Normandie : Revue régionale illustrée mensuelle de toutes les questions intéressant la Normandie : économiques, commerciales, industrielles, agricoles, artistiques et littéraires / Miollais, gérant ; Maché, secrétaire général.- Numéro 14 Mai 1918.- Alençon : Imprimerie Herpin, 1918.- 16 p. : ill., couv. ill. ; 28 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (10.VII.2014).
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : 41060-nor598).


NORMANDIE

REVUE RÉGIONALE ILLUSTRÉE MENSUELLE
DE TOUTES LES QUESTIONS INTÉRESSANT LA NORMANDIE
Économiques, Commerciales, Industrielles, Agricoles, Artistiques et Littéraires

DEUXIÈME ANNÉE. - N°14   MAI 1918


~*~


Vers une Action Normande

VIII. – LES CAUSES.

(Suite.)


On ne commande aux lois naturelles qu’en leur obéissant.
(BACON.)


L’habitation… les voisins ? Pourquoi, dira-t-on, ces longueurs dans un débat qui porte sur le point de savoir si la Politique de la France a fait, ou non, fausse route, depuis qu’elle a épousé et appliqué les idées des Encyclopédistes ? Pourquoi ? Parce que pour juger de la valeur d’un régime il faut connaître, à fond, l’être à qui on veut le faire suivre.

Certes, le programme que la Révolution se proposait de réaliser procédait, chez beaucoup de ses auteurs, d’un idéal très élevé ; mais, on ne se nourrit pas que d’idéal, on ne vit pas seul ici-bas, et l’expérience nous apprend tous les jours, que l’oubli des réalités constitue un grave danger que le Droit, la Justice, la Liberté, sont des armes inefficaces contre un ennemi fort et sans scrupules !

Au moment où la généreuse France frémissante encore, de sa grande colère contre les « abus de l’ancien régime » et contre « la trahison des Tyrans » anéantissait l’ancien état de choses, voyons quel était son domaine, comment ses Intendants l’avaient constitué, aménagé ; voyons enfin quels étaient ses voisins et demandons-nous s’il était prudent de changer radicalement l’aménagement, le mode de jouissance et surtout d’ouvrir toutes grandes les portes, de « déclarer la paix au Monde » et de « ponter » sur la générosité foncière de l’âme humaine.

On ne niera point, en effet, j’imagine quelqu’idée qu’on ait sur la Révolution française, que ses principes n’aient eu nettement tendance à favoriser l’individu au détriment de l’Etat, et même dans une certaine mesure, à affaiblir celui-ci au regard des puissances étrangères. Le domaine français a trouvé dans le génie d’un maître qui vient de mourir : Vidal de la Blache, un avocat si précis, si éloquent à la fois, que je m’en voudrais de faire autre chose que de résumer les pages magistrales de cet illustre savant. Il est impossible d’examiner avec une intelligence plus aiguë, plus avertie les origines d’un grand organisme humain, de le mieux situer dans le temps, dans l’espace et d’en mieux dégager les conditions de prospérité !

Il date de trente ans le Tableau de la Géographie de la France et cependant comme il nous faisait déjà ressortir certaines vérités, certaines réalités dont nous avons le devoir d’être « hantés » et que la guerre a crûment mise en lumière pour les moins clairvoyants.

Qui lirait sans émotion, ce passage où l’on nous fait toucher du doigt « la difficulté toute particulière » que le sol éprouva, du côté de l’Allemagne, à dégager ses limites ? puis cet autre, qui évoque l’élévation sur les rives de l’Escaut « de postes militaires », Tournai, Cambrai, « Arras », proches des grandes voies romaines qui mènent d’une part vers la Bretagne, de l’autre vers la Germanie ? Puis cet autre encore, qui explique « Paris », emplacement d’élite où les hommes, si loin qu’on remonte dans l’histoire, s’assurent des positions de défense « justifiées par la convoitise qu’excite le lieu. »

L’originalité de cette œuvre forte, réside dans une conception toute particulière de « l’individualité géographique » d’une contrée. « C’est un produit, dit cet écrivain, de l’activité de l’homme, conférant l’unité à des matériaux qui, par eux-mêmes, ne l’ont point. Il faut partir de cette idée qu’une contrée est un réservoir où dorment des énergies dont la nature a déposé le germe, mais dont l’emploi dépend de l’homme. C’est lui qui, en le pliant à son image, met en lumière son individualité. »

Si la France, par exemple, est une personne géographique, ce n’est point en raison d’on ne sait quelle unité de climat ou de faune ou de flore ou de constitution géologique ; les « faits » démentent cette unité et la France en dépit d’un cliché fameux, n’est rien moins qu’un « cadre fourni à l’histoire par la nature ». Si notre pays est devenu une personne, c’est par l’effort de ceux qui l’habitèrent et surent « aux effets incohérents des circonstances substituer un concours systématique de forces ».

Que les lecteurs de Normandie veuillent bien rapprocher ces lignes pleines de substance empruntées à une remarquable étude de M. Jules Benda (1), de l’esquisse que nous avons-nous-même tracée en mars dernier de la France, et ils seront amenés comme nous à conclure que notre Pays est une terre comblée de tous les dons, mais qu’il n’a pu rester la propriété de la « Société française » que grâce à l’effort opiniâtre, intelligent, cohérent et suivi de nos pères. Comme il avait raison Maurice Barrès le jour où il synthétisait la patrie française, en cette courte et saisissante formule : La Terre et les Morts !

Telle est l’habitation française ! Quand notre Pays fit la Grande Révolution, devait-il, pouvait-il oublier les lois qui présidèrent à la formation du domaine et qui inspirèrent son mode d’exploitation ? Pouvait-il négliger le milieu vital ?

Cette question intéresse à la fois la prospérité intérieure et la prospérité extérieure de la France et, à la vérité, les deux questions sont liées puisque l’une est fonction de l’autre.

Rêver de désarmement, de fraternité universelle, de règlement de toutes les difficultés humaines par la seule puissance du cœur et de la raison, ne présente point de graves inconvénients, tant que l’on ne cherche pas à réaliser son rêve, tant surtout que l’on vit isolé et que l’on peut se tenir à l’écart des activités voisines et concurrentes. Mais du jour où l’on fait l’essai de ses belles théories en commençant par soi, où l’on désarme au milieu de voisins qui demeurent armés, menaçants et de mauvaise foi, au-devant de quelles aventures ne court-on pas ?

Hélas ! la France, pour son malheur, a toujours été la riche proie convoitée par d’autres peuples qui se disaient moins favorisés. Faut-il rappeler son rôle historique, magnifique, mais si périlleux ! Champion des causes généreuses, terre classique des invasions venues du Midi, de l’Ouest, mais surtout de l’Est, de l’Est où la menace demeure plus redoutable que jamais.

Qui ne se souvient des Champs catalauniques, de Vouillé, de Poitiers, des Northmen, de la Guerre de Cent ans, puis plus récemment de Valmy, de 1814, de 1815 et de 1870 ?

Au dix-huitième siècle, maintenant et demain encore, la douce France a été, est et sera un objet de convoitise ardente surtout pour la race de proie que le hasard et la nature ont faite notre voisine ! Malheur à nous si nous l’oublions pour nous abandonner aux fantaisies de rêveries peut-être généreuses mais si inconsistantes !

Le Germain cauteleux et fort, sera demain, comme hier, le voisin qui cherchera toujours l’occasion de nous sauter à la gorge. S’il en était encore (doux illuminés !) qui ne croient pas à la persistance du tempérament barbare, hypocrite, conquérant de la race allemande, s’il en était encore, après les expériences récentes (faillite de l’Internationalisme, trahison de la Sociale Démocratie), qui espèrent toujours je ne sais quelle transformation généreuse, dans le sens démocratique, de cette race de valets et de goujats, matérialistes déguisés en dévots, qu’ils lisent, ceux-là, les Ailes Rouges de la Guerre du pacifiste repenti Emile Verhaeren !

    Car c’est là ton crime, immense Allemagne,
        D’avoir tué atrocement
            L’idée
          Que se faisait pendant la paix
            En notre temps
        L’homme de l’homme !

Qu’ils rapprochent ces vers vengeurs, tardivement clairvoyants, dus à la plume d’un poète dont naguère encore la pensée était anti-chrétienne, voire même toute imprégnée de germanisme, des textes de toujours et peut-être comprendront-ils qu’il y a des erreurs, même généreuses, qui sont de véritables crimes de lèse-patrie.

Les voici ces vieux textes ; ne sont-ils pas, malgré les siècles, malgré le Christianisme, malgré la Civilisation, toujours atrocement vrais ?

« Les Germains mettent leur plus grande gloire à avoir devant eux des pays dévastés. » (Jules César.)

« Les Gaulois combattent pour la liberté, les Bataves pour la gloire, les Germains pour le butin. » (Tacite.)

« Les Germains ne viennent commercer dans les provinces que pour espionner, ne prêtant de serments que pour les violer ; ne signant la paix que pour se préparer à la guerre. » (Mélo Pomponius.)

« Le caractère germain offre un terrible mélange de fourberie et de férocité ; il faut l’avoir éprouvé pour le croire. » (V. Paterculus.)

« La nation allemande est la plus grossière des nations. » (Montaigne.)

« Le prussien est né cruel, la civilisation le rendra féroce. » (Gœthe.)

La vérification de ces textes par la violation de la neutralité belge, par les crimes monstrueux accomplis depuis quatre ans, par tant de ruines morales et matérielles accumulées, tant d’atrocités froidement accomplies : Louvain, Reims, le Lusitania, Miss Cavelle, doivent avoir guéri à tout jamais de l’erreur pacifiste les plus illusionnés de nos compatriotes ou alors c’est Balzac qui a raison :

« L’immensité du Ciel peut seule donner une idée de la bêtise humaine ! »

Tel est le voisin et force nous est bien d’en faire grand cas lorsque nous voulons établir les conditions de vie qu’exige le libre développement de notre propre pays.

Je puis donc conclure que la construction, la situation géographiques de la France et son voisinage ont toujours commandé, commandent et commanderont encore demain plus que jamais son régime moral et politique.

Nous ferons voir dans un prochain article, quelles règles, quelles lois doivent inspirer ce régime, puis pourquoi, en quoi celles-ci ont été et sont encore méconnues aujourd’hui et enfin quelles conséquences graves cette erreur de diagnostic a entraînées.

(A suivre.)                           
G. VINCENT-DESBOIS.


____________________
(1) Figaro du 17 avril 1918.


═════════════════

Organisez-vous, car à l’heure de la paix, il ne faudra pas être pris au dépourvu. C’est d’ailleurs votre intérêt et celui du pays.

═════════════════

Notre Bétail et les Réquisitions
Le Lait et les Produits Laitiers

______

LE BÉTAIL D’EMBOUCHE, LES RÉQUISITIONS ET LES DOLÉANCES DES ÉLEVEURS NORMANDS. –  LES ACHATS DE L’INTENDANCE. – LE POIDS ET LA QUALITÉ. – L’ÉLEVAGE BOVIN DANS LE DÉPARTEMENT DE L’ORNE, SON IMPORTANCE ET SON COMMERCE. – LA PRODUCTION LAITIÈRE ET LES INDUSTRIES DU LAIT. – LES BEURRES ET LES FROMAGES. – UN PROLOGUE A LA QUESTION DU CAMEMBERT. – L’ÉLEVAGE DU MOUTON ET DU PORC. – TRAVAILLONS A ACCROITRE LES RESSOURCES DE L’ÉLEVAGE.
____

Le rôle de Normandie étant de défendre en toutes circonstances, les intérêts des producteurs normands, à quelque catégorie qu’ils appartiennent, lorsque ces intérêts sont menacés, sacrifiés ou méconnus, nous avons le devoir – auquel nous ne saurions faillir -  de signaler et de combattre les abus qui peuvent porter atteinte à la vitalité des éléments de prospérité de cette région.

Dans les circonstances actuelles, il faut envisager les graves questions économiques que soulève l’état de guerre, la situation faite à nos éleveurs normands, et défendre les intérêts de l’élevage, lorsqu’ils risquent d’être gravement compromis par une règlementation abusive, résultant d’une indifférence systématique ou de l’incurie d’une administration inexperte ou malhabile.

Cette protection s’impose avant tout si l’on veut que la reconstitution du cheptel national soit rapide et complète, et on doit insister sur la contribution importante que la Normandie peut et doit apporter à cette reconstitution. Toutes les mesures boiteuses ou maladroites de nature à entraver la progression de l’élevage chez nous devraient donc être radicalement proscrites comme contraires aux intérêts régionaux et par conséquent nationaux.

Déjà, l’an dernier, les éleveurs de Normandie, comme du reste ceux des autres régions d’élevage bovin où l’on produit le bétail d’embouche, élevèrent de légitimes protestations contre les réquisitions abusives, au printemps, d’animaux destinés à être engraissés dans les herbages. Le Ministre de l’Agriculture, à qui ces protestations furent transmises, promit d’intervenir pour mettre fin aux abus.  Or, voici que cette année, les mêmes errements, les mêmes abus se donnent libre cours, comme si l’avenir de notre élevage bovin était préoccupation tout à fait secondaire, voire considération de si minime importance qu’elle puisse être négligée sans inconvénient. Cependant, le simple bon sens et le plus élémentaire souci de ne pas décourager les éleveurs, en Normandie comme ailleurs, devraient dicter au Service de l’Intendance une règle de conduite vraiment rationnelle, et l’amener à étudier plus sérieusement les conditions d’achat du bétail, afin d’arriver à concilier les intérêts de l’élevage avec les suprêmes besoins de la Défense Nationale. Certes, il ne semble pas qu’il y ait incompatibilité ou antagonisme entre les uns et les autres, bien au contraire.

Les éleveurs désirent vivement que les réquisitions et achats amiables de bétail par l’Administration militaire soient suspendus jusqu’à la fin du mois de juin, repris à cette époque et augmentés en fin de saison (octobre et novembre). Pour bien établir la légitimité de leur requête et la déduction logique qu’elle comporte, les éleveurs font remarquer que le Service de l’Intendance persiste à réquisitionner en foire des animaux qui ne sont pas prêts pour l’abattoir, mais bien seulement pour l’embouche ou pour le trait ; les premiers donneraient, au bout de peu de temps, un rendement supérieur de 10 % au moins, et l’abatage des autres est une faute grave et irréparable au moment où le besoin d’attelages est si grand. Procéder de cette façon, c’est aller à l’encontre du but désiré et c’est provoquer la surenchère, mécontenter les emboucheurs, en augmentant leurs frais généraux, et les éleveurs, en leur faisant supporter une lourde perte sur leurs animaux (25 % au moins). Ceux-ci, fuyant alors les marchés publics, prennent maintenant l’habitude de vendre dans les étables, les foires sont moins garnies et par cela même, les cours du bétail sont souvent faussés. C’est ainsi qu’on a vu des engraisseurs subir, du fait de ces réquisitions abusives, des pertes de 50 à 60 francs par 100 kilogr., et l’Etat acquérir des bœufs donnant un rendement de 50 % en viande de qualité bien moyenne, au lieu de 60 à 63 % si ces bœufs avaient été laissés aux engraisseurs jusqu’à ce qu’ils fussent bien en état pour être dirigés sur l’abattoir.

De ces observations, il résulte clairement que le mode d’achat suivi par le Service de l’Intendance est absolument défectueux et manifestement préjudiciable à l’élevage parce qu’il élimine de façon systématique, toute considération de poids et de qualité du bétail, pour ne se préoccuper uniquement que du nombre de têtes à acquérir, dans l’exercice de ses opérations de réquisition. Or, il est bien évident que persister dans l’application d’un pareil système d’achat, c’est imposer à l’élevage des sacrifices aussi lourds qu’inutiles et, en annihilant les efforts des éleveurs, c’est compromettre l’avenir d’une des plus précieuses sources de richesse de notre agriculture. Souhaitons que les légitimes doléances de nos éleveurs soient entendues et prises en considération.

*
*    *

Dans le département de l’Orne, l’élevage du bétail bovin de race normande présente une réelle importance.

A l’heure actuelle, étant données les dures épreuves par lesquelles passe le cheptel français, depuis le début de la guerre, il est bien difficile de fixer un chiffre rigoureusement exact relativement à la statistique du dénombrement de la population bovine de l’Orne. Mais lorsqu’on considère l’importance des surfaces exploitées en prairies et herbages, on peut se rendre compte que le pays normand est assurément favorisé au point de vue des éléments de reconstitution du cheptel bovin et de l’accroissement de valeur de celui-ci.

Avant la guerre, on comptait, dans l’Orne, 80.00 à 100.000 vaches utilisées à la reproduction et donnant environ 60.000 veaux. En totalité, on comptait 90.000 vaches donnant, en moyenne, 1.800 litres de lait par tête et par an. En temps ordinaire, les veaux sont vendus à l’âge de six semaines à deux mois, aux bouchers de la contrée, qui les achètent assez souvent dans les fermes ou dans les marchés du pays. Laigle, Gacé, Vimoutiers, sont des marchés importants où sont amenés les veaux engraissés spécialement pour la boucherie de Paris. Bon nombre de veaux blancs, du canton de Laigle – c’est-à-dire de veaux nourris au lait – sont vendus également sur les marchés de l’Eure, notamment sur celui de Verneuil. Les veaux conservés pour la reproduction, les génisses amouillantes, les vaches pleines, les « bouvards » se vendent sur les nombreuses foires du département : Alençon, Sées, Le Mesle, Carrouges, Argentan, Briouze, Ecouché, Vimoutiers, Trun, Domfront, Flers, La Ferté-Macé, Tinchebray, Bellême, Laigle, Mortagne, Longny.

En août et septembre se tiennent, principalement dans l’arrondissement de Domfront, des foires très importantes pour les génisses amouillantes et les vaches laitières. Aux foires d’automne et de printemps, on trouve des animaux d’élève, génisses et bouvillons, des bœufs maigres, pour les herbagers et des animaux gras achetés par les bouchers du pays. Les engraisseurs envoient au marché de La Villette la majeure partie des bœufs, vaches et taureaux engraissés sur les herbages. Ces expéditions ont lieu de juillet à fin novembre, surtout par les gares de Nonant-le-Pin, Le Merlerault, Le Mesle-sur-Sarthe, Sées et par de nombreuses gares des contrées herbagères.

*
*    *

L’exploitation de la vache laitière présente, dans le département de l’Orne, un très grand intérêt, en raison du développement qu’elle a permis de donner aux industries beurrière et fromagère, dont les produits jouissent d’une légitime et universelle renommée. Sur une production de 1.620.000 hectolitres de lait fournis par 90.000 vaches, en temps normal, on utilise 250.000 à 300.000 hectolitres à la fabrication des fromages de Camembert et façon Camembert, dans les cantons de Vimoutiers, Gacé, Exmes, Argentan et à l’extrémité opposée du département, dans ceux de Domfront et de Messei.

Le Livarot, fromage affiné, fabriqué principalement durant les mois chauds, pendant lesquels on ne peut fabriquer du Camembert, est l’apanage de producteurs fromagers des cantons de Vimoutiers, Gacé et Argentan. On fait le gros et le petit Livarot ; l’un et l’autre passent dans plusieurs mains avant d’être bons pour la consommation. La mise en présure est faite chez le cultivateur qui, après égouttage, livre à des industriels faisant l’affinage en cave.

A Gacé et aux environs, on fait encore un fromage maigre spécial, qui porte le nom du canton où on le fabrique.

Ordinairement, la plus grande partie du lait produit dans l’Orne est utilisée dans le pays, pour la fabrication du beurre, dont la production en année normale, se chiffrait par 4 millions à 4.5000.000 kilogr. Les beurres de l’Orne ont beaucoup gagné en qualité, par suite de l’usage des écrémeuses centrifuges, aussi sont-ils très appréciés sur le marché de Paris et sur les marchés britanniques. Ces beurres, de goût fin et de bonne garde, bénéficient d’une plus-value qui n’est cependant pas en rapport avec leur qualité supérieure.

Les marchés beurriers, les plus importants, sont ceux d’Alençon, Sées, Le Mesle-sur-Sarthe, Argentan, Gacé, Vimoutiers, Briouze, Putanges, Ecouché, Flers, La Ferté-Macé, Domfront, Tinchebray, Mortagne, Bellême, Laigle et Rémalard. Les beurres les plus réputés sont ceux qui proviennent des pays d’herbages ; mais la méthode de fabrication par écrémage centrifuge permet d’obtenir un peu partout des beurres dont la qualité supporte très bien la comparaison avec celle des beurres provenant des centres herbagers, lesquels, sous ce rapport, sont privilégiés.

Le commerce des beurres est dans sa plus grande activité au printemps, en mai-juin, à la fin de l’été et en automne, en septembre-octobre. Nous aurons à étudier un jour, dans ses détails, l’industrie laitière dans l’Orne, et notamment la question du Camembert qui, avant la guerre, au Congrès National d’Industrie laitière, tenu à Paris en 1914, fit l’objet d’une discussion très animée et en vérité fort édifiante, relativement aux revendications légitimes de nos producteurs du pays d’Auge, quant à l’authenticité du produit, à l’appellation d’origine et à la concurrence commerciale que font au vrai Camembert, depuis tant d’années, des produits qui n’en ont point la qualité, mais seulement le nom et sont, plus ou moins, des fromages « façon Camembert ».

*
*    *

En attendant que cette étude une fois mise au point, puisse trouver sa place ici, au même titre que toutes les questions d’intérêt primordial pour nos producteurs normands – et certes, le problème du Camembert, qui a même revêtu le caractère d’un problème juridique, mérite bien, à tous égards, qu’on l’étudie avec toute l’attention nécessaire – nous réservant, disons-nous, de revenir sur cette question en une étude spéciale, nous terminerons cette vue d’ensemble sur l’élevage dans le département de l’Orne en consignant quelques observations relatives à l’élevage ovin et aux autres branches de la production animale.

A vrai dire, l’Orne n’est pas un département riche en ce qui concerne la production ovine. On ne peut pas tout avoir, évidemment, et la crise de l’élevage du mouton, déjà si intense avant la guerre, dans les pays « moutonniers », se fait sentir également en Normandie.

L’Orne possédait, il y a quelques années, moins de 50.000 bêtes à laine ; sur ce nombre, l’arrondissement de Mortagne comptait à lui seul, pour moitié, avec des mérinos et des sujets de croisements Dishley-Mérinos. C’est dans le canton de Laigle que l’élevage a quelque importance, viennent ensuite les cantons de Tourouvre, Rémalard et Longny. C’est à Laigle que se tient le principal marché aux moutons.

L’élevage du porc, bien que facilité par l’utilisation avantageuse des résidus de laiterie, n’a pas l’importance qu’il devrait avoir. Dans la plupart des fermes, on entretient un ou plusieurs porcs. Les porcelets sont vendus à l’âge de 2 à 3 mois, ceux que l’on engraisse se vendent à un an.

En résumé, l’élevage du département de l’Orne a sa principale source de richesse dans l’importance de sa production bovine et les industries du lait qui en dérivent. A elle seule, cette constatation suffirait à mettre en relief, une fois de plus, les éléments de prospérité de l’agriculture au pays normand.

Henri BLIN,
Lauréat de l’Académie d’Agriculture de France.

~~~~~~~~~

Tout en causant…

_____


Nous avons la réputation, nous autres Français, d’être le peuple le plus spirituel de la terre. A vrai dire, cette réputation-là, c’est un peu nous qui l’avons lancée de par le monde, mais elle n’en est pas moins méritée. On sait que chez nous, depuis M. de Voltaire, l’esprit court les rues ; il court même si fort qu’il lui arrive parfois de trébucher et de s’aplatir le nez, si j’ose cette métaphore.

N’importe ! pour l’esprit, nous ne le cédons à personne. C’est un fait avéré, reconnu, indiscutable et indiscuté. Mais il est peut-être d’autres éléments de comparaison entre les nations et les races qui s’agitent à la surface de notre pauvre globe terraqué et détraqué, où, n’en déplaise à notre amour-propre national, notre suprématie s’affirme avec moins de certitude et d’autorité.

Je ne parle pas de la géographie que les Français ont, de tous temps, délicieusement ignorée. C’était d’ailleurs un genre, une mode, un chic, c’était bien porté de ne pas savoir la géographie, et on aurait volontiers montré du doigt, comme un phénomène ridicule et grotesque, comme un sot et déplaisant pédant, le monsieur capable de citer de mémoire les sous-préfectures d’un département ou les affluents d’un fleuve. Il a fallu la guerre, hélas ! pour que la lecture journalière des communiqués nous donnât, à notre insu, quelques vagues notions sur des régions de l’Europe dont le nom même nous était parfaitement inconnu.

Mais laissons la géographie. Voyons autre chose ; arrivons, sans plus de détours, au fait qui nous suggère ces réflexions préambulatoires. Je suis un incorrigible flâneur qui aime à s’égarer en chemin, et à s’attarder le long de la route, avant de gagner le but vers lequel il se dirige, sans être jamais pressé de l’atteindre.

Si les Français ont, par nature, le don de l’esprit tout court, sont-ils doués, par surcroît, de l’esprit…. de prévoyance ? leur tempérament primesautier possède-t-il ces qualités de réflexion, de jugement, de raisonnement qui permettent de voir les choses de loin, de prévenir les événements, de parer d’avance aux mesures et aux nécessités qui découleront de ces événements, envisagés dans leurs conséquences futures et lointaines, sans se laisser prendre au dépourvu ni devancer par le temps ?

Eh bien ! j’ose affirmer que ces qualités, les Français, ou tout au moins les Normands les possèdent, si – (car il y a un si) – tous ressemblent à un honorable édile de la ville de Rouen, M. Robert, qui, au cours d’une des dernières réunions du Conseil Municipal, a déposé une proposition dénotant un don exceptionnel et admirable non de double vue, mais de longue vue.

Ah ! oui, le petit père Robert, comme l’appellent familièrement ses concitoyens qui l’entourent, à juste titre, d’une affectueuse sympathie (il est le Doyen et le premier élu de l’Assemblée municipale), le petit père Robert voit les choses de loin ; le présent ne l’absorbe pas, c’est sur l’avenir que se concentrent ses préoccupations et ses soucis édilitaires !

Pareil au vieillard de La Fontaine, il n’admettrait pas que ses jeunes collègues lui disent :

Quittez le long espoir et les vastes pensées !

Sa proposition, fort louable, au demeurant, vise la participation de la ville de Rouen à la célébration du cinquième centenaire de la mort de Jeanne d’Arc. Or, sait-on – (Je parie que vous ne le savez pas !) – quelle est la date exacte de ce cinquième centenaire ? 30 mai 1931 ! Dans treize ans ! Et M. Robert de faire remarquer à ses collègues que ces treize ans constituaient un bien court délai !

Le vénéré doyen a la pratique des affaires municipales, depuis si longtemps qu’il siège à l’hôtel de ville, et il doit parler en homme d’expérience « Experto crede Roberto ». C’est Lhomond lui-même, dans sa vieille grammaire latine, qui nous invite à lui faire confiance.

Treize ans ! J’imagine pourtant que pour la préparation d’une fête commémorative, si grandiose que l’envisage déjà l’honorable édile rouennais, c’est là un splendide record. La performance de M. Robert fait de ce fervent de la Pucelle le recordman de l’initiative.

Si le programme des fêtes qui seront célébrées à Rouen, le 30 mai 1931 n’est pas magnifique, si ces fêtes ne se déroulent pas avec un incomparable éclat, alors nous pourrons dire : « Prévoyance, tu n’es qu’un vain mot ! »

Et ceci me rappelle une petite et amusante histoire qui m’était contée ces jours-ci par un officier anglais, avec cet humour tout britannique qui donne une saveur particulière aux propos de nos alliés. Cette anecdote n’a d’ailleurs, avec la proposition du petit père Robert, qu’un rapport assez lointain, si lointain même que peut-être quelques lecteurs ne le saisiront pas très bien. Mais dussè-je faire frémir d’indignation et d’horreur les mânes de feu mon professeur de rhétorique, je déclare cyniquement que les transitions, je saute par-dessus, et à pieds joints encore !

- « Deux braves garçons, me disait donc le captain Percy Fergusson, causaient ensemble, dans un bar de la Cité, en dégustant un verre d’ale. L’un avait à la bouche une courte pipe dont il tirait, avec une évidente satisfaction, d’épaisses bouffées de fumée. L’autre ne fumait pas.

- « Depuis combien de temps fumes-tu, demanda ce dernier à son ami ?

- « J’ai cinquante ans, depuis trente ans au moins.

- « Mais malheureux, songe donc qu’avec tout l’argent que tu as mis dans le fourneau de ta pipe, tu pourrais aujourd’hui avoir, à toi, une confortable petite maison !

Le fumeur sourit.

- Et toi, interrogea-t-il, à son tour, tu n’as jamais fumé ?

- « Jamais !

- « Eh bien ! où est ta maison ? »

Henry BRIDOUX.

═════════════════

Les Journées Régionalistes organisées par la F. R. F.

______


La plus ancienne et la plus puissante organisation régionaliste de notre pays, la Fédération régionaliste française, fondée, en 1900, par le grand orateur Charles-Brun et diverses personnalités (venues de tous les pôles de l’opinion mais d’accord sur un programme minimum) parmi lesquelles on peut citer : l’immortel Frédéric Mistral, le marquis de Villeneuve, l’écrivain M. C. Poinsot, le sculpteur berrichon, Jean Baffier, feu Jules Charles-Roux, le romancier Georges Normandy, le député marquis de l’Estourbeillon et tant de grands morts, tels que M. de Mun, Xavier de Ricard, de Beaurepaire-Froment, Eugène Nolent tué à l’ennemi comme Frédéric Charpin, etc. ; la F. R. F., dis-je, a tenu ses assises annuelles à Paris (au Musée Social) le jour de la Pentecôte et les jours suivants.

La question qui fut étudiée avec le plus d’intérêt, voire de passion, fut la nécessaire division de la France en régions.

Parmi les orateurs les plus remarqués, n’oublions ni M. Daniel-Vincent, ancien ministre, ni M. Louis Marin, député de Nancy, président de la F. R. F., ni M. Pierre du Maroussem, président de la Société d’Economie Sociale, ni Jean Hennessy, député de la Charente, dont l’activité désintéressée en matière régionaliste et économique, mérite tant d’éloges, ni Georges Blondel, l’éminent et sage professeur au Collège de France… ni, bien entendu, Charles-Brun, synthèse et incarnation parfaites de la F. R. F. tout entière.

Reconnu dans la salle : Mme Moll-Weiss, J. Ernest-Charles, marquis de Villeneuve, Jobert, conseiller général, Salles, délégué des Normands de Paris, Jean Desthieux, secrétaire de la Fédération, Jacques Hébertot, Chancerel fils (de Fécamp), Jean Baffier, René Le Cholleux, etc.

A l’issue de ces assises, la F. R. F. a voté la reprise de la publication de sa revue mensuelle : l’Action régionaliste (qui a fait tant de besogne utile depuis quinze ans) et les vœux suivants :

I. – La F. R. F. sans entrer dans l’exposé des différents projets soumis au Parlement, demande à celui-ci d’entamer, dans le délai le plus rapproché, la discussion relative aux travaux tendant à l’organisation de la France par régions.

II. – La F. R. F. émet le vœu que les différents ministères qui ont tenté d’organiser leurs services sur des bases régionales concentrent et coordonnent leurs efforts notamment auprès des ministères qui concourent le plus directement à la production économique du pays.

III. – La  F. R. F. déclare, au nom de son principe même, que sans perdre parti entre les différentes écoles régionalistes actuelles, elle les accueille toutes et n’en répudie aucune, persuadée qu’elles seront amenées par les circonstances à se mettre d’accord.

IV. – Enfin, sur la proposition de MM. Jacques Hebertot, Georges Normandy et Salles, délégué des Normands de Paris, la F. R. F. adopte une motion dans le but d’obtenir que le Musée Jeanne d’Arc, proposé récemment dans la presse, par J. J. Brousson, avec l’approbation d’Anatole France, ne soit pas créé à Paris mais installé à Rouen où un musée Jeanne d’Arc existe depuis de longues années.

Normandie s’associe particulièrement à ce dernier vœu. Créer deux musées Jeanne d’Arc éparpillerait l’intérêt qui s’attache à une pareille initiative, et Rouen est le cadre rêvé pour réaliser l’idée du maître Anatole France et de M. Brousson.

Répétons enfin que les adhésions à la F. R. F. sont reçues par M. Charles-Brun, délégué général, 22, rue Delambre à Paris.                       
                                       
G. C.

~~~

L’ÉCOLE DE FÉCAMP
_________

Joseph Lefebvre
____


Dans l’Ecole de Fécamp, Joseph Lefebvre occupe une place bien à part.

Né le 10 septembre 1861, dans la patrie de Jean Lorrain, où son père était maître de bateau, il chercha quelque temps sa voie. Clerc de notaire à Fécamp, chez Me Bricard, puis marchand de moutarde à Rouen, il se mit ensuite « dans la couleur » et se fixa à Saint-Pierre-en-Port, jolie station cauchoise dont le « musée Joseph Lefebvre » est une des curiosités.

Pendant vingt-sept années notre peintre mena de front l’art et le commerce avec une égale âpreté, puis, en 1908, il se consacra tout entier à sa magnifique passion.

Quand j’aurai dit que, fort lié, avec le journaliste et romancier fécampois Carolus d’Harrans, – sitôt enlevé à notre affection – il fit entre temps de la poésie, j’aurai terminé la biographie essentielle du « Peintre de Saint-Pierre-en-Port ».

Au rebours de celle qu’emploie son jeune confrère Henry-E. Burel, de qui j’ai loué le talent ici même (1), la « forme » littéraire de Joseph Lefebvre est assez rigoureusement classique. Voici l’un de ses poèmes ; il n’est peut-être pas sans charme :

                A LA NEIGE

Je te revois enfin, o neige que j’adore !
Et je salue en toi la reine de mon cœur.
Par tes charmes conquis, mon esprit est rêveur :
En mon âme je sens de nouveaux feux éclore !

Ta parure aux reflets si tendres, si suaves,
A mes regards ravis, donne l’enchantement
Qui fait renaître en moi des désirs palpitants :
L’ivresse d’un amour exempt de toute entrave !

Quand le soleil te dore, en la plaine irisée,
J’aime voir ton manteau se parer de rubis,
J’aime l’azur si doux qui s’éveille en ses plis :
Ta splendeur me séduit, mon âme en est grisée…

Et je t’aime encor plus quand, des hautes collines
Qui s’empourprent des feux langoureux du couchant,
Ton ombre se profile en des reflets d’argent,
Sur le vallon où brille un point d’or aux chaumines.

Malgré ses essais de sculpture, qui lui valurent l’encouragement de Gustave Michel, médaille d’honneur du Salon ; malgré la valeur parfois réelle de ses fusains ; malgré l’intérêt souvent puissant de certaines de ses toiles qui enthousiasmèrent, me dit-on, mon confrère Pierre Villetard, lequel les étudia une à une ; malgré l’intérêt offert par ses dessins à la plume où mes préférences vont aux effets de neige, singulièrement émouvants presque toujours, – Joseph Lefebvre m’attire moins comme « valeur d’art » que comme cas d’autodidactisme absolu.

Hormis deux envois aux expositions de Toulouse et d’Angers, cet artiste n’a jamais montré ses œuvres qu’au Salon des Indépendants (où l’une d’elles fut acquise par Masson-Forestier et figure actuellement au musée de Colmar). Et, pour une fois, le titre de cette exposition n’a pas menti – car nul peintre ne fut jamais plus libre que l’auteur du Christ mort de l’église de Saint-Pierre-en-Port.

Joseph Lefebvre n’a pas eu un seul maître. Il n’a jamais reçu les conseils d’aucun peintre. Depuis sa vingtième année il a travaillé sans repos, avec passion, souvent depuis huit heures du matin jusqu’au crépuscule, orientant ses recherches vers toutes les directions, se faisant un métier très personnel, se confinant dans une ardente admiration de la nature, hors de tout contact, avançant au hasard parmi les splendeurs et les dangers d’une solitude intégrale. A peine entendit-il les discrets avis de Carolus d’Harrans – et si, parfois, il accrocha quelques toiles aux cimaises fécampoises, il ne se soucia jamais outre-mesure de l’opinion de ses concitoyens.

J’avoue que les erreurs sont nombreuses dans son œuvre – qui reste considérable –, mais comme je l’ai dit ailleurs (2), il est impossible de ne pas constater qu’il fut souvent bien inspiré et bien servi par son métier – et qu’une sincérité profonde, jusqu’à atteindre la naïveté, donne à quelques-uns de ses ouvrages une belle qualité d’émotion.

Il est à désirer qu’un choix sévère soit fait dans l’œuvre de Jules Lefebvre et que, mise en valeur avec un peu de science et beaucoup de piété sur la petite plage qui l’inspira presque toujours, cette œuvre perpétue durablement l’existence laborieuse et très noble, en dernière analyse, du curieux homme qui restera le Peintre de Saint-Pierre-en-Port.

Georges NORMANDY.
_____________________________________________________________________
(1) Voir Normandie N° 4 de juillet 1917.
(2) La Maison Française (revue mensuelle, 16, rue de l’Odéon, Paris), N° de février 1918.




═════════════════

Le Fou
____

« Or, de mon piédestal d’empereur et de roi,
« J’atteins au rang des dieux, grâce au Ciel qui m’honore.
« L’Eternel, dégoûté de ce globe sonore,
« Abdique et me confie et son sceptre et sa loi.

« Peuples mortels et vifs, silence ! Ecoutez-moi !
« Je condamne les fleurs, la jeunesse, l’aurore,
« Et retranche du sol tout ce qui fait éclore
« La vie et ses douceurs, l’amour et son émoi.

« Brûle, nature infecte ! Au néant, terre immonde !
« Toi qui me haïssais, je t’abolis, vieux monde,
« Et je n’ouvre les cieux qu’à mes tendres Germains ! »

Comme l’orgueilleux fou délirait de la sorte,
Il voit soudain la Mort s’encadrer dans sa porte :
« Camarade ! » fit-il, en levant haut les mains.

                Jean MIRVAL.


~~~~~~

NON !
___


Confiance les gars ! Luttez, encore !
Du repos glorieux l’instant n’est pas venu.
Courage ! hardi toujours ! que le front soit tenu
Jusqu’au jour triomphal, jusqu’à la grande aurore.

Eh quoi ! quand l’ennemi s’épuise follement,
Se heurtant sans répit au front inviolable,
Quand sa gloire en déclin se bâtit sur le sable,
Quand l’Univers entier harcèle l’Allemand ;

Quoi ! tandis que des mois et des mois de courage
Ont brisé pour toujours ces efforts monstrueux,
Quand tout va se tourner superbement contre eux,
Vous voudriez cesser – quand la lutte fait rage !

Ah ! non ! non ! trop de sang déjà s’est répandu,
Trop de morts maintenant sommeillent dans la tombe,
C’est trop de deuils déjà, trop pour que l’on succombe
Et pour que notre espoir soit à jamais perdu !

Le sang – mais le sang pur – c’est la grande semence
Qui doit faire germer les rêves les plus beaux
Et, ne l’oublions pas, c’est au seuil des tombeaux
Que la gloire fleurit, que le bonheur commence…

Ah ! jamais des guerriers n’eurent votre idéal
Et jamais on ne vit ennemi plus immonde.
Votre labeur sacré doit libérer le Monde.
C’est le Beau, c’est le Bien luttant contre le Mal !

Puis songez, ô soldats à cette douce chose :
Des milliers d’innocents à l’abri des périls
Ce sont ces chers petits, vos descendants, vos fils,
Songez dans la tranchée à leur phalange rose !

Du moins leur faible chair n’est plus pour le canon :
Ils ne connaîtront pas comme vous la souffrance,
Puis, en les protégeant, vous défendez la France…
Si l’on vous dit : « Assez ! » vous répondrez tous
                    « Non ! »

                Joseph BAYER (1)
_________
(1) L’auteur de ce poème, M. Joseph Bayer, fut un soldat de premier ordre, comme il reste un patriote convaincu. Il a perdu le bras gauche au cours de la campagne actuelle. On peut voir que cette glorieuse mutilation ne lui a rien enlevé ni de son courage, ni de son vigoureux talent. N. D. L. R.


~~~~~~

Le Petit Barriquot

Conte inédit
_______


La mère Pasquet, célèbre dans le pays sous le sobriquet de la Pasquette, ou comme mieux encore par son prénom : Julie, tenait une auberge à l’entrée du bourg. La maison, située au croisement de quatre routes, faisait de bonnes affaires, car tous les paysans d’alentour étaient obligés de passer par là pour se rendre aux marchés de la ville. Et face d’un calvaire de granit, elle entr’ouvrait sa porte étroite et basse surmontée d’une brassée de gui, seule enseigne indiquant qu’on y vendait du cidre. A l’automne, quand on venait de remplir les tonneaux de boisson nouvelle, on remplaçait le bouquet de l’année précédente par une gerbe toute fraîche de « vi de pommis (1) » sous laquelle pendaient quelques pommes enfilées en nombre correspondant au prix du « pot » de cidre ; et le gui se desséchait à la porte, à mesure que le pur jus « parait (2) » dans les fûts.

Quand on entrait dans la salle de l’auberge, on respirait l’odeur du cidre renversé qui avait imprégné depuis des années le sol de terre battue ; il s’y mêlait la forte senteur des oignons pendus aux poutres, le fumet de deux jambons voisinant dans la cheminée, l’arome du café additionné de chicorée qui bouillottait toujours au coin du feu.

Sur l’un des murs, une tapisserie dans un cadre reproduisait le Vierge de Lourdes, entourée d’un chapelet rapporté de la grotte miraculeuse par un client. De chaque côté pendaient deux grandes images également encadrées, représentant, l’une un superbe coq vernissé – surmonté de ces mots : « Quand ce coq chantera, ici crédit l’on fera ! »  ̶  l’autre une pompe au-dessus de laquelle on lisait : « Quand l’eau de cette pompe coulera, ici crédit l’on fera ! » En face deux autres chromos figuraient, le premier un riche parvenu montrant son coffre-fort plein de lingots ; le second un pauvre diable dans la misère ; sur celui-ci était imprimée, cette phrase : « J’achetais tout à crédit ! » sur celui-là : « J’achetais au comptant ! » Au milieu s’étalait le portrait du député de l’arrondissement ; et partout, de ci, de là, il y avait des calendriers illustrés portant le nom d’un marchand de vins en gros ou de quelque marchand de nouveautés de la ville voisine. La cheminée était ornée de bouteilles d’eau-de-vie en verre dépoli ; l’une d’elles formait le buste du président de la République ceint de son écharpe.

Julie exploitait cette auberge depuis de longues années. Son mari, qui buvait trop volontiers avec les clients, l’avait laissée veuve de bonne heure. Elle était habile dans son métier et faisait fort bien la cuisine ; quand elle mettait un canard à rôtir dans la coquille, une poule à mijoter dans le pot-au-feu, les moins gourmands en tiraient la langue.

Mais on mangeait peu chez Julie ; on y buvait davantage. Les cultivateurs qui passaient là dînaient chez eux en rentrant, ou prenaient leurs repas à la ville, s’ils s’y trouvaient attardés. Par contre, le matin, lorsqu’ils s’en allaient pour vendre leurs bestiaux et que le froid piquait dur ils entraient à l’auberge, se réchauffer au moyen d’un bon petit verre ; le marché terminé, ils s’y arrêtaient de nouveau pour parler entre eux de leurs ventes.

C’est que l’eau-de-vie de l’aubergiste était réputée dans la région. Tous les ans « elle faisait bouillir (3) » et d’énormes quantités de Calvados vieillissaient dans ses fûts. Elle avait même un fameux tonneau de « blanche (4) » qui avait été distillé par défunt son mari. Cette eau-de-vie là, seuls, les vieux habitués de la maison la connaissaient ; on ne la sortait que pour eux, et encore, dans les grands circonstances. Ils en demandaient un flacon lorsqu’ils étaient de belle humeur, après avoir vendu leurs bêtes un prix exhorbitant. Assis autour de la longue table de bois, ils sirotaient dans de petits verres la « blanche » dorée par un long séjour en fût, ou bien ils la buvaient mêlée au café qui avait goût de fer-blanc et de chicorée.

Julie devait bientôt se retirer. Un vieux parent, mort sans enfants, lui avait légué une masure située à cinq cents mètres de son auberge et c’est là qu’elle comptait habiter après avoir vendu son fonds. Mais, habituée au va-et-vient des clients, elle savait qu’elle aurait du mal à vivre seule et retardait le plus possible la cession de son commerce, disant :

- Je peux pourtant pas m’en aller, tant que le tonneau à défunt mon mari ne sera point vide !

Car, elle n’aurait jamais voulu abandonner à d’autres la propriété de cette eau-de-vie dont elle était si fière. Aussi l’économisait-elle. Les clients étaient obligés de se fâcher pour s’en faire servir. Elle essayait parfois de leur en donner d’autre à la place, mais ils ne s’y trompaient pas.

Julie, de jour en jour plus cassée, avait été obligée de prendre une petite servante qui la grugeait et se moquait d’elle. Cela devenait intenable ! Une bonne occasion de céder son fonds lui était offerte ; tout le monde l’engageait à en profiter. Mise à la raison, elle vendit son auberge pour Noël.

On était à la Saint-Michel. Jamais le tonneau ne serait vide ! Elle résolut donc de garder « un peu de l’eau-de-vie à défunt son mari » pour offrir plus tard, chez elle, à ses amis.

Elle possédait un petit barriquot d’environ quatre-vingt-dix litres qu’elle jugea propre à contenir sa réserve. Mais, comment le transporter sans payer de droits ? Car, elle ne voulait rien verser à la régie. Elle avait trop souffert de cette administration durant toute sa vie. Elle se souvenait des visites fréquentes des « rats-de-cave » pour lesquels il fallait entamer à contre-cœur, les meilleurs jambons, après qu’ils étaient allés fureter dans tous les coins, sonder tous les tonneaux pour voir si on ne leur cachait rien. Bien sûr, elle leur en avait caché le plus possible ! Mais elle n’osait pas filouter ouvertement dans la crainte d’un procès qui aurait ruiné son commerce. Aussi s’était-elle promis de prendre sa revanche un jour et de faire à la règle une de ces farces dont on parlerait longtemps dans le pays.

Les agents du fisc n’ignoraient pas l’existence de la célèbre eau-de-vie ; ils ne manquaient point d’en réclamer un verre à l’aubergiste chaque fois qu’ils passaient chez elle. La bonne femme leur servait un fil-en-quatre quelconque qu’ils buvaient en connaisseurs, tandis qu’elle haussait les épaules derrière eux. Leur tournée finie, le soir, en ville, ils racontaient à leurs amis qu’ils avaient bu, dans un petit caboulot de campagne, un Calvados exquis. Pendant ce temps-là, Julie se gaussait d’eux avec ses habitués qui disaient d’un ton méprisant :

- Faut-i qu’i n’y connaissent rin !

Justement, alors que l’aubergiste cherchait de quelle façon elle ferait disparaître son barriquot, les employés du fisc entrèrent. Julie leur confia ses projets de départ et la conversation vint sur la fameuse « blanche ».

- Vous en reste-t-il beaucoup ? lui demandèrent-ils.

- Pas mal « core ! »

- Vous allez donc la céder à votre successeur ?

- Pour « seur » que non !

- Pourtant, dirent-ils en tapant sur le tonneau, votre fût ne sera pas vide avant votre départ, même si les clients boivent ferme !

- Pour « seur » que non !

- Alors ?

- Alors, c’est « mé qui la bérai ! Et vous n’aurez rin à y ver ! »

Mais les hommes se regardèrent entre eux, flairant une ruse et entrevoyant déjà la prime qui leur serait  octroyée s’ils prenaient la Pasquette en fraude.

Julie ne songeait pas à transporter son barriquot plein. Elle aurait été sûrement dénoncée. Tel qui se réjouit de voler le fisc s’empresse d’envoyer une lettre anonyme sur son voisin qui le vole également. Elle raconterait plus tard, quand on ne pourrait plus la pincer, le tour joué à l’administration. Jusque-là, il ne fallait se fier qu’à soi !

Elle fit d’abord emporter dans son futur logis le petit barriquot. Tout le monde put s’assurer qu’il était bien vide, car elle l’avait à dessein placé sur un camion à bras, le long duquel il roulait avec grand bruit.

Chaque soir, après avoir soigneusement fermé les rideaux de ses fenêtres, la bonne femme tirait un litre d’eau-de-vie, glissait la bouteille sous ses cotillons retroussés et s’en allait, trébuchant dans la nuit, vers sa chaumière. Là, sans chandelle, pour ne pas attirer l’attention, elle versait le litre de « blanche » dans son barriquot. Elle savait si bien où il se trouvait qu’il n’y avait pas de danger qu’elle se trompât.

Quelquefois, des voisins s’étonnaient de la rencontrer si tard sur la route. Elle leur expliquait :

- Je vas m’assurer qu’il n’y a point de « goubelins (5) » autour de ma maison !

Souvent, elle trouvait à son retour des clients qui cognaient à la porte. Alors, en allant mettre sa bouteille dans un placard de peur qu’ils n’aient l’idée de la renifler, elle leur racontait qu’elle venait de porter du cidre à un mendiant logé cette nuit-là dans son écurie.

Pendant trois mois, elle continua son manège. Elle y prenait un plaisir d’autant plus vif, que l’appréhension constante d’être découverte lui faisait mieux apprécier la joie de l’impunité. Secrètement, elle se félicitait de sa rouerie et la satisfaction qu’elle en éprouvait la rendait si gaie, si alerte que tout le monde la trouvait rajeunie.

Noël arrivait… Quelques jours avant, les employés de la régie survinrent. Ils avaient fait surveiller la Pasquette sans rien découvrir. Elle les reçut avec un sourire malin et, après les avoir bien soignés, elle leur dit :

- Je vous offre point de ma fameuse « blanche », car y en ai pus eune larme.

Ces messieurs eurent un mouvement de surprise.

- Qu’en avez-vous donc fait ? demandèrent-ils.

- J’lons pas donnée aux cochons ! J’lons bue, pardine ! Et sans vous inviter, core ! J’ons bi le drait de me saoûler tous les jours, sauf vot’ respect ! »

Le soir même, les deux hommes signalèrent le fait à l’un de leurs amis, employé des Postes, qui écrivait un ouvrage sur l’alcoolisme en Normandie.

Marguerite GENDRIN.

Reproduction permise à toute publication ayant un traité avec la Société des Gens de Lettres.

_________________
(1) Gui des pommiers.
(2) Fermentait.
(3) Distiller du cidre.
(4) Calvados.
(5) Esprits malfaisants.



~~~~~~

Un Honnête Homme

UN ACTE EN PROSE

(Suite.)
___________



GERMAIN. (Crescendo, parallèlement à Druard mais toujours trop calme.)

J’en connais une, moi !

DRUARD. (Emballé.)

Et je déteste toutes ces filles de cabaret qui empoisonnent la jeunesse d’aujourd’hui. J’en ai toujours eu la haine et je m’en suis bien trouvé. Je ne connais qu’une doctrine, moi : le devoir, la femme honnête réservée aux hommes honnêtes, la famille bien constituée, la patrie puissante enfin… Et ce sont des femmes comme la tienne qui perdent l’honneur de la France !!

GERMAIN.

Taisez-vous ! J’en ai assez.

DRUARD.

Hein ? Tu veux imposer silence à ton père ?

GERMAIN. (Trop étudié, sans l’impétuosité irrésistible qu’il faudrait.)

… Je vais plus loin encore, (répétant assez textuellement ce qu’il a promis de dire durant la Scène I) ; « Mon père…., je vous défends de manquer de respect à ma femme. J’ai épousé Marguerite, et, de ce fait, elle s’est élevée à notre niveau social. Madame Druard fils a droit à toutes les politesses et son mari est là pour le rappeler à quiconque serait tenté de l’oublier. »

DRUARD. (Reprenant sa serviette et étouffant d’indignation.)

C’est bien… Je ne puis rester ici un instant de plus. (A Germain.) Monsieur, entre nous, il ne peut plus y avoir que des relations strictement commerciales. Je vous laisse à vos idées et à vos hontes, dans votre atmosphère de vice…. (Il sort violemment.)


SCÈNE III

LES MÊMES, MOINS DRUARD PÈRE.


GERMAIN. (Très ennuyé.)

C’est insensé, n’est-ce pas ?... Vous voyez… (Amer.) Ah ! elle est belle la réconciliation !

RAYMOND.

Il est d’une brutalité… et d’une grossièreté….

MARGUERITE. (Larmes silencieuses, voix basse.)

Ne parlons plus de cela, voulez-vous ?

GERMAIN. (Sans entendre.)

Enfin, après tout… Il est honnête… Il est fidèle à ses principes… à sa ligne de conduite. Il est logique au fond… Mais….

RAYMOND.

Comment ! tu vas l’excuser ?

GERMAIN.

Oh ! non, certainement. Pourtant… pourtant… Enfin, on est honnête ou on ne l’est pas… Chacun a son point de vue…

RAYMOND.

Hein ?

GERMAIN.

Allons, comprends-moi bien, n’est-ce pas ?... Je ne vais pas te dire qu’il a raison…, mais étant donnés ses préjugés, l’enseignement qu’il a reçu, il a peut-être une excuse…

RAYMOND.

Laquelle tudieu ?

GERMAIN.

Mais ses préjugés eux-mêmes parbleu !... Certes, il a été incorrect… tout à fait incorrect…

RAYMOND.

Dis qu’il s’est conduit d’une façon sale : tu seras plus près de la vérité. J’ai rarement assisté à une scène aussi odieuse que…

GERMAIN. (Interrompant.)

C’est de mon père que tu parles, Raymond !...

RAYMOND.

Non… c’est de l’homme qui vient de sortir d’ici… Et je dis que, quel qu’il soit, l’homme qui s’est conduit comme M. Druard l’a fait tout à l’heure, l’homme qui s’est oublié jusqu’à insulter aussi lâchement et aussi bassement ta femme – je vais plus loin  ̶  une femme,  ̶   je dis que cet homme-là n’est qu’un….

GERMAIN. (Bondissant et véhément.)

Favier, je te défends d’outrager mon père !

RAYMOND. (Cinglant.)

A la bonne heure !... Eh bien ! voilà comment tu aurais dû bondir quand ton père…

GERMAIN. (Déjà plus calme, interrompant.)

Mais n’ai-je pas fait mon devoir ? N’ai-je pas dit ce que ma situation de fils me permettait de dire et ce que ma situation de mari m’obligeait à dire ?

RAYMOND. (A part.)

« M’obligeait !... » (Haut). Si, mais…

GERMAIN.

Ne t’ai-je pas défendue comme je le devais, Marguerite ?

MARGUERITE.

Mais si, mon ami… Tu as fait ton devoir. (Voix blanche.) Tu as bien répété à ton père ce que tu avais dit à M. Favier et ce que tu me répétais chaque jour… (Sanglots contenus) et je… t’en… remercie…

GERMAIN.

N’est-ce pas la vérité ce que je lui ai répondu ?

RAYMOND.

C’est la vérité jusqu’à la rengaîne !

GERMAIN.

Eh ! bien ! alors, que me reproches-tu, toi ?... Marguerite ne me reproche rien, elle… Alors, je me demande ce que…

RAYMOND.

Pardon, pardon… Si tu veux rappeler un peu tes souvenirs, tu t’apercevras que je ne t’ai jamais reproché quoi que ce soit.

(A suivre.)                       
Georges NORMANDY.


~~~~~~

ÉCHOS ET NOUVELLES

_______

POUR LES BLESSÉS NORMANDS. Nous recommandons à nos lecteurs, l’Œuvre des blessés militaires normands, en faveur de qui M. Roger Le Paumier, délégué des Normands de Paris, fonde une bibliothèque. Que tous ceux qui disposent de livres et de journaux les offrent à nos compatriotes, victimes de la guerre. Il suffit de les faire parvenir à M. Roger Le Paumier, 19, rue, Falguière, Paris (XVe).

ASSOCIATION NORMANDE EN INDO-CHINE. Les originaires des départements desservis par l’Ouest-Etat (Bretagne et Normandie), vivant en Indo-Chine, viennent de fonder une Association amicale et de Secours Mutuels, qui désire se mettre en rapport avec les groupements Normands et Bretons de la Métropole. Ces groupements peuvent s’adresser à M. Lelorieux, garde principal des Forêts, 53, rue Neyret, à Hanoï (Tonkin).

CANAL PARIS-DIEPPE
. Dans les derniers jours de mai a eu lieu à Paris, au siège de la Ligue navale, l’assemblée générale du Comité du Canal. M. Boischmann, l’ingénieur en chef chargé de la direction technique des travaux du canal, a fait l’historique des seize projets qui ont été étudiés depuis Vauban jusqu’en 1869. En terminant, il a préconisé la réalisation de deux tracés, l’un par Gournay, Beauvais, Creil, Pontoise et Saint-Denis ; l’autre, par Gournay, Gisors, Pontoise ou Conflans. Dès la fin de cette année, les études seront à point pour permettre de soumettre un avant-projet au Parlement et de demander la déclaration d’utilité publique.

POUR LES PÊCHEURS. MM. Riotteau, sénateur et Dior, député de la Manche, avaient signalé à diverses reprises au Ministre de la Marine, l’intérêt qu’il y aurait au point de vue du ravitaillement général du pays, à favoriser l’industrie de la pêche par l’élargissement des règles concernant la concession des sursis aux pêcheurs. Le Ministre leur a répondu, qu’après étude de la question, il avait adressé aux autorités maritimes locales, une circulaire qui prévoyait les dispositions suivantes, destinées à donner satisfaction à leurs desiderata et à améliorer sensiblement le rendement de l’industrie de la pêche :

1°  ̶  Les mesures prévues par la circulaire du 26 mai 1917, en faveur des marins pêcheurs des classes 1888 et 1889 sont étendues à ceux de la classe 1890.
2° – Les inscrits maritimes de la catégorie H (âgés de 45 à 50 ans) pourront obtenir, désormais, des sursis pour la pêche quel que soit le tonnage du bateau sur lequel ils doivent embarquer. Jusqu’à présent, les sursitaires de cette catégorie devaient pratiquer la pêche sur des bateaux jaugeant au moins 5 tonneaux.
3° – La concession des sursis de cette nature est étendue aux inscrits maritimes âgés de 42 ans au moins et pères de 5 enfants ou veufs avec 4 enfants.

LA PÊCHE. Dans notre numéro de janvier dernier, nous signalions l’excellente initiative de deux Havrais, MM. Lefèvre et Pelfresne, qui, en pleine guerre sous-marine, n’avaient pas craint d’armer cinq chalutiers, contribuant ainsi de la façon la plus efficace au ravitaillement du pays. Nous apprenons aujourd’hui que l’un d’eux, M. Gaston Lefèvre, vient d’être élu président du Syndicat des Armateurs à la pêche ; ceux-ci ne pouvaient faire un meilleur choix ; ils peuvent être assurés que leurs intérêts sont en bonnes mains, leur nouveau président a fait ses preuves en maintes occasions, notamment au Syndicat des Imprimeurs du Havre, dont il est le président depuis de nombreuses années.

PORT DE ROUEN
. La Chambre de Commerce a fait une demande à la commission interministérielle de contrôle des chantiers maritimes pour que les travaux de construction du ponton-grue de 60 tonnes soient classés d’urgence.

L’ŒUVRE DU TOURING-CLUB DE FRANCE
. Nous annoncions, dans notre dernier numéro, la constitution de la Fédération Normande des Syndicats d’Initiative, sous le patronage du  TOURING-CLUB DE FRANCE. Cette importante association qui a déjà rendu de si grands services s’occupe activement, on le sait, de la conservation des Paysages de France. Au moment où il est question, dans un but économique, de remplacer le charbon par la houille blanche, une Commission mixte du TOURING-CLUB DE FRANCE et de la CHAMBRE SYNDICALE DES FORCES HYDRAULIQUES s’est réunie à cet effet. Cette dernière sera désormais priée d’intervenir auprès de ses adhérents pour avoir connaissance par eux, de tout projet nouveau d’utilisation d’un cours d’eau, d’un lac ou d’une chute. De son côté, le T. C. F. demande aux Fédérations touristiques de lui signaler tous les cas analogues dont elles auront vent. De cette documentation et de cette bonne volonté commune peuvent résulter les plus heureux effets pour la conservation du patrimoine de beauté de la France et sa conciliation avec les intérêts économiques du Pays.

D’autre part, il y a quelque temps, une intéressante réunion a eu lieu, à l’Ecole de Médecine, sous les auspices de l’OFFICE NATIONAL DU TOURISME, représenté par M. Fernand David, son président, et du TOURING-CLUB DE FRANCE, représenté par son vice-président, M. Defert, à l’effet d’allonger les saisons des stations balnéaires, thermales et climatiques. Une conférence du professeur Albert Robin a prouvé scientifiquement que l’allongement de ces saisons à partir du mois de Mai et jusqu’à fin Octobre offrait autant d’intérêt thérapeutique pour les malades eux-mêmes que d’intérêt économique pour l’hôtellerie française, qui pourra ainsi répartir ses efforts et ses ressources sur un plus grand nombre de mois. Comme suite à cette réunion et pour aider à cet accord entre le corps médical et le tourisme, le Touring-Club prépare une brochure qui sera envoyée à tous les médecins de France pour les renseigner minutieusement sur les caractéristiques de ces stations et leur permettre de ne les conseiller qu’à bon escient. Le T. C. F. a déjà envoyé aux Fédérations du tourisme une lettre leur demandant de faire connaître la liste de leurs stations climatiques, afin de constituer le plus tôt possible cet utile répertoire.

NOTRE AGRICULTURE. M. Emmanuel Boulet, président du Syndicat agricole du Roumois, nous communique la note suivante : Les Sacs à superphosphate. – « Par suite de l’insuffisance des arrivages de matières premières et des difficultés de transports, les marchés avec les fabricants de sacs ne reçoivent qu’imparfaitement leur exécution, et d’après les derniers renseignements, il faut encore s’attendre à une aggravation de la situation. « Il importe donc de récupérer dans sa clientèle, les sacs qui seront nécessaires à l’exécution des commandes d’engrais pour la prochaine campagne. Il est rappelé, à cette occasion, que les sacs ayant contenu des engrais peuvent généralement servir une deuxième fois si, lors de leur réception à l’état plein, ils sont vidés et battus à sec avec le plus grand soin ; il faut éviter de laver les sacs, car cette opération altère très rapidement la qualité de l’emballage. « Nous vous informons, dès maintenant, que nous accorderons à la campagne d’automne une bonification de 2 fr. 50 par 100 kilogs pour les livraisons de superphosphates faites dans les sacs fournis par les acheteurs et rendus franco à nos usines. Il est bien entendu que les sacs devront être dans un état tel qu’ils puissent supporter la marchandise. » Le Président du Syndicat engage les adhérents à employer judicieusement des engrais en complément du fumier de ferme, afin de faire produire plus à la terre, en tirer plus de profit et répondre aux besoins actuels dans la mesure du possible. En raison de la difficulté des transports, il les prie de lui remettre dès le mois de mai, ou au plus tard le 10 juin, leurs commandes d’engrais pour l’automne, adressées à M. Emmanuel Boulet, à Bosc-Roger-en-Roumois (Eure), où il se tiendra à son bureau à la disposition des membres du Syndicat, les dimanches et lundis, de 10 à 11 heures et de 14 à 15 heures. Les engrais seront livrés aux plus bas prix possibles payables contre remboursement. Il serait avantageux que les adhérents desservis par une même gare s’entendissent d’avance pour remettre au président leurs commandes groupées par au moins 5.000 kilos et les faire expédier au nom de l’un d’eux.

Nouveaux Engrais – L’Académie d’Agriculture a entendu le mois dernier une communication de M. Miège, se rapportant à ses recherches sur un nouvel engrais phosphaté, aujourd’hui très employé en Italie. Cet engrais est mis en vente dans le commerce sous le nom de tétraphosphate. Il se prépare en traitant du phosphate naturel, réduit en poudre fine, par des carbonates alcalino-terreux à la dose de 6 % et en chauffant en masse dans des fours spéciaux à 600°. Le produit est ensuite humecté, puis mélangé à des matières inertes, jusqu’à obtention du titre de 20 % d’acide phosphorique. Plus de 500.000 kilos de ce nouvel engrais ont été utilisés l’année dernière par l’agriculture italienne.

D’autre part, les journaux agricoles italiens annoncent qu’un chimiste de Legnano, le docteur Carlo Rossi, vient de découvrir un nouvel engrais dont l’emploi se fait d’une façon originale. Au lieu de l’épandre ou de l’enfouir, on se sert de lui pour traiter les graines, avant les semailles. Le rendement de la production serait, paraît-il, accru de 25 %.

SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE DE ROUEN. Dans une de ses dernières séances, la Société a décidé de reprendre la distribution des prix qu’elle accordait chaque année, avant la guerre, en récompense de travaux et inventions intéressant les industries des régions de la Seine-Inférieure. Il sera en plus créé un second prix pour l’introduction, dans les cinq départements de la Normandie, d’une industrie nouvelle, en activité depuis deux ans au moins. M. Lailler émet le vœu de voir créer, à l’Institut d’enseignement technique de Rouen, une école spéciale de filature et de tissage pour le coton et pour la laine. Ce vœu a eu l’approbation générale.

NOTRE MÉTALLURGIE. La Société Normande de Métallurgie poursuit dans son usine du plateau de Colombelle, près Cen, la réalisation de son programme. La société qui dispose actuellement de deux hauts fourneaux, d’une aciérie Martin, d’une aciérie Thomas avec laminoirs, de quatre batteries de fours à coke, d’usines à sulfatation, à benzols et à goudron, va entreprendre la construction d’un troisième haut fourneau, d’un train de laminoirs, d’un train pour tôles moyennes et des services généraux correspondants.

Une nouvelle Société de métallurgie vient d’être constituée à Caen, 10, rue de Bernières, sous la dénomination sociale de « Forges et Aciéries de Normandie ». Le fondateur, M. Rebour, est déjà propriétaire de deux usines : l’une à Puteaux, l’autre à Pont-d’Ouilly (Calvados).

FÊTE DE BIENFAISANCE A YVETOT. Sous le patronage de la municipalité, une importante soirée de bienfaisance a eu lieu le 26 mai, avec un succès éclatant. Notre collaborateur, Gaston Demongé (Maît’ Arsène), a obtenu un véritable triomphe avec son émouvante conférence sur La Terre et le Paysan. Les jeunes amateurs du Groupe Théâtral Yvetotais et particulièrement MM. Berry, Carwald, Jean His, Eugène Carrey, Renté Duboc, Pierre Bastien, André Ambourg, Henri Hill (du Havre), Cécilien Renault (de Fécamp), et plus particulièrement le fameux comique fécampois Séverin Lair, furent couverts d’applaudissements. A l’issue de cette soirée, régionaliste à souhait, 600 francs ont été remis, nous dit L’Abeille Cauchoise, au comité des Réfugiés d’Yvetot.

LES ASSOCIATIONS NORMANDES. On nous demande fréquemment les adresses d’Associations normandes. Nous indiquons celles contenues dans les annuaires d’avant-guerre ; mais, depuis, des changements ont eu lieu. Pour éviter tout renseignement erroné, nous prions les secrétaires des Sociétés normandes à Paris, ou en Province, de nous faire part de tout changement survenu, ce qui nous permettra de renseigner utilement nos lecteurs.


~~~~~~

Carnet de Route d’un Architecte (1)
____

Une Excursion à Rouen et au Havre en 1893

(Suite.)

______________


La ligne du chemin de fer passe par Harfleur, autrefois le principal port de la Normandie dont les fortifications commandaient l’embouchure de la Seine et qui resta longtemps sous la domination anglaise. Nous traversons le pays de Caux ; je m’attendais à voir les femmes de ce pays la tête couverte de la fameuse coiffe cauchoise ; elles ne la portaient plus depuis longtemps. Du reste pendant notre séjour en Normandie, nous n’avons vu aucun costume paysan. Nous ne pouvons que déplorer cet abandon des vieilles coutumes, des anciennes traditions qui se sont encore quelque peu conservées en Bretagne, mais peut-être trouve-t-on encore quelques types particuliers chez les anciens de la Basse-Normandie. Après la station de Barentin nous franchissons un viaduc courbe de 500 mètres sur 33 de hauteur de deux longs tunnels de plus de 2 kilomètres. Il est près de neuf heures quand nous arrivons à Rouen ; la nuit est descendue sur la ville, les maisons se sont fermées et les rues sont redevenues silencieuses.

Je m’éveillais de bonne heure le lendemain matin ; j’entendais dans la rue le sabotage des paysans se rendant au marché et dans la cour le caquetage des gens de l’hôtel qui commençaient leurs occupations. Pour occuper mon temps, ne pouvant sortir sitôt, je fais l’inspection de notre maison ; elle est assez ancienne, on y remarque de jolies portes Louis XV, un escalier à barreaux tournés ; malheureusement, comme dans beaucoup de vieilles maisons remaniées, on a couvert d’un enduit les anciens plafonds à poutres et poutrelles, ce qui pourtant était infiniment mieux que ces insipides plafonds en plâtre ; c’est ainsi que l’on croit être dans le progrès en dénaturant les œuvres du passé.

En modifiant nos vieilles demeures, nous avons détruit le curieux caractère de nos anciens quartiers et sous prétexte d’hygiène, jeté par terre beaucoup de constructions intéressantes qui auraient pu être aménagées aux besoins du moment sans être dénaturée.

Rouen, comme toutes les grandes villes qui s’agrandissent, qui étouffent dans leurs rues étroites, a perdu ainsi bien des merveilles, dont les débris se sont dispersés à tous les vents. En face de mes fenêtres, j’aperçois tout de même une vieille maison Renaissance, dont la façade en pans de bois ornée de carreaux de faïence a été conservée intacte.

Nous commençons notre tournée dans la ville par la Tour Jeanne d’Arc ; ce n’est pas celle où fut enfermée la Pucelle, mais elle y subit un interrogatoire ; la tour que nous visitons est ce qui reste d’un château-fort construit sous Philippe-Auguste, en 1214, après la reprise de la ville aux Anglais.

M. Dufaure, l’architecte départemental, l’a très heureusement restaurée en rétablissant les chemins de ronde et les tours en charpente au-dessus des machicoulis. La salle, basse ainsi que celle au-dessus, sont voûtées en arc d’ogive ; celle-ci, ornée d’une belle cheminée. Au centre de chaque étage est pratiquée une ouverture, par laquelle se montaient les munitions. Autour de la salle supérieure règne le chemin de ronde donnant accès aux défenses extérieures.

Le Palais de Justice, où nous allons ensuite, est un des monuments les plus remarquables de la ville. Il fut construit à la fin du XVe siècle par les architectes Roger Ango et Roland Leroux, pour y recevoir le Parlement de Normandie et seulement terminé dans le cours du XVIe siècle ; l’aile droite a été construite de nos jours, mais dans le style du monument. Le bâtiment central est la partie la plus belle de tout l’ensemble ; sa tour octogone est un modèle d’élégance et ses lucarnes d’une grande richesse de décorations ; avec les arcs qui les réunissent, c’est une véritable dentelle de pierre qui couronne cet édifice. C’est dans l’aile gauche que se trouve la grande salle des Procureurs, longue de plus de 50 mètres sur 16 de large dont l’immense voûte en bois comme la coque renversée d’un navire, fait l’admiration de tous les visiteurs ; ses murs sont ornés de jolis fûts sculptés, de niches et de balustrades d’un beau style. La salle des assises, dans l’aile droite possède un plafond en bois à caissons, d’un travail extrêmement remarquable. Dans la salle des audiences solennelles, un plafond peint par Augé, le Triomphe de la Justice et deux tapisseries des Gobelins d’après des cartons de Raphaël : l’Indulgence et la Justice.

Nous repassons sous la voûte de la Grosse Horloge ; la tour qui lui est adossée, est l’ancien beffroi, construit à la fin du XIVe siècle, restauré depuis peu. La voûte du passage est décorée de sculptures où l’on remarque le Bon Pasteur avec le mouton des armoiries de la ville. Le bas de la tour est orné d’une belle fontaine Louis XV et une grande niche où se voient Alphée et Aréthuse. De l’autre côté, l’ancien hôtel de ville du XVIe siècle.

(A suivre.)                           
Charles CHAUSSEPIED,
Architecte des Monuments historiques, à Quimper.
_____________________
(1) Voir n° 13 de Normandie.

═════════════════

La Race, revue régionaliste, 154, rue Paradis, Marseille, publie, ce mois, un numéro exceptionnellement intéressant. Notons au hasard : « Monsieur Augagneur n’a pas compris », signé Un Député. « La Croix Rouge Américaine », de Dudley Ellis. « Le Régionalisme en Provence et dans les autres Provinces et le Régionalisme Economique », formant un tout très intéressant. En vent partout, 0 fr. 40. Envoi franco domicile.

___________

On nous annonce pour juin un numéro des « Fleurs d’Or » particulièrement important. Louis de Gonzague-Frick, G. A. Masson, Waldemar George, Berthe de Nyse, Fernand Demeure, Maurice Rocher y feront l’éloge de J. A. NAU et  ANDRE GODIN. Le tirage devant être limité, retenir dès maintenant un spécimen contre la somme de 1 franc, adressée, 12, boulevard Joseph Garnier, Nice.
___________

L’INTERVENTION AMÉRICAINE
, de Henry-Loustan, est une fine comédie qui a obtenu un succès très mérité sur une scène marseillaise, où elle a été jouée deux fois cet hiver. A la lecture, la pièce est très intéressante. On peut se procurer cette brochure au prix d’un franc, dans les kiosques et librairies, par les soins des Messageries Hachette. Cette petite comédie est tout indiquée pour les Salons et les Hôpitaux où elle fait passer 25 minutes de folle gaieté. Envoi franco en s’adressant au bureau de la « Race », 154, rue Paris, à Marseille.

___________________
Le Gérant : MIOLLAIS.
_________________________________________________________
IMPRIMERIE HERPIN, Alençon. Vve A. LAVERDURE, Successeur.


retour
table des auteurs et des anonymes