de Sainte Libérate), où ses reliques se trouveraient et aussi en Suisse allemande. C’est, en vérité, une sainte utile qu’il importe vraiment de mettre à l’abri. Et puis l’art a ses droits ! Tant pis pour les dames qui, dans l’intervalle, auraient à se débarrasser d’un mari « adoré ».

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*    *

Le 26 mai 1918, Edouard Dujardin (qui est de chez nous), l’auteur de L’initiation au Péché et à l’Amour, Les Lauriers sont coupés, faisait au théâtre du Vieux-Colombier une intéressante causerie sur ce sujet assez complexe : De Stéphane Mallarmé au Prophète Ezéchiel. Cette conférence eut lieu sous l’égide de la Ghilde des Forgerons. Le poète fut applaudi, et ses œuvres. Nous avons écouté des choses fort savoureuses sur la vie littéraire au temps des Symbolistes, temps héroïques. Toutefois, au sujet de J.-K. Huysmans, peut-être Edouard Dujardin exagérait-il ? Il conte qu’un jour il emmena Mallarmé et Huysmans à une matinée de musique où l’on jouait l’ouverture de Tannhauser. A la suite de quoi Huysmans écrivit la prose de l’ouverture de Tannhauser, non d’après le morceau entendu de l’œuvre de Wagner, mais simplement d’après le compte rendu du programme. Nous avons repris notre exemplaire des Croquis Parisiens et relu. Nous croyons cela difficilement. Nous croirons plus facilement par exemple que l’auteur d’ En Route n’ait pas souvent remis les pieds dans des réunions de musique : son caractère était plutôt indépendant, mais il faut avouer aussi que sa perspicacité en musurgie n’était pas grande. Ceci dit, pour montrer qu’Edouard Dujardin nous intéressa vivement, notons que cette causerie fut ornée de la présence de Mme Jane Hugard, artiste du talent le plus grand qui mima A quelqu’un du Paradis, chanta des Chansons couleur du temps (de Dujardin), récita des passages de la Bible (traduits par E. Dujardin) et dansa (avec Mlles Dargyl, Roselly, Sackhy et Simoni, de l’Opéra), les Danses de la Fille de Jephté et de la Mort, et Arabesques (musique de Debussy.)

Aperçu dans l’assistance, Ch.-Th. Féret, toujours jeune et vibrant, Fernand Fleuret, Marcel Lebarbier, directeur des Pionniers de Normandie, Louis de Gonzague-Frick, Wullens, des Humbles, le maître Han Ryner, etc.

Gabriel-Ursin LANGÉ.

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NOUVELLES VOIES DE COMMUNICATION EN NORMANDIE

Dans nos derniers numéros, nous signalions l’activité déployée en vue d’arriver à une solution des divers projets concernant les voies de communication en Normandie : Canal Paris-Dieppe et projet de Tunnel sous la Seine pour doubler les communications entre Paris et Le Havre. Dernièrement, MM. Louis Brindeau, sénateur, Jules Siegfried et Georges Ancel, députés du Havre, ont été reçus par M. Claveille, ministre des Travaux publics et l’ont entretenu de la question des voies ferrées en projet.

Afin d’arriver à une prompte amélioration des communications de la région havraise avec Paris, la vallée de la Seine et le sud-ouest, ils ont demandé au Ministre de faire reprendre l’examen de la traversée du fleuve par ferry-boats.

Les honorables représentants du Havre ont rappelé au ministre les projets précédemment présentés et lui ont signalé les perfectionnements apportés depuis cette époque à ce mode de transbordement, et les heureux résultats obtenus ainsi à l’étranger, dans des conditions d’exploitation souvent plus difficiles qu’en Basse-Seine. Cette solution pourrait permettre d’attendre, sans laisser plus longtemps en souffrance des intérêts considérables, l’époque où la construction d’un tunnel deviendrait possible. La nouvelle étude serait communiquée à la Commission de la Chambre des députés saisie du dernier projet présenté par le Gouvernement et, en même temps aux corps délibérants de la ville et du département.

Ils ont fait remarquer à M. Claveille qu’une voie ferrée se dirigeant du Havre vers la rive gauche de la Seine doit nécessairement emprunter la rive droite sur un certain parcours : l’établissement de cette voie s’associerait donc très heureusement à la construction sur la rive droite, vers Caudebec et Rouen, de la ligne dont le développement industriel des bords de la Seine démontre dès à présent la nécessité. Tandis que cette ligne continuerait vers Caudebec et les au-delà, un embranchement s’infléchirait au sud jusqu’au rivage du fleuve, d’où il serait relié par ferry-boats aux lignes du département de l’Eure. Un raccordement avec la ligne de Bréauté-Beuzeville à Lillebonne viendrait s’ajouter à cette combinaison.

Enfin, nos représentants ont ajouté qu’étant donné le caractère de ces voies, leur prompte exécution serait justifiée par des considérations pouvant permettre d’abréger les formalités administratives et d’utiliser une main-d’œuvre spéciale actuellement employée à l’établissement de voies d’extrême urgence intéressant la défense nationale.

M. le Ministre des Travaux publics a promis de faire mettre immédiatement ces questions à l’étude par les services compétents.

De leur côté, les représentants des intérêts économiques de la région rouennaise n’ont pas manqué de s’intéresser à cette question et après une étude approfondie, ils ont donné leur adhésion au projet de la ligne du Havre à Pont-Audemer avec traversée de la Seine par un ferry-boat, en attendant que puisse être étudiée suffisamment, et exécutée si possible, la traversée en tunnel.

Quant à la deuxième ligne du Havre à Rouen, elle passerait, pour desservir les vastes terrains industriels de la rive droite de la vallée de la Seine par Port-Jérôme, Caudebec, Duclair, Saint-Martin-de-Boscherville. Là, elle pénètrerait en tunnel sous le promontoire de Canteleu, déboucherait dans la vallée de Déville et traverserait le massif de Rouen également sous un tunnel indépendant de celui de la rue Verte. A cette ligne seraient raccordées les voies des quais de la rive droite et celles des prairies Saint-Gervais. On éviterait ainsi le passage des trains sur les quais de Rouen, qui entraîne tant de gêne pour la libre circulation dans cette partie de la capitale normande.

A la sortie de Rouen, vers Saint-Hilaire, la ligne suivrait la rive droite de la Seine et passerait par Saint-Adrien et Port-Saint-Ouen pour entrer ensuite en un tunnel qui déboucherait vers Pont-de-l’Arche.

C’est là que cette ligne, qui devrait être ultérieurement prolongée jusqu’à Paris, se raccorderait avec la ligne existante Rouen-Paris.

Cette solution à laquelle Le Havre, Rouen et Paris trouveraient d’immenses avantages, devrait être rapidement étudiée et sa mise à exécution immédiatement envisagée.


LA SOLIDARITE LATINE

Notre collaborateur, M. Georges Normandy, dont l’action franco-brésilienne est bien connue, vient d’être élu membre correspondant au Cercle des Beaux-Arts (Circulo de Bellas Artes) de Pernambuco (l’Athènes du Brésil), présidé par S. E. Olyntho Victor, directeur de l’Instruction publique de l’Etat, et administré par MM. Rodolpho Lima, Eustorgio Wanderley, Bibiano Silva et Mamede da Costa.


PRIX ACADÉMIQUES

Dans sa séance du 19 juin, l’Académie Française a décidé d’accorder une part de 500 fr. sur le prix Archon-Despérouses, à M. Eléonor Daubrée, instituteur à Lessay (Manche), pour son ouvrage : A tous nos morts sublimes. Nous applaudissons de tout cœur à cette récompense décernée à notre aimable compatriote.

Sur le prix Lefebvre-Deumier, dans sa séance du 27 juin, l’Académie française a accordé également une part de 500 francs, à un autre poète normand, Auguste Bunoust, dont la figure a été tracée ici même par notre collaborateur Gaston Le Révérend. C’est son ouvrage, Les Nonnes au jardin, que le délicat écrivain, surnommé M. l’abbé Bunoust, par Campion, a vu ainsi couronner. Tous les lettrés de chez nous applaudiront à cette juste récompense.

A l’occasion du centenaire de Gounod, le célèbre auteur de Faust, né à Paris, le 17 juin 1818, notre excellent confrère, Gaston Dubosc, rappelle, dans le Journal de Rouen, les origines normandes du célèbre musicien. Par sa mère, Victoire Lemachois, née à Rouen, le 4 juin 1780, dit-il, Gounod appartenait à une des familles rouennaises les plus honorables. Son grand-père, Georges-Alexandre Lemachois, avocat au Parlement de Normandie depuis 1776, occupait une haute situation et habitait un hôtel place Saint-Ouen. Sa grand’mère, née Heuzey, femme de haute valeur, poète, musicienne, harpiste, était reçue dans les familles d’Houdetot, de Mortemart, d’Herbouville. Dans son enfance, Gounod vint souvent à Rouen et à Sahurs dans sa famille maternelle. Il y revint, lors de la première de Faust, le 12 avril 1860, et lors de l’exécution de Mors et Vita, dans la cathédrale, le 15 décembre 1887.

Nous apprenons que le sculpteur Delteil vient d’exécuter sur l’ordre de notre éminent compatriote, Mgr Le Nordez, ancien évêque de Dijon, un fort beau médaillon de Vicq d’Azir, le célèbre médecin de Marie-Antoinette, dont l’ancien évêque de Dijon s’occupe de retracer la vie, et sur lequel il doit, paraît-il, donner prochainement une conférence à Valognes et à Cherbourg.

Mgr Le Nordez qui, depuis quelques années, s’était complètement retiré à Huberville, semble vouloir rompre le silence qu’il s’était imposé depuis sa retraite. Au mois de février dernier, à Valognes, il a fait une conférence sur la guerre qui a eu un grand retentissement et dernièrement il a officié pontificalement à l’antique fête Saint-Jouvin, de Brix.

Tous les régionalistes se réjouiront de voir cet érudit et avisé normand, reprendre une place qu’on l’avait vu abandonner avec peine.


UNE HÉRÉSIE RÉGIONALISTE

Le département de la Manche, peuplé, il nous semble, de bonne race normande et sur le sol duquel nos pères ont construit ces magnifiques églises aussi normandes de style que celles de Caen et de Rouen, est rattaché au Comité des Arts appliqués de Rennes en Bretagne. Or, il existe autant de différence entre l’art normand et l’art breton qu’il peut s’en trouver entre la cathédrale de Coutances et celle de Rennes et ce n’est pas peu dire. Et le Conseil général a eu, sans formuler la moindre observation, la bonté de voter une subvention à ce comité des Arts si bien appliqués !!!


POUR LE CAFÉ

Dernièrement, a eu lieu à la Bourse du Havre une réunion à laquelle ont pris part cent trente négociants ou courtiers du Havre et des grandes villes françaises dans le but de constituer une Association Nationale du commerce des cafés. Cette association qui a élu comme président M. Ancel, député, a l’intention de lutter contre tous les projets tendant à l’établissement du monopole. Elle se propose de faire appel à tous ceux qui s’intéressent au commerce des cafés, même aux plus petits épiciers de la France entière.

ECOLE MANUFACTURIÈRE D’ELBEUF

Depuis le 1er juin, fonctionne à l’école manufacturière d’Elbeuf, une section de chimie-teinture. Cette création s’imposait, car depuis la guerre, les industries chimiques ont pris une telle extension qu’il était nécessaire de former des chimistes pouvant être utilisés directement dans un laboratoire, pour faire, soit des analyses de produits industriels, soit des essais de teinture, soit des recherches intéressant l’industrie textile. Les élèves peuvent aussi, à leur sortie de l’Ecole manufacturière, entrer dans une école supérieure de chimie (Rouen, par exemple), et obtenir le diplôme d’ingénieur-chimiste. Les personnes que cette question intéresserait peuvent s’adresser au Directeur de l’école, 34, rue de Caudebec.


DANS L’INDUSTRIE DU PEIGNE

Un Centre de rééducation dans l’industrie du peigne vient d’être créé dans la vallée de l’Eure. C’est sous les auspices de la section de l’Union nationale des mutilés et réformés d’Ivry-la-Bataille, qu’a lieu cette installation dont les premières bases ont été posées dans une réunion préparatoire qui a eu lieu à Ezy le 23 juin, sous la présidence de M. Abel Lefèvre, député de l’Eure. Les blessés qui s’orienteraient dans cette profession y trouveraient un travail rémunérateur et les industriels un heureux complément à la main-d’œuvre.


VISITE MINISTÉRIELLE A CAEN

Le 23 juin, M. Loucheur, ministre de l’armement, s’est rendu à Caen afin de se rendre compte des progrès accomplis dans l’organisation industrielle de la région. Il a visite dans tous leurs détails, les hauts fourneaux et les chantiers navals. A la Société normande de métallurgie, dont le second haut fourneau fonctionne depuis trois mois, il a pu constater qu’on était arrivé à doubler la production journalière de fonte ; et qu’un second four Martin allumé dans les premiers jours de juin livrait dès à présent de l’acier. La Société des Chantiers navals a acquis tous les terrains disponibles sur le territoire de Blainville, afin d’y établir un immense bassin ; les travaux de creusement sont commencés et se poursuivent rapidement.


CHAMBRE DE COMMERCE DE CAEN

Cette chambre de Commerce vient de s’installer à l’hôtel Nicolas Le Valois d’Escoville. C’est un des plus beaux monuments historiques de la ville, qui date de 1538. La Chambre de commerce de Caen a été autorisée à contracter un emprunt de cinq millions pour les travaux du canal de Caen à la mer, dont la dépense est évaluée à 10.000.000. La part contributive de l’Etat est de 4.250.000 fr.


MINES DE LARCHAMP

Cette société au capital de trois millions, a décidé de porter son capital à quatre millions de francs par l’émission au pair de 2.000 actions de 500 francs.


CANAL DE TANCARVILLE

Les travaux d’agrandissement du canal de Tancarville sur 2.600 mètres de longueur entre les ponts n° 5 et 8 se poursuivent régulièrement. 125.000 mètres cubes sur 190.000 sont déjà dragués, et on active la construction de deux grues flottantes de huit tonnes.


NOUVEAUX REMORQUEURS

Le ministère des Travaux publics avait commandé une série de douze remorqueurs d’un nouveau type, mus par une machine à vapeur d’une force de 500 chevaux ; l’un de ces navires a déjà été lancé ; ils sont destinés au remorquage en Seine de façon à alléger le trafic des voies ferrées.


LES ROSATI DU CALAISIS

Le Glaneur, l’organe de cette Société littéraire et artistique, annonce le grand concours national de poésie, de prose et d’art, de la « Rose du Calaisis » pour 1918. Ce concours d’œuvres inédites est doté d’un grand nombre de prix. Les compositions devront être adressées à M. le Président des Rosati du Calaisis, 45 bis, boulevard Jacquard, à Calais, avant le premier novembre 1918, dernier délai. L’enveloppe portera au coin gauche la mention : « Concours 1918 ». Pour tous renseignements complémentaires, s’adresser au secrétaire-général des Rosati, 45 bis, boulevard Jacquard, Calais.


PUBLICATIONS NORMANDES

La Revue Normande, organe mensuel du Foyer artistique et littéraire, place de la Haute-Vieille-tour, Rouen (abonnement, 10 fr. par an.) La Mouette, revue normande de renaissance littéraire, 20, rue du Perrey, Le Havre. (Abonnement, 6 fr. par an.) La Normandie pharmaceutique, 38, rue Armand-Carrel, à Rouen. (Abonnement, 5 fr. par an.)

La revue La Race, prépare un numéro spécial pour le 14 juillet. Voir la nouvelle couverture le nouveau format, un sommaire impeccable, et de nombreuses primes, cartes de cinéma, etc., remboursant avantageusement le prix du numéro. En vente partout au prix de un franc. Envoi à domicile contre 1 fr. 10. Retenez dès à présent ce numéro exceptionnel, vu la crise du papier, le tirage devant être limité.

PETIT ANNUAIRE DES ECRIVAINS

Sous ce titre La Revue Littéraire et Artistique vient de publier un livre contenant plus de 6.000 noms et adresses d’écrivains, journalistes, critiques littéraires, etc… Nous ne saurions trop engager nos amis à se le procurer, parce qu’il sera pour tous d’une très grande utilité. Adresser les commandes à l’Administrateur de la Revue Littéraire ; à Pamiers (Ariège), ou au dépôt général : Maison Française d’Art et d’Edition, 16, rue de l’Odéon à Paris. – Prix : 3 francs.

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Le Gérant : MIOLLAIS.
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IMPRIMERIE HERPIN, Alençon. Vve A. LAVERDURE, Successeur.


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