Le jardin d’amour, où est enseigné la Méthode et l’Adresse pour bien entretenir une Maîtresse, ensemble, comme il faut inviter aux noces
les parens et amis.- Lélis (Sillé) : Goderfe (Deforge), sd.- 24 p ; 14 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (22.III.2007)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : norm br 1106).

LE JARDIN
D’AMOUR

Où est enseigné la Méthode et l’Adresse
pour bien entretenir
une
Maîtresse,

ENSEMBLE,

Comme il faut inviter aux noces
les parens et amis.

Image agrandie - 147 ko

~*~

DÉCLARATION D’AMOUR

        D’Iris je connais les attraits,
    Mon coeur en la voyant, s’est enflammé pour elle,
    Ses beaux yeux m’ont promis une ardeur nouvelle,
        Cesse, amour, de lancer tes traits,
        Si tu veux m’être favorable,
        Évite ce carquois redoutable,
        Qui fait peur aux parens d’Iris ;
    Prends le flambeau d’Hymen, son maintien et son geste,
    Et va de mon amour leur demander le prix,
        D’un ton naïf, d’un ton modeste,
        Dis que j’ai voulu, comme amant,
        Prétendre à son coeur seulement,
        Et pour oser prétendre au reste,
        Que j’espère leur agrément.
        Mais si l’avare parentelle,
        Ayant ouï le compliment,
        Alloit te dire impoliment,
        Combien a-t-il, combien a-t-elle ;
        Répondre à cela dextrement
        Rendrait ton Ambassade belle.
        Mais que répondre ? en vérité,
        Je n’en sçai rien : Amour, c’est ton affaire ;
        Au pis aller, si tu ne peux mieux faire
        Demande-la par charité.
        Presse tant le père et la mère,
    Que l’on me donne Iris, il n’importe comment,
        Sinon, je fais mon testament.

~*~


LE JARDIN
D’AMOUR.
___

Comme l’Amoureux se doit comporter ses gestes et habits.

LORSQUE vous désirez aimer un fille, et réciproquement être aimé d’elle, pour ensemble mener une sainte vie, vous devez, avant toutes choses avoir les vertus de sagesse, grace, honnêteté et propreté, parce que c’est sur quoi on est plutôt regardé qu’en autre chose.

Vous devez donc, avant que d’approcher d’une fille, pour en faire votre maîtresse, être propre, bien vêtu, et tenir vos habits nets le mieux qu’il vous sera possible, afin que vous ne soyez pas pris pour un sale et un paresseux. Cependant vous ne devez pas vous faire distinguer plus que les autres, par rapport à votre bien et condition ; au contraire, montrez-vous courtois et affable à tout le monde ; de cette manière vous gagnerez les bonnes graces d’une fille, et serez aimé d’elle réciproquement.

L’Amant ne se doit point fâcher de ses imperfections.

SI la nature ne vous avoit point orné d’un visage ni d’un corps bien fait, il faut couvrir ce défaut par de belles manières et des discours civils et gracieux, afin que ces vertus couvrent vos imperfections.

On dit qu’Ulysse étoit laid de visage, et mal fait de corps, mais ses vertus et bonnes graces l’avoient si bien orné, qu’il mérita d’être aimé des Dieux.

Qu’est-ce que la beauté ? sinon qu’une fleur des champs, laquelle aujourd’hui est belle et agréable, et demain n’est plus rien ; par conséquent si vous êtes beau de face et de corps, ne laissez pourtant pas de vous orner de bonnes graces et de beaux discours, faisant cela, vous serez aimé de tout le monde.

L’Amant doit fuir et éviter les mauvaises compagnies.

GARDEZ-vous aussi de toutes mauvaises compagnies, principalement des ivrognes, jureurs, larrons et paillards et de tous ceux avec lesquels votre honneur est intéressé, car quand même vous n’auriez inclination portée au mal comme eux, cela feroit mal penser de vous : mais au contraire, accostez-vous toujours de ceux qui sont vertueux et honnêtes ; ainsi ayant toujours crainte des Dieux devant les yeux, vous serez par votre bonne et honnête vie, estimé de tout le monde ; ce sera le meilleur et le plus fidèle ami que vous puissiez avoir en amour.

En quel lieu l’Amant doit chercher une Maîtresse.

SI vous voulez chercher une Maîtresse pour l’aimer honnêtement, il faut aller aux lieux où vous savez que plusieurs s’assemblent ; car elles ne doivent pas venir vous trouver, mais vous-même devez les aller chercher, puisque vous en avez affaire ; comme les lieux où l’on solennise quelques fêtes de nôces, les marchés et les comédies sont des endroits où les filles courent plus souvent pour voir et être vues, que pour toute autre chose : donc l’amant doit s’y trouver, pour en choisir une à son gré. Et quand vous en aurez trouvé une agréable à vos yeux, informez-vous de ses parens, de son état et qualité, afin de ne pas perdre votre temps à l’aimer et servir, car plusieurs sont en ce cas, parce qu’ils regardent plus la beauté et la bonne grace d’une fille, que sa fortune et son honneur.

Vous devez donc, avant toutes choses, bien considérer et savoir l’état de sa famille et de son bien, si vous êtes aussi riche qu’elle, et si vous êtes capable de l’avoir ; car quand les chevaux tirent également, le carosse en va beaucoup mieux.

Mais il arrive, comme il se voit souvent, que vous avez mis votre amour en une fille plus riche, et de plus haute naissance que vous ; vous devez d’autant plus être soigneux de vous orner de beaux et sages discours, qui sont des trésors qui surpassent tous les biens du monde, afin qu’étant ensemble, elle n’ait pas sujet de vous reprocher votre pauvreté, et vanter sa richesse, et que vous ne soyez pas valet au lieu d’être maître.

Si elle est de plus bas lieu et plus pauvre que vous, prenez garde à ses discours et à sa conduite, si elle est chaste, afin que vous ne soyez pas fâché de l’avoir épousée ; car les mariages faits de bonne volonté et sans intérêt, sont beaucoup plus agréables à Dieu que les autres ; il y donne plus souvent sa bénédiction que sur ceux qui ne sont faits que par rapport aux grands avantages et aux grands biens que l’on trouve dans les familles.

Discours d’amant pour accoster une fille en compagnie de plusieurs autres, et lui déclarer son amitié.

L’Amant commence. Mademoiselle, vos bontés et vos bonnes graces sont cause que je m’approche de vous ; je ne sais s’il ne vous déplaira point de la hardiesse que je prends de vous aborder, mais c’est afin de savoir qui est celui que vous tenez pour ami et serviteur.

La Fille. Hélas ! je vous assure que la compagnie d’un jeune garçon si honnête que vous, ne saurait jamais déplaire : au contraire, je m’estime indigne de cette honneur. Et à l’égard de mon serviteur, je vous assure que je n’en ai point.

L’Amant. Vraiment je crois que vous vous moquez de moi, car la bonne grace et la sagesse que je reconnois en vous, me font juger que vous ne pouvez être sans amant.

La Fille. Vraiment, vous le croirez s’il vous plaît ; mais la vérité est que je n’ai aucun serviteur que je puisse connoître.

L’Amant. Je vois bien à la couleur de votre visage, que vous êtes honteuse de le nommer ; mais ne craignez point, car je ne veux pas croire qu’une si aimable fille soit sans serviteur.

La Fille. Monsieur, pardonnez moi, s’il vous plaît.

L’Amant. Si cela est, je suis bien petit compagnon, mais je désirerois bien avoir une personne telle que vous pour ma maîtresse, mais je crains que vos amours ne soient remplis du contentement et du bel entretien de votre serviteur.

La Fille. Que vous êtes incrédule ! Comment voulez-vous que je vous dise ce que je ne sais pas ? Croyez-le, ou non ; je vous dis que je ne sais où il est, ni qui c’est.

L’Amant. Mademoiselle, je crains encore que ma personne ne vous cause de la peine, car si votre serviteur vous venoit parler, peut-être serois-je cause qu’il n’oseroit approcher ; c’est pourquoi si vous voulez, je me retirerai ; mais avant que de partir, permettez-moi que je vous baise à la faveur de votre serviteur. Cela m’obligera fort, d’autant que je crois que votre dessein et votre amour sont portés à un autre que moi.

La Fille. Las ! que vous êtes un grand moqueur de parler ainsi en mon endroit ; car je vois bien que je ne mérite pas qu’un garçon s’approche de moi pour me carresser.

L’Amant. Mademoiselle, pardonnez-moi, je reconnois tant de graces et d’honneur en vous, que je m’estimerois grandement heureux d’être seulement le serviteur de votre serviteur : obligez-moi donc de dire, avant que je me sépare de vous, qui est celui que vous prétendez ; car si vous n’en avez point, comme vous dites, et que je fusse digne et capable de vous mériter, je prendrois la hardiesse de m’approcher de plus près de vous, pour vous chérir, carresser, comme un bon et fidèle serviteur.

La Fille. O ! que vous dites bien : mais mon esprit et ma langue ne sont pas capables de répondre à vos demandes ; car une pauvre et simple fille comme moi, ne mérite pas d’être votre maîtresse, et n’est pas digne d’avoir un serviteur tel que vous ; au contraire, je m’estimerois bien heureuse d’être votre petite servante : c’est pourquoi si ce que vous dites est pour rire ou pour vous moquer de moi, je vous prie de vous retirer en arrière, et chercher un autre que moi qui vous serve de passe-temps.

L’Amant. Quoi, Mademoiselle, m’estimez-vous si imprudent et méchant de me moquer de celle pour qui mon coeur n’aspire qu’à obéir, servir et honorer toute ma vie ? j’aimerois mieux être mort que d’y avoir pensé ; mais je vois bien que vous craignez de me dire votre volonté ; ne craignez rien, je vous supplie, car c’est à ce coup qu’il faut ouvrir son coeur, et parler hardiment à un serviteur.

La Fille. Je confesse que je suis simple ; mais à Dieu ne plaise que je sois si sotte que de m’engager et croire si légérement à vos paroles ; mais puisque vous dites qu’il est temps d’ouvrir son coeur ; obligez-moi de me le dire le premier, si ce que vous dites de bouche est semblable dans votre coeur.

L’Amant. Pardonnez-moi, si je vous importune ; c’est le grand amour que j’ai pour vous qui me fait parler si hardiment pour vous faire voir que tout mon désir de vous aimer, servir et d’être chéri de vous.

La Fille. J’aime Dieu, l’honneur et tout le monde, que voulez-vous davantage ?

L’Amant. Voilà qui est bien dit : mais vous pouviez encore mieux dire à mon profit, si seulement vous eussiez dit oui : car je vois bien à présent que celui qui auroit votre amitié seroit grandement heureux. C’est pourquoi, je vous prie, sans plus tarder, de me dire franchement si vous m’aimez et me voulez recevoir pour votre ami et serviteur.

La Fille. Vous êtes un peu trop importun : l’affaire ne presse pas tant que vous dites, car on dit qu’il faut connoître avant d’aimer.

L’Amant. Il est vrai ; c’est pourquoi, vous ayant reconnue déjà par plusieurs fois sage et honnête fille, je m’estimerois bienheureux, si j’étois le serviteur d’une Maîtresse telle que vous. C’est pourquoi, ma chère, si vous voulez me faire ce bien que de m’accepter, et vouloir pour votre serviteur, ô que ce seroit une bonne fortune pour moi ! car le bonheur que j’ai désiré toute ma vie seroit venu à présent. Dites-moi donc, en vérité, pour la dernière fois, si celui que vous aimez est auprès de vous.

La Fille. Vous savez que je vous ai dit que j’aime l’honneur sur toutes choses.

L’Amant. Quoi ! m’estimez-vous si malheureux que de ne vous aimer que pour votre bien et honneur ? Non, non ; ainsi ne différez point à présent de me dire votre volonté ; je crains que vous ne fassiez guère cas de moi ni de ma personne ; toutefois je suis bon et de bonne volonté.

La Fille. Je ne doute plus de votre désir et volonté, je ne m’informe pas de vos richesses ; mais vous savez bien que je ne puis rien faire sans l’avis et le consentement de mes parens.

L’Amant. Je vois bien que vous qui êtes de bonne maison, qu’il est impossible que vous soyez sans serviteur, puisque vous ne voulez pas dire oui, dites-moi donc non.

La Fille. Pourquoi ne me croyez-vous pas ? je vous l’ai déjà dit plusieurs fois, et je vous le dis encore, pour la dernière fois, que je n’en connois aucun pour mon serviteur.

L’Amant. Vous dites que vous n’avez point de serviteur, je vous assure que je n’ai point de maîtresse ; je vous prie donc si vous me jugez digne de vous, de me dire oui, car je le désire grandement.

La Fille. Pour mettre fin à vos discours et du repos en votre esprit, je veux bien dire oui, mais à condition que mon père et ma mère feront ce qu’ils voudront, car ils sont les maîtres.

L’Amant. O la belle parole ! ô l’aimable oui ! je vous assure que j’en ai le coeur réjoui ; mais ce n’est pas tout, car il faut encore, pour espérance de notre amitié, que vous me baisiez.

La Fille. J’ai souvent oui dire que de baiser les garçons, cela était dangereux, ainsi je vous prie de m’excuser ; mais pour vous assurer de la sincérité de mon désir et amitié, je ne vous refuserai pas un simple baiser, pourvu que ce soit avec toute sorte d’honneur.

L’Amant dira les vers suivans en baisant sa Maîtresse.

JE meurs, ma maîtresse, je meurs, en baisant votre bouche douce ! Mon coeur va ravissant : à ce coup, mes esprits sont d’amour épris.

La Fille. Hélas ! hélas ! c’est assez. Attendez que nous soyons épousés ; voyez-vous par-là des gens qui de nous s’en vont moquans.

L’Amant. Pour accomplir la bonne affection et volonté que je vois à present en vous, obligez-moi donc d’une de vos faveurs, qui est de me donner la bague que vous portez au doigt pour assurance de votre bonne et loyale amitié.

La Fille Je le ferai volontiers, pourvu que vous me rendiez une autre faveur, pour assurance d’une sincère affection.

L’Amant. Je sais bien que cela est raisonnable, mais je vous prie d’avoir patience jusqu’à nos fiançailles, et alors j’aurai quelque chose digne de vous.

La Fille. Je vous remercie grandement de l’honneur qu’il vous à plu me faire et vous promets d’en parler à mes parens ; en vous disant adieu, je suis votre très-humble servante.

L’Amant. Ma maîtresse, je vous puis bien assurer que je vais m’éloigner de mon plus beau jour ; c’est pourquoi, durant cette absence, le temps me sera tellement ennuyeux, que les momens me seront des jours, et les jours me seront des années ; pourtant, je n’oublierai jamais la mémoire de tous vos charmes et de toutes vos perfections. Adieu, mon cher coeur, jusqu’au plaisir de vous voir, qui sera le plutôt qu’il me sera possible.

Comme l’Amant doit saluer et parler à une Maîtresse.

EH bien, mon petit coeur, comment vous êtes-vous portée depuis mon départ ? Je sais bien que j’ai trop tardé à vous venir voir, car aux vrais amans les jours semblent des ans, et les heures des mois, mais je vous prie de m’excuser, parce que cela a été malgré moi et à mon grand regret.

La Fille. Hélas ! mon cher ami, je suis bien aise de vous revoir en bonne santé ; votre visage me fait juger que vous n’avez point été malade, de quoi je loue Dieu, et pour le retardement, il n’est point besoin d’excuse, car il n’y a rien qui presse.

L’Amant. Dites-moi donc, en grace, comment se portent nos amours ; en avez-vous parlé à vos parens, comme vous me l’avez promis ?

La Fille. Oui, mon ami, ils l’ont trouvé bon, ils désirent qu’il soit bientôt accompli, si vos parens en sont du même avis.

L’Amant. Il m’est impossible de m’empêcher de vous embrasser et baiser, tant mon coeur est ravi des bonnes nouvelles que vous m’avez annoncées ; il ne reste plus à présent que d’assembler nos parens.

Comme le garçon doit parler au père de son amante ; et après l’avoir salué, il dira :

JE vous prie d’excuser la liberté que je prends, de venir dans votre maison pour vous déclarer le grand désir que j’ai de m’allier avec votre fille. Et comme je vous ai fait connoître ce que mon coeur désire, obligez-moi de me dire si c’est votre volonté et votre bon plaisir.

Réponse du Père. Je vous remercie de l’honneur que vous me faites : voici une affaire qui mérite un peu de temps pour y penser ; c’est pourquoi je vous prie de m’excuser si je ne vous rends réponse présentement, et ne vous connoissant pas bien encore, j’en parlerai à mes amis, et je vous promets de vous en rendre réponse assurée dans huit jours.

Le Garçon. Je vous l’assure, je ne manquerai pas de venir, et si Dieu me fait ce bien que d’être votre gendre, j’espère de vous donner autant de contentement que si j’étois votre propre fils. Adieu jusqu’au revoir, je me recommande à vous et à ma Maîtresse.

Pour donner une bague à sa maîtresse, lorsque le contrat est passé.

MAdame et Maîtresse, puisqu’il a plu à Dieu et à nos parens que j’aye aujourd’hui l’honneur d’être votre allié, recevez l’anneau que je vous donne pour gage de mon amour qui sera inviolable, qui durera autant que Dieu me laissera vivre.

Réponse. M. et ami, je vous remercie du bien et de l’honneur que vous me faites ; il est vrai que je ne l’ai pas mérité, mais s’il plaît à Dieu nous conserver la vie et la santé, j’ai grand désir, et vous promets d’accomplir en tout bien et tout honneur toutes vos volontés et vos désirs, vous promettant que je n’aurai jamais d’autres sentimens que les vôtres.

Comme il faut inviter les parens aux nôces par deux des plus proches parens du garçon et de la fille, l’un desquels dira :

BOn jour, cousin Guillaume.

Guillaume répondra.

Bon jour mes amis quel  bon vent vous mène ici ?

L’un des deux. Nous venons de la part de Noël Piéçon et de Marie Garnier sa promise, pour vous prier, votre femme, votre fille et votre fils de leur faire l’honneur d’assister à leurs premiers honneurs, qui se feront aujourd’hui à quatre heures après midi, et aux seconds demain matin.

Guillaume. Je vous remercie de la peine que vous prenez et de l’honneur que vous nous faites ; nous tâcherons d’y aller au plutôt et le mieux qu’il nous sera possible : adieu Messieurs, recommandez-nous bien à lui.

Pour prier le Parrain et la Marraine.

MOnsieur, je viens vous prier d’un plaisir.

Le Parrain. Et de quoi, mon ami ?

Le Père. C’est que Dieu m’a envoyé un enfant, je vous prie de me faire l’honneur de vouloir aider en faire un Chrétien.

Le Parrain. Je le veux bien ; à quelle heure est-ce que vous le ferez baptiser.

Le Père. Ce sera à deux heures après midi, en l’Eglise Saint-Jean.

Quand on apporte l’Enfant à l’Eglise le Prêtre demande :

Que vous a-t-il donné ?

Le Parrain répond : Un fils, ou une fille.

D Que demande-t-il ?

R. Le Baptême.

Après que l’Enfant est baptisé, le Parrain et la Marraine doivent dire aux Père et Mère de l’Enfant :

Mon compère, d’un payen en voici un Chrétien, que nous mettons en votre garde jusqu’à l’âge de sept ans, pour le garder de feu et d’eau, et lui faire apprendre le Pater, l’Ave, Credo, et les commandemens de Dieu et de l’Eglise.

Le Père. Monsieur, je vous remercie grandement de l’honneur que vous m’avez fait. Et pour ce qui dépend de mon devoir, dès l’heure présente je m’en charge. Mais je vous prie encore de me faire l’honneur de goûter mon vin.

Le Parrain. Mon compère, je vous remercie, je n’en ai pas besoin pour le présent. Adieu, je suis votre compère et votre ami.

~*~

LES RÉCRÉATIONS ET DEVIS AMOUREUX

L’Amant.

                JE vous vends le grain de from[e]nt,
                Aimez, madame, honnêtement.
                Gens d’honneur et de courtoisie,
                Et non sujets à la jalousie,
                Car ce n’est qu’ennui autrement.

L’Amante.

                Je vous vends la pomme d’Orange,
                D’aimer je trouve bien étrange,
                Vu d’amour les cris et clameurs,
                Les ennuis, peines, douleurs,
                Je ne sais pas comme on s’y range

L’Amant.

                Je vous vends la blanche laitue ;
                Ça, faut-il que l’on s’évertue,
                De bien aimer un bon ami,
                Plein de beauté et non endormi,
                Puisque la raison est venue.

L’Amante.

                Je vous vends la fleur de pav,
                Si d’amour je ne savois,
                Vous me feriez trop comprendre :
                Car ainsi je veux l’entendre,
                Vous savez assez bien les lois.

L’Amant.

                Je vous vends mes amours comptant
                Dame, vous avez au Printemps,
                En Eté, en Automne aussi,
                En Hyver à demi-transis,
                Faites bien quand vous avez le temps

L’Amante.

                Je vous vends l’étoile du jour,
                C’est au Printemps que l’on fait l’amour
                En Eté, on cueille les fruits,
                En Automne adieu le mépris
                En Hyver tremble toujours.

L’Amant.

                Je vous vends la fraise de Mai,
                Aimez donc, belle, aimez-moi,
                n’ayez point de repentance,
                Mais croyez ce point d’assurance,
                Que vous aurez toujours ma foi.

L’Amante.

                Je vous vends, non je vous donne
                Mon coeur, mon corps vous abandone
                Pour en faire votre plaisir,
                Et contenter votre personne.

______________________


LETTRE
De protestation d’Amour.


    MADEMOISELLE,

Il faut enfin que je vous dise, de coeur plutôt que de bouche, que de toutes les personnes du monde vous êtes la seule que j’aime uniquement, et que j’aimerai toute ma vie ; ce ne sont point des discours de civilité, mon ame vous exprime mes sentimens avec la même innocence que mon esprit les a conçus. Si vous doutez de ces vérités, servez-vous du pouvoir absolu que vous avez acquis sur moi pour en tirer toute sorte de preuve ; mon amour et ma vie sont en votre disposition ; je hasarderai l’un pour l’autre quand vous voudrez pour votre service ou pour votre contentement, puisqu’il faut, par nécessité pour mon repos, que je sois avec vous éternellement.

                        Votre serviteur Bulbula.


FIN.


retour
table des auteurs et des anonymes