DUBOIS, Louis (1773-1855) :  Étrennes d’économie rurale et domestique.- A Paris : Chez Raynal, 13, rue pavée Saint-André-des-Arts, 1827.- 168 + 10 p. ; 10,5 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (16.XI.2008)
Texte relu par : A. Guézou
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Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : 40664).

Étrennes d’économie rurale et domestique
dédiées aux personnes de la ville et de la campagne,
auxquelles l’économie n’est pas indifférente, et
qui ne dédaignent pas de s’occuper de leurs fermes,
de leurs jardins et de leur maison.

Etrennes d'économie rurale et domestique (Couv.)

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TABLE DES MATIÈRES.

Avertissement
Calendrier
Année agronomique
Météorologie
De la Lune et de son influence
Analyse des terres arables
Analyse des céréales
Canard, cane, caneton
Oie, oison, jars
Des vins
Fabrication des vins
Sirop de Miel
Fabrication du kirsch-wasser
Cerises à l’eau-de-vie
Gelée de groseilles
Autre recette
Autre recette
Eau de groseilles
Eau de rose, de Lavande, etc
Composition du cirage à frotter
Autre composition
Vins et teintures de santé
Vin des quatre fruits
Empoisonnement des loups
Composition de l’eau de Cologne
De l’usage des champignons
Traitement des asphyxiés, etc
Traitement des noyés
Abrégé de chronologie
Table des vitesses
Famine en mer
Naufrage de la goëlette Little-Patty
Suicide d’une veuve indienne
Morale, anecdotes et bons mots
Amasis et Thalès
Pensées
Poésies

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AVERTISSEMENT.
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Nous continuerons tous les ans régulièrement ces petites Étrennes qui seront très variées, et n’offriront chaque année que des morceaux neufs, au lieu de ces réimpressions continuelles qui ne font, de la plupart des ouvrages de ce genre, qu’une répétition fastidieuse. Ce recueil continuera de présenter des mémoires sur l’Économie rurale et domestique, des recettes et des procédés, des faits curieux d’histoire naturelle et d’agronomie, et un grand nombre d’articles utiles aux personnes de la ville et de la campagne auxquelles l’économie n’est pas indifférente, et qui ne dédaignent pas de s’occuper de leurs fermes, de leurs jardins et de leur maison.

Le temps ne nous a pas, cette année, permis d’apporter à nos Étrennes les soins que nous leur donnerons les années suivantes.

LOUIS DU BOIS.


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ÉCLIPSES DE 1827.

Il y aura cette année quatre éclipses : deux de soleil et deux de lune.
Le 26 avril, éclipse de soleil invisible à Paris ; conjonction à 3 h. 11 m. du matin.
Le 11 mai, éclipse partielle de lune invisible à Paris, commencement à 6 heures 56 m. du matin.
Le 20 octobre, éclipse de soleil invisible à Paris ; conjonction à 3 h. 56 m. du soir.
Le 3 novembre, éclipse partielle de lune, visible en partie à Paris ; commencement à 3 h. 53 m. du soir.


FÊTES MOBILES.

SEPTUAGÉSIME…………………………………………………    11 février.
LES CENDRES……………………………………………………    28 février.
PAQUES…………………………………………………………...    15 avril.
ROGATIONS…………………………………………………..21,22,23 mai.
ASCENSION………………………………………………………    24 mai.
PENTECOTE……………………………………………………...      3 juin.
LA TRINITÉ………………………………………………………..    10 juin.
LA FÊTE-DIEU…………………………………………………….    14 juin.
L’AVENT……………………………………………………………    2 décembre.


QUATRE-TEMPS.

Le 7, 9 et 10 mars.
Le 6, 8 et 9 juin.
Le 19, 21 et 22 septembre.
Le 19, 21 et 22 décembre.


COMPUT ECCLÉSIASTIQUE.

Nombre d’or………………………………………………………………    4
Épacte…………………………………………………………………….    III.
Cycle solaire……………………………………………………………..    16
Indiction romaine………………………………………………………...    15
Lettre dominicale…………………………………………………………    G.


DES SAISONS.

Le Printemps commence le 21 mars.
L’Été, le 22 juin.
L’Automne, le 23 septembre.
L’Hiver, le 22 décembre.

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ANNÉE AGRONOMIQUE.
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JANVIER.

Si le temps ne permet pas de travailler en plein air, on prépare les graines, on continue de battre en grange et de pressurer les cidres ; on fait les eaux-de-vie et les raisinés.

Lorsqu’il ne gèle pas trop fort, et que la neige ne couvre pas la terre, on émonde les arbres, on abat les bois de charpente et de chauffage, on plante en terrain sec, on transporte les terres, on transplante les plantes vivaces si l’on n’a pas pu procéder à cette opération en novembre ; on commence à tailler les arbres en espalier et en quenouille ; on nettoie les arbres des mousses, du gui, des lichens et des bois morts ; on serfouit le pied des arbres des vergers.

On donne un labour aux asperges, sur le terrain desquelles on jette du fumier consommé, des curures et des terreaux ; on visite les artichauts, qu’on tient bien couverts.

Il est déjà temps de semer la fève et le pois, qui, si le temps devient doux, donnent des primeurs avantageuses. On nettoie les oseilles, dont on rafraîchit les racines. On peut hasarder, dans les terres précoces et les bonnes expositions, sur sol léger, quelques semis d’ognon.

Sous les châssis vitrés et dans les serres, on sème la laitue à recoupes, le cerfeuil et les autres fournitures, le petit céleri, les raves, les radis, la chicorée sauvage pour recoupes, la chicorée hâtive, les choux hâtifs et les choux-fleurs.

Vers la fin du mois on sème sur couche quelques melons, des concombres, et même quelques variétés de fleurs annuelles.

Lorsqu’on n’en a pas eu le temps en octobre, on peut encore mettre en terre les ognons de la tulipe et de la jacinthe, ainsi que les pattes ou griffes des anémones et des renoncules.

On nourrit les bestiaux avec la paille, le foin, les feuillages séchés en juillet, les racines et les pommes de terre cuites.

FÉVRIER.

Les jours sont déjà plus longs, et l’atmosphère un peu plus chaude ; on a déjà beaucoup de choses à faire : on laboure pour les semailles de mars, on plante les arbres, on continue de tailler les espaliers, on répare les clôtures, on fait tous les travaux de janvier que la mauvaise saison n’aurait pas permis d’entreprendre ou de terminer.

On sème les fèves, les pois, les navets, les carottes, les salsifis, les betteraves, l’ognon, le poreau, les choux, le topinambour, la poirée, le panais, les épinards, les laitues, les asperges, le céleri, le persil, le cerfeuil et le cresson alenois.

On plante l’ail, la ciboule, l’échalotte, les petits ognons destinés à être repiqués pour grossir.

On sépare et l’on réduit les vieux pieds d’oseille, d’estragon, de lavande, de romarin, de thym et des autres plantes vivaces. Si le temps est doux, on peut donner un peu d’air aux pieds d’artichauts, exposés à pourrir, mais on recouvre soigneusement.

Il est à propos de biner et serfouir les plants du mois précédent, tels que fèves et pois, si la terre s’est durcie et s’il est survenu des herbes parasites.

Il faut continuer de faire des couches de primeur ; on sème sous châssis, sous cloches, quelques melons et quelques concombres. On met en place ceux des semis de janvier qui ont prospéré ; on sème de nouveau pour remplacer ce qui a péri ; on repique avec avantage des salades et quelques choux ; on dresse les plate-bandes, on compose et régularise les bordures ; on bêche et prépare les planches pour les semis du mois suivant ; on manie et mélange les fumiers et les terreaux qu’on doit employer en février, en mars et en avril, afin de les tenir meubles et de les perfectionner ; on nettoie, on serfouit et l’on amende les fraisiers de bordures et de planches.

Dans les terres humides on attend à la fin de ce mois pour les plantations d’arbres et d’arbustes ; on taille le pêcher, l’abricotier, le prunier, le cerisier, la vigne et ceux des poiriers et des pommiers qui ne l’ont pas été en janvier.

On fait les boutures, et l’on met en terre les noyaux et les graines qu’on a stratifiés pendant l’hiver pour accélérer leur végétation.

On commence à planter les arbres verts et résineux.

On sème à demeure le pied d’alouette, le thlaspi, le réséda, les pois à fleur, le pavot et le coquelicot. On sème sur couche plusieurs fleurs annuelles pour l’été et l’automne, telles que la reine-marguerite, l’oeillet de la Chine, etc.

Il est encore temps de mettre en terre les ognons de tulipe et de jacinthe, ainsi que les griffes d’anémones et de renoncules.

On recueille pour les bestiaux les feuilles du chou cavalier pour contribuer à les nourrir et à varier leurs alimens.

MARS.

On achève d’émonder et d’abattre les arbres, de réparer les haies, de redresser les fossés, de retourner les marnes, les curures et tous les engrais.

On finit de bêcher ; on ne doit plus avoir à planter ni arbres ni arbustes, et très-peu de plantes vivaces ; on place les échalas et les tuteurs ; on commence l’opération de la greffe par les cerisiers et les pruniers, avant d’en venir aux poiriers et aux pommiers.

On laboure et on ensemence les grains de mars.

Tous les espaliers doivent être palissés et taillés, les haies réparées, et les bordures mises en bon état.

On établit les aspergeries nouvelles ; on serfouit et engraisse celles qui sont en rapport.

On sème encore des fèves, des pois, des légumes et des fleurs. Il est tard de planter les arbres, excepté les arbres résineux, à moins que ce ne soit dans des terrains fort humides.

Si le temps est devenu beau, on découvre tout-à-fait les artichauts, on les serfouit, on enlève les oeilletons ou les drageons, et l’on met en place ceux dont a besoin.

On sème des scorsonnères, des salsifis, des cardons, des betteraves, des artichauts, des épinards, des laitues, des bettes, des chicorées, des arroches, du cresson alenois, des porreaux, de l’ognon, du persil, du cerfeuil, du pourpier, des raves et des radis.

On fait de nouvelles couches pour les melons et les concombres, les pimens, les basilics et les autres semis qu’on continue. On met en terre les pommes de terre, les topinambours, les chervis ; on repique les choux ; on éclaircit et l’on bine les planches de légumes.

On met en terre pour graine des ognons, des betteraves, des salsifis, des carottes, des navets, des scorsonnères, et tous les plus beaux individus des légumes réservés avec soin pour la multiplication.

On plante à demeure les boutures, les marcottes, les drageons enracinés, et les choux qu’on avait mis en pépinière pour passer l’hiver.

On sème des fleurs pour l’été et l’automne, soit à demeure, soit pour repiquer. On continue de greffer.

AVRIL.

Si le temps a forcé de différer le travail, on peut encore semer les céréales dites de mars, et la luzerne, le trèfle, le sainfoin et les autres herbages de prairies artificielles.

Dans les bois et les forêts on continue de semer les acacias, les pins, les mélèses, les châtaignes et les glands qu’on a stratifiés ; on fait le long des eaux la plantation des boutures et des gaules des saules, de l’osier et des peupliers.

On arrose les arbres et les arbustes transplantés récemment, si le temps se met à la sécheresse, et l’on continue cette opération à diverses époques si la saison l’exige.

On sème les tapis et les gazons d’agrément.

Lorsqu’on n’a à sa disposition ni châssis ni couches, on sème en plates-bandes toutes les plantes et les fleurs indiquées dans le mois précédent. Dans les terres humides, dans les expositions froides et les sols peu échauffés, on commence à semer la plupart des légumes ; mais ils sont plus exposés à être dévorés à leur naissance par la limace et les autres insectes qui sont le fléau des jardins.

On sème les giraumons, les citrouilles, des melons, des concombres, des épinards, des raves et des radis, et en général les légumes dont on veut avoir à manger aux diverses époques de l’année.

Quand la saison est retardée par les froids, on fait à cette époque les travaux de mars ; on nettoie les artichauts, on sème, on repique, on bine, on greffe.

Si le temps est beau on hasarde quelques haricots.

On réchauffe les vieilles couches, on en fait de nouvelles.

On découvre et l’on dispose les figuiers ; on expose au grand air par degrés, avec précaution, et pendant quelques heures seulement, les plantes de l’orangerie, afin de les préparer à sortir à la mi-mai.

MAI.

On peut encore, si l’on n’a pu faire autrement, semer des arbres verts résineux, des acacias, des faux-ébéniers, des arbres de Judée. C’est le temps de semer les graines d’ormes aussitôt qu’on les a recueillies bien mûres.

On sème pour les bestiaux plusieurs fourrages, et plusieurs plantes oléagineuses ; on prépare la terre pour le sarrasin qu’on semera dans le mois suivant.

On fait des boutures de géranium, d’hortensia, etc.

On continue de semer des fleurs, de biner, d’arroser, s’il fait sec, et de sarcler.

On fait de nouveaux ensemencemens de haricots, de pois, de fèves, de salades, de fournitures et d’herbages.

On sème les capucines, les aubergines, les tomates, les pimens, et on repique à demeure les plantes que l’on a fait lever sur couche et en serre, ou sous cloches.

On greffe en flûte le châtaignier et le figuier ; on écussonne.

JUIN.

Il faut semer les navets pour fourrage et le chou cavalier et arroser les semis, biner les pépinières, continuer quelques écussons, réduire et dresser les greffes de deux et de trois ans ; on tond les buis et les petites haies ; on ébourgeonne la vigne ; on sarcle, on bine, on arrose s’il est nécessaire, ainsi que pendant le mois suivant ; on sème des laitues, des chicorées, des navets, du céleri et du cresson alenois.

On commence à recueillir des graines et à tirer de terre les ognons de fleurs, les bulbes et les griffes à mesure que les feuilles sont desséchées.

JUILLET.

On sème plusieurs légumes pour l’automne et l’hiver, des épinards, des ognons, des porreaux, des salades et des fournitures, des navets, des carottes et des choux ; on continue de sarcler et de biner.

On recueille la fleur d’oranger le matin et le soir au soleil.

On écussonne à oeil dormant sur églantier, sur rosier, sur épine, sur prunier et sur poirier ; on commence la moisson ; on laboure pour les semailles d’octobre.

AUGUSTE.

On sème à la fin de ce mois, et pendant le suivant, des graines de pois à fleur, de réséda, de pied-d’alouette et de pavots, qui, si l’hiver est doux, donnent l’année suivante des fleurs plus précoces et plus belles.

On recueille les graines ; on commence à remettre en terre quelques ognons de fleurs si le sol est froid, et seulement à la fin de septembre si le terrain est chaud, soit de sa nature, soit par l’exposition.

On continue d’écussonner sur le cognassier, le pommier, l’amandier, le mahaleb ou arbre de Sainte-Lucie, et-c.

On marcotte les oeillets ; on butte le céleri ; on lie ou on couvre les chicorées.

SEPTEMBRE.

On fait la curure des mares et des fossés, à moins qu’il n’y eût du dégât pour les cultures : ce qui forcerait de la différer jusqu’en novembre.

On sème pour fourrages la carotte et la chicorée.

On continue d’écussonner ; on sème des salades, des fournitures et des légumes pour l’hiver.

Quand il est nécessaire de faire des arrosemens, on n’y procède plus que le matin.

On lie des salades, on butte le céleri ; on empaille les cardes d’artichauts ; on finit de palisser les arbres ; on commence à tirer de terre des pommes de terre, des topinambours et des racines.

OCTOBRE.

On commence déjà à faire les fossés et même à planter des arbres et des arbustes dans les terrains secs.

On continue de semer des salades, des fournitures, des choux.

On met en place ou pépinières des oeilletons d’artichauts, des choux, des salades ; on nettoie les bordures ; on effile les fraisiers, on finit de mettre en terre les ognons de fleurs.

On détruit les couches ; on met en réserve les fumiers et les terreaux qui en proviennent.

On coupe les rameaux d’asperges, on nettoie l’aspergerie et on jette des feuilles sèches et de longues pailles ou de la fougère.

On arrache pour les ensabler à la cave les racines dont on a besoin pour l’hiver.

On élève en tombes ou rayons les planches du potager qui ne se trouvent pas occupées, afin que la terre se mûrisse pendant l’hiver, et que plus ameublie au retour des cultures elle puisse être bêchée plus facilement.

On finit de cueillir les fruits ; on dispose à la cave la chicorée destinée à donner pendant l’hiver la barbe de capucin ; on rentre dans la serre et dans l’orangerie les arbres, les arbustes et les plantes qui doivent y passer la mauvaise saison ; on empaille les figuiers.

NOVEMBRE.

On plante en terrain sec, on ouvre les fossés pour les plantations de février et de mars, on couvre les artichauts, on sème quelques pois.

DÉCEMBRE.

On sème encore des pois, on serfouit les oseilles et les laitues d’hiver ; on plante des arbres s’il fait beau, on abat les bois de charpente.

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MÉTÉOROLOGIE.
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En passant sur des surfaces de la terre couvertes d’eau ou même simplement humides, l’air les dessèche en pompant l’humidité.

L’air dissout d’autant plus d’eau qu’il est plus chaud ; mais cette faculté dissolvante a des bornes, et, une fois que l’air est saturé, il n’en dissout plus.

L’eau bien dissoute dans l’air n’altère pas plus sa transparence que le sel pur bien fondu dans l’eau n’obscurcit ce liquide.

Si l’air bien chargé d’eau dissoute vient à se refroidir par une cause quelconque, il sera forcé d’abandonner de l’eau ; si c’est lentement et près de la surface de la terre que s’opère ce refroidissement, il se formera des brouillards ; si c’est de même lentement, mais partiellement et à une certaine élévation, il se formera des nuages ; s’il se refroidit encore, ces nuages, composés de gouttelettes trop grosses, s’abaisseront aussi en brouillards épais ; si les gouttelettes qui composent ces nuages de réunissent, elles formeront des gouttes, et tomberont en pluie ; mais si le refroidissement est considérable, ces gouttelettes en se réunissant formeront de la neige qui tombera lentement dans un air tranquille, ou plus rapidement si le vent la pousse. Si ce refroidissement s’opère dans le brouillard, celui-ci déposera du givre sur les plantes et les autres corps qui y seront exposés ; mais si ces gouttelettes qui composent ces nuages, au lieu de se geler lentement en se réunissant, ne gèlent que lorsqu’elles seront réunies en gouttes, et en tombant, alors elles formeront de la grêle.

Voici quelques observations usuelles sur la dissolution et la précipitation de l’eau par l’air.

Quand on se promène en hiver, et qu’il gèle, l’haleine ressemble à de la fumée, parce que l’air n’est pas assez chaud pour la dissoudre sur-le-champ ; dans l’été, au contraire, ou dans un lieu échauffé, elle est dissoute à l’instant, et par conséquent n’est pas visible : la sueur qui s’échappe du corps des animaux n’est visible en hiver que par la même cause. Le brouillard qui s’élève en espèce de fumée des mares, des ruisseaux, des rivières, le matin et le soir, n’est apparent que lorsque l’air n’est pas chaud à la surface de l’eau.

Si en hiver on entre dans un café, qu’on demande une glace, et qu’on aille la prendre en plein air lorsqu’il gèle, la surface extérieure du verre ne sera point humide. Si l’on rentre dans le café, et qu’il soit bien échauffé, la surface extérieure du verre se couvre de rosée. Cet effet est tout simple : la surface de ce verre est très-froide, l’air de la salle est chaud ; la portion d’air qui approche du verre, en devenant plus froide, abandonne un peu d’eau qui s’attache aux parois du vase.

C’est M. Monge qui est le premier savant à qui on doit la réunion des faits sur lesquels repose la théorie des météores aqueux dont nous venons de parler.


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DE LA LUNE ET DE SON INFLUENCE
SUR L’AGRICULTURE.
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C’est une erreur bien ancienne, bien enracinée, que celle qui attribue à la Lune une grande influence sur les variations atmosphériques, sur l’agriculture et sur la santé même. Comme elle ne se montre à la vue avec éclat que pendant les nuits, cette apparition mystérieuse, autant que la variation de ses phases, attira sur elle plus d’attention que n’en obtint peut-être le soleil, qui pourtant fut adoré aussi et même forma la base de la plupart des cultes religieux de l’antiquité.

Les anciens attribuaient à la Lune une foule d’actions qui presque toutes provenaient d’une sorte de jeu de mots. Ainsi les arbres, les ongles, les cheveux tondus ou coupés en croissant devaient croître et repousser plus vite ; on devait semer et greffer en croissant, tandis qu’il fallait pressurer les liqueurs et abattre les arbres en décours, afin que les unes ne fussent pas exposées à entrer en mouvement ou à se troubler, et que les autres ne fussent pas attaqués par les vers.

Cependant il fut constaté que même les rayons de la pleine Lune, concentrés dans le miroir concave de La Hire 306 fois de plus que dans leur état naturel, ne purent faire monter le liquide du thermomètre, pourtant fort sensible, d’Amontons. En 1760, le savant Bouguer établit que la lumière de la Lune, comparée à celle du Soleil, auquel elle l’emprunte, est environ 300,000 fois moindre.

Nous ne parlerons pas de toutes les superstitions et de toutes les erreurs auxquelles la croyance à l’influence de la lune sur la santé et la végétation a donné lieu. Ce serait un travail curieux, mais ici ce serait une peine inutile.

D’excellens météorologistes, MM. Cotte, Toaldo et Lamarck, ont enfin reconnu que cette influence prétendue est nulle. Et pourtant ils ont pendant de longues années fait des observations exactes, continuelles et importantes.

La régularité des marées, partout où elles ont lieu, et la différence des variations météoriques, telles que la pluie, la sécheresse, etc., dans différentes contrées quoique peu distantes entre elles, prouvent, contre l’opinion accréditée dans le peuple, que les diverses phases de la Lune ne déterminent pas une grande influence sur le temps, c’est-à-dire l’atmosphère et les météores, et par suite sur la végétation et la santé.

Les effets de la Lune rousse vers le mois d’avril sont uniquement produits par la température encore froide que l’air et la terre ont conservée après l’hiver, aux nuits longues encore et par conséquent froides, à l’humidité du sol, et aux gelées du matin qui proviennent de ces diverses causes. En effet l’influence de la prétendue Lune rousse s’opère dans le midi de l’Espagne et de l’Italie vers la fin de février, dans la France méridionale en mars, et dans les départemens du Nord et de l’Ouest en avril et même en mai, c’est-à-dire sous des Lunes ou des phases différentes.

Ce que l’on est convenu d’appeler premier quartier de la Lune, pleine Lune, dernier quartier de la Lune, nouvelle Lune, ne sont que la présence de cet astre plus ou moins sensible à la vue, suivant qu’il est pour nous partiellement ou totalement éclairé par les rayons du soleil. Cette variation qui diffère chaque jour s’opère par degrés et insensiblement, et pourtant on lui attribue les effets les plus importans, et même des effets très divers suivant que la Lune est éclairée à droite ou à gauche (en croissant ou en diminuant), quoiqu’elle le soit dans la même étendue de proportion.

On a dit avec raison : Savez-vous pourquoi il y a tant de gens qui croient à l’influence de la Lune sur le temps ? c’est que ces gens-là observent bien quand le temps change avec la nouvelle Lune, et ne tiennent jamais note de l’observation contraire. C’est comme certain médecin qui cite vingt malades morts d’apoplexie après avoir été saignés, et qui ne fait nulle mention de tous ceux qu’il a laissé mourir faute d’une saignée.

Le savant astronome Olbers auquel nous devons la découverte de deux des douze planètes (Pallas et Vesta), a publié en allemand un mémoire important qui traite de l’influence de la Lune sur les saisons. Voici ce qu’il dit entre autres choses intéressantes sur cette matière : « Beaucoup de personnes répètent que, suivant ses diverses phases, la Lune exerce une grande influence sur le temps beau ou mauvais, sur les animaux et sur les plantes. L’expérience seule peut donner des lumières sur cet objet ; une remarque très simple suffit pour prouver que cette prétendue influence n’est pas sensible : on n’a jamais pu découvrir aucun rapport entre les phases lunaires et le beau ou le mauvais temps, quoiqu’on ait à cet égard pendant un grand nombre d’années fait, multiplié et continué les expériences les plus savantes et les plus judicieuses. On parvint au même résultat  en remarquant que la puissance attribuée à la Lune doit produire son plus grand effet dans les pays situés entre les tropiques, où cependant on n’a pu en apercevoir aucune trace : car, dans ces climats, la chaleur, les pluies, les vents etc., ne dépendent que de la distance du soleil au zénith, sans qu’il soit nécessaire d’avoir égard à la situation et aux phases de la Lune……… L’astronome anglais Horsley n’a pu non plus reconnaître aucun rapport entre les phases de la Lune et le temps….… Ayant reconnu que l’influence de la Lune sur l’atmosphère est insignifiante, on doit avoir une juste méfiance de sa prétendue influence sur les hommes, les animaux et les plantes. Pendant ma longue pratique de la médecine je n’ai jamais aperçu aucune relation entre le cours de la Lune et les maladies, leurs symptômes et les effets des moyens curatifs. »

Nous ajouterons, quant aux prétendus effets de la Lune sur les pierres des murailles, sur l’altération des couleurs etc., que la lumière de la Lune a si peu de puissance que des expériences récentes, fort bien faites à l’Observatoire de Paris, ont constaté que cette lumière, quoique condensée par une très forte lentille, n’a pas altéré des produits chimiques pourtant très-sensibles de leur nature et très-altérables par la lumière.


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EXTRAIT

Des recherches géoponiques sur la plus simple
analyse des terres arables ; par M. Cadet de
Gassicourt.
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Après avoir balayé la surface du terrain qu’ils voudront analyser pour en écarter tous les débris des végétaux, les cultivateurs prendront avec la bêche trois ou quatre kilogrammes de terre qu’ils diviseront grossièrement en l’étendant sur une claie à mailles serrées, et ils la porteront au-dessus d’un four de boulanger : quand on aura cuit quatre ou cinq fournées, ils trouveront la terre parfaitement sèche ; alors ils la passeront au tamis de crin, comme celui dont on se sert pour passer le tabac. Ils disposeront au-dessus d’un vase transparent un entonnoir de la capacité d’un litre, garni d’un filtre de papier gris ; ils peseront quatre hectogrammes de la terre à essayer ; ils la verseront légèrement dans le filtre sans la tasser ; ils arroseront doucement cette terre avec quatre hectogrammes d’eau, et ils noteront le temps que cette eau mettra à passer. Dès que l’entonnoir cessera d’égoutter, ils peseront le filtre avec la terre humide, et ils marqueront l’augmentation de poids, qui indiquera la quantité d’eau absorbée. Il faudrait répéter cette expérience quatre fois avec le même soin, additionner les produits, et prendre la moyenne proportionnelle, c’est-à-dire le quart du total de l’eau absorbée et du temps de l’immersion. Alors ils chercheront dans les nombres suivans celui qui se rapproche le plus du nombre qu’ils auront obtenu.


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RÉSULTATS

D’un mémoire intitulé : Recherches analytiques sur les graines céréales, suivies de quelques expériences sur la fermentation de ces grains, et sur la nature du pain ; lues à l’Académie des Sciences de Munich le 8 mars 1817, par M. Vogel.
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1° La farine de froment (Triticum hybernum) est composée de

Fécule    68
Gluten non desséché 24
Sucre gommeux               5
Albumine végétale                1  50

    La farine de Triticum spelta renferme
   
Fécule    74
Gluten non desséché 22
Sucre gommeux               8  50
Albumine végétale ()            "  50

() En faisant dessécher le gluten, il faut déduire 9, 50 de la somme du produit.

2° La farine d’avoine est composée de

Fécule    59
Albumine  4  30
Gomme              3  50
Sucre et principe amer                8  25
Huile grasse  2
Matière fibreuse   "   "

3° Le riz contient
  
Fécule    96
Gluten non desséché   1
Sucre gommeux               1  50
Albumine végétale                "  20

Le gaz acide carbonique ne peut pas remplacer la levure et le levain dans la fermentation. Le gaz hydrogène peut soulever la pâte, mais non pas la faire fermenter.

Les parties constituantes de la farine une fois séparées, on ne saurait les réunir et tendre cette farine recomposée propre à la panification.

Le pain de froment est composé de
   
Sucre   3  60
Fécule torréfiée18
Fécule            53  50
Gluten combiné avec un peu de fécule              20  75
Acide carbonique″   ″
Muriate de chaux ″   ″
Magnésie″   ″


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CANARD, CANE, CANETON.
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On désigne par ces trois noms le mâle, la femelle et le petit d’un genre d’oiseaux de l’ordre des palmipèdes. Le genre des canards offre beaucoup de variétés ; nous ne nous occuperons ici que de ceux qui peuplent ou doivent peupler nos basses-cours.

Les oeufs, la plume et la chair font les revenus des canes, dit Olivier de Serres, et ce premier de nos auteurs géoponiques, ici comme partout ailleurs, a complétement raison.

Cet animal domestique, facile à multiplier, à élever, à engraisser, offre beaucoup d’avantages. Il suffit d’avoir à proximité, de l’eau, quelques mares, ou simplement quelques fossés. Sa nourriture n’est pas chère ; outre qu’il s’en procure par lui-même une partie dans les lieux qu’il recherche, le surplus se compose de quelques vannures, de son, d’orge, d’avoine et d’herbes sans valeur.

Le mâle est plus gros et plus beau que la femelle ; un seul suffit à dix canes.

Une cane commence ordinaire sa ponte, dès la fin de février, et quelquefois elle pond de suite jusqu’à soixante oeufs. Pour accélérer la ponte, quelques ménagères ont soin de donner dès le mois de janvier une ration d’avoine à leurs canes, qui, échauffées par cette nourriture, donnent leurs oeufs beaucoup plus tôt. Lorsqu’on soupçonne que le moment de la ponte est arrivé, il faut surveiller la cane, qui ne manque jamais de chercher pour déposer sa couvée quelque coin couvert et écarté dans les marais ou les broussailles : il est prudent de lui faire adopter quelque lieu sûr, afin que l’humidité ne détruise pas le germe des oeufs ou qu’ils ne deviennent pas la proie des fouines, des rats et d’autres animaux qui en sont très friands ; le canard lui-même en fait quelquefois sa pâture. Un des meilleurs moyens d’attacher la cane à un endroit sûr qu’on veut lui faire adopter, c’est de lui donner ses repas dans ce lieu. Une fois que le premier oeuf a été déposé dans un pondoir quelconque, la cane ne manque pas d’y venir pondre les autres. Il importe donc de la surveiller lorsqu’on voit approcher le moment où elle doit commencer sa ponte : au surplus, comme elle pond ou la nuit ou du moins de grand matin, il suffira à cette époque de ne la laisser sortir que vers neuf ou dix heures.

L’oeuf de la cane n’est guère plus gros que celui de la poule ; il est aussi nourrissant, le jaune en est plus foncé, mais la saveur en est moins délicate. On les emploie avec avantage dans la pâtisserie ; ils sont assez bons en omelettes ; mais cuits à la coque ils conservent un goût désagréable, et le blanc n’en devient pas laiteux. Lorsque la ponte est terminée, la cane se trouve disposée à couver. Il faut avoir soin de ne lui laisser que le nombre d’oeufs qu’elle peut bien couvrir et échauffer ; placer son nid dans un lieu sec, et surtout ne pas laisser tomber d’eau sur les oeufs, qui éclosent au bout de 31 jours d’incubation. Il est inutile d’avertir que c’est par un préjugé ridicule que l’on a supposé que les oeufs prospèrent mieux à la couvaison quand ils sont au nombre de 13. C’est une erreur aussi de dire que les canes qui proviennent d’oeufs couvés par la poule commune ou par la poule d’Inde ne se déterminent jamais à la couvaison. Tenir à portée de la mère les alimens en moyenne quantité qui lui conviennent, est un soin prudent qui l’empêche de sortir, de laisser refroidir les oeufs, et d’y rapporter de l’humidité. Les petits canetons étant délicats à élever, il faut préférer à tout autre temps la fin du printemps et le commencement de l’été pour la couvaison, afin que la chaleur contribue à hâter davantage le développement de ces petits animaux. Cependant il est avantageux d’obtenir des canards précoces qui sont d’ailleurs plus rares et plus recherchés, et par conséquent d’une vente plus profitable. Nous ne parlerons pas des fours où l’on pourrait faire éclore en grande quantité tous les oeufs des volailles que l’on élève : le procédé n’est pas assez facile pour nos ménagères, et serait trop coûteux pour la plupart des fermes.

Comme la cane couve avec beaucoup moins de soin que les poules et surtout que les poules d’Inde, on préfère souvent de leur donner les oeufs à couver et les petits à élever. Outre qu’elles en couvent une plus grande quantité et que la dinde surtout peut faire de suite plusieurs couvées, elles ne conduisent pas les petits à l’eau, ce qui, lorsque la saison est froide, est souvent funeste aux jeunes canetons. Dans le commencement, de simples baquets d’eau leur suffisent pour barbotter ; et en très-peu de temps ils peuvent se passer de mère, et se procurer par eux-mêmes leur nourriture dans les herbages et les eaux. Du pain émié dans du lait, avec quelques jaunes d’oeufs, des pommes de terre cuites avec quelque laitage, pourvu que les alimens soient frais et non entrés en fermentation, leur suffisent pendant les premiers jours ; ensuite on les nourrit avec de la farine de sarrasin, d’orge, de maïs, etc., délayée en pâtée avec de jeunes feuilles d’ortie hachées très-mince ; et peu après des herbes potagères, du son et du laitage de rebut les nourrissent suffisamment : mais, lorsqu’ils sont assez gros pour être mangés, il est bon de leur donner de l’avoine, de la pâte d’orge ou du sarrasin. A ce moyen ils acquièrent rapidement de la graisse et de la chair.

Dans tous les temps, comme le caneton est très-vorace et que sa digestion s’opère très-promptement, on lui donne à manger très-fréquemment et jusqu’à ce que son jabot soit complétement rempli.

Les criblures de grains, les déchets de la cuisine, le gland, le rebut des légumes et des fruits, tout est bon aux canards ainsi qu’aux cochons. Une ménagère économe sait tout employer, et à ce moyen elle nourrit ses élèves à peu de frais. Le canard est tellement vorace qu’il se nourrit non seulement de végétaux, mais encore de poissons, de reptiles et d’animaux de voirie. Dans l’automne il n’a plus ou presque plus besoin de nourriture de la ferme ; il se procure à lui seul toute sa subsistance.

L’accroissement du caneton est tellement rapide que dans l’espace de deux mois on en voit qui pèsent déjà près de 4 kilogrammes (de 6 à 8 livres). Ceux-là sont de la grande espèce, et supposent une nourriture convenable et abondante.

Lorsque leur crue est à peu près faite, pour les engraisser plus vite on les empâte souvent avec de la farine d’orge ou de sarrasin détrempée avec du laitage, ou même simplement de l’eau ; on y ajoute quelquefois de l’avoine en grain ; on les fait boire fort peu, et on les tient enfermés comme les chapons en mue.

Ces oiseaux, pour devenir gras en peu de temps, n’ont pas, comme les coqs, besoin d’être chaponnés.

L’éducation des canards est une bonne spéculation : cet oiseau devient promptement bon à être mangé ; sa chair, délicate, succulente et nourrissante, est fort recherchée : il est d’ailleurs propre à servir d’aliment aussitôt qu’il a été tué, et il n’a pas besoin d’être mortifié. Le canard ne doit pas être saigné ; il faut l’étouffer ou lui percer le crâne avec une pointe de fer.

Indépendamment de la chair du canard, sa plume n’est pas sans utilité, quoique très-inférieure à celle de l’oie. On en fait la récolte en mai et en septembre, avant l’époque de la mue ; en les arrachant sous le ventre, autour du cou et sous les ailes.

Le canard doit être placé loin des viviers et des étangs où l’on veut élever du poisson ; sans cette précaution il les dévasterait en peu de temps, et dévorerait bientôt toutes les petites carpes, les jeunes tanches, les brochetons, et même des individus assez gros.

La mue est pour le canard une époque de crise au bout de laquelle il reprend son embonpoint, qu’elle lui avait fait perdre momentanément.

Les ennemis du canard, comme des autres oiseaux de basse-cour, sont les renards, les fouines, les putois, les oiseaux de proie ; il y en a encore qui lui sont particuliers ; ce sont les sangsues, qui s’attachent aux pattes des canetons.

Il est bon d’avertir aussi que les canards et les autres volailles ont beaucoup à redouter une plante assez commune et qui est vénéneuse ; c’est la jusquiame, qu’on appelle aussi la hannebonne : elle doit être soigneusement arrachée et jetée au feu.

Outre le canard purement domestique, et dont la meilleure espèce est celle des départemens de la Seine-inférieure et du Calvados, il y a quelques variétés qui ne sont pas à dédaigner.

Le canard sauvage dépose ses oeufs dans les glaïeuls et les joncs des marais ; lorsqu’on peut les trouver, il est avantageux de les donner à couver soit à des canes privées, soit aux poules, soit aux dindes : les canetons qui en proviennent sont excellens à manger, et s’élèvent comme les autres dont nous avons parlé. Toutefois, comme ils pourraient être tentés de ressaisir leur indépendance, on leur coupe l’extrémité d’une aile : au moyen de cette précaution, ils ne peuvent s’écarter, surtout s’ils vivent habituellement avec les canards domestiques.

Le canard turc, du Kaire, des Indes, de Barbarie, ou de Guinée, ou bien canard musqué, connu depuis le seizième siècle, peut aussi être élevé avec avantage. Cette variété est beaucoup plus grosse que les précédentes : la tête est revêtue d’une espèce de peau rouge qui la fait facilement reconnaître ; il y en a de blancs, de bruns et de bigarrés. Leur chair ne vaut pas celle des canards ordinaires ; cependant, tant qu’ils sont jeunes, elle est agréable et nourrissante. La femelle peut couver jusqu’à seize ou dix-huit oeufs. Uni avec des individus de l’espèce commune, le canard de Barbarie produit des mulets dont on recherche la chair, qui en effet est très délicate, et dont les oeufs sont aussi nombreux que substantiels, mais peu féconds à la couvée. Ces mulets, comme les autres, ne peuvent se reproduire entre eux.

Cet oiseau s’engraisse facilement, mais il mange beaucoup. La femelle pont deux ou trois fois par an ; et à chaque ponte elle donne douze à quinze oeufs de forme presque ronde et de couleur verdâtre. Aussitôt que le canard d’Inde a été tué, il est bon de lui couper la tête et surtout le croupion dans lequel réside la source de cette odeur de musc qui serait insupportable en le mangeant : alors sa chair est agréable et presque autant que celle des canards mulets.

Dans une partie du haut Languedoc on élève, on engraisse et on sale des canards qu’on y appelle canards mulards : ce sont les canards mulets dont nous venons de parler. On les nourrit avec du millet, du maïs, des pommes de terre bouillies avec des choux, etc. Quand ils sont grands on les enferme dans un lieu obscur et on leur remplit le jabot avec du maïs cuit dans de l’eau. Au bout de quinze jours ils sont bons à manger et donnent un mets délicat. Quand on veut les conserver, on détache les parties charnues que l’on saupoudre de sel et que l’on dépose dans un saloir pendant quinze jours. Au bout de ce temps, on les retire, on les pique de clous de girofle, on y jette du poivre et on les conserve à la cave dans des pots de terre bien couverts.

Nous terminerons par un article extrait du Journal de la Haute-Garonne (du 22 décembre 1811), article fort intéressant et qui n’est pas connu.

« Pour saler les oies et les canards, il faut d’abord écraser grossièrement le sel ; il se répand mieux, et perd moins. On fait une première couche, sur laquelle on met une oie qu’on couvre modérément de sel ; on met successivement les oies et les canards les uns sur les autres, de cette manière.

On les place ordinairement dans un saloir ou tinette de bois, ou dans une grande terrine vernissée, pour ramasser la saumure dans laquelle on les laisse.

Cet usage n’est pas sans inconvénient ; le sel, en se fondant, entraîne le sang et la partie lymphatique qui est dans la chair, et qui est forcée de sortir, à cause du racornissement de la viande. Cette eau, celle surtout qui sort les premier et second jours, est sujette à se corrompre, à cause de la grande quantité de sang qu’elle tient en dissolution, et je ne doute pas que la continuité d’une telle immersion de viande dans cette saumure ne soit cause que bien des salages sont manqués.

Dès le lendemain de la première salaison, il faut tirer les oies de cette eau ; on les met dans un autre vase, ou tout bonnement sur une table couverte de toile cirée ou d’un torchon, en observant de mettre la première oie qui se trouvait au-dessus en dessous ; ainsi de suite.

La durée de la salaison est en raison de la température de la saison et du lieu où on la fait. Lorsqu’on voit que la quantité de sel que j’ai indiquée est employée, la viande est à point.

Alors il faut faire fondre de nouveau les graisses d’oie et de canard qu’on met à bouillir, après les avoir partagées en quatre quartiers, en laissant à l’extrémité d’une des cuisses le bout du croupion, qu’on a conservé en désossant.

Il faut laisser bouillir modérément cette graisse à petit feu, pour donner le temps à la partie aqueuse qu’elle peut renfermer de s’évaporer ; trois quarts d’heure, une heure au plus suffisent. Il faut à cet égard, choisir un juste milieu : trop cuite, la viande perd une partie de son goût, son jus se mêle avec la graisse, et elle est sujette à se rancir ; si elle n’est pas assez cuite, elle se moisit.

Il faut ensuite se pourvoir de pots vernissés en dedans et en dehors qui n’aient aucune odeur, bien secs surtout, dans lesquels on met les cuisses et les ailes des oies et des canards, en les arrangeant bien les unes auprès et sur les autres ; plus elle sont tassées, sans excès cependant, moins il faut de graisse.

Lorsque les pots sont pleins jusqu’au goulot, on vide la graisse, qu’on répand avec une grande cuiller, à travers une passoire. Lorsque la graisse est de niveau avec la viande, on place le pot dans un lieu frais, pour qu’elle se fige ; en se condensant, elle diminue de volume. Il faut donc de nouvelle graisse fondue pour remplir le vide, et pour que la viande se trouve recouverte.

La graisse d’oie ou de canard est beaucoup moins compacte et se fond plus facilement que celle de cochon. On se sert très-ordinairement de cette dernière pour recouvrir entièrement la viande, et on en remplit le pot jusqu’au bord. De cette manière les oies se trouvent couvertes d’un pouce et demi de graisse de cochon.

Pour être bonne, il faut que cette graisse soit tirée non des intestins, mais de la panne ou du lard du cochon.

On les coupe en morceaux, on les fait fondre à petit feu dans un chaudron, et on coule la graisse à proportion qu’elle fond. Il faut éviter de la mettre bouillante sur les oies ou les canards. Il faut attendre qu’elle soit tiède, presque au point de se figer ; étant moins dilatée, elle remplit mieux l’objet qu’on se propose, pour empêcher la pénétration de l’air.

Quelques ménagères ramassent les fritons, les mettent dans un pot avec la graisse qui est au fond du chaudron, et s’en servent pour faire la soupe aux ouvriers, qui s’en accommodent assez, surtout si on fait usage de cette graisse et de ces fritons avec des choux.

Lorsque le froid a figé la graisse, on la recouvre 1° avec un papier blanc, qu’on a fait tremper dans l’esprit de vin ou de la forte eau-de-vie ; 2° avec plusieurs doubles de papier ou avec du parchemin qu’on attache au-dessous du col du vase.

On place les oies dans un lieu tempéré, plutôt froid que chaud. Il faut avoir soin de mettre sur le papier ou parchemin des tuiles, des planches, et tout ce qui peut empêcher les souris et les rats de percer le papier.

Un mois et demi ou deux mois après que les oies et les canards ont été dans la graisse, on peut les manger. Si la salaison a été bien faite, de la manière que je viens de l’indiquer, on peut la garder un an et plus. J’ai mangé des ailes d’oies qui avaient été préparées ainsi depuis plus de dix-huit mois, et qui étaient aussi fraîches que le premier jour.

Lorsqu’on entame un pot, il est nécessaire de ne point laisser la viande à l’air dans le pot ; mais il faut avoir l’attention qu’elle soit toujours couverte de graisse, et de rattacher les couvertures.

Je n’ai parlé que des cuisses et des ailes ; dans les petits ménages on confit, c’est-à-dire on met également en graisse les cous, les gésiers et les pates ; ils donnent du goût à la soupe, et il faut alors moins de viande. Quelques personnes mangent les gésiers d’oies avec autant de plaisir que les ailes, soit chaudes, soit froides. Quelques gourmands donnent la préférence aux pates ; et j’avoue que je les trouve bien bonnes surtout en friture.

J’ai recommandé cidevant de conserver dans son entier la peau du cou de l’oie ; elle sert de fourreau pour faire de bons saucissons. Voici le procédé qu’on emploie.

On détache des os de la carcasse des oies les aiguillettes ou les blancs, et en général toute la viande qu’on en peut tirer ; on la hache à morceaux, avec une suffisante quantité de boeuf bien attendri, et de cochon gras et maigre ; on assaisonne ce hachis, et on en farcit les peaux du cou. On leur fait prendre un bouillon avec les ailes dans la graisse en évitant de faire trop de feu, pour que la peau ne se crève pas, et on les met dans des pots vernissés, qu’on remplit de graisse.

Pour les manger on les met pendant une demi-heure environ dans le pot au feu, et on sert ces saucissons froids ; C’est ce qu’on appelle la saucisse d’oie. Pour qu’elle ait du goût, outre la chair qu’on tire des carcasses, on peut ajouter une ou deux ailes d’oies qu’on hache avec l’autre viande.

Dans les provinces méridionales on conserve également dans la graisse le cochon qu’on dépèce en morceaux et qu’on prépare ainsi que je l’ai indiqué pour les oies et les canards. C’est un grand objet d’économie pour le paysan de ces départemens, et cet usage vaut bien mieux que celui qu’on suit en Normandie, de saler et laisser déssécher le cochon, ou de lui laisser prendre un goût de relan dans le saloir ou tinette. Le propriétaire ou fermier qui a beaucoup de domestiques à nourrir trouverait de l’économie en suivant le premier procédé : ses gens seraient mieux nourris ou plus rassasiés. »
                                   
LOUIS DU BOIS.

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OIE, OISON, JARS.
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Anas anser domesticus, suivant Linnée : le jars est le mâle ; l’oie, la femelle ; et l’oison, leur petit. Cet oiseau de basse-cour est un des plus utiles de tous ceux que nous élevons : sa chair, son foie et sa graisse sont très recherchés ; ses plumes sont l’instrument le plus commode dont nous nous servions pour fixer et transmettre notre pensée ; son duvet nous donne pour le repos des coussins et des lits moëlleux. L’histoire même de cet oiseau n’est pas sans quelque éclat ; il fut recherché par les Égyptiens ; il sauva, dit-on, le Capitole, et fut cette nuit-là plus vigilant même que le chien ; la chaste épouse d’Ulysse, Pénélope, engraissait ses oies avec le froment même, à une époque où les hommes et même leurs chefs se contentaient de pain d’orge ; à Noël, l’oie grasse rôtie parait avec pompe sur la table des rois d’Angleterre, et à la saint-Michel sur celle des particuliers les plus gastronomes de la Grande-Bretagne. Nos aïeux aussi en faisaient leurs délices avant l’introduction du dindon, rival de l’oie en bêtise, mais son maître en fait de saveur délicate, surtout lorsque la truffe du Périgord lui prête l’agrément de son parfum.

Les meilleures oies grasses viennent d’Alençon, de Strasbourg, de Montauban, de Bordeaux et de Baïonne.

Cet oiseau vit assez long-temps ; mais il est douteux, quoi qu’en dise Willougbhy, qu’il puisse devenir sexagénaire. On en connait peu de variétés ; celle qui doit obtenir la préférence est la plus grosse : quand elle est grasse elle pèse jusqu’à sept kilogrammes (14 livres) ; on en voit même de plus pesantes, mais elles sont vieilles, par conséquent peu tendres, d’une saveur peu agréable et d’une digestion difficile. Leur couleur est grise, noirâtre ou blanche ; leurs pates et leur bec son brun-roux tant qu’elles sont jeunes, et deviennent jaune-orangé à mesure qu’elles vieillissent ;

L’oie a quelque ressemblance avec le cygne ; aussi, il y a quelques années, on accoupla avec succès au jardin des Plantes un cygne mâle avec une oie : de neuf oeufs qu’elle pondit un seul produisit un petit vivant. A sa naissance, comme par la suite, il a toujours eu plus de ressemblance avec l’oie qu’avec le cygne ; il était seulement plus gros que sa mère.

L’éducation des oies est une bonne spéculation dans les pays où les landes, les bruyères et les marécages sont communs ; il n’en est pas de même des contrées où les pâturages ont beaucoup de valeur, et dans lesquelles on cultive les céréales. L’oie est très-vorace ; elle mange beaucoup d’herbe, et celle qu’elle ne mange pas, salie par ses excrémens, dégoûte les bestiaux, qui pourraient s’en nourrir, et qui seraient plus profitables qu’elle ; elle dévaste les grains et les vignes. Il faut la confier à un gardien lorsqu’on veut l’éloigner de terres cultivées et productives. D’ailleurs sa chair n’est bonne que lorsqu’elle paît les plantes aromatiques des terrains maigres, incultes et arides. Peu d’eau lui suffit, et sa saveur même en est plus délicate. A moins que le troupeau d’oies ne soit trop peu considérable pour indemniser des frais du gardien, il est prudent de ne pas les laisser sortir au loin sans lui ; les oies sauvages pourraient s’abattre parmi elles, et les engager à les suivre au loin.

Ce que nous avons dit à l’article du canard peut s’appliquer à l’oie lors de la ponte. Il faut la surveiller afin qu’elle n’aille pas déposer ses oeufs dans quelque lieu écarté et peu sûr. Comme il est en tout important d’avoir des primeurs qui toujours se vendent mieux et plus chèrement, on cherche à déterminer l’oie à pondre de bonne heure. Pour arriver à ce but on la met coucher dans un lieu chaud ; on lui donne du maïs, de l’orge, du sarrasin et surtout de l’avoine ; on lui abandonne de la paille courte pour construire son nid dans quelque petite retraite saine, obscure et éloignée du bruit. Là, dès qu’elle a fini sa ponte et qu’elle couve, on tient à sa portée un baquet d’eau, du grain, des pommes de terre cuites, des châtaignes bouillies, du son mêlé avec de l’avoine, suivant le prix de ces objets.

L’oie commence à pondre ordinairement en février, quelquefois dès la fin de janvier, si l’hiver est doux et la nourriture abondante : cette ponte est de dix à vingt oeufs ; généralement elle ne passe pas douze à quinze. Comme elle pond tous les deux jours, elle termine cette opération dans un mois. Elle peut couver dès les premiers jours de mars ; ces oeufs se vendent de 60 cent. à 1 fr. 50 cent. la douzaine, suivant les années, et selon qu’on les vend plus tôt ou plus tard. Les oies bien nourries pondent deux ou trois fois par an ; chaque ponte est alors de dix à douze oeufs.

On donne de douze à quinze oeufs à couver à chaque oie ; les plus petites n’en peuvent échauffer suffisamment que dix. L’incubation dure 27 à 30 jours, ce qui dépend de la chaleur de la saison et du local où le nid est situé. Ainsi on peut avoir des oisons dès la fin de mars. Pendant l’incubation il faut nourrir la couveuse avec de l’orge ; la meilleure serait celle qui serait crevée dans l’eau.

Lors de l’éclosion il faut veiller à ce que les premiers-nés soient, à mesure qu’ils sortent de leur coquille, retirés du nid, parce que pour eux la mère abandonnerait les derniers oeufs, qui quelquefois n’éclosent que deux ou trois jours après les premiers. Ces petits oisons sont placés dans un panier garni de laine et tenus chaudement jusqu’à ce qu’on les rende aux soins maternels, ce qui soit se faire aussitôt que tous les oeufs féconds sont éclos. On s’assure de la fécondité de chaque oeuf en l’examinant au grand jour pour juger de sa transparence ou de son opacité : ceux qui sont dans ce dernier état renferment un oiseau ; les autres sont clairs, c’est-à-dire stériles, et ne sont bons qu’à jeter. Quelquefois le tonnerre tue les petits dans les oeufs ; quelquefois aussi le petit vient à périr par le refroidissement, lorsque l’oeuf qui le contient ne se trouve pas bien placé sous sa mère. Au surplus, trois jours après que les premiers sont venus à terme, on ne risque rien d’écarter les oeufs qui restent.

La première éducation des oisons a beaucoup de rapport avec celle des canetons : éviter le froid, le grand soleil, le voisinage des bestiaux ; donner une nourriture composée d’orge moulu et mis en pâtée avec un quart de son et du lait, ajouter soit des orties tendres, soit de la millefeuille, soit du mélilot haché et demi-cuit, faire bouillir des croûtes de pain : voilà ce qu’on peut conseiller avec le plus de succès. Les oisons aiment à manger souvent, à se baigner, à courir sur l’herbe ; il faut veiller à ce que ces choses ne leur manquent pas : leur éducation en sera plus facile, et leur accroissement plus rapide. Les oisons de mars, lorsque le temps est froid, doivent être tenus sous des hangards ou dans des étables, où on leur procure un baquet d’eau qu’on renouvelle pour qu’elle ne se corrompe pas. Dès que l’oison a quinze à vingt jours, il sort sans inconvénient. Lors de la mue il faut tenir chaudement les oisons, leur donner de l’orge crevé dans l’eau de vaisselle, et même, pour les fortifier, leur faire avaler un peu de vin, de cidre ou de bière. Au bout de six à huit mois, suivant qu’il a été bien ou mal nourri, l’oison est bon à manger ; il pèse alors de trois à quatre kilogrammes (six à huit livres). Sa chair est tendre et savoureuse ; mais il n’est pas encore gras, et il est susceptible d’augmenter beaucoup de poids et de valeur. On peut donc le manger dès la fin d’auguste, en septembre et en octobre.

Si l’on veut engraisser les oisons, seul moyen de les rendre excellens et d’augmenter le produit qu’on doit se proposer d’en retirer, on les nourrit pendant un mois ou cinq semaines avec des grains bouillis et détrempés avec un peu de lait lorsqu’il n’est pas trop cher : ces grains sont l’orge, le maïs, le sarrasin ou l’avoine. Les déchets de pain, les pommes de terre, les châtaignes bouillies et réduites en pâtée qui ne soit pas liquide, sont très avantageux pour leur procurer un engraissement rapide. Il est bon de le terminer par de l’avoine non moulue et non cuite, qui donne à leur graisse plus de consistance et de saveur. L’oie sera d’autant mieux et d’autant plus promptement engraissée qu’elle mangera à discrétion toutes les trois heures, qu’elle fera moins d’exercice, qu’elle aura moins d’eau : il faut donc l’enfermer, la laisser sortir pour paître seulement trois heures par jour, la placer dans un lieu sombre, sain, tranquille et propre, et ne la laisser boire que peu et rarement : cet engraissement ajoute un tiers au poids de l’oiseau. Ainsi, dès le commencement d’octobre on peut avoir des oisons gras du poids de six kilogrammes (12 livres) ; et pendant les mois de novembre et de décembre, il n’est pas rare d’en trouver qui pèsent plus de huit kilogrammes (16 à 18 livres). On peut en manger tout l’hiver.

Dans les pays où les figues sont communes, on doit en mêler de sèches avec la pâtée que l’on fournit aux oies qui en deviennent plus délicates. On peut évaluer à 25 kilogrammes au plus (50 livres), la quantité de grain nécessaire à l’engraissement complet de l’oie, lorsqu’on n’a pas d’autre nourriture à lui fournir.

Quand l’oie est parvenue au terme désiré, on la tue en lui ouvrant le crâne sur sa largeur par un coup de serpe qui lui fait promptement perdre la vie avec son sang qui est bon à manger, surtout lorsqu’il est frit avec de l’ognon. On la laisse se faisander de deux à huit jours, selon la température de la saison. On la fait rôtir lentement et pendant trois ou quatre heures : on en retire ainsi, indépendamment de sa chair très-savoureuse, 1 à 2 kilogrammes (2 à 4 livres) d’une graisse fine et délicate qui, étant convenablement salée et épicée, peut se conserver toute l’année pour la cuisine.

On confit les oies et on en fait au loin des envois productifs. A ce moyen on peut en manger toute l’année et dans tous les pays. Pour cet effet on détache les quatre membres, c’est-à-dire les ailes et les cuisses, de manière qu’il ne reste que le squelette ; on découpe les autres chairs et les graisses : on met le tout au sel avec un peu de nitre pendant deux ou trois jours ; ensuite on fait, dans un chaudron propre, cuire, au moyen de la graisse, cette chair qui n’est parvenue à son véritable degré de cuisson que lorsqu’elle peut facilement se détacher des ossemens. Pour conserver ces pièces, on les place proprement et sans les briser dans des pots de grès pour l’usage, ou dans des barils de bois blanc et inodore pour le transport ; on verse dessus la graisse fondue, de manière qu’elle occupe tous les vides et couvre bien la totalité. Comme cette chair doit se conserver long-temps, et que sa saveur naturelle doit encore être rehaussée, il faut, en la faisant cuire, y joindre du sel et les ingrédiens d’usage, tel que le poivre, le clou de girofle, les feuilles de laurier, etc. Lorsque le tout est bien refroidi, il est prudent, surtout si l’on doit transporter au loin, d’ajouter une couche de graisse de porc mâle fondue mais non bouillante, et dont l’épaisseur soit d’environ un doigt ou deux.

Comme la cuisson est prolongée, on peut employer à cet usage les vieilles oies, pourvu toutefois qu’elles aient été bien engraissées.

Les membres du canard et du dindon peuvent être conservés et transportés en suivant les mêmes procédés.

J’ai remarqué que les oiseaux que l’on avait fait demi-rôtir avant de détacher leurs membres pour les cuire et les soumettre à l’apprêt que nous venons de décrire, avaient beaucoup plus de saveur et se conservaient tout aussi bien que les autres. A la vérité la préparation est plus coûteuse ; mais, comme le résultat en est plus avantageux, on ne doit point balancer à la préférer, surtout lorsque l’on désire se procurer de bonnes choses et que l’on a les moyens de faire pour cela quelques sacrifices.

L’oison de septembre se vend de 1 fr. 80 c. à 2 et 3 fr. ; celui d’octobre et de novembre, lorsqu’il est gras, peut valoir de 3 à 5 et 6 fr. Une belle oie grasse pesant 8 à 10 kilogrammes (16 à 20 livres) vaut souvent jusqu’à 12 fr.

Outre les produits que l’on retire de cet oiseau, soit en chair, soit en graisse, il donne encore au bout de 3 à 4 mois, c’est-à-dire en juillet, un duvet très-estimé pour les lits et les coussins : la quantité que l’on recueille de cette première moisson est d’environ 122 grammes (4 onces) ; la seconde moisson a lieu à la fin d’auguste et donne un poids égal. Ainsi on retire de chaque oison avant de le manger 250 grammes (une demi livre) de duvet qui peut valoir 4 à 7 fr. le kilogramme (2 à 3 f. 50 c. la livre). La plume tirée ou duvet fin va même jusqu’à 10 fr. le kilogramme (5 fr. la livre). On doit renfermer pendant 2 jours les oies qui viennent d’être plumées.

Les plumes à écrire ou bouts d’aile, sont encore une production précieuse de l’oie : elles valent le cent de 2 à 9 fr. suivant la qualité. On n’en doit arracher que quatre ou cinq à chaque aile. Il paraît certain que ce ne fut que dans le 5e siècle que l’on commença à substituer ces plumes aux roseaux qui jusqu’alors avaient servi pour l’écriture, et dont quelques peuples de l’Orient se servent encore. L’usage de la plume à écrire était devenu commun au 10e siècle et ne fit que s’accroître rapidement jusqu’à ce qu’il fût devenu tout-à-fait exclusif.

Il est une plante plus redoutable encore, pour l’oie et les autres volailles, que la cigüe, c’est la jusquiame ou hannebonne : cette plante les empoisonne en peu de temps. Il est donc prudent de l’extirper avec soin des lieux qui sont à la portée des oiseaux de basse-cour.

L’oie est sujette à quelques maladies, dont les plus dangereuses sont la diarrhée et le vertige. La première se guérit en mettant l’animal aux alimens secs, en lui faisant boire un peu de bon vin chaud et sucré, ou aromatisé d’un peu de cannelle ; on conseille aussi le vin dans lequel on a fait infuser des pelures de coing, des feuilles ou du bois de cassis (groseiller noir), du gland sec, ou un peu de thériaque gros comme une noisette. La seconde maladie provient de l’affluence du sang au cerveau, et jette l’animal dans un vertige qui le fait périr en peu d’instant : il faut pour remédier à cet accident lui tirer du sang avec la pointe d’un canif ou avec une forte aiguille d’une veine placée sous la peau qui sépare leurs ongles.

Le fumier de l’oie est très-chaud à cause de la grande quantité de sels que contiennent les excrémens des oiseaux et surtout de ceux dont la digestion est promptement élaborée et terminée.

L’oie doit être séparée des autres oiseaux de la basse-cour, excepté des canards avec lesquels elle vit en bonne intelligence.

Les jars pendant leurs amours, les oies lorsqu’elles ont des petits en sont pas faciles à approcher : ils peuvent blesser les enfans et sont quelquefois même redoutables aux hommes.

On préfère, pour avoir de bons produits, le jars de couleur blanche et la femelle de couleur grise, ou au moins panachée. Un mâle suffit à dix femelles.

Comme le foie des oies est très-délicat, on s’est attaché à en obtenir de volumineux en procurant à l’animal une sorte de cachexie hépatique. Pour parvenir à ce but, on place l’oiseau dans une boîte ou même dans un vase de terre cuite où il ne peut se retourner ; on l’établit dans un lieu obscur ; on le gorge sans cesse de nourriture. Il y a de ces foies qui pèsent jusqu’à un kilogramme (2 livres).

LOUIS DU BOIS.

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DES VINS.


La nature assigne à chaque plante le sol qui lui convient, et à chaque terrain la plante qu’il affectionne le plus. Ainsi l’on doit voir prospérer dans les vallées, les prairies ; dans les plaines, le blé ; les bois sur les montagnes, et la vigne sur les coteaux. Les terrains qui donnent le meilleur vin rouge sont, 1) la terre grouetteuse ; 2° la terre calcaire ; 3° la terre forte, grise, qui repose sur une couche de glaise verte : sur tous ces terrains le raisin mûrit de bonne heure, et n’y pourrit jamais. Quand depuis le 15 auguste jusqu’au 15 septembre le temps est beau et chaud, le raisin cuit sur les ceps, et le vin est très-bon.

Le premier mouvement de la sève, dans la vigne, arrive du 15 au 20 mars ; la floraison du 15 au 25 juin, et la maturité du raisin vers l’équinoxe d’automne. Ces trois époques causent ordinairement un changement dans la température, qui influe sur les liqueurs animales et végétales, et par conséquent sur le vin de nos caves. Quand le vin est vert, acerbe ou dur, on l’adoucit en mettant dans le tonneau deux ou trois poignées de plâtre en poudre, ou bien autant de blanc d’Espagne. Dans le Dauphiné, on y met de la cendre, de la craie ou de la chaux, pour rendre le vin plus tendre et plus potable. Il y a eu des années où la sécheresse de l’été et une maturité très-avancée rendaient le vin excellent huit jours avant les vendanges, puis tout à coup le temps se mettant au froid et à la pluie, le raisin se crevait, se pourrissait, et le vin n’était pas potable. Telles furent, pour les vins, les années 1787, 1789, 1792 et 1808.

Le commerce des vins de Bordeaux est depuis long-temps connu en Europe. Il est constaté, par les registres des douanes, qu’en 1130 il était sorti du port de cette ville 141 navires chargés de 13,400 tonneaux de vin. Chaque tonneau est de 800 pintes, ou de deux milliers (poids de marc). Froissard dit qu’en 1372 on vit entrer dans le même port une flotte composée de 200 navires qui venaient enlever les vins du pays. En 1791 on exporta de Bordeaux 325,000 tonneaux de vin.

La disette des blés détermina, en 1566, le roi Charles IX à défendre la plantation des vignes ; ce prince voulut qu’il n’y eût que le tiers de chaque canton qui fût occupé par les vignes. En 1583, Henri III modifia cette ordonnance. En 1731, Louis XV défendit de planter des vignes ; en 1736, cette ordonnance fut renouvelée. Ces défenses plongèrent dans la misère plusieurs cantons vignobles.

Les vins d’Espagne et d’Italie sont plus huileux que ceux de France, parce qu’ils sont plus cuits et qu’ils sont plus fermentés : cependant il se trouve en Italie des vins aussi mauvais que ceux de Surêne et d’Argenteuil. Henri IV  buvait des vins de Surêne et d’Argenteuil à son dessert ; il ne connaissait pas de vin au-dessus de celui d’Arbois. L’empereur Julien, qui a habité à Paris, a parlé avec éloge des vins qui croissent aux environs de cette ville. Dans le 13e siècle on vantait beaucoup les vins de Marli, de Melun, de Montmorenci, de Pierrefitte, de Mantes, etc. Il y avait dans le même temps des vins renommés en France, dont on ne parle plus : tels étaient ceux d’Issoudun, de Châteauroux, de Buzançois, de Montmorillon, etc. Ces faits consacrés par l’histoire nous indiquent une grande révolution opérée dans la culture de la vigne et dans la fabrication du vin. Depuis ce temps-là l’invention des bouteilles a offert un grand moyen de conserver les vins ; car sans les bouteilles point de vins mousseux. Les bouteilles étaient inconnues en France il y a 400 ans : on n’y connaissait pas davantage les vins grecs, ceux d’Espagne, d’Italie, du Roussillon, de l’Hermitage, etc.

Les vins de Languedoc et du Rhin donnent beaucoup de tartre ; plus le vin est gros, plus il en donne ; ceux d’Espagne n’en donnent point du tout. Les vins de Grave contiennent beaucoup d’esprit ardent ; ils ont besoin d’être éventés, foulés et refoulés à la fermentation. Les vins participent de la saveur des engrais : ceux qui viennent sur les cailloux sentent la pierre à fusil ; les vins de Saint-Perai et de Seyssuel ont l’odeur et la saveur de la violette ; ceux de Côte-Rotie sentent la pierre à fusil ; ceux de la Moselle sentent l’ardoise ; ceux d’Argenteuil sentent le souci, et ceux de Surêne les boues de Paris. Les vins de Tudéla et de la Pesalta sont les meilleurs vins d’Espagne ; ils sont meilleurs que ceux de Malaga, d’Alicante, de Rota, de Xérès et de la Frontera, qui sont néanmoins plus renommés, et dont le transport est plus dispendieux.

Les Romains en faisant leurs vins mettaient dans la cuve, après la fermentation, de la craie, du plâtre, du ciment, de la résine, du sel, de la myrrhe, de la fleur de sureau, des feuilles de pêcher et des plantes aromatiques, etc.

Nota. Le vin que l’on servait à la table de Henri IV n’était pas du vin de Surêne, mais de Suren, vin blanc d’Anjou, fort agréable.


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NOTICE

Sur les différentes méthodes de faire les vins, et
sur les changemens qu’on peut faire à leur pré-
paration relativement aux saisons.


C’est avec assez de raison qu’on craint que cette année, en général si tardive, mais pourtant remarquable par la très-grande abondance du raisin, ne le soit encore davantage par la médiocre qualité du vin. Tout semble s’être réuni pour cela : un hiver très-prolongé dans le printemps, un été sans chaleurs, enfin un automne froid, sans soleil, et excessivement pluvieux ; toutes ces vicissitudes et cette inclémence soutenue des trois saisons, nous laissent peu d’espérance sur la bonté de cette récolte. En 1742 la ci-devant Guienne fut affligée d’une récolte aussi abondante, et en même temps désastreuse, à cause du froid et des grandes pluies dans le temps des vendanges, enfin par la mauvaise qualité des vins qui résulta de toutes ces causes.

Peut-on remédier à ces maux ? peut-on corriger, à cet égard, la nature, et venir enfin au secours de ce qu’elle n’a pu faire ? Comment procurer au raisin une partie de ce degré de maturité qui lui manque, et développer dans son suc cette aptitude à fermenter que le froid et la température humide et soutenue lui refusent ?

Voyons d’abord quelles sont les mauvaises qualités qu’une saison pluvieuse, froide, fait contracter à la vendange ; et tâchons d’exposer les faits et de rendre nos idées avec clarté, avec cette simplicité que la vérité demande, et qu’exige l’intérêt des citoyens, pour qui l’on écrit.

Il est de fait que le raisin n’aura ni ne peut avoir, cette année, la maturité requise, faute de la chaleur qui fait les vins généreux. Les vins seront faibles, aqueux et acides, la partie muqueuse n’est pas assez élaborée, et sa première acidité y est encore, avec le caractère plus ou moins développé du verjus : au lieu que dans les excellentes années, lorsqu’une maturité précoce a pu recevoir toute l’influence de la chaleur des derniers mois de l’été, tout l’acide s’est combiné, et la partie muqueuse, douce et sucrée de son suc, dépouillée de son eau surabondante, a pu recevoir toute sa consistance et sa maturité. Aussi voit-on, dans ces heureuses années, le suc du raisin devenir gluant et visqueux au point que la main et les doigts des vendangeurs en sont désagréablement fatigués. Alors les vins fermentent sur-le-champ, au sortir du pressoir ou à l’entrée dans la cuve, ou, ce qui arrive surtout dans les climats très-chauds, le suc du raisin se trouve si nourri et si concentré, que la fermentation en est comme ralentie et se prolonge pendant le cours entier de l’année.

Voici d’abord ce qui se pratique dans les divers pays à vin : car le moyen de se bien faire entendre dans les choses de pratique, c’est de rassembler des faits ; c’est des faits bien énoncés que viennent tout naturellement les inductions salutaires ou utiles.

En Hongrie, dont la latitude s’étend depuis le 45e jusqu’au 49e degré, on a, comme en d’autres endroits, des méthodes différentes de faire le vin.

Par exemple, le vin de tête à Tokai se fait avec une espèce de raisin qui arrive à sa maturité vers le commencement du mois d’auguste ; on y fait un choix de celui qui est le plus mûr. J’ai aussi vu pratiquer ce triage pour les vins doux des deux Chalosses au département des Landes, et dans le département de la Dordogne, aux environs de Bergerac. Ce premier triage porte, comme on le voit, sur le raisin le plus mûr et déjà à demi cuit : mais ceci n’arrive que dans les cas où la floraison de la vigne s’est faite irrégulièrement dans le printemps, ou qu’en automne les froids et les pluies ont fort retardé la maturité.

A Tokai, le raisin qui reste sur pied de ce premier triage, est récolté quelques jours après, et fait un vin très-bon, mais pourtant inférieur en qualité au premier. A Tokai et dans toute cette partie du comté de Zemplin, sur les coteaux qui bordent Theysse, on suit souvent une méthode particulière ; c’est de prendre toute cette seconde récolte sans choix, et de mettre dans les tonneaux, avec le moût lorsqu’il est en pleine fermentation, une portion de raisins secs, qui étant bientôt pénétrés par cette liqueur en mouvement, enrichit de sa substance douce et sucrée la liqueur vineuse, que l’inclémence de la saison laisserait appauvrir : dans ce cas, on expose même les raisins, ou du moins une partie des raisins, à mesure qu’on les cueille, dans une étuve où la chaleur un peu forte fait partir l’excès d’humidité, flétrit le grain, concentre le suc, et l’élabore jusqu’à un certain point.

En 1741, je me rappelle que l’année fut excellente dans les ci-devant provinces méridionales de la France, et les vins très-généreux ; cependant on ne vendangea dans le Béarn, et en particulier à Jurançon, qu’en novembre : les premières gelées y avaient déjà passé ; toute la feuille de la vigne était tombée ; le bois était parfaitement mûr, et le pédicule de la grappe tellement sec, que, ne pouvant plus fournir de sève, le raisin, qui n’en transpirait pas moins, était flétri, et comme déjà à demi cuit.

Dans la ci-devant Champagne, le triage se fait et se répète jusqu’à trois fois : deux motifs ont établi cette pratique ; l’un est de faire, en triant le raisin le meilleur et le plus mûr, une tête de vin ; le second motif est de distinguer et de séparer les différens degrés de maturité.

Nous avons depuis quelques années, dans les départemens du Rhin, un vin presque factice, connu sous le nom de vin de paille. On le fait dans les bonnes années ; on cueille pour cela le raisin dans sa parfaite maturité ; on choisit le plus beau, le mieux conservé ; on l’étale dans des chambres sèches et fraîches, sur de la paille (et c’est de là que lui est venu son nom) ; on le visite souvent pour en séparer, avec soin, jusqu’au moindre grain qui s’altère ; enfin on le soumet à la presse vers le 1er mars. Le moût ne tarde pas à fermenter, et fait, non plus un vin du pays, mais un vin de liqueur d’une excellente qualité. Ce qui doit paraître d’abord extraordinaire dans un département presque au nord de la France, cesse de l’être lorsqu’on fait attention aux soins qu’on se donne pour conserver le raisin, à ceux qu’on prend pour séparer tout ce qui pourrait l’altérer, enfin à la perte de l’humidité qu’il éprouve pendant les six mois d’hiver, et à la concentration que lui procure le grand air auquel il est exposé.

On use en Espagne, dit-on, de méthodes semblables, lorsque les saisons se comportent mal et qu’on a lieu de craindre que la récolte ne soit pas d’une assez bonne qualité.

Dans certains endroits, on soumet la vendange à l’action du soleil après que le raisin est coupé ; dans d’autres on l’étale pendant quelques jours dans des greniers : il y en a, dit-on, où l’on absorbe le trop d’humidité, à l’aide d’un peu de plâtre écrasé qu’on introduit dans le suc lorsqu’il est exprimé.

C’est ainsi que Kempfer nous apprend que les pressoirs en Perse sont revêtus de plâtre, et en particulier à Sjiras, d’où vient le meilleur vin de ce pays. On voit clairement que ce plâtre doit nécessairement absorber une partie de l’eau, et concentrer d’autant la partie du suc propre à la fermentation.

La chaleur et le soleil sont donc les grands promoteurs de la maturité, de l’élaboration du suc du raisin et par conséquent de la perfection de la fermentation, comme la température froide et soutenue l’empêche, la suspend ou la détruit. En 1742, je l’ai déjà dit, la saison des vendanges et même la fin de l’été furent si pluvieuses et si froides à Bordeaux, que pour exciter la fermentation, on fut obligé de couvrir les cuves de planches et de couvertures de laines, et même de promener des brasiers au-dessous ; encore eut-elle bien de la peine à se faire, et elle ne se fit qu’imparfaitement.

Tous ces faits réunis, et bien d’autres sans doute qu’on pourrait y ajouter, nous amènent tout naturellement à deux considérations ; l’une, que dans les années froides et pluvieuses les fruits conservent trop d’eau, et que leur acidité première n’y est tout au plus qu’à demi changée, ce qui fait que le suc fermentatif n’est pas, à beaucoup près, suffisamment élaboré ; l’autre, que dans les bonnes années au contraire, lorsqu’une température régulière et les chaleurs soutenues ont de bonne heure travaillé les fruits, l’eau n’y domine plus, les principes deviennent plus actifs et se combinent dans chaque espèce selon que le comporte sa nature, d’où résultent des sucs nourris, consistans, épais, visqueux, doux et sucrés ; en un mot, cet état qui constitue la maturité parfaite.

Les faits que nous avons rapportés nous indiquent déjà une partie des moyens qu’on peut employer pour corriger le vice d’une température irrégulière et mauvaise : il s’agit de dissiper ou d’absorber cet excès d’humidité ; il s’agit d’amortir et d’enchaîner en partie le trop d’acide qui domine, et de rapprocher et concentrer le suc véritablement propre à fermenter, lorsqu’il est noyé et trop étendu ; et c’est ce qui s’exécute par tous les moyens qu’on a rapportés. Maupin dans son ouvrage les a déjà indiqués. Enfin il s’agit d’enrichir le suc du raisin par une addition de cette matière douce et sucrée qui lui manque, et qui seule peut fermenter et faire du vin : ce moyen est encore dans la puissance de l’art, non de l’art de cette espèce d’hommes fourbes, avares et affronteurs dont l’état est de mentir et de tromper, comme leur but unique est de s’enrichir ; mais bien de cet art utile que peut exercer celui qui, déjà nourri d’une théorie réfléchie et lumineuse, se trouve encore fortifié par une expérience que d’heureux résultats ont confirmée.

Maupin publia, en 1772, un petit ouvrage dont le titre est : Expérience sur la bonification de tous les vins. Cet ouvrage est de pratique, et peut passer dans les mains de tout le monde, et du peuple surtout ; il est écrit pour lui. L’auteur y propose des moyens propres à être mis en usage avec fruit, surtout dans des circonstances comme celles de cette année.

J’ai vu deux vins de cerises faits à des époques différentes ; l’un par le grand Rouelle : c’était le résultat d’un mélange de merises, de cerises et de sucre, fait depuis quarante ans. Ce vin était d’abord fort en couleur et très-acerbe ; mais avec le temps cette saveur s’adoucit et disparut à mesure que la partie colorante s’en précipita : il devint un vin excellent, qu’on aurait comparé aux bons vins de Roussillon, si le parfum de la merise ne l’en eût fait distinguer.

Le second fut fait à peu près de même en 1768, par Rouelle le cadet : les dernières bouteilles ont également déposé une bonne partie de leur principe colorant, et ce qui en reste aujourd’hui est encore de bon vin ; il conserve en entier le parfum de la merise, qui en fait la base, malgré la longue inondation des caves où il a été enseveli long-temps sans être goudronné.

Les Rouelle avaient encore fait un vin d’abricots : celui-ci avait été composé quelques années avant leur second vin de cerises, dont je viens de parler ; il était devenu un excellent vin de liqueur, et doué particulièrement de tout le parfum de ce fruit : il y a tout au plus un an qu’il n’en existe plus.

Ces trois exemples suffisent pour prouver sans réplique que tout fruit qui contient un corps sucré et doux, même lorsqu’il est enveloppé d’un principe acerbe et austère, peut être amené, par le secours de l’art, à l’état de fermentation vineuse ; et ce vin sera potable lorsqu’il se sera épuré après un espace de temps indéterminé. On sait que le savant Baumé a fait, pendant bien des années, du vin potable avec le fruit acide de la groseille parvenue à sa maturité. J’ai vu le fruit du sorbier des oiseaux passer, dans sa maturité, de la fermentation vineuse à la fermentation acide ou au vinaigre, malgré le principe acerbe qui y domine.

Mais voici des faits plus déterminés et plus analogues à la circonstance.

Tout le monde connaît les vins des environs de Paris, dont la mauvaise qualité est bien moins un vice de la nature, qu’une erreur de l’intérêt et de la cupidité ; c’est à la surabondance de fumier que ce vin doit principalement son mauvais goût, sa verdeur, et le peu de temps qu’il peut se conserver.

Il y a dix ans révolus que je pris d’un des principaux employés à la manufacture de Sèvres une certaine quantité de moût, avant qu’il n’entrât dans la cuve, et au sortir du pressoir ; j’en remplis d’abord une pièce neuve d’environ 1 hectolitre (150 pintes), et la valeur en sus d’une dame-jeanne de la contenance d’environ 30 litres.

Je fis ensuite retirer du tonneau une même quantité d’environ 30 litres ou pintes de ce moût non fermenté ; je le mis dans un chaudron sur le feu, et le portai à l’ébullition légère, afin, d’un côté, de l’évaporer et de le concentrer ; de l’autre, pour adoucir sa verdeur et son acidité. L’année fut assez chaude, et le vin généralement de moyenne qualité. On fit fondre dans ce moût environ deux kilogrammes (4 livres) de sucre, et l’on y mit un demi-kilogramme (1 livre) de raisins secs de carême, que j’eus soin d’ouvrir et de déchirer. Après une légère ébullition et l’évaporation d’un demi-quart de la liqueur, on la laissa un peu refroidir, et on jeta le tout dans le tonneau.

D’un autre côté, les 30 litres ou pintes de réserve dans la dame-Jeanne furent préparées de même : ce vin était destiné pour remplir la pièce à mesure qu’il s’en consommerait par la lie et par l’évaporation.

J’ajoutai de plus en même temps à ce moût, au moment où le tonneau fut rempli, un bouquet de petite absinthe, espérant que le principe amer et aromatique de cette plante deviendrait pour le vin un principe conservateur.

La fermentation ne tarda pas à s’établir ; elle se fit bien ; lorsqu’elle fut modérée et que la liqueur eut bien pris le caractère de vin, je bouchai le tonneau : du reste il fut rempli du même vin, et gouverné à l’ordinaire : on le soutira au printemps, et il le fut un an après, avant d’être mis en bouteilles.

Dès-lors ce vin fut trouvé bon, et il avait si peu de rapports avec le vin semblable du propriétaire, que ce particulier ne voulait pas le reconnaître. Cependant le bouquet d’absinthe dominait, et sa saveur s’y fait encore un peu trop sentir.

Du reste, ce vin existe après dix ans révolus ; il est clair encore, quoiqu’il commence à faiblir.

En faisant ce vin, j’ai voulu remplir deux objets ; l’un d’enrichir, avec du sucre et des raisins secs, la vendange de Sèvres, naturellement pauvre, de cette substance douce et sucrée qui fait le vin.

J’en ai fait bouillir une partie, afin d’amortir et corriger l’excès d’acide, afin d’en séparer l’humidité qui y était en excès, et de concentrer d’autant la totalité. Enfin on doit sentir que de verser la chaudronnée chaude dans le tonneau, n’a pu que bien faire, en échauffant le tout ensemble, et en y développant plus promptement le mouvement fermentatif. Le bouquet d’absinthe a pu servir à ajouter quelque chose au principe conservateur de ce vin.

C’est d’après ces principes qu’un de mes disciples a travaillé, vers 1792, dans la ci-devant Bourgogne, du vin blanc et du vin rouge, dont la qualité s’est trouvée supérieure à celui de la même récolte et du même vignoble fait à l’ordinaire.

Enfin un particulier dont le nom est recommandable parmi nos premiers fondateurs de l’agriculture (1), a préparé à deux myriamètres de Paris, d’après mon procédé, une partie de son vin de l’année dernière : ce vin se trouve plein, bien nourri, et fort supérieur à celui qui n’a pas reçu la même préparation. Au reste, dans ces deux derniers cas il n’est point entré d’absinthe dans la préparation.

On peut faire ces additions pendant tout le temps que le vin nouveau sera en pleine fermentation, mais au-delà on ne ferait que du vin sucré, et ce ne serait jamais qu’à une reprise de ce mouvement fermentatif, que le sucre qu’on y mettrait pourrait utilement se décomposer. J’observerai encore que le sucre commun sera préférable, toutes choses égales, au sucre plus raffiné : le beau sucre de première qualité ne fermente pas ; tandis que les sucres bruts, les cassonades et les gros sirops sont des principes très-énergiques de fermentation.
                           
M. DARCET.

(1) Un descendant d’Olivier de Serres.

Préparation du sirop de miel.

    Miel………………………………    50 kilogrammes.
    Charbon lavé…………………....         5 kilogrammes.
    Eau……………………………….      8 litres.
    Blancs d’oeufs…………………...        5
    Craie……………………………..     1 kilogramme.

On bat les blancs d’oeufs avec l’eau, on ajoute le miel, le charbon et la craie ; on met le tout dans une bassine qui laisse un tiers de vide, on porte promptement à l’ébullition ; lorsque la liqueur, en bouillant, remplit la bassine, on retire celle-ci du feu et on laisse reposer jusqu’à ce que la liqueur reprenne la place qu’elle occupait avant de bouillir ; on répète trois fois cette opération ; à la troisième on laisse reposer pendant deux heures. Une partie du charbon se rassemble à la surface du liquide, d’où on l’enlève facilement avec une écumoire ; on porte de nouveau à l’ébullition, et on verse promptement sur une chausse de laine claire, en ayant soin de repasser les premières portions de liqueur. Lorsque le sirop est passé, on jette sur la chausse le charbon qu’on a enlevé avec l’écumoire ; on ajoute, au bout de quelque temps, un peu d’eau pour enlever les dernières portions de miel qui adhèrent au charbon ; on met ce dernier à la presse ; on réunit ces deux dernières liqueurs qui sont employées, au lieu d’eau, dans une nouvelle opération.

Procédé pour faire le vrai kirsch-wasser.

Prenez telle quantité qu’il vous plaira de cerises des bois, noires, vineuses, teignant fortement les doigts, nommées merises, lorsqu’elles seront au point d’une parfaite maturité. Otez-en les queues et mettez-les dans un vase quelconque, où elles seront écrasées et bien réduites en pâte. N’écrasez pas tous les noyaux, mais seulement un tiers ou la moitié tout au plus. Les merises ainsi préparées, jetez le tout ensemble dans un tonneau, pour les laisser fermenter pendant six ou sept jours. Si c’est dans un grand vase couvert, couvrez-le bien, afin que la liqueur ne s’évente pas. Lorsque la fermentation est achevée, prenez une quantité de ces merises et de leur suc que vous rejetez dans un alambic garni de toutes ses pièces. Ayez attention de ne pas le remplir, et de laisser un demi pied de vide. Vous verserez pour la première fois sur les merises dans l’alambic une pinte ou une pinte et demie d’eau de merises distillée, et mêlerez le tout exactement.

Si on repasse par une seconde distillation la liqueur qu’on obtiendra dans la première, cette addition est inutile ; le kirsch-wasser en sera plus fort.

Commencez par donner un feu doux, modéré et par degrés, et ayez soin de remuer de temps en temps toute la masse avec un bâton, afin que le marc ne s’attache point au fond. Lorsque la masse annonce les premiers bouillonnemens, couvrez la chaudière de l’alambic de son chapiteau, armez-le de son serpentin, de son réfrigérant, et ayez grand soin que son eau soit fraîche et jamais chaude ; renouvelez-la lorsqu’elle commencera à s’échauffer. La plus grande attention à avoir est de ne pas presser le feu. Si la distillation coule trop vite ou trop fort, c’est marque qu’il y a trop de feu, et la liqueur sentira l’empireume : elle doit couler goutte à goutte. Tant que la liqueur sera claire comme l’eau de roche, ce sera une preuve que la distillation de la bonne liqueur n’est pas à sa fin ; mais dès qu’elle paraitra louche, changez aussitôt de récipient et recevez dans un autre ce qui continuera de distiller. Prenez garde cependant que cette liqueur louche ne contracte le goût de feu ou de brûlé qui ne se perd jamais. Conservez cette eau louche pour une seconde distillation, et vous distillerez jusqu’à ce que vous n’ayez plus de fruit fermenté.

Celui qui désirera la perfection du kirsch-wasser fera très-bien de distiller au bain-marie ; la liqueur n’aura jamais aucun mauvais goût, et on ne craindra pas de brûler l’alambic, ni de gâter la liqueur en poussant le feu.

Cerises à l’eau-de-vie.

On se borne communément à laisser infuser au soleil la cerise dans l’eau-de-vie, à laquelle on ajoute du sucre et quelques aromates.

Or, tout fruit, cerise, prune, pêche, abricot, mis ainsi dans l’eau-de-vie, sans être au préalable confit et pénétré de sucre, lui abandonne son eau pour s’emparer de son esprit. Ce fruit alors n’est plus qu’une sorte d’éponge rendue coriace par la partie spiritueuse dont il est pénétré, tandis que la liqueur dans laquelle nage le fruit n’a plus que la force du vin, et fait une liqueur plate. Aussi les dames font-elles peu de fête aux cerises à l’eau-de-vie. La recette que voici conviendra mieux à la délicatesse de leur palais.

Prenez des cerises précoces à leur point de maturité, ôtez-en la queue, écrasez-les à la main, concassez-en le noyau ; mettez-les dans une poêle à confiture avec le sucre ; faites bouillir jusqu’à la réduction d’un tiers ; versez cette compote toute bouillante dans l’eau-de-vie, à laquelle vous ajouterez votre aromate, et laissez infuser au soleil : lorsque la saison des framboises sera venue, vous en ajouterez, si vous le jugez à propos, à votre infusion.

La cerise à confire, la Montmorenci, le gobet à courte queue, mûrit la dernière de toutes, et à un mois d’intervalle de la cerise précoce. Alors vous passerez, exprimerez et filtrerez l’infusion. Ce sera déjà un excellent ratafia de cerises et de framboises, et c’est dans ce ratafia que vous mettrez vos cerises.

Votre fruit n’échangera plus son eau contre de l’eau-de-vie pure, mais bien avec une liqueur ayant déjà la saveur, l’odeur de la cerise et l’aromate qu’on y aura joint. La cerise conservera son volume et sa couleur ; elle sera très-agréable à manger, et plus facile à digérer que ne l’est celle imbibée d’eau-de-vie. Voici les proportions : Prenez cerises hâtives, 5 livres ; framboises, 1 livre ; sucre, 3 livres ; eau-de-vie, bonne, 6 pintes ; oeillet à ratafia épluché, 6 onces. On peut substituer à l’oeillet, clous de girofle, 6, ou canelle, demi-gros, ou enfin vanille, 2 gros. Le choix de l’aromate dépend du goût qu’on préfère. On pulvérisera ces substances ; un demi-gros de canelle pulvérisée fait plus d’effet dans une infusion que deux gros laissés en entier.

De la gelée de groseilles d’après M. Cadet de Vaux.

La gelée de groseilles appartient à la table comme aliment agréable, et à la médecine comme remède : sous ce double rapport il faut la bien préparer, et c’est la chimie qui doit présider à cette branche de l’économie domestique et médicale.

Voici la vraie manière de la préparer.

Prenez groseilles rouges (1) avant leur point de maturité parfaite (2) dix livres, sucre dix livres. Epluchez la groseille et concassez le sucre, mettez l’un et l’autre dans la poêle à confiture écurée (3), sur un feu clair et vif.

Faites prendre un bouillon couvert ; c’est-à-dire attendez que le bouillon qui commence à se former sur les bords s’étende et couvre toute la surface de la poêle.

Retirez alors la poêle du feu, et coulez sur un tamis de crin ; laissez égoutter sans exprimer, et versez dans vos pots : sans autre clarification que le parenchyme de la groseille qui enveloppe les légères impuretés du sucre, on a la gelée la plus transparente.

Si on veut parfumer sa gelée avec l’odeur de framboise, on étend sur le tamis une livre de framboises épluchées, et on verse dessus la confiture toute bouillante.

Si on veut avoir un goût plus prononcé de framboise, on en mettra deux livres ; mais alors on diminuerait de cette seconde livre de plus la quantité de groseilles, pour ne pas trop s’écarter de la proportion des parties égales de sucre et de fruits.

On peut exprimer le marc sur un autre vase ; cette portion de gelée, tout aussi bonne au goût, a de l’opacité, et altérerait, si on ne la mettait pas à part, la transparence de la totalité ; ou bien on lave le marc dans l’eau pour en faire de l’eau de groseilles.

Cette gelée a la couleur du rubis ; elle en a la transparence ; on y retrouve toute la saveur et toute l’odeur de la groseille ; elle est beaucoup plus salutaire pour la convalescence et pour l’enfance, parce que le fruit a perdu le moins possible, et qu’il n’a subi l’action du feu que le temps suffisant pour en extraire et en combiner les principes : elle se conserve pendant plusieurs années ; enfin elle est plus facile à faire, et peut-être plus économique que par tout autre procédé.

Elle se dissout facilement et complètement dans l’eau, propriété que n’a pas la gelée cuite et recuite, en sorte qu’elle est un véritable sirop de groseilles infiniment plus agréable et plus salutaire que ne l’est cette espèce de sirop qu’on n’obtient dans l’état de liquidité qu’en faisant subir au suc de la groseille un commencement de fermentation qui en altère la saveur, le goût et le principe acide ; cette gelée, étendue dans une suffisante quantité d’eau, peut à toutes les époques de l’année faire un excellent sorbet à glacer.

Quant aux confitures épépinées de Bar, qui sont fort bonnes, mais fort chères, on les fait également bonnes partout. La proportion du fruit et du sucre est la même ; on épépine ou on achète la groseille épépinée ; on clarifie, on cuit son sucre à la plume, et on y jette sa groseille ; au bout de cinq minutes on retire la poêle du feu, et on verse dans les pots de verre, tels que ceux où elles nous viennent de Bar-sur-Ornain.

On fera de la même manière la confiture d’épine-vinette.

Quelques personnes vantent la gelée de groseilles à froid : pour la faire, on prend poids égal de suc de groseilles et de sucre pulvérisé : on agite avec une cuiller jusqu’à ce que le sucre soit fondu, on verse dans des pots, et sous peu de jours le mélange prend une consistance de gelée.

Mais cette gelée est moins agréable que celles dont on vient de donner la recette ; elle a une acidité trop marquée, elle n’a pas le parfum de la groseille, parfum qui réside dans la pellicule, et ici il n’y a que le suc exprimé.

(1) La groseille blanche a beaucoup moins de parfum que la rouge, et offre une confiture moins belle à l’oeil.
(2) La groseille, à son point de maturité parfaite, perd son arome, et surtout de son acidité.
(3) Une poêle écurée de quelques jours donne un goût insupportable de cuivre à ce qu’on y prépare ; d’ailleurs cette altération de la surface du cuivre peut devenir dangereuse, tandis qu’il n’y a aucun inconvénient à employer ce métal, pourvu qu’on n’y laisse point séjourner la substance qu’on a préparée.

Autre recette.

Prenez des groseilles qui soient à un juste point de maturité, cueillies après le soleil levé et lorsque la rosée est absolument tombée ; employez-les la même journée ou le lendemain au plus tard qu’on les aura cueillies ; égrenez-les dans un endroit exposé à la fraîcheur, avec une fourchette d’argent, car il faut avoir la précaution de ne toucher à ce fruit que le moins qu’on le peut. Les groseilles égrenées, ajoutez-y la quantité de framboises que vous désirerez : mettez ces fruits dans une balance, et prenez poids égal de sucre rapé ou mis en poudre dans un mortier de marbre ou de bois, non de métal ; servez-vous d’un pilon de bois ; vous observerez de passer le sucre à travers un tamis de crin, afin de l’obtenir également pulvérisé, et qu’il n’y reste point de morceaux que leur grosseur rende plus difficiles à fondre.

Les groseilles et les framboises épluchées, mettez-les dans un mortier de marbre, de bois, ou même dans une terrine ; écrasez-les légèrement avec un pilon de bois ; prenez ensuite une serviette de toile neuve et claire, qu’on aura eu soin de passer dans plusieurs eaux propres pour lui ôter absolument le goût de lessive. Mettez par partie les groseilles dans cette serviette ; exprimez-les fortement en serrant les deux extrémités avec des bâtons, et facilitant la sortie du suc avec une grande cuiller d’argent ou de bois, non avec la main ; ayez un tamis posé sur une terrine pour recevoir le suc, afin qu’il soit bien clarifié. Le suc de la groseille bien exprimé, mêlez-y le sucre en poudre, et remuez le tout avec une cuiller l’espace de dix à douze minutes, c’est-à-dire jusqu’à ce que le sucre soit dissous. Alors mettez ce mélange dans des pots. Au bout de quelques heures il aura pris la consistance de gelée. Couvrez la confiture d’un rond de papier trempé de bonne eau-de-vie. Recouvrez les pots, ficelez-les et les serrez dans une armoire située dans un endroit plus chaud que froid. Quinze jours ou trois semaines après, renouvelez les papiers, et réitérez cette même opération trois à quatre fois, afin d’enlever toute la partie aqueuse contenue dans la gelée de groseilles.

On observera qu’il ne faut employer que de petits pots. Lorsqu’ils sont entamés et gardés plusieurs jours, la gelée perd un peu de consistance. Ainsi préparée, cette confiture est transparente et d’une belle couleur ; elle a tout le parfum du fruit ; l’année même révolue, elle ne diffère en rien de la groseille que l’on cueille. Dissoute dans l’eau, on en fait d’excellentes liqueurs fraîches ; en y ajoutant un peu de sucre, elle produit une boisson fort agréable en été et salutaire en cas de maladie. On l’emploie également pour les glaces ; et, si l’on veut jouir d’un coup d’oeil agréable dans les desserts, on en sert dans des pots de verre blanc.

Autre procédé.

Prenez groseilles épluchées, 7 livres ; framboises, 1 livre ; sucre, 4 livres ; mettez la groseille dans la poêle, à un feu vif ; quand elle aura pris un bouillon couvert, le grain sera crevé ; retirez-la et la versez sur un tamis de crin clair. On n’exprimera point le marc ; il pèse deux livres et demie. Remettez la liqueur passée dans la confiture toute bouillante sur le tamis de crin qu’on aura lavé, et sur lequel on étendra une livre de framboises épluchées. Vous aurez au poids 8 livres de confitures. La framboise qui reste sur le tamis fera un pot de confitures excellentes de framboises d’environ une livre.

Eau de Groseilles.

Egrappez et pressez dans un vase, pour extraire leur jus, des groseilles rouges à grappe, à l’époque de leur première maturité. Passez ce jus à travers un linge neuf, et versez-le dans des bouteilles de verre, en y laissant vide un espace de deux pouces. Placez vos bouteilles dans un chaudron plein d’eau froide, que vous mettrez sur un feu clair jusqu’à ce qu’il ait jeté un premier bouillon. Alors vous retirez et mettez refroidir vos bouteilles. Dès qu’elles sont bien froides, vous versez sur le jus de groseilles un doigt au moins de bonne huile d’olives ; puis vous bouchez et ficelez ou goudronnez vos bouteilles, que vous conservez à la cave pour le besoin.

Cette opération doit être faite en peu d’heures, afin que la liqueur n’entre pas en fermentation. Ce jus, conservé même plusieurs années, est toujours aussi agréable que le jour même où il a été extrait de la grappe. Pour s’en servir, il faut mettre un peu de sucre et verser à volonté de l’eau froide. A ce moyen, pour la santé ou pour l’agrément, on est sûr d’avoir une limonade rafraîchissante, exquise et très-salutaire, préférable sous tous les rapports aux sucs végétaux cuits et sucrés d’avance. On peut par le même procédé conserver le jus du citron, de l’orange, des tomates, etc., etc.

Eau de Roses, de Lavande, etc., obtenue sans alambic.

Sur un vase creux de terre vernissée, posez un linge fin, et fixez-le autour des bords extérieurs avec un cordon, en sorte néanmoins que ce linge tombe dans le vase jusqu’à la moitié de sa profondeur, en forme de poche.

Emplissez cette poche de feuilles de roses rouges ou blanches, nouvellement épanouies et cueillies, et qui ne soient ni chargées de rosée ni humides ; placez après une feuille de papier sur ces feuilles.

Faites chauffer ensuite le cul d’une assiette de terre assez large pour couvrir tout le vase, et posez-la sur ce vase contenant les roses à distiller. Remplissez cette assiette de cendres rouges et même de petits charbons ardens, pour qu’elle communique une chaleur douce aux roses effeuillées qui sont dessous. L’effet de cette chaleur intérieure distraira et détachera les parties odorantes et humides des roses ; elles passeront à travers le linge où elles posent, et tomberont dans le vase destiné à les recueillir.

Lorsque ces feuilles auront ainsi rendu toute leur eau parfumée, vous placerez cette eau dans une bouteille, que vous boucherez avec soin ; vous jeterez les feuilles qui sont dans la poche et les remplacerez par de nouvelles feuilles de roses, et vous renouvellerez, s’il est besoin, les cendres chaudes et les charbons ardens placés dans l’assiette qui les couvre, afin de continuer la distillation.

On peut distiller par le même procédé la lavande, le romarin, l’oeillet, le jasmin et toutes les autres plantes parfumées.

Il faut boucher avec soin les bouteilles où sont ces eaux d’odeur ; et si on s’aperçoit qu’elles aient déposé un limon, on les transvasera doucement et par inclinaison dans d’autres bouteilles.

Composition du Cirage à frotter.

    Noir d’ivoire            6 onces.
    Mélasse                   6
    Bleu indigo ou de Prusse  en poudre        172
    Vitriol liquide.          1
    Jus de 6 citrons.
    Sucre candi.            1

Mêlez le tout ensemble et y ajoutez 3 ou 4 cuillerées d’huile d’olive.

Pour s’en servir on délaie cette pâte avec du vinaigre ou du vin blanc ; on l’étend avec une brosse douce, et on frotte avec une autre pour donner le luisant.

Autre composition.

    Noir d’ivoire            3 onces.
    Miel                         2
    Vitriol                      1
    Sucre candi             1
    Jus de deux citrons.
    Gomme arabique     1

Battre et mêler les objets ci-dessus dans un plat de terre, au moyen d’une cuiller de bois, après avoir mis en poudre fine le noir d’ivoire, le vitriol, le sucre candi, et la gomme arabique. Le tout sera délayé dans une bouteille de bon vinaigre mis peu à peu dans le mélange. Laisser reposer quinze jours dans une bouteille bouchée que l’on agite deux fois par jour.

Vins et teintures de santé.

Vin d’absynthe. Faire infuser 24 heures dans un litre de vin blanc, 2 gros d’absynthe sèche.

Vin de quinquina. Faire infuser trois jours dans un litre de vin rouge une demi-once de quinquina gris concassé.

Teinture d’absynthe. Faire infuser dans un litre d’eau-de-vie à 20 d. pendant 24 heures 2 onces d’absynthe sèche.

Teinture de quinquina. Faire infuser, idem, pendant trois jours, 2 onces de quinquina gris concassé.

Avec ces teintures on fait du vin d’absynthe et du vin de quinquina.

Vin d’absynthe. Une demi-once de teinture d’absynthe sur un litre de vin blanc.

Vin de quinquina. Une once de teinture de quinquina sur un litre de vin rouge.

Il ne faut mêler les teintures aux vins qu’au moment de l’usage.

Vin des quatre fruits (de la composition de M. Gastinel, pharmacien à Dijon).

    Groseilles rouges                           50 kil.
    Groseilles blanches                        10
    Merises noires (queues et noyaux) 15
    Framboises                                    10
    Cassis                                            3
    Genièvre sec                                   1
    Citrons coupés par tranches            2 ou 4
    Eau-de-vie de Languedoc               2 litres.

On met plus ou moins de citrons suivant les goûts. Il faut laisser fermenter le tout de 15 jours à un mois suivant la température, dans un tonneau rempli d’eau, que pendant la première semaine on agite tous les jours avec un bâton.

A mesure que l’on use de cette boisson, on remplace par de l’eau jusqu’à ce qu’il ne sorte plus du tonneau qu’une liqueur fade et décolorée.

Recette éprouvée pour empoisonner les loups.

Il faut se pourvoir d’un chien de moyenne taille. Vous ferez périr ce chien en l’empoisonnant avec trois décagrammes (une once) de noix vomique, mêlée avec du crin haché que vous envelopperez de graisse ou de beurre, ou que vous mettrez dans une omelette. On a fait préalablement jeûner le chien, pour qu’il dévore sans répugnance le mets perfide. Prenez ensuite quatre hectogrammes (trois quarterons) de noix vomique, que vous aurez soin de faire râper sous vos yeux, car il faut se méfier de celle qu’on vend en poudre, qui est ordinairement séchée au four et pilée, ce qui lui ôte toute sa vertu ; vous ramasserez six ou huit ognons de colchique, vulgairement appelés vache, veillerotte ou tulipe sauvage, plante qui se trouve très-communément dans les prés froids et humides. Ajoutez une poignée de crin haché de la longueur de deux millimètres (une ligne), et autant de verre pilé. On pile les ognons de colchique, qui se réduisent promptement en lait ; vous y ajouterez la noix vomique, le crin et le verre. Faites de profondes incisions au chien dans les parties les plus charnues, insérez-y le mélange, et sur-tout dans la poitrine et les entrailles ; faites coudre les plaies pour les fermer. Déposez le chien dans un fumier chaud, jusqu’à ce qu’il commence à avoir de l’odeur, et que son poil se détache facilement. Retirez le chien, et, après l’avoir fait traîner dans les endroits fréquentés par les loups, placez-le à la distance d’environ un demi-kilomètre (un demi-quart de lieue) du bois, et à la portée de fontaines ou ruisseaux où ces animaux viennent chercher de l’eau par les fortes gelées ou la neige. Lorsque le loup a mangé du chien empoisonné et qu’il a bu, il est sûr qu’il tombera à peu de distance.

Eau de Cologne.

L’eau de Cologne, ou prétendue Eau inimitable, n’est pas autre chose que le produit de la dissolution de différentes essences odorantes dans un esprit de vin très-pur et de force moyenne. Les fabricans se sont jusqu’ici donné beaucoup de mal pour préparer cette eau, qu’aujourd’hui tout individu peut se procurer aisément, à bon marché, et de qualité supérieure, par le procédé suivant, qui n’exige pas même de distillation : « Dans une pinte d’esprit-de-vin rectifié au charbon, versez une once d’huile essentielle de romarin, demi-once d’essence de bergamotte, trois drachmes d’essence de citron d’Italie, et une drachme d’essence de lavande. Mêlez le tout soigneusement dans une bouteille, et laissez-le reposer jusqu’à parfaite clarification ; vous aurez une très-bonne eau de Cologne. – Si l’on faisait filtrer l’esprit-de-vin à travers une quantité de fleurs d’orange fraîches du quart de son poids, on donnerait à la composition un parfum plus agréable encore. Ce qu’on appelle à Paris le rouleau pourra revenir à 12 ou 14 sous. »

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DE L’USAGE DES CHAMPIGNONS,

D’après le Conseil de santé de Paris, et divers auteurs.


Les champignons les plus propres à servir d’alimens sont, de leur nature, difficiles à digérer. Lorsqu’ils sont mangés en grande quantité, ou qu’ils ont été gardés quelque temps avant d’être cuits, ils peuvent causer des accidens fâcheux. Il y a des champignons qui sont de vrais poisons, lors même qu’ils sont mangés frais. Pour les personnes qui ne connaissent point parfaitement ces végétaux et qui ont l’imprudence d’en cueillir dans les bois ou dans le champs, nous allons indiquer les principaux caractères propres à distinguer l’espèce des champignons ; ensuite nous décrirons en abrégé plusieurs espèces bonnes à manger ; enfin nous placerons à côté de ces espèces la description des champignons qui en approchent pour la ressemblance, et qui cependant sont pernicieux.

Le champignon est composé d’un chapiteau ou tête, et d’une tige, sorte de queue ou pivot qui le supporte. Lorsqu’il est très-jeune, il a la forme d’un oeuf, tantôt nu, tantôt renfermé dans une poche ou bourse. Quand le chapeau se développe sous forme de parasol, il laisse quelquefois autour de la tige les débris de la bourse, qui prennent le nom de collet. Le chapeau est garni en dessous de feuillets serrés qui s’étendent du centre à la circonférence.

Bon champignon. Champignon ordinaire, agaricus campestris. On le trouve dans les pâturages et dans les friches. Il n’a point de bourse, son pivot ou pied, à peu près rond, plein et charnu, est garni d’un collet très-apparent. Son chapeau est blanc en dessus, ses feuilles ont une couleur de chair ou de rose plus ou moins claire. C’est ce champignon que l’on fait venir sur couche, et c’est le seul champignon de couche qu’il soit permis de vendre à la halle et dans les marchés de Paris. Il ne peut nuire que lorsqu’on en mange en trop grande quantité, ou qu’il est dans un état trop avancé.

Mauvais champignon. On peut confondre avec cette bonne espèce une autre qui est très-pernicieuse, c’est le champignon bulbeux, agaricus bulbosus, ainsi nommé parce que la base de son pivot est renflée en forme de bulbe, autour duquel on retrouve des vestiges d’une bourse qui renfermait le chapeau. Il a aussi le collet comme le bon champignon. Les feuillets sont blancs et non point rosés, le dessus du chapeau est tantôt très-blanc, tantôt verdâtre ; quelquefois le chapeau verdâtre est parsemé en dessus de vestiges ou débris de la bourse. C’est ce champignon, surtout celui qui est blanc en dessus, qui a trompé beaucoup de personnes et qui a causé des accidens funestes. Il faut rejeter tout champignon, ressemblant d’ailleurs au champignon ordinaire, dont la base du pied ou pivot est renflée en forme de bulbe, qui a une bourse dont on retrouve les débris et dont les feuillets du chapeau sont blancs et non poins rosés.

Bon champignon. Oronge vraie, agaricus aurentiacus. Ce champignon a une bourse très-considérable. Il est ordinairement plus gros que le champignon de couche. Son chapeau est rouge en dehors, ou rouge-orangé ; ses feuillets sont d’une belle couleur jaune ; son support ou pied est jaunâtre, très-renflé, sur-tout par le bas ; il est garni d’un collet assez grand et jaunâtre. Ce champignon, qu’on trouve dans les taillis à Fontainebleau et dans le midi de la France, est un mets délicat et très-sain.

Oronge blanche, agaricus ovoideus. Elle est moins délicate que la précédente ; elle a la même forme, une bourse et un collet pareil ; elle n’en diffère qu’en ce que toutes les parties sont blanches.

Mauvais champignon. Oronge fausse, agaricus pseudo-aurentiacus. Son chapeau est au-dessus d’un rouge plus vif et non orangé comme celui de l’oronge vraie ; il est parsemé de petites taches blanches qui sont les débris de la bourse. Son support est moins épais, plus arrondi, plus élevé ; les restes de la bourse ont plus d’adhérence avec la bulbe qui est à la base du support. La réunion de la couleur rouge du chapeau et de la couleur blanche des feuillets est un indice assuré pour distinguer la fausse oronge de la vraie. La fausse oronge se trouve dans les environs de Paris et en divers lieux de la France, notamment dans la forêt de Fontainebleau ; c’est un des champignons les plus vénéneux, et qui produit les accidens les plus terribles. Plusieurs autres champignons bulbeux et malfaisans ont des rapports moins marqués avec l’oronge vraie ; les uns sont recouverts de tubercules nombreux ou d’un enduit gluant ; les autres ont une couleur livide, une odeur désagréable, et leur seule vue les fait rejeter.

Bons champignons. Mousserons. Ils croissent au milieu de la mousse ou dans des friches gazonnées. Ils sont d’une couleur fauve ; le chapeau, de forme plus ou moins irrégulière, est couvert d’une peau qui a le luisant et la sécheresse d’une peau de gant. Le pivot, plein et ferme, peut se tordre sans être cassé. On en distingue de deux espèces ; l’une plus grosse, plus irrégulière, à pivot plus gros et par proportion plus court ; c’est le mousseron ordinaire, agaricus mouceron. L’autre est plus menu, son chapeau est plus mince, son support est plus grêle ; c’est le faux mousseron, agaricus pseudo-mouceron. Ils sont bons à manger tous les deux, et d’un goût fort agréable.

Mousserons suspects. On peut confondre avec ce mousseron plusieurs petits champignons de même couleur et de même forme, qui n’ont point son goût agréable. On les distinguera, parce que la surface de leur chapeau n’est pas sèche ; qu’ils sont d’une consistance plus molle ; que leur support est creux et cassant. Parmi les champignons feuilletés, il en est encore beaucoup que l’on peut manger impunément ; mais comme ils ressemblent à d’autres plus ou moins dangereux, il est prudent de s’en abstenir. On doit cependant encore distinguer la chanterelle, agaricus cantharellus. C’est un petit champignon jaune dans toutes ses parties. Son chapeau, à-peu-près aplati en dessus, prend en dessous la forme d’un cône renversé, couvert de feuillets épais, semblables à de petits plis, et est terminé intérieurement en un pied très-court. Cette espèce est recherchée. Parmi les champignons non feuilletés, nous ne parlerons point du cèpe ou bolet, boletus esculentus, dont une espèce est estimée dans le Midi, mais dont on fait peu de cas à Paris, non plus que des vesses-de-loup, lycoperdon, dont on fait très-rarement usage, à cause du peu de goût qu’elles ont, et parce que leur chair se change trop promptement en poussière.

Bon champignon. Morille, phallus esculentus. Sur un pivot élargi par le bas, portant le chapeau toujours resserré contre lui, ne s’ouvrant jamais en parasol, inégal et comme celluleux sur la surface extérieure, ce champignon croit dans les taillis au pied des arbres ; il est sain et très-recherché.

Mauvais champignon. Le satyre, phallus impudicus, qui ressemble à la morille par son chapeau celluleux, a un pied très-élevé sortant d’une bourse. Le chapeau est plus petit et laisse suinter une liqueur verdâtre. Ce champignon exhale une très-mauvaise odeur et est très-dangereux.

Bon champignon. Girole ou clavaire, clavaria coralloïdes. Ce champignon diffère de tous les précédens. C’est une substance charnue, ayant une espèce de tronc qui se ramifie comme le chou-fleur et se termine en pointes mousses et arrondies. Sa couleur est tantôt blanchâtre, tantôt jaunâtre tirant sur le rouge. Son goût est assez délicat. On ne connaît dans ce genre aucune espèce pernicieuse. On ne saurait trop recommander à ceux qui ne connaissent pas parfaitement les champignons de ne manger que ceux qui sont généralement reconnus pour bons, le champignon de couche, le champignon ordinaire, l’oronge vraie, l’oronge blanche, les deux mousserons, la chanterelle, le cèpe, la morille et la girole.

Accidens causés par les champignons. Les personnes qui ont mangé des champignons malfaisans éprouvent plus ou moins promptement tous les accidens qui caractérisent un poison âcre stupéfiant ; savoir : des nausées, des envies de vomir, des efforts sans vomissemens, avec défaillance, anxiétés, sentiment de suffocation, d’oppression, souvent ardeur avec soif, constriction à la gorge ; toujours avec douleur à la région de l’estomac, quelquefois des vomissemens fréquens et violens, des déjections alvines (selles ou garde-robes) abondantes, noirâtres, sanguinolentes, accompagnées de coliques, de ténesmes, de gonflement et tension douloureuse du ventre. D’autres fois au contraire il y a rétention de toutes les évacuations, rétraction et enfoncement de l’ombilic.

A ces premiers symptômes se joignent bientôt des vertiges, la pesanteur de la tête, la stupeur, le délire, l’assoupissement, la léthargie, des crampes douloureuses, des convulsions aux membres et à la face, le froid des extrémités et la faiblesse du pouls : la mort vient ordinairement terminer, en deux ou trois jours, cette scène de douleur. La marche, le développement des accidens présentent quelque différence, suivant la nature des champignons, la quantité que l’on en a mangée et la constitution de l’individu. Quelquefois les accidens se déclarent peu de temps après le repas ; le plus ordinairement ils ne surviennent qu’après dix à douze heures.

Le premier objet, dans tous les cas, doit être de procurer la sortie des champignons vénéneux. Ainsi on doit employer un vomitif, tel que le tartrite de potasse antimonié ou émétique ordinaire ; mais pour rendre ce remède efficace, il faut le donner à une dose suffisante, l’associer à quelque sel propre à exciter l’action de l’estomac, délayer, diviser l’humeur glaireuse et muqueuse dont la sécrétion est devenue plus abondante par l’impression des champignons. On fait donc dissoudre dans un demi-kilogramme (une livre ou chopine) d’eau chaude deux à trois décigrammes (quatre ou cinq grains) de tartrite de potasse antimonié (émétique), avec douze à seize grammes (deux ou trois gros) de sulfate de soude (sel de Glauber), et on fera boire à la personne malade cette solution par verrées tièdes, plus ou moins rapprochées, en augmentant les doses jusqu’à ce quelle ait des évacuations.

Dans les premiers instans, le vomissement suffit quelquefois pour entraîner tous les champignons et faire cesser les accidens ; mais si les secours convenables ont été différés, si les accidens ne sont survenus que plusieurs heures après le repas, on doit présumer que partie des champignons vénéneux a passé dans l’intestin, et alors il est nécessaire d’avoir recours aux purgatifs, aux lavemens faits avec la casse, le séné et quelque sel neutre, pour déterminer les évacuations promptes et abondantes. On emploira dans ce cas avec succès comme purgatif une mixture faite avec l’huile douce de ricin et le sirop de pêcher que l’on aromatisera avec quelques gouttes d’éther alcoholisé (liqueur minérale d’Hoffmann), et que l’on fera prendre par cuillerées plus ou moins rapprochées.

Après ces évacuations, qui sont d’une nécessité indispensable, il faut, pour remédier aux douleurs, à l’irritation produite par le poison, avoir recours à l’usage des mucilagineux, des adoucissans, que l’on associe aux fortifians, aux nervins. Ainsi on prescrira aux malades l’eau de riz gommée, une légère infusion de fleurs de sureau coupée avec du lait, et à laquelle on ajoutera de l’eau de fleurs d’orange, de l’eau de menthe simple et un sirop. On emploira aussi avec avantage les émulsions, les potions huileuses aromatisées avec une certaine quantité d’éther sulfurique. Dans quelques cas on sera obligé d’avoir recours aux toniques, aux potions camphrées ; et lorsqu’il y aura tension douloureuse du ventre, il faudra employer les fomentations émollientes, quelquefois même les bains, les saignées ; mais l’usage de ces moyens ne peut être déterminé que par le médecin, qui les modifie suivant les circonstances particulières ; car l’efficacité du traitement consiste essentiellement, non pas dans les spécifiques ou antidotes dont on abuse si souvent le public, mais dans l’application faite à propos de remèdes simples et généralement bien connus.

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TRAITEMENT

Des asphyxiés par les gaz méphitiques


1° Il faut promptement tirer les asphyxiés du lieu méphitisé et les exposer au grand air ;

2° Leur ôter les vêtemens, et faire sur le corps des aspersions d’eau froide ;

3° Leur faire avaler, s’il est possible, de l’eau froide légèrement acidulée avec du vinaigre ;

4° Leur donner des lavemens avec deux tiers d’eau froide et un tiers de vinaigre : on pourrait ensuite en prescrire d’autres avec une forte dissolution de sel marin (muriate de soude) dans de l’eau commune, ou avec le séné et le sel d’epsum (sulfate de magnésie).

5° Si ces secours n’étaient pas promptement efficaces, le corps de l’asphyxié ayant de la chaleur comme cela a lieu ordinairement pendant long-temps, il faudrait lui tirer du sang, et la saignée de la jugulaire produirait un effet plus prompt que les autres.

6° On tâchera d’irriter la membrane pituitaire avec la barbe d’une plume qu’on remûra doucement dans les narines de l’asphyxié, ou avec un flacon d’alcali volatil fluor (d’ammoniac), d’eau de Luce, ou d’eau de la reine de Hongrie, mis sous le nez, etc.

7° On poussera de l’air dans les poumons, en soufflant pendant quelque temps dans l’une des narines avec un tuyau, et en comprimant l’autre avec les doigts, pour empêcher l’air d’en sortir : on pourrait encore, pour dernier moyen, pratiquer une ouverture dans la trachée-artère pour y introduire un petit tuyau dans lequel on soufflerait.

Il faut mettre la plus grande célérité dans l’administration des secours proposés : le temps presse ; et plus on tarde à y recourir, plus on doit craindre qu’ils ne soient infructueux ; et comme la mort peut n’être qu’apparente pendant long-temps, il ne faut en abandonner l’usage que lorsqu’elle est bien confirmée.

Nota. Pour déméphitiser les lieux méphitisés par le gaz qui provient de la combustion du charbon, des vins en fermentation, des mines, etc., il faut recourir aux projections d’eau, surtout de celle qui tient de la chaux en dissolution. La volatilisation de l’acide muriatique oxygéné, selon la méthode de M. de Morveau, est efficace pour déméphitiser les lieux pleins de gaz provenant des matières animales, comme les prisons, les hôpitaux, les spectacles, les latrines, les puisards.

Extrait de l’Instruction sur le traitement des asphyxiés et des noyés, etc., par M. Portal.

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AVIS

Sur le traitement des noyés.


1° Ce traitement doit être fait le plus promptement possible, dans le bateau même qui aura servi à pêcher la personne noyée, sur le rivage, ou dans un autre endroit proche et commode, si l’on peut s’en procurer un ; il faut l’y porter sans délai ; et l’on doit, à cet effet, se servir d’un brancard, d’une civière, ou de quelque voiture où il soit commodément ; on pourrait aussi le transporter sur une charrette dans laquelle on aurait mis de la paille ou un matelas, observant de maintenant le noyé couché sur le côté, la tête élevée et couverte d’un bonnet de laine ; le reste du corps sera enveloppé d’une bonne couverture de laine : deux ou plusieurs personnes peuvent aussi le porter couché sur leurs bras ou assis sur leurs mains jointes.

On prendra garde, en transportant les noyés, qu’ils ne soient secoués violemment, tous les mouvemens rudes pouvant éteindre facilement le peu de vie qui leur reste ; on en a vu plusieurs périr pendant qu’on les transportait, ou dans le moment qu’on les déshabillait (1). C’est pourquoi on agira le plus vite et le plus doucement qu’il sera possible : le mieux, en pareil cas, pour leur ôter les vêtemens mouillés et collés sur leur corps, est de les fendre d’un bout à l’autre avec des ciseaux.

2°.  Après avoir déshabillé le noyé, on l’enveloppera largement dans la couverture de laine, et on le couchera sur un ou deux matelas à terre, ou sur un lit peu élevé, près d’un grand feu, en observant de le maintenir aussi sur le côté, et la tête levée avec un ou deux oreillers un peu durs.

Sous cette large couverture, on fera au noyé des frictions sur les diverses parties du corps, d’abord avec une flanelle sèche, et ensuite imbibée de quelque liqueur spiritueuse, telle que l’eau de mélisse, l’esprit-de-vin, l’eau vulnéraire camphrée, l’ammoniac, l’esprit volatil de corne de cerf, l’eau de lavande, le vinaigre antiseptique ou des quatre-voleurs : ces frictions sont d’autant plus utiles, que le corps des noyés est ordinairement couvert d’une couche de matière glutineuse plus ou moins épaisse, qui ne concourt pas peu à augmenter l’intensité du froid dont le noyé est saisi.

On fera bien aussi, pour réchauffer le noyé, de placer sur la région épigastrique et sous la plante des pieds une brique chaude, couverte d’un linge.

3°. On versera dans sa bouche, si on le peut, quelques gouttes de vin chaud, de l’eau-de-vie, de l’eau de mélisse ou de l’eau de Cologne.

4°. On lui poussera de l’air dans les poumons ; et la meilleure manière d’y parvenir, c’est d’introduire le tuyau d’un soufflet dans une des narines, et de comprimer l’autre avec les doigts ; on peut, au défaut d’un soufflet, se servir d’un tuyau quelconque, qu’on introduira par la même voie. Il est plus avantageux d’introduire l’air dans les narines que dans la bouche, parce qu’il parvient ainsi plus facilement dans la trachée-artère ; d’ailleurs beaucoup de noyés ont la bouche fermée par la convulsion des muscles de la mâchoire inférieure : l’on ne peut souvent la leur ouvrir sans violence avec le manche d’une cuiller de fer ou avec le levier à double branche, qu’on place entre les petites molaires d’un côté ; on met, avant de le retirer, sous celles de l’autre côté, un petit rouleau de linge pour maintenant la bouche entr’ouverte.

5°. On chatouillera le dedans des narines et de la gorge avec la barbe d’une plume, et on tâchera de l’irriter avec la fumée de tabac, avec de l’eau de Luce, de l’alcali volatil, de l’eau de la reine de Hongrie, etc. (2)

6°. Dès que le noyé commencera de jouir du mouvement de déglutition, on en profitera pour lui faire avaler quelques petites cuillerées d’une liqueur spiritueuse, d’eau de mélisse, de bon vin chaud, d’eau émétisée. Quelquefois le noyé les garde dans sa bouche plus ou moins de temps et termine par les avaler : il faut toujours observer de ne pas trop la lui remplir, jusqu’à ce que le mouvement de la déglutition soit bien rétabli ; sans cette précaution on courrait risque de faire refluer dans la trachée-artère le liquide qu’on voudrait donner en boisson. Si le noyé éprouvait des nausées, on lui ferait prendre quelques cuillerées d’eau légèrement émétisée, pour exciter de douces vomituritions et provoquer quelques selles.

7°. Il faut donner au noyé des lavemens irritans ; on s’est souvent servi avec succès du suivant : Prenez feuilles sèches de tabac, demi-once ; sel marin, trois gros, ou autant de sel de Glauber ; faites bouillir dans suffisante quantité d’eau pendant un quart d’heure ; et en même temps qu’on pratique les autres secours, coulez. On peut réitérer deux ou trois fois le même lavement, ou un autre avec la décoction de séné, le sel d’Epsom et le vin émétique trouble ; enfin un lavement irritant quelconque, surtout lorsque le noyé tarde à reprendre l’usage de ses sens.

8°. La saignée ne doit pas être négligée dans les sujets dont le visage est rouge, violet, noir, et dont les membres sont flexibles et ayant encore de la chaleur : la saignée à la jugulaire est la plus efficace et celle qui fournit le plus promptement une quantité suffisante de sang ; à défaut de cette saignée, on ferait celle du pied. Mais il faut éviter toute espèce de saignée sur des corps froids et dont les membres commencent à se roidir ; on doit, au contraire, d’autant plus s’occuper à réchauffer les noyés qui se trouvent dans un tel état.

9°. Il faut presser doucement avec la main, et à diverses reprises, le bas-ventre du noyé ; et enfin, pour dernier secours, lui souffler dans les poumons, à la faveur d’une ouverture faite à la trachée-artère.

On a conseillé d’introduire de la fumée de tabac dans le fondement des noyés, par le moyen d’une machine appelée fumigatoire, de leur mettre des vésicatoires, de leur appliquer des ventouses en diverses parties du corps, et enfin de leur faire de légères incisions aux malléoles, pour s’assurer s’il existe encore en eux quelques signes de vie (3) : nous ne nous y opposons pas ; mais nous comptons peu sur l’efficacité de tous ces moyens pour rappeler les noyés à la vie.

On doit bien se persuader que, quelque utiles qu’aient été les secours que nous conseillons pour les noyés, ils ne réussiront qu’autant qu’ils seront administrés avec ordre, pendant long-temps et sans interruption. Leurs effets sont lents et presque insensibles ; c’est pourquoi il faut les continuer plusieurs heures. Il y a des noyés qu’on n’a rappelés à la vie que sept à huit heures après qu’ils avaient été retirés de l’eau. Nous insistons d’autant plus sur cet objet, que l’on abandonne souvent les noyés à leur malheureux sort dès que l’on voit que les premiers secours sont sans succès.

Nota. Pour faciliter et rendre le traitement des noyés généralement plus prompt, il faudrait, comme on l’avait fait avant la révolution, établir dans les ports de mer, dans les lieux habités près des rivières, des canaux, et surtout près des endroits où l’on va se baigner, des entrepôts contenant les divers moyens nécessaires au traitement des noyés, à l’exemple de M. Pia, qui les avait fait établir à Paris sur les rivages de la Seine. Ces entrepôts peuvent être d’une grande utilité, comme l’expérience l’a appris. Ils consistent en une caisse de bois contenant :

1°. Une ou deux bonnes couvertures de laine, une camisole de laine, quelques morceaux de flanelle  pour essuyer et frotter le corps du noyé, un bonnet de laine ;

2°. Une bouteille d’eau-de-vie camphrée, animée d’alkali volatil (ammoniaque), dont on imbibe les morceaux de flanelle pour les frictions ;

3°. Une petite bouteille d’eau de mélisse ou d’eau de Cologne, et une de vinaigre fort ;

4°. Six paquets contenant chacun trois grains d’émétique ;

5°. Une petite cuiller de bois ou de fer pour l’administration des liqueurs ;

6°. Une canule, qu’on introduit dans les narines, pour souffler de l’air dans les poumons, à l’aide d’un soufflet ;

7°. Une seringue ordinaire avec ses tuyaux, pour donner, le plus tôt possible, le lavement irritant, et qu’on réitérera suivant les circonstances ;

8°. Deux ou trois bandes à saigner ;

9°. Une petite bouteille d’esprit volatil de sel ammoniac, pour en introduire à diverses reprises dans les narines ;

10°. Trois ou quatre onces de feuilles sèches de tabac en quatre paquets ;

11°. Enfin la machine fumigatoire de M. Pia. On compte peu sur son efficacité, comme on l’a déjà dit ; cependant on l’a comprise dans cet entrepôt, pour n’omettre aucun des secours connus pour le traitement des noyés, et pour satisfaire à l’opinion de ceux qui pourraient encore avoir quelque confiance à ces fumigations. L’appareil fumigatoire consiste en un fourneau en cuivre étamé, un tuyau flexible, et en un soufflet. Quand on voudra s’en servir, on y brûlera l’un des paquets de tabac qu’on trouve dans cette boîte, et on aura soin de l’humecter auparavant : on l’allumera avec un morceau d’amadou, et l’on introduira dans le manche de la machine le tuyau du soufflet, qu’on y assujettira par la petite fiche de fer qui y est attachée ; on fera mouvoir le soufflet doucement et à diverses reprises pour allumer le tabac ; alors on insinuera dans le fondement du noyé la canule qui est attachée au tuyau flexible, et l’autre extrémité de ce tuyau recevra le bec de la machine fumigatoire. On aura le soin de fermer, avec un bouchon de liége, l’ouverture supérieure de cette machine, et l’on examinera de temps en temps si le tuyau n’est point obstrué.

Extraits de l’Instruction, publiée par ordre du gouvernement, sur le traitement des asphyxiés et des noyés, etc. ; par M. Portal, premier médecin consultant honoraire de Sa Majesté, etc.

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(1) On voit par là combien étaient dangereuses les méthodes de rouler les noyés dans un tonneau sur le rivage, de les suspendre par les pieds, comme on l’a fait généralement pendant long-temps.
(2) Nous proscrivons du traitement des noyés les injections d’eau tiède, et l’usage où l’on est d’introduire dans leur bouche une éponge ou une brosse pour détacher les mucosités dont elle est pleine, cette manoeuvre étant plus propre à achever de suffoquer le noyé qu’à opérer l’effet qu’on en attend.
(3) La putréfaction est le seul vrai signe de la mort.



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VARIÉTÉS.

ABRÉGÉ DE CHRONOLOGIE.

Il n’y a guère de gens instruits qui n’aient besoin de se rappeler des dates ; il est donc utile pour eux d’avoir le tableau des événemens les plus remarquables de l’histoire : nous l’avons fait pour leur agrément et pour le nôtre.

Années avant l’ère vulgaire.

2342. Yao, empereur de la Chine.
2328. Déluge présumé, suivant Pétau.
1855. Inachus, roi d’Argos.
1556. Cécrops, à Athènes.
1516. Lelex, roi de Lacédémone.
1490. Sésostris, roi d’Égypte, conquérant.
1455. Cadmus, ensuite Laïus, Jocaste, OEdipe, Étéocle et Polinice.
1451. Mort de Moïse.
1360. Voyage des Argonautes, suivant Barthélemy.
1297. Mort de Bélus, fondateur de l’empire d’Assyrie.
1238. Hercule et Évandre, suivant Pétau.
1282. Prise de Troie, suivant Larcher et Barthélemy. Suivant Ussérius, 1184.
1182. Jephté ; Enée en Italie.
1015. Mort de David.
1000. Salomon achève le temple de Jérusalem.
1000. Homère né à Smyrne ou à Chio.
  975. Jéroboam sépare les dix tribus ; royaume d’Israël.
  950. Hésiode.
  884. Athalie. Lois de Lycurgue.
  849. Didon à Carthage.
  785. Isaïe.
  776. Ère des Olympiades.
  754. Fondation de Rome, suivant les Fastes Capitolins et Pétau.
  752. Suivant Varron, Echard, etc.
  747. Ère de Nabonassar ; prise de Babylone. Sardanapale se brûle ; fin du premier empire d’Assyrie.
  742. Achaz.
  727. Ézéchias.
  715. Mort de Romulus.
  630. Solon, Jérémie, Sapho, Phalaris.
  606. Nabuchodonosor II. Captivité des Juifs à Babylone.
  595. Ézéchiel.
  584. Les Gaulois Cénomans (du Maine) vont en Italie.
  589. Nabuchodonosor détruit Jérusalem.
  580. Ere philosophique. Thalès.
  544. Conquête de Cyrus sur Crésus.
  536. Cyrus délivre les Juifs. Les enfans de Juda rebâtissent le temple.
  535. Pythagore.
  531. Les Romains subjuguent la Gaule cisalpine.
  524. Les Gaulois s’établissent sur le Pô, an de Rome 230.
  510. Fin des rois de Rome.
  508. Posenna assiége Rome.
  507. Mutius Scévola.
  500. Héraclite, Démocrite, Anacréon, Pindare.
  490. Bataille de Marathon.
  488. Mort de Coriolan.
  468. Naissance de Socrate.
  466. Zénon.
  458. Cincinnatus tiré de sa charrue.
  454. Prophète Malachie. Décemvirs à Rome.
  435. Empédocles.
  431. Guerre du Péloponèse, 27 ans. Aspasie, Sophocle.
 428. Peste horrible dont mourut Périclès, le plus grand des Grecs, qui avait gouverné Athènes 40 ans. Anaxagore pauvre se laisse mourir.
  426. Naissance de Platon.
  414. Diagore, athée.
  413. Naissance de Diogène.
  400. Mort de Socrate.
  391. Les Gaulois s’emparent de Rome sous la conduite de Brennus, venu de Sens.
  361. Mort d’Hippocrate.
  341. Épaminondas, Thébain, le plus grand des Grecs, suivant Montaigne, gagne la bataille de Leuctres contre les Lacédémoniens.
  334. Alexandre en Asie, pendant dix ans ; Aristote, Épicure, Démosthène.
  319. Zénon.
  301. Epicure.
  295. Théodore l’athée.
  262. Cléante.
  218. Annibal gagne la bataille de Trasimène.
  217. La bataille de Cannes.
  146. Scipion détruit Carthage.
    61. Triumvirat de César, Pompée et Crassus. Caton, Cicéron.
    49. Bataille de Pharsale.
    43. Second triumvirat, Octave, Antoine, Lépide. Mort de Cicéron.
    32. Bataille d’Actium. Virgile, Horace.
    30. Auguste ferme le temple de Janus.
      3. Naissance de J.-C., suivant Pétau, etc.
      1. Suivant Baronius et Scaliger.


Années de l’ère vulgaire.

    14. Mort d’Auguste.
    17. Mort d’Ovide.
    31. Mort de Jésus-Christ.
    68. Néron.
79-81. Règne de Titus. Embrasement du Vésuve.
98-117. Trajan.
138-160. Antonin-le-Pieux.
161-180. Marc-Aurèle.
  215. Caracalla défait les Goths venus de la Suède et du Danemarck par les Palus-Méotides.
  311. Constantin se fait chrétien.
  325. Premier concile oecuménique, à Nicée, contre les ariens.
  330. Constantin s’établit à Byzance, ou Constantinople.
  337. Mort de Constantin.
  376. Les Huns, venus originairement du nord de la Chine, et inconnus en Europe, traversent les Palus-Méotides.
  410. Alaric saccage Rome.
  418. Loi salique sous Pharamond.
  450. Mérovée défait Attila, venu avec les Huns de la Hongrie.
  476. Fin de l’empire d’Occident.
  481. Clovis.
  496. Clovis embrasse le christianisme après la bataille de Tolbiac.
  546. Pillage de Rome sous Totila.
  568. Alboin, roi des Lombards ; ce royaume finit en 774.
  570. Chilpéric trahi par Frédégonde.
  622. Fuite de Mahomet : Hégire, époque des Turcs.
  709. Paul-Luc Anafeste, premier doge de Venise.
  714. Les Maures en Espagne.
  737. Pélage, premier roi de Léon en Espagne.
  787. Invasion des Danois en Angleterre.
  800. Charlemagne proclamé empereur à Rome.
  801. Egbert, conquérant et premier roi d’Angleterre.
  833. Les Sarrasins commencent à faire des courses en Italie.
  846. Eric, premier roi de Danemarck.
  871. Alfred règne en Angleterre.
  886. Paris assiégé un an par les Normands.
1023. Humbert, comte de Savoie.
1024. Boleslas, roi de Pologne.
1066. Conquête d’Angleterre par Guillaume, duc de Normandie.
1070. Établissement des fiefs en Angleterre.
1077. L’empereur Henri IV va recevoir l’absolution du pape Clément VII.
1084. Robert Guiscard et ses Normands pillent Rome.
1085. Fin du royaume de Tolède en Espagne.
1094. L’ermite Pierre prêche la croisade.
1150. Eric, premier roi de Suède.
1152. Guelfes et Gibelins en Italie.
1173. Mort de Noradin, conquérant et philosophe.
1177. Frédéric Barberousse obligé d’aller recevoir l’absolution d’Alexandre III à Venise.
1183. Origine des duchés d’Italie.
1193. Mort de Saladin, conquérant et philosophe, en Espagne.
1212. Prise de Tolosa, où deux cent mille Maures périrent.
1215. Grande charte d’Angleterre.
1220. Gengis-Khan, Mogol, conquiert 1800 lieues sur 1000.
1227. Frédéric II excommunié par Grégoire IX.
1236. Prise de Cordoue.
1257. Ezzelin fait prisonnier.
1265. Établissement des communes en Angleterre.
1269. Sixième croisade.
1305. Le pape établi à Avignon.
1315. République des Suisses.
1323. Vidal obtient le prix des jeux floraux de Toulouse.
1327. Mort d’Otteman ou Osman 1er.
1328. Rivalité de la France et de l’Angleterre.
1342. Les Maures font usage de l’artillerie.
1346. Bataille de Créci ; siége de Calais.
1354. Mort de Rienzi à Rome.
1356. Bataille de Poitiers.
1362. Année de malheurs.
1378. Election de Clément VII ; grand schisme d’Occident fini en 1417.
1401. Tamerlan fait massacrer 800 mille habitans à Bagdad, 10 auguste.
1415. Bataille d’Azincourt.
1429. La pucelle d’Orléans.
1435. Guttemberg invente l’imprimerie à Strasbourg.
1450. Jean Basilowitz, czar de Russie.
1453. Prise de Constantinople par Mahomet II.
1461. Guerre de la Rose-Blanche (Yorck) et de la Rose-Rouge (Lancastre).
1492. Fin du royaume de Grenade, et de la domination des Maures en Espagne, qui avait duré 782 ans.
1492. Découverte de l’Amérique.
1493. Maladies vénériennes.
1495. Bataille de Fornoue, que Charles VIII gagne en revenant de Naples.
1509. Bataille d’Agnadel, gagnée par Louis XII.
1520. Naissance du luthéranisme. Luther condamné à Rome.
1525. Bataille de Pavie.
1528. Rome saccagée par Charles de Bourbon.
1530. François 1er établit le collége royal.
1534. Henri VIII, roi d’Angleterre, excommunié.
1571. Bataille de Lépante ; André Doria.
1572. Massacre de la Saint-Barthélemi, où 50 à 60 mille protestans furent égorgés.
1576. République des Provinces-Unies des Pays-Bas.
1595. Premier ouvrage de Kepler.
1610. Découverte des lunettes d’approche.
1624. Le cardinal de Richelieu au conseil.
1635. Académie française.
1641. Massacre d’Irlande : 50 à 100 mille.
1643. Louis XIV. Le cardinal Mazarin.
1666. Académie des sciences.
1678. Paix de Nimègue, dont Louis XIV dicta les conditions.
1680. Comète prodigieuse. Établissement aux Indes.
1683. Mort du grand Colbert.
1689. Mort de Christine, reine de Suède, à Rome.
1697. Traité de Riswick qui donne la paix à l’Europe.
1715. Mort de Louis XIV.
1739. Thamas Koulikan fait massacrer 200 mille habitans à Dehli.
1776. Etats-Unis de l’Amérique.
1789. 14 juillet, prise de la Bastille, qui commence la révolution de France.
1792. 10 auguste, fin de la monarchie française.
1793. 21 janvier, supplice de Louis XVI.
1799. 9 novembre (18 brumaire an 8), nouvelle constitution ; le général Bonaparte premier consul.
1805. 2 décembre, couronnement de l’empereur Napoléon.
1810. 7 février, convention de mariage entre l’empereur Napoléon et l’archiduchesse Marie-Louise, fille de François 1er, empereur d’Autriche.
1811. 20 mars, naissance du roi de Rome, fils de Napoléon.
1814. 2 avril, acte du Sénat conservateur qui déclare Napoléon déchu du trône.
          11 Abdication de Napoléon.
           2 mai, déclaration de Louis XVIII à Saint-Ouen.
          4 juin, octroi de la Charte constitutionnelle.
1815. 1er mars, débarquement de Napoléon dans le département du Var.
          8 juillet, rentrée de Louis XVIII, à Paris.
1821. 5 mai, mort de Napoléon dans l’île Sainte-Hélène.


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TABLE

des vitesses, par Jérôme LALANDE.


Vitesse de la Seine dans les basses eaux, à Paris, 0m6 par seconde.

La pente de la Seine est d’un mètre sur 6000 mètres de distance, suivant Picard ; mais elle est environ trois fois plus grande lors des inondations.

Vitesse d’un homme qui se promène 1m3 par seconde.

Celle d’un bon cheval de cabriolet, 4 mètres par seconde.

Celle d’un renne tirant un traîneau en Laponie, 8m4 par seconde.

Dans les courses de Rome, un cheval barbe (non monté) parcourt 1685 mètres en 141 secondes ou 12 mètres par seconde. (Mémoires de l’académie, année 1757, page 394.)

Un bon cheval de course anglais (monté) parcourt la carrière de Newmarket, qui est de 6784 mètres, en 7 minutes 30 secondes, ce qui fait 15 mètres par seconde. (Mémoires de l’académie, année 1757, page 396.)

Les courses au Champ-de-Mars, le 1er vendémiaire an 7, ont été mesurées avec soin par M. Bouvard.

Longueur de la course à pied, 251,5 mètres ; durée de la course, 33 secondes, ce qui donne 7,69 mètres par seconde.

Longueur de la course à cheval 2575,5 mètres ; durée de la course, 3 minutes 31 secondes ; donc, vitesse par seconde, 12,21 mètres.

Longueur de la course des chars, 1478 mètres ; durée, 2 minutes 13 secondes ; vitesse par seconde, 11,11 mètres.

La course à pied était en ligne droite ; mais la course à cheval et celle des chars étaient sinueuses et représentées par un double 8 de chiffre. Les vitesses auraient été plus grandes si les chevaux avaient couru en droite ligne.

On estime qu’un grand lévrier a encore plus de vitesse qu’un cheval de course anglais.

Certains poissons font 8 mètres par seconde.

La plus grande vitesse d’un vaisseau bon voilier n’excède guère 6 mètres par seconde.

Un bon vaisseau peut prendre le tiers de la vitesse du vent, lorsqu’il court vent par le travers, toutes voiles dehors ; et le quart seulement, lorsqu’il court également avec toutes ses voiles, vent arrière.

Le vent alisé entre les Tropiques, dans l’Océan, fait 8 à 10 mètres par seconde.

La vitesse du vent dans nos climats est quelquefois beaucoup plus grande. M. Vallet l’a observée à Javelle de 27 mètres par seconde, avec un anémomètre de sa construction. Elle va à 32 mètres par seconde dans les coups de vent sur mer, et elle doit être encore beaucoup plus grande dans les ouragans qu’on éprouve dans nos îles.

Le son parcourt 337 mètres par seconde. Un boulet de canon en parcourt 422 au sortir de la pièce ; cette dernière vitesse est la même que celle de l’air qui rentre dans un espace où on avait fait le vide.

Un point de l’équateur terrestre parcourt, par son mouvement diurne autour de son axe, 438m7 par seconde.

Les planètes, par leur mouvement autour du soleil, font, savoir : Mercure, 49 kilomètres par seconde, Vénus 35, la Terre 30, Mars 27, Jupiter 13, Saturne 9, et Herschel environ 7.

Les corps graves parcourent dans la première seconde 4m887 sous l’équateur, et 4m901 à 80° de latitude.

Une pierre tomberait au centre de la terre en 15 minutes. (Astr. 3578).

L’ombre de la lune, dans une éclipse, parcourt environ 65 kilomètres par seconde.

La lumière parcourt la distance du soleil à la terre, c’est-à-dire 15287873 myriamètres en 8 minutes 13 secondes ; ce qui fait 30960 myriamètres par seconde.

Elle doit employer plus de trois ans à venir des étoiles, lesquelles sont au moins deux cent mille fois plus éloignées que le soleil ; en sorte que les phénomènes que nous pouvons observer dans les étoiles sont arrivés trois ans plus tôt.


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FAMINE EN MER.


Dans le mois de juin 1810 j’étais soldat dans la première compagnie d’artillerie de la garnison de Sainte-Hélène. Le 10 de ce même mois, le nommé M’Kannon, canonnier de la deuxième compagnie, me demanda si je voulais déserter avec lui, et me rendre à bord du vaisseau américain la Columbia, capitaine Henri Lelas, le seul qui se trouvait en rade.

Malheureusement, après quelques pourparlers, je consentis à sa proposition, et je me trouvai au rendez-vous donné, où je rencontrai quatre autres soldats de la compagnie du major Scal ; savoir : M’Quinan, Brighouse, Parr et Conway. Parr, qui était un bon marin, nous promit de nous conduire dans un bateau à l’île de l’Ascension, ou de croiser devant le port jusqu’à ce que la Columbia levât l’ancre et sortît. Nous nous rendîmes à huit heures du soir sur le rocher d’ouest, où nous trouvâmes la chaloupe de la Columbia qui nous attendait avec trois hommes qui nous conduisirent à bord de leur bâtiment.

Après y être restés une demi-heure, deux d’entre nous, craignant qu’on vînt faire des recherches à bord de la Colombia, proposèrent de nous emparer d’un bateau de baleinier, et de nous sauver en pleine mer. Nous procédâmes sur-le-champ à l’exécution de ce projet. Le bateau était attaché à une grosse pierre ; il s’y trouvait cinq rames et un bout de cable : nous hissâmes la pierre dans le bateau et nous arrivâmes à côté de la Columbia à onze heures du soir.

Un instant après nous vîmes beaucoup de lanternes passer le long des fortifications du côté de la mer ; nous entendîmes un grand bruit, et nous crûmes qu’on nous cherchait. Nous sautâmes à bord du bateau de baleinier, prenant avec nous vingt-cinq livres de pain, une pièce contenant treize gallons d’eau, une boussole et un cadran que le capitaine de la Columbia nous donna. Pendant notre rapide embarquement, le cadran tomba dans l’eau, du moins nous ne pûmes plus le retrouver. Le bateau était à moitié plein d’eau, et nous n’avions rien qui pût servir à le vider.

Dans cette déplorable situation, nous mîmes en mer, et nous nous éloignâmes de l’île à une distance considérable, espérant que l’Américain viendrait nous prendre à son bord, comme il avait promis de le faire dans peu d’heures. Nous restâmes au même point jusqu’à midi le deuxième jour après notre départ : point de vaisseau américain. Parr promit de nous conduire à l’île de l’Ascension, en gouvernant nord par l’ouest, et ensuite nord nord-ouest ; une rame nous servit de mât ; nous y attachâmes nos mouchoirs.

Pendant deux jours le vent continua de souffler avec force ; mais le troisième nous eûmes du beau temps. Le 18, nous vîmes beaucoup d’oiseaux, mais point d’île. Parr dit qu’il était sûr d’avoir manqué l’île de l’Ascension. Nous changeâmes de route, et mîmes le cap à l’ouest par le nord, espérant d’arriver à Rio-Janeiro, sur la côte du Brésil. Trouvant que nos mouchoirs étaient de bien faibles voiles, nous en fîmes de nouvelles en coupant en morceaux nos chemises. Mais bientôt la famine avec toutes ses horreurs vint nous assiéger : ce fût en vain que nous nous étions bornés à une once de pain et deux cuillerées d’eau en vingt-quatre heures. Tout notre pain fut consommé le 28 juin.

Nous n’eûmes d’autre perspective qu’une mort affreuse. M’Quinan, ayant trouvé une canne de bambou, se mit à la mâcher, nous nous jetâmes tous sur cette misérable ressource. Moi, j’essayai de manger mes souliers, mais la semelle était tellement pénétrée d’eau salée que je ne pus l’avaler, je mangeai le cuir du dedans, mais sans en réprouver aucun effet favorable. Enfin, le 1er juillet Parr prit un dauphin avec une gaffe qui était restée dans le bateau, non sans difficulté : nous rendimes grâce à Dieu de nous avoir envoyé ce secours. Nous bûmes le sang du poisson, et sa chair séchée nous servit de nourriture jusqu’au 4 juillet.

Privés de nouveau de toute subsistance, quelques-uns d’entre nous proposèrent de percer le bateau, afin de mettre un terme à nos souffrances ; M’Kannon et M’Quinan ne voulurent pas y consentir. Le premier de ces Irlandais nous engagea à tirer au sort lequel d’entre nous mourrait pour servir de nourriture aux autres. Comme nous avions de l’encre et du papier, nous écrivîmes des numéros qui furent jetés dans un chapeau. Le nombre fatal était cinq ; il tomba entre les mains de M’Kannon lui-même ; sur-le-champ il se fit trois coupures dans le bras et les pieds, recommanda son âme à Dieu, et se laissa mourir en perdant tout son sang. Quand nous le vîmes mort, Brighouse lui coupa un morceau de la cuisse, et nous en mangeâmes tous. Le corps souvent lavé dans l’eau de la mer, afin d’être garanti de la putréfaction, nous servit de nourriture jusqu’au 8 juillet.

C’était mon tour de veille ; je m’aperçus à l’aube du jour que la couleur de l’eau changeait : quand le soleil se leva, nous vîmes terre devant nous. A huit heures du matin, nous approchâmes du rivage ; mais ici de nouveaux malheurs nous attendaient : le résac était très-violent ; nous fûmes trop faibles pour tenir le bateau droit ; il tourna de côté et chavira. Après beaucoup d’efforts, Parr, Conway et moi, nous nous vîmes jetés à terre ; mais les pauvres M’Quinan et Brighouse se noyèrent. Nous apprîmes bientôt que nous étions sur la côte du Brésil, non loin de Rio-Janeiro, où nous reçumes tous les secours de la pitié et de l’humanité. Je m’engageai comme marin, et fus envoyé à bord du Foudroyant. »


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NAUFRAGE
DE LA GOELETTE LITTLE-PATTY.


« Notre bâtiment partit de Charlestown le 26 juillet 1806 : il était destiné pour Sainte-Marie ; mais le mauvais temps et des avaries considérables nous forcèrent à plusieurs relâches, dont la dernière fut à Savanah ; après nous y être réparés, nous en partîmes, le 18 auguste, avec un beau temps et un vent favorable que nous conservâmes jusqu’au 21. Nous arrivâmes à 3 heures à la vue du port, et déjà nous regardions notre voyage comme fini. Nous étions livrés aux idées les plus douces lorsque le vent passa tout à coup au nord-ouest, et devint très-violent. Nous essayâmes de conserver notre route en louvoyant, dans l’espérance que le temps deviendrait plus beau ; mais le vent ne fit qu’augmenter, et à minuit nous essuyâmes une véritable tempête. Notre vaisseau, qui fatiguait horriblement, fit une voie d’eau. A deux heures nous nous abandonnâmes au vent, afin de soulager le bâtiment. Les passagers et l’équipage se mirent tous aux pompes, mais la voie d’eau trompait tous leurs efforts : on essaya d’alléger le navire en coupant les mâts et en jetant à la mer les ancres, les cables et tout ce dont on put se débarrasser. Nous continuâmes ce travail pendant une heure environ, et cependant l’eau s’éleva de cinq pieds dans la cale : on renonça à des efforts désormais inutiles. Nous espérions que le vaisseau, en se remplissant, pourrait n’être pas submergé, parce que la cargaison n’était pas composée de marchandises pesantes. Dans cette idée, nous préparâmes des provisions, de l’eau, des habits et des couvertures sur le pont, ainsi que des boussoles, des compas, des livres, des cartes, etc., et tout ce qui pouvait rendre notre situation moins déplorable. Nous primes aussi la précaution de préparer le grand canot pour nous servir de dernière ressource. Le vent était terrible et la mer effrayante, car nous nous trouvions dans le milieu du golfe. Enfin arriva un moment affreux et déchirant ; il était quatre heures ; la mort semblait voler autour de nous, prête à nous dévorer. Notre vaisseau s’était rempli plus vite que nous ne comptions, et coulait bas. Les cris des femmes, le désordre et la confusion générale, la violence des vagues qui se brisaient sans cesse sur nos têtes, donnaient à cette scène une horreur solennelle que l’imagination ne peut concevoir. Un matelot se tenait dans le canot et s’occupait sans relâche à le vider. Lorsque le vaisseau fut rempli totalement, deux vieilles dames, âgées de près de 80 ans, glissèrent sur le pont, et les vagues qui les couvraient les jetèrent en dehors ; l’une d’elles cependant fut assez heureuse pour être emportée contre le cablot du bâteau, elle s’y crampona, et fut retirée par un marin. Dans le même instant une jeune personne, miss Maria Osborn, fut emportée par une lame énorme ; un passager M. Curtice, qui l’aperçut, saisit une corde qu’il lui jeta, et l’attrapant par sa robe, il la ramena contre le bord, et lui recommanda de se tenir contre le bastingage jusqu’à ce qu’il pût se procurer des cordages pour la faire remonter ; il s’en occupait lorsqu’une vague encore plus affreuse vint fondre sur le pont, emporta la cabane qui frappa M. Curtice et le fit tomber, et poursuivant ses ravages, entraîna trois personnes à la mer, Mme Gere, la femme du capitaine, son fils et l’infortunée Maria. Mme Gere ne lâcha pas prise ; son fils s’attacha à ses habits, et on les eut bientôt repris tous les deux ; mais, hélas ! tous les efforts furent inutiles pour sauver la belle Maria Osborn ; son heure était venue ; cependant elle se débattait sur l’eau avec courage, ses mains étendues vers son premier libérateur, et implorant son assistance par les regards les plus expressifs ; mais tous ses efforts étaient perdus, aucune puissance humaine ne pouvait la sauver ; enfin, voyant que ses peines étaient inutiles, et que le courant l’éloignait du vaisseau, elle se résigna à sa cruelle destinée ; on vit cette charmante fille élever ses bras vers le ciel, et ses yeux en se fermant parurent même sourire à la mort. Tous les autres passagers, au nombre de dix-sept, parvinrent avec grande peine à gagner le bâteau, dans lequel ils mirent aussi deux petits chiens et un chat, qui vinrent à côté en nageant. Il ne nous restait qu’un aviron qui nous servit à diriger le canot. Chacun eut ordre de ne pas bouger, excepté deux hommes occupés à bacqueter l’eau qui remplissait le canot à chaque instant, car les vagues passaient par-dessus notre tête. Nous passâmes de cette manière jusqu’au lendemain matin ; le vent s’abattit à ce moment, et la mer devint moins houleuse. Nous prîmes alors quelque nourriture, et nous fîmes la revue de nos provisions de bouche, qui se trouvaient bien peu considérables ; ce fut pourtant avec ces faibles ressources que nous naviguâmes pendant dix jours. Plusieurs fois nous eûmes la douleur de voir des bâtimens que nous ne pûmes approcher, et dont nous ne fûmes pas aperçus ; plusieurs d’entre nous succombèrent à la fatigue et au besoin, et eurent la mer pour sépulture. Enfin le 2 septembre, à trois heures du matin, nous vîmes tout à coup près de nous une lumière que nous reconnûmes distinctement pour les feux d’un vaisseau ; nous essayâmes de nous faire entendre, et bientôt on répondit à nos cris. C’était le brick La Polly, capitaine Hubbles : l’équipage et le capitaine nous prodiguèrent les soins les plus touchans ; une ou deux personnes moururent encore les jours suivans, et le reste débarqua quelques jours après en bonne santé, mais sans ressources pécuniaires et dans la plus grande détresse.

                                (Daily Advertiser.)


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SUICIDE D’UNE VEUVE INDIENNE EN 1811.



A Nyurpet, mon domestique m’apprit qu’il y avait une veuve qui allait se brûler avec le corps de son mari. M’étant mêlé dans la foule qui l’accompagnait, je fis tous mes efforts pour la dissuader de cette action. Je trouvai cette victime ornée de fleurs, chargée de ses beaux habits ; elle paraissait âgée de cinquante ans, et avait une physionomie sauvage, mais pleine de fermeté ; elle répondait à toutes mes instances par des refus positifs, et avec un son de voix plus fort et plus expressif que celui d’une femme dans un état ordinaire. Ayant demandé si elle avait des enfans, j’appris qu’elle en avait plusieurs ; l’un d’eux, un garçon de quatorze ans, était à côté d’elle. Je tentai de réveiller chez elle le sentiment de la tendresse maternelle, le plus fort de tous les sentimens humains ; je n’y pus réussir. « Il n’y a, me dit-elle, aucune considération de famille qui me retienne. Plusieurs de mes enfans sont assez âgés pour pouvoir prendre soin de ceux qui sont en bas âge. Je ne dois plus écouter aucune remontrance contre la résolution que j’ai prise ; j’ai quitté ma maison en déclarant que je me brûlerai : je me suis dévouée, personne n’admettrait dans sa maison une misérable qui, au moment de l’épreuve, se refuserait à son devoir. – Mais, lui répliquai-je, pouvez-vous abandonner cet aimable enfant ? Oui, oui, répondit-elle, lui et tout être quelconque. » Je priai le jeune garçon de m’aider à fléchir l’obstination de sa mère et à la réconcilier avec la vie ; mais combien je fus choqué de l’entendre dire avec un rire diabolique : « Je désire qu’elle se sacrifie ! »

Je vis que ce barbare sacrifice était devenu un point d’honneur pour la famille, et que la moindre hésitation de la part de la veuve lui attirerait le mépris de tous ses parens. J’allai du côté de la rivière pour examiner les préparatifs. La fosse était creusée, le bois était prêt. Sur ma demande : qui avait commandé ces préparatifs ? les ouvriers cessèrent leur travail, et n’osèrent me répondre. A la longue, j’arrachai de l’un d’eux l’aveu que l’ordre avait été donné par quatre ou cinq parens de la veuve. Je les menaçai de les faire punir comme homicides, d’après les règlemens de la compagnie des Indes : ils furent effrayés et quittèrent l’ouvrage ; mais à peine fus-je de retour dans mon quartier, que je vis arriver une députation, ayant à sa tête le frère du défunt, et qui me demanda respectueusement de ne plus mettre d’obstacle à une cérémonie nécessaire pour l’honneur et la tranquillité du village. Je leur répondis que je ne pouvais pas les en empêcher, mais que je voudrais en avoir le pouvoir.

Alors ils partirent avec une physionomie riante, et reprirent l’horrible exécution prescrite par leur croyance superstitieuse. Je retournai auprès du bûcher ; le sacrifice était consommé : une foule d’hommes, de femmes et d’enfans en revenait ; le triomphe de la religion était écrit dans leurs regards pleins de joie : tous les visages étaient rians. Je jetai un coup d’oeil sur le bûcher où les deux corps commençaient à être réduits en cendres : je sentis toute l’horreur de ce spectacle ; et, avec le ton de la plus profonde mélancolie, je demandai à un vieillard s’il croyait cette action agréable à Dieu. – C’est, me répondit-il, la destinée, et la volonté de Dieu. – Non, non, m’écriai-je ; ce n’est ni la destinée, ni la volonté de Dieu ; c’est le crime des hommes. Il y eut un moment de silence ; mais bientôt des cris confus de joie s’élevèrent de nouveau……


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MORALE, ANECDOTES ET BONS MOTS.


L’abbé de Molières était un homme simple et pauvre, étranger à tout, hors à ses travaux sur Descartes. Il travaillait dans son lit, faute de bois, sa culotte par-dessus son bonnet, les deux côtés pendant à droite et à gauche. C’est dans cette position qu’il se vit enlever un jour le fruit de ses faibles épargnes. Il entend frapper à sa porte : « Qui est là ? – Ouvrez… (Il tire un cordon, et la porte s’ouvre.) – Qui êtes-vous ? – Donnez-moi de l’argent. – De l’argent ? – Oui, de l’argent. – Ah ! j’entends ; vous êtes un voleur. – Voleur ou non, il me faut de l’argent. – Vraiment oui, il vous en faut. Eh bien ! cherchez là-dedans. (Il tend le cou, et présente un des côtés de sa culotte : le voleur fouille.) – Hé bien ! il n’y pas d’argent. – Vraiment non, il n’y en a pas, mais il y a ma clef. – Eh bien ! cette clef ? – Cette clef, prenez-là. – Je la tiens. – Allez vous-en à ce secrétaire ; ouvrez. (Le voleur met la clef à un autre tiroir.) Laissez donc, ne dérangez pas, ce sont mes papiers. Ventrebleu ! finirez-vous ? Ce sont mes papiers : à l’autre tiroir, vous trouverez de l’argent. – Le voilà. – Prenez… Fermez donc le tiroir ! (Le voleur s’enfuit.) Monsieur le voleur, fermez donc la porte. Morbleu ! il laisse la porte ouverte ! Quel chien de voleur ! Il faut que je me lève par le froid qu’il fait ! Maudit voleur !...

L’abbé saute à bas, va fermer la porte, et revient se remettre à son travail, sans songer qu’il ne lui restait plus de quoi dîner.


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AMASIS ET THALÈS. – DIALOGUE.


J’aime assez que, pour s’instruire de ce que le plus souvent ils ignorent, les princes fassent des questions aux sages. On trouve dans l’histoire quelques exemples de cette condescendance des maîtres du monde pour la science ; mais les exemples des princes qui ont profité des réponses des philosophes sont extrêmement rares. On cite à propos de souverains qui ont bien voulu s’humaniser avec la sagesse, un dialogue entre Amasis, roi d’Égypte, et le philosophe Thalès, dialogue remarquable par le laconisme des réponses du sage, et la justesse qui les caractérise. Diogène-Laërce et Plutarque nous ont conservé ce monument de la curiosité du prince et de la franchise du philosophe.

Amasis. Qu’y a-t-il de plus ancien dans le monde ?

Thalès. Dieu : il n’a point eu de commencement.

Amasis. De plus grand ?

Thalès. L’espace : il contient tout ce qui existe.

Amasis. De plus rapide ?

Thalès. La pensée : d’un trait elle embrasse toute la nature.

Amasis. De plus beau ?

Thalès. Cet univers : l’ordre et l’harmonie qui constituent ses différentes parties sont admirables.

Amasis. De plus savant ?

Thalès. Le temps : il n’est de découvertes qui lui échappent.

Amasis. De plus commun ?

Thalès. L’espérance : c’est la ressource de ceux auxquels tout manque.

Amasis. De plus utile ?

Thalès. La vertu : elle seule, en modérant l’usage de toutes choses, les rend propres au bonheur des humains.

Amasis. De plus pernicieux ?

Thalès. Les vices de l’âme : leur présence corrompt et détériore tout ce qu’il y a de bien sur la terre.

Amasis. De plus fort ?

Thalès. La nécessité : rien ne peut la vaincre.

Ce texte fort court établit, à lui seul, les bases d’un excellent traité de la science universelle.


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PENSÉES.


Je ne conçois pas de sagesse sans défiance. L’Écriture a dit que le commencement de la sagesse était la crainte de Dieu ; moi je crois que c’est la crainte des hommes.

- Il y a des sottises bien habillées, comme il y a des sots très-bien vêtus.

- Qu’est-ce qu’un philosophe ? C’est un homme qui oppose la nature à la loi, la raison à l’usage, la conscience à l’opinion, et son jugement à l’erreur.

- On souhaite la paresse d’un méchant et le silence d’un sot.

- Il y a à parier que toute idée publique, toute convention reçue est une sottise : car elle a convenu au plus grand nombre.

- L’homme sans principes est aussi ordinairement un homme sans caractère : car, s’il était né avec du caractère, il aurait senti le besoin de se créer des principes.

- Célébrité : l’avantage d’être connu de ceux qui ne vous connaissent pas.

- Celui-là fait plus pour un hydropique, qui le guérit de la soif, que celui qui lui donne un tonneau de vin. Appliquez cela aux richesses.

- Les petits esprits usent de finesse : mais quand ils s’en servent pour se couvrir d’un côté, ils se découvrent de l’autre.

- Le coeur ne vieillit point.

- Il faut avoir beaucoup de vertu pour vivre avec ceux qui en ont peu.

- Phocion appelait les babillards les larrons du temps.

- Ménagez  le temps, la vie en est faite, dit le bonhomme Richard (Franklin).

- Pascal dit : L’homme qui n’aime que soi ne hait rien tant que d’être seul avec soi.

Duclos disait d’un homme enrichi par les plus vils moyens et endurci aux affronts : « On lui crache au visage, on le lui essuie avec le pied, et il remercie. »

La bonne foi est le lien et l’âme de la société.

Personnage sans éducation, corps sans âme.

L’affabilité est l’ornement de la grandeur ; la fierté ne sied que dans l’infortune.

- L’ivresse ne produit pas les défauts, elle les décèle. La fortune ne change point les moeurs, elle les découvre.

- Le sage craint quand le ciel est serein. Dans la tempête il marcherait sur les flots et sur les vents.

- Jouis, voilà la sagesse ; fais jouir, voilà la vertu.

- Une merveille pour un flatteur, c’est un homme sourd à sa voix.

- Pourquoi les poètes ont-ils si peu de fortune ? C’est que personne n’a besoin d’eux pour faire la sienne. On ne ramasse point de vermisseaux pour le rossignol ; on donne des chardons à l’âne.

- La magnificence est le moyen d’un fat pour attirer les yeux d’un sot.

- Tel prodigue les conseils pour vous apprendre à vivre, qui ne donnerait pas un écu pour vous empêcher de mourir.

- Le Français ne paraît léger aux autres peuples, que parce qu’il conçoit avec facilité ce qu’ils calculent avec peine.

- Il y a, pour les hommes les plus heureusement nés, une époque où ils n’ont plus que la mémoire de leur esprit.

- Qui parle, sème ; qui écoute, recueille.


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POÉSIE.


Sur les amis du jour.

    Mille fois ils m’ont tout promis,
    Mais le siècle en fourbes abonde ;
    Et je ne hais rien tant au monde
    Que la plupart de mes amis.

            GOMBAUD.


Réflexion d’un bonhomme.

    Je ne puis me plaindre de rien
    Chacun prend part à ma disgrâce ;
    Tout le monde me veut du bien,
    Mais j’attends toujours qu’on m’en fasse.


L’HOMME.

    Un peu de poussière pétrie
    Par le Dieu qui préside au sort,
    C’est l’homme…. Amour le vivifie :
    Qu’Amour s’éloigne, tout est mort.

            M. CHEVALIER DE SAINT-AMAND.


MADRIGAL. (Un roi de la fève parle.)

        Églé, je te fais souveraine.
        Au sort je dois ma royauté,
        Tu dois la tienne à ta beauté ;
    Le Destin m’a fait roi ; l’Amour seul te fait reine.
        Demain je ne serai plus roi :
        Demain, toujours tu seras belle.
    Amour, fais que demain elle fasse pour moi
        Ce qu’aujourd’hui je fais pour elle.

            LE PETIT PÈRE ANDRÉ.


MADRIGAL.

    Jeunes beautés, aimez qui vous adore ;
    Ne craignez point de vous laisser charmer.
    Que de plaisirs un insensible ignore !
    C’est l’amour seul qui peut nous animer.
    Avant d’aimer on ne vit pas encore ;
    On ne vit plus dès qu’on cesse d’aimer.

            HOUDARD DE LA MOTTE.


MADRIGAL à une dame.

    De vos grâces toujours nouvelles
    Vous faites sentir le pouvoir :
    Près de vous le Temps a des ailes
    Et l’Amour cesse d’en avoir.
   

MADRIGAL.

    Iris, ne croyez pas qu’une flamme nouvelle
        Me fasse ailleurs porter mon choix :
    On peut en vous voyant devenir infidèle,
        Mais c’est pour la dernière fois.


LE COCHE. - Fable.

    Au bruit d’une quadruple roue,
    Qui s’avance ? Quelle rumeur !
    Quels flots de poussière et de boue !
    Gare ! gare ! c’est monseigneur.

    Toujours roulant, le char approche :
    Les fouets l’annoncent en claquant.
    Il parait enfin : c’est un coche
    A douze places, mais vacant.

    Vides d’esprit et de courage,
    Sur la terre combien de grands
    Ressemblent à cet équipage !
    Bruit au dehors, et rien dedans.


L’ENVIEUX. - Epigramme.

    Dites-moi d’où vient, cher Albin,
    Cette mine triste et pensive
    Et cet air malade et chagrin :
    Est-ce du mal qui vous arrive,
    Ou du bien à votre voisin ?


Conte.

    Un vieux prélat, tout bouffi de son nom,
    Frappé se vit d’humeur apoplectique.
    Un vieux docteur, homme de grand renom,
    Appelé fut dans ce moment critique.
    Près du malade il s’assied, prend le pouls.
    « Eh bien ! dit-il, comment vous portez-vous ? »
    Point ne répond. Notre rusé Boerhaave   
    Lui dit alors d’un ton un peu plus fort :
    « Monseigneur ! » Rien. Peste ! le cas est grave.
    « Prince ! » Au plus mal. « Votre Altesse ! » Il est mort.

            LE BRUN.


Vers écrits sur le livre d’heures d’une jolie femme.

    Lorsque vous demandez au souverain des cieux
    Qu’il accorde à vos voeux le bonheur de lui plaire,
        Souvenez-vous d’un malheureux
        Qui vous fait la même prière.


QUATRAIN.

    Nous n’avons qu’une bouche et notre oreille est double.
    En nous formant ainsi, quel fut le but de Dieu ?
    L’homme, pour éviter la discorde et le trouble,
    Doit écouter beaucoup et doit parler fort peu.

            M. FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU.


Epitaphe de Voltaire.

    O Parnasse ! frémis de douleur et d’effroi ;
    Pleurez, muses ! brisez vos lyres immortelles !
    Toi, dont il fatigua les cent voix et les ailes,
    Dis que Voltaire est mort, pleure, et repose-toi.

            LE BRUN.


Epigramme contre madame F. de B.

    Chloé, belle et poète, a deux petits travers :
    Elle fait son visage, et ne fait pas ses vers.

            LE MÊME.


FIN.



NOTICE DES LIVRES

Qui se trouvent chez RAYNAL, li-
braire, rue Pavée-Saint-André-des-Arcs, n° 13, à Paris.

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Le même se charge de toutes commissions relatives à la librairie.
Les demandes auxquelles ne seront pas joints les fonds nécessaires, on un mandat à courte date sur Paris, seront regardées comme non avenues.
Les emballages et port de lettres seront portés en facture.
Les prix des livres sont marqués brochés à l’exception de ceux indiqués autrement.

OUVRAGES NOUVEAUX.


ÉTRENNES D’ÉCONOMIE RURALE ET DOMESTIQUE, contenant des anecdotes, des morceaux d’agriculture, de morale, de médecine, de pharmacie, etc., etc. PRIX 1 f. 25 c. et 1 f. 50 par la poste.

Nous continuerons tous les ans régulièrement ces petites Etrennes, qui seront très-variées, et n’offriront, chaque année, que des morceaux neufs, au lieu de ces réimpressions continuelles, qui ne font de la plupart des ouvrages de ce genre qu’une répétition fastidieuse. Ce recueil continuera de présenter des mémoires sur l’économie rurale et domestique, des recettes et des procédés, des faits curieux d’histoire naturelle et d’agronomie, et un grand nombre d’articles, utiles aux personnes de la ville et de la campagne, auxquelles l’économie n’est pas indifférente, et qui ne dédaignent pas de s’occuper de leurs fermes, de leurs jardins, et de leur maison. Le temps ne nous a pas, cette année, permis d’apporter à nos Etrennes les soins que nous leur donnerons les années suivantes.

PETIT COURS D’AGRICULTURE, ou Manuel du fermier, contenant un traité sur la physique agricole, la culture des champs, les animaux domestiques, les laiteries et la manière d’en utiliser les produits ; l’art vétérinaire, les différens modes de locations, et la comptabilité d’une ferme. Par M. E. B. de Lépinois, membre de la société d’agriculture de Provins, correspondant de la société royale et centrale de Paris, et du conseil d’agriculture établi près du ministère de l’intérieur : 1 vol. in-8° ; 1821. Prix 3 f. 50 c. et 4 f. 25 c. par la poste.

Cet ouvrage, classé méthodiquement, fruit d’une longue expérience, ne peut manquer d’être utile aux cultivateurs qui n’auraient pas toutes les connaissances préliminaires, et auxquels il manque souvent le temps nécessaire pour lire les ouvrages volumineux ; celui-ci leur offre l’extrait des choses indispensables à connaître.

Il consiste tout entier en faits et en préceptes basés d’un côté sur l’expérience, et de l’autre sur une théorie dont l’application doit produire les plus grands avantages. La manière de préparer les terres, de les juger, de les travailler chacune en son temps, les instrumens dont il faut se servir, les bestiaux qu’il convient le mieux d’employer, le soin qu’il faut prendre de ces derniers, les qualités requises pour en faire le choix, leurs maladies, les remèdes applicables ; tout s’y trouve recueilli avec ordre, précision et clarté. Un petit dictionnaire chimique, qu’on trouve à la fin du volume, aide beaucoup à la lecture, et sert à l’intelligence de la plupart des faits et moyens qu’il présente.

(Extrait des Tablettes universelles.)

PRATIQUE SIMPLIFIÉE DU JARDINAGE, à l’usage des personnes qui cultivent elles-mêmes un petit domaine contenant un potager, une pépinière, un verger, des espaliers, des serres, des orangeries et un parterre ; suivi de l’Année du jardinier, ou travaux à faire pendant l’année dans un jardin. Par M. Louis Du Bois, membre de plusieurs académies françaises et étrangères, l’un des collaborateurs du Cours complet d’Agriculture, etc. : 1 vol. in-12 ; 1821. Prix 2 f. 50 c. et 3 f. par la poste.

Cet ouvrage, simplifié et très-élémentaire, renferme dans un petit nombre de pages tout ce qui concerne le jardinage, et peut diriger d’une manière éclairée toutes les opérations de cet art si intéressant. Il est tout-à-fait au niveau de la science, bien différent en cela de ces recueils volumineux, et toutefois incomplets, de vieilles doctrines, de faux préceptes et de bévues compilées sans goût et sans discernement dans des livres surannés. Ce petit traité est très-complet ; les matières y sont classées avec méthode, traitées avec clarté, et présentées dans un style simple et pur. On peut donc regarder cette Pratique simplifiée comme le manuel le moins cher et le plus complet que puissent se procurer les jardiniers ainsi que les amateurs de la culture des jardins.

LEÇONS D’UN PÈRE A SON FILS, par M. Duval, ancien avocat : 1 vol. in-8°, avec une fig., 2e édit. ; 1821. Prix 5 f. et 6 f. 25 c. par la poste.

Avec cette épigraphe :

    Qu’il est heureux l’enfant qui possède un bon père !...
    Où pourrait-il trouver un ami plus sincère !...


Cet ouvrage, intéressant sous tous les rapports, est le fruit de la tendre sollicitude d’un père vertueux et éclairé, qui annonce moins les prétentions d’un auteur que celles d’un guide prudent et sage. Le but de l’auteur est de préserver un fils, son unique espérance, des écueils dont la jeunesse est sans cesse environnée, et de la conduire d’une main sûre dans le sentier de l’honneur et de la vertu. Une épitre en vers simples, mais non dépourvu d’élégance, précède l’ouvrage, et en donne le plan ainsi que la conduite.

ENFANCE DES GRANDS HOMMES, dédié à l’adolescence ; 1 vol. in-18°, 2e édit. Prix 1 f. 50 c. et 2 f. par la poste.

Ce petit ouvrage, orné de six jolies figures, est propre à être donné en étrennes ; l’exécution en est très-soignée.

DISSERTATION SUR CETTE QUESTION, proposée par la société d’agriculture, sciences et arts, de Provins : PROVINS EST-IL L’AGENDICUM DES COMMENTAIRES DE CÉSAR ? par M. Barrau, docteur en médecine : 1 vol. in-12, orné d’un plan de Provins ; 1821. Prix 2 f. et 2 f. 50 c. par la poste.

VOYAGE A L’ABBAYE DE LA TRAPPE DE MELLERAY, par M. Ed. Richer : 1 vol. in-18, 3e édit. ; 1821. Prix 60 c. et 75 c. par la poste.

Ouvrages principalement sur le jardinage et
l’économie rurale et domestique.

ART DU TAUPIER, ou Méthode amusante et infaillible pour prendre les taupes, suivant les procédés d’Aurignac ; par Dralet. Brochure in-8° ; 1807, 60 c.

BON JARDINIER (le), alm. pour l’année 1821 ; par MM. Pirolle, Vilmorin et Noisette, avec planches : 1 vol. in-12, 8 fr.

CONFISEUR (le) ROYAL, ou l’Art du confiseur dévoilé aux gourmands ; contenant la manière de faire les confitures, marmelades, compotes, dragées, pastilles, etc. ; des instructions sur la distillation ; divers articles concernant l’office ; enfin des recettes d’économie domestique pour faire toutes sortes de vinaigres et les aromatiser, etc. ; par madame Ultrecht-Friedel ; cinquième édit., Paris, 1818. 1 vol. in-12, orné de 3 pl., 3 f.

ECOLE DU JARDIN FRUITIER, par M. Labretonnerie, dans laquelle on trouve l’origine des arbres fruitiers, les terres qui conviennent à chacun d’eux, le moyen de les leur approprier, et de corriger les plus mauvaises ; le choix de ses arbres, leur plantation et transplantation, les pépinières, les différentes sortes de greffes, le temps et la manière pour les bien faire, la taille et les formes que l’on peut donner aux arbres fruitiers, le temps et la manière de les ébourgeonner, leurs maladies et accidens, etc. ; la culture particulière de chaque espèce, les usages et propriétés de leurs fruits et de leurs bois ; enfin le journal de tous les ouvrages à faire dans le jardin fruitier pendant le cours de l’année. Nouvelle édition, corrigée et augmentée par l’auteur du Bon Jardinier : 2 gros vol. in-12, de 600 à 700 pages ; 1808, 7 f.

ECONOMIE RURALE, traduction du poëme du P. Vanière, intitulé Proedium rusticum ; par Berland : 2 vol. in-12, rel., 1756, 8 f.

FIGURES POUR L’ALMANACH DU BON JARDINIER ; 2e édit. augmentée de cinq planches : 1 vol. in-12, fig. noires., 3 f.

Id., figures coloriées. 7 f. 50 c.

FORÊTS (les) DE LA FRANCE ; leurs rapports avec les climats, la température et l’ordre des saisons, avec la prospérité de l’agriculture et de l’industrie ; par M. le baron Rougier de la Bergerie : 1 vol, in-8°, 6 f.

GÉORGIQUES FRANÇAISES, poëme ; par M. le baron Rougier de la Bergerie ; 1804 : 2 vol ; in-8°, 8 f.

HISTOIRE DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE, précédée d’une notice sur l’empire des Gaules, et sur l’agriculture des anciens ; par M. le baron Rougier de la Bergerie ; 1815 : 1 vol. in-8°, 6 f.

MAÏS (le), ou BLÉ DE TURQUIE, apprécié sous tous ses rapports ; mémoire couronné par l’Académie royale de Bordeaux ; par Parmentier : 2e édit. ; 1812, 5 f.

MAISON RUSTIQUE (la nouvelle) : 3 vol. in-4°, figures, 50 f.

MANUEL DES PROPRIÉTAIRES D’ABEILLES ; par Lombard : 1 vol. in-8°, 2 f. 50 c.

PARFAIT (le) AGRICULTEUR, ou Dictionnaire portatif et raisonné d’agriculture, contenant les nouvelles inventions et découvertes faites dans cet art ; ouvrage rédigé d’après l’expérience et les avis des agriculteurs les plus célèbres, et les traités les plus modernes dans ces parties ; par Cousin d’Avalon : 2 vol. in-12, 5 fr.

PARFAIT (le) BOUVIER, ou Instructions concernant la connaissance des boeufs et vaches, leur âge, maladies et symptômes, avec les remèdes les plus expérimentés propres à les guérir ; augmenté de deux petits Traités pour les moutons et porcs, ainsi que plusieurs remèdes pour les chevaux, par M. B… Nouvelle édit. ; 1819, 2 f.

TAILLE RAISONNÉE DES ARBRES FRUITIERS, et autres opérations relatives à leur culture ; par Butret : 1 vol. in-8°, 2 f ; 25 c.

TRAITÉ DE LA CULTURE DES ARBRES FRUITIERS, traduit de l’anglais, de Forsyth : 1 vol. in-8°, figures, 7 f. 50 c.

Ouvrages divers.

AVENTURES DE TÉLÉMAQUE ; fils d’Ulysse, par M. de Fénélon, archevêque de Cambrai ; édition très-correcte, à laquelle on a joint un Dictionnaire de Géographie ancienne et de Mythologie : 2 vol. in-8°, avec 25 fig., 8 f.

DÉFENSE DE L’ORDRE SOCIAL contre les principes de la révolution française ; par J. B. Duvoisin. Nouvelle édition : 1 vol. in-8°, 4 f.

ESSAI D’UNE MÉTHODE GÉOLOGIQUE, ou Traité abrégé des roches, par M. Dubuisson, professeur et conservateur du Muséum d’histoire naturelle de la ville de Nantes, etc. : 1 vol. in-8°, 2 f.

FABLES de Florian : 1 vol. in-18, 1 f.

FORMULAIRE magistral et mémorial pharmaceutique, par Cadet de Gassicourt ; 4e édition : 1 vol. in-18, 4 f.

GÉOGRAPHIE de Gauthier : 1 vol. in 18, cart., 1 f. 50 c.

GRAMMAIRE de la jeunesse, par Jégou, professeur du collége de Nantes : 1 vol. in-8°, 5e édit., 2 f.

GRAMMAIRE des Grammaires, ou Analyse raisonnée des meilleurs Traités sur la langue française ; par Charles-Pierre Girault Duvivier ; 4e édit : 2 vol ; in-8°, 1819, 15 f.

GRAMMAIRE française, par l’abbé Gautier : 1 vol., 1 f. 50 c.

MANUEL pratique des poids et mesures, des monnaies et du calcul décimal ; par Tarbé : 1 vol. in-18, 2 f. 50 c.

PHILOSOPHIE (de la) religieuse et morale dans ses rapports avec les lumières ; par M. Ed. Richer : 1 vol. in-8°, 1 f. 25 c.

PHILOSOPHIE de la jeunesse : 1 vol. in-18, 75 c.

PRÉCIS historique, statistique et minéralogique, sur Guérande, le Croisic et leurs environs, précédé d’un Abrégé de l’Histoire de Bretagne, jusqu’à la réunion de cette contrée au royaume de France, avec une carte de l’ancien territoire de Guérande ; par J. Morlant : 1 vol. in-8° 2 f. 50 c.

PROSODIE française, par M. l’abbé d’Olivet, simplifiée et augmentée par M. Charles François Lhomond, suivie de quelques observations grammaticales : in-12, 40 c.

REMARQUES sur la culture et le commerce intérieur du Bengale ; traduit de l’anglais, de M. Colebrook, par M. R., officier du génie : 1 vol. in-8°, 2 f.

VOCABULAIRE (Nouveau) français, de Wailly, 9 édit : 1 vol. in-8°, 7 f.

VICTOR ET AMÉLIE, poëme en quatre chants, suivi de poésies diverses ; par Ed. Richer : 1 vol. in-18, 1 f. 25 c.

CONSIDÉRATIONS PRATIQUES SUR LE TRAITEMENT DE LA GONORRHÉE VIRULENTE, et sur celui de la vérole ; par M. Fréteau : 1 vol. in-8°, 1813, 5 f.

TRAITE ÉLÉMENTAIRE SUR L’EMPLOI LÉGITIME ET MÉTHODIQUE DES ÉMISSIONS SANGUINES DANS L’ART DE GUERIR, avec application des principes à chaque maladie ; par M. Fréteau : 1 vol. in-8°, 1816, 5 f.

Sous presse.

L’ÉCOLE DU JARDIN POTAGER, contenant la description exacte de toutes les plantes potagères, leur culture, les qualités de terre, les situations et les climats qui leur sont propres, leurs propriétés, les différens moyens de les multiplier, le temps de recueillir les graines, leur durée, etc., etc ;

Suivie du traité de la culture des pêchers, par De Combles ; sixième édition, mise en ordre, enrichie d’observations, précédée d’une notice sur De Combles et ses ouvrages, par M. Louis Du Bois, membre de plusieurs académies et sociétés agronomiques de Paris, des départemens et de l’étranger ; l’un des auteurs du Cours complet d’agriculture, etc.


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