LA SYMBOLIQUE SOCIALE DANS LES TROIS MOUSQUETAIRES


Peter BETTON, Vincent PIEDNOIR, Tom COURT. 1ère L 1


Nous allons aborder une étude sur le roman " Les Trois Mousquetaires " écrit par Alexandre Dumas en 1844. Nous analyserons plus particulièrement la symbolique sociale d'Athos, de Porthos et d'Aramis, personnages titres du roman.

" Les Trois Mousquetaires " fut écrit avec l'intention accessoire, il est vrai, d'évoquer une vision politique du XVIIème siècle, particulière à l'auteur. Cette dimension politique est introduite par l'élaboration de personnages correspondant aux trois classes sociales prédominantes dans la société féodale.

Athos est l'archétype du grand Noble, Porthos, le symbole d'une Noblesse embourgeoisée et Aramis est le représentant du Clergé. Ils forment donc une représentation microcosmique du macrocosme qu'est la société du XVIIème siècle ; la vision politique propre à l'auteur suggérée par certaines caractéristiques de ces personnages que nous analyserons individuellement.

Tout d'abord, nous étudierons le personnage d'Athos, représentant de la Noblesse telle qu'elle est perçue par Dumas (du moins en apparence dans le cadre du roman). Ensuite, nous commenterons le personnage de Porthos, symbole de la Bourgeoisie en pleine ascension sociale. Pour finir, nous décrirons Aramis, symbolisant le Clergé mais aussi l'intriguant.

En conclusion, nous analyserons le passage de d'Artagnan à travers ses rapports avec les trois mousquetaires.

ATHOS, OU LA NOBLESSE DANS LA VISION DE DUMAS

Introduction

Dans le roman " Les Trois Mousquetaires ", le personnage d'Athos occupe une place prédominante. Son importance est extrêmement marquée à travers sa relation avec d'Artagnan. Athos représente la figure archétypique du grand Noble : il incarne le système de valeurs que d'Artagnan désire acquérir absolument. Il est donc, en quelque sorte, le père spirituel légitime de d'Artagnan, ce, par opposition à Aramis. Le thème de l'éducation morale et sociale de d'Artagnan sera développé ultérieurement.

En outre, Athos est toujours le premier cité dans l'énumération de la trinité :
" Athos, Porthos et Aramis ". Ceci est remarquable, car, bien que placé en tête du groupe et en conséquence, au sommet de l'échelle sociale, bien qu'il incarne si parfaitement un système de valeurs héroïques qu'il en devient une sorte de surhomme, Athos est marqué par la déchéance. Malgré la place qui lui revient de droit au sein de la société, il a abandonné ses terres de seigneur pour devenir mousquetaire sous un nom d'emprunt. Sa dégénérescence se poursuit encore : Athos est un alcoolique et refuse jusqu'à l'autorité qui lui échoit de par sa prestance naturelle. P. 388 :

"  Il ne donnait jamais de conseils qu'on ne lui demandât. Encore fallait-il les lui demander deux fois. "
Nous nous éloignons ainsi de l'image idéalisée de la Noblesse, pour rallier une vision plus nuancée, plus politique de la situation : la vision de Dumas. Dumas insiste en permanence sur la supériorité d'Athos, comme nous allons le démontrer dans notre première partie : " La Noblesse d'Athos ".

Par la suite, nous nous interrogerons tout naturellement sur les raisons d'être de la dégénérescence d'Athos : ses causes dans le récit et la dimension politique qu'elle introduit dans le roman. Ceci constituera notre seconde partie : " Le passé d'Athos ".

A partir des notions exposées dans la seconde partie, nous élaborerons une analyse de la psychologie d'Athos dans le roman, reflétant l'évolution de la société. Dans le contexte historique du roman dépeinte suivant les conceptions politiques propres à Dumas lors de l'écriture des " Trois Mousquetaires ". Il s'agira de notre troisième partie : " La Noblesse dans le monde du complot ".

I. - La Noblesse d'Athos 

Nous avons déjà cité le fait qu'Athos est le premier dans la trinité " Athos, Porthos et Aramis ", ou " La Noblesse, embourgeoisée et la Clergé ". Athos est également le plus âgé des trois. Une caractéristique d'Athos qui est développée largement dans le récit est son mépris pour l'argent. Ce mépris est omniprésent dans le roman, aussi allons nous relever quelques exemples à commenter : à la page 91 est décrite l'attitude d'Athos envers le jeu :

" Athos jouait, et toujours malheureusement. Cependant il n'empruntait jamais un sou à ses amis, quoique sa bourse fût sans cesse à leur service... "

Relevons également à la P. 313 :
" Athos, lorsqu'il avait gagné, demeurait aussi impassible que lorsqu'il avait perdu ". Nous sommes d'ores et déjà en mesure de mettre en évidence un contraste entre la manière de jouer d'Athos et celle de Porthos. P. 313 :

" .. au contraire de Porthos, qui accompagnait de ses chants ou de ses jurons toutes les variations de la chance ". et " Porthos avait des fougues : ces jours-là, s'il gagnait, on le voyait insolent et splendide s'il perdait, il disparaissait complètement pendant quelques jours, après lesquels il reparaissait le visage blême et la mine allongée, mais avec de l'argent dans ses poches ".

Athos pratique le jeu comme passe-temps chevaleresque (au sens strict du terme). L'enjeu lui importe peu car l'argent ne représente pas une valeur pour lui, Noble, au contraire de Porthos, Bourgeois dans l'âme.

Cette négation de l'argent en tant que valeur se retrouve à la page 88, lors de la description des appartements d'Athos :

" .. c'était une épée, [...], richement damasquinée, qui remontait pour la façon à l'époque de François Ier, et dont la poignée seule, [...], pouvait valoir deux cents pistoles ".

Cette description est déjà évocatrice : la notion d'héritage, indissociable de la Noblesse, est ici exacerbée par la symbolique de l'épée, attribut fondamental de la Noblesse. Le mépris d'Athos pour la valeur pécuniaire de l'épée s'oppose au profond respect qu'il attache à sa valeur symbolique et héréditaire. Cette attitude contraste avec celle de Porthos, qui désire l'épée, dans la mesure où son apparence de grande valeur accentuerait son prestige publique.

Le fait que Porthos désire acquérir cette épée rappelle aussi le besoin de la Bourgeoisie d'acquérir les valeurs de la Noblesse. Nous pouvons tracer un parallèle entre cet épisode et le thème du " Bourgeois Gentilhomme ", où dans la mesure Porthos représente une Noblesse embourgeoisée qui a perdu les valeurs de la grande Noblesse.

Nous justifions cette hypothèse par cette citation :
" Un jour, [...], il essaya même de l'emprunter à Athos. Athos, sans rien dire, vida ses poches, ramassa tous ses bijoux : bourses, aiguillettes et chaînes d'or, il offrit tout à Porthos ; mais, quant à l'épée, lui dit-il, elle était scellée à sa place... "

Nous pouvons citer rapidement quelques autres exemples du mépris d'Athos pour l'argent, qui ne justifient pas un véritable développement : il ne se soucie pas de chercher de l'argent pour son équipement (p. 349) et ne marchande pas lorsqu'il achète des biens (p. 429-430).

Des pages 311 à 313, nous assisterons à l'énumération des qualités d'Athos qui dénotent une connaissance parfaite des conventions sociales de la part du personnage :

" S'agissait-il d'un repas ? Athos l'ordonnait mieux qu'aucun homme du monde... "
" S'agissait-il de science héraldique ? Athos connaissait toutes les familles nobles du royaume...

Un épisode intéressant à commenter est celui du Bastion St Gervais. (p. 486 et suivantes). Athos invente un exploit original à accomplir : il révèle un talent pour l'héroïsme en entreprenant un fait d'armes, original et spectaculaire. Nous pouvons comparer de façon intéressante cet épisode avec l'attitude d'Athos envers le jeu : l'épisode du Bastion St Gervais est construit autour d'un pari dont l'enjeu est, principalement, l'honneur des participants. Cet enjeu possède de la valeur aux yeux d'Athos, par opposition à l'argent, enjeu habituel du pari. L'argent étant la valeur chère à la Bourgeoisie, et l'honneur, la qualité intrinsèque de la Noblesse, Athos révèle par l'importance qu'il accorde à ce pari, sa condition de Noble.

Comme nous l'avons vu, les qualités d'Athos sont inhérentes à sa nature d'aristocrate ; elles sont innées, naturelles pour lui. Les qualités dérivant des valeurs de la Noblesse sont un bien qui lui est acquis. Le bien de la Bourgeoisie, représenté dans une certaine mesure par Porthos, est l'argent, comme nous l'avons démontré.

La Bourgeoisie tente d'acquérir les valeurs de la Noblesse, comme il transparaît à travers ce passage (p. 87) :
" Il avait moins grand air qu'Athos [...], qu'il s'était alors efforcé de dépasser par ses splendides toilettes ".

Comme nous le verrons ultérieurement, cette convoitise Bourgeoise de qualités de la Noblesse n'aboutit pas, ce qui n'est pas le cas de la convoitise que la Bourgeoisie ressent par rapport à la position sociale des Nobles. L'évocation des qualités d'Athos aura, nous l'espérons, confirmé son statut d'archétype du grand Noble. Néanmoins, " archétypique " ne connote pas toujours " idéalisé(e) " : à travers des vices prononcés, Dumas cherche à communiquer la déchéance de la grande Noblesse, tout en marquant une certaine distance par rapport à une représentation idéalisée de ,l'ancien régime. Afin de comprendre les causes de la déchéance d'Athos et de sa classe sociale, nous devons prendre en considération le passé du personnage.

II. - Le passé d'Athos

Le passé d'Athos est donc la source de sa dégénérescence.. Il introduit la dimension politique que Dumas a investie dans le personnage. Il raconte d'une certaine manière, la chute de la grande Noblesse et de son système de valeurs, son usurpation par la Bourgeoisie, autant méprisée dans ses valeurs par Dumas que par la Noblesse d'entant.

Pour justifier cette hypothèse, nous devons commenter le chapitre " La Femme d'Athos ", de la page 325 à la page 327. Athos raconte à d'Artagnan la cause de son malheur : la trahison de Milady, qui le déshonora. Il est important de signaler que Milady ne représente absolument pas la Bourgeoisie dans son essence (elle est une aventurière), mais qu'elle la représente par ses actions lors de cet épisode.

L'histoire commence par la venue de Milady dans les terres d'Athos, accompagnée d'un prêtre qui se révélera plus tard être son amant. Symboliquement, cette alliance entre la Bourgeoisie et le Clergé semble incongrue. Pour l'expliquer, nous devons nous référer à la vision politique de Dumas. Dumas pense que la Bourgeoisie a confisqué la révolution au peuple. Lors de cet épisode, il insiste sur l'illégitimité de la Bourgeoisie (Milady par rapport à Athos) et sur sa perfidie. (A la suite de la Révolution, la Bourgeoisie embrassera de nouveau la religion catholique qu'elle avait combattue : c'est ce que dénonce Dumas). Dumas insiste ainsi sur l'illégitimité de la Bourgeoisie à travers le personnage de Milady :

" On ne savait pas d'où ils venaient... "
" ... personne ne songeait à le leur demander ".
Milady épouse Athos sans en avoir le droit. Lorsqu'Athos dit à d'Artagnan qu'il choisit d'épouser Milady au lieu de la prendre de force, il parle ainsi :
" Malheureusement, il était honnête homme... "
Par cette phrase, Athos déplore ironiquement les qualités intrinsèques de la Noblesse. Son ironie renvoie, par sous-entendu, à un sujet du monde du complot, le monde de l'occultation qui permit à Milady de devenir sa femme.

Athos découvre l'illégitimité de Milady, son caractère d'usurpatrice dont témoigne sa flétrissure, en fendant les habits de celle-ci. La fleur de lis relègue Milady au rang de " paria " dans le monde gouverné selon les valeurs de la Noblesse.

En entreprenant de déchirer tous les vêtements de Milady, Athos dévoile en quelque sorte le comploteur dans son intégrité. La Noblesse s'aperçoit du caractère usurpateur de la Bourgeoisie. Malheureusement, l'ascension sociale de la Bourgeoisie ne sera pas stoppée : Athos ne parvient pas à tuer Milady qui connaît, en tant qu'aventurière, un succès considérable. Athos, quant à lui, précipite son déclin et perd sa position sociale pour sombrer dans l'alcoolisme.

Nous avons donc été les témoins de la chute de la Noblesse aux mains de la Bourgeoisie et surtout de la métamorphose d'un monde aux valeurs chevaleresques en un monde de complots. Que devient la Noblesse qui subsiste encore dans ce monde où la société est corrompue ? Pour répondre à cette question, examinons la déchéance d'Athos, telle qu'elle est dépeinte dans le roman.

III. - La Noblesse dans le monde du Complot

Tout au long des " Trois mousquetaires ", bien qu'admiré de tous, Athos s'intégra mal à la société. Il est asocial, retranché en lui-même dans un mutisme sombre et décourageant pour tout interlocuteur. Nous avons remarqué qu'Athos déplore le monde du complot et, en conséquence, il ne s'y implique pas. Lorsqu'il s'implique dans l'intrigue, il agit toujours pour défendre la monarchie et ses valeurs. Il s'y implique par abnégation, se laissant capturer à la place de d'Artagnan en se faisant passer pour ce dernier. Néanmoins, l'attitude d'Athos envers le monde du complot peut étonner le lecteur attentif à la psychologie fondamentale du personnage.

Athos, Noble parfait devrait donc mépriser ouvertement le monde du complot, dont les valeurs sont en désaccord avec ses idéaux chevaleresque. Mais Athos se montre mélancolique, plein de regrets. Il déplore simplement le monde du complot. Cette attitude souligne l'étendue de la déchéance de la grande Noblesse, son abdication et le caractère inéluctable de sa disparition.

Le mutisme d'Athos peut donner lieu à plusieurs interprétations qui varient selon les circonstances. Le mutisme d'Athos envers Grimaud et l'obéissance aveugle de ce dernier envers son maître rappelle la " juste hiérarchie de l'ancien régime ", le serviteur obéissant, sans questionner son maître par droit de sang. Cette relation entre Athos et Grimaud contraste avec celle entre d'Artagnan et Romdret : d'Artagnan est beaucoup plus familier qu'Athos avec son serviteur. Comme nous allons le voir, d'Artagnan représente la nouvelle Noblesse et sa familiarité avec son serviteur le rend moins glorieux qu'Athos, Grand Noble d'une race vouée à disparaître.

Le mutisme d'Athos contraste, par ailleurs, avec la vantardise de Porthos. Nous avons vu que Porthos ne parvient pas à s'affirmer par rapport à Athos, mais le mutisme de ce dernier pourrait avoir une seconde signification : la Noblesse, nous le savons, possède des dons innés qui restent hermétiques à la Bourgeoisie dont les valeurs imprègnent peu à peu la société. La noblesse disparaît sans livrer le secret de sa prestance : Athos reste muet.

Dans le prolongement de la disparition de la Grande Noblesse, nous assistons à l'apparition d'une Nouvelle Noblesse adaptée au monde du complot, incarnée par d'Artagnan. Si les trois mousquetaires forment une trinité, d'Artagnan représente la nouvelle génération. Ses tuteurs lui inculquent certaines de leurs valeurs morales. L'enseignement d'Athos est prédominant : Il est souvent décrit en tant que père spirituel pour d'Artagnan. Il lui apprend les valeurs primordiales qu'il souhaiterait idéalement incarner. Athos conte à d'Artagnan son passé malheureux :
d'Artagnan bénéficie de son expérience. D'Artagnan est très marqué par le récit d'Athos, comme nous pouvons le constater à la page 328 :
 ... "D'Artagnan, en se réveillant le lendemain matin, avait chaque parole d'Athos aussi présente dans son esprit que si [...] elles s'étaient imprimées dans son esprit ".

Nous assistons à la formation d'une nouvelle Noblesse adaptée au monde du complot, et cynique. (Voyez la manière dont d'Artagnan manipule la jeune servante de Milady).

Nous devons également évoquer l'alcoolisme d'Athos : par le vice du personnage, Dumas je distancie vis-à-vis des idéaux politiques du personnage.

PORTHOS OU LES ASPIRATIONS DE LA BOURGEOISIE

Dans les trois mousquetaires, Porthos est sûrement le moins intelligent. Au côté de ces trois compagnons, Porthos fait figure de bon géant, c'est à dire qu'il se laisse guider sans méfiance, il est toujours prêt à mettre sa force au service de ces trois amis et de son honneur. Il personnifie une force généreuse et une vanité désarmante. Ces quelques points sont les principales caractéristiques de ce personnages. Il essaye d'obtenir une certaine noblesse. C'est pourquoi dans un premier temps, nous montrerons les principaux traits de caractère de Porthos et dans un deuxième temps, nous allons tenter de voir les liens susceptibles d'y avoir entre le personnage et l'auteur, c'est à dire Porthos et Dumas.

A chaque intervention de Porthos dans le roman, on peut remarquer qu'il veut toujours préserver son honneur et ceci dans tous les domaines apparaissant dans le roman. Ainsi, lorsque Porthos commence à jouer, notamment aux cartes, il ne peut s'arrêter. Il choisit ses adversaires, il sait reconnaître les personnes qui ont une classe élevée. C'est pourquoi, il lui arrive de jouer très gros. Cela commence par de faibles sommes d'argent puis de plus importantes, et alors ne voulant pas s'avouer vaincu, il joue ses biens. Ainsi au chap.25, page 279, Porthos a perdu son cheval en jouant à l'auberge où il était resté après avoir été blessé.
Porthos veut essayer de représenter la noblesse. C'est pourquoi, il possède toujours des vêtements sur laquelle il y a des broderies fines très élégantes.
D'ailleurs, il n'hésite pas à sacrifier le peu d'argent qu'il a pour ses équipements. Par exemple, au chap.32, Porthos veut tellement représenter cette noblesse qu'il demande une grande somme d'argent, ainsi que deux chevaux, à Mme Cocquenard qu'il a uniquement séduit pour l'héritage de son mari. De plus, Porthos possède un somptueux appartement vu de l'extérieur, car on ne pouvait pas imaginer ce qu'il renfermait.
Porthos fait souvent des dépenses inutiles. Dès qu'il possède un peu d'argent il en abuse. Ainsi, au chap. 25, Porthos est en dette avec l'aubergiste. Il n'a pas su garder son argent. Il l'a dépensé en jouant et il en a aussi profiter pour se nourrir.
Oui, en effet, Porthos aime manger. Dès qu'il a un moment de libre, il en profite pour grignoter ou manger. Pour lui, chaque prétexte est bon pour déjeuner. Ainsi quand d'Artagnan le rejoint à l'auberge, Porthos dit :
" Vous voyez qu'il nous arrive du renfort il nous faudra un supplément de victuailles ".

Il pourra alors se nourrir d'avantage. Porthos a toujours tout ce qu'il souhaite pour se restaurer et ceci est notamment dû à son laquais Mousqueton. Mousqueton est prêt à tout pour son maître et il n'hésite pas à dérober des bouteilles de vins avec l'aide d'un lasso à la p. 289. Il fait tout cela par dévouement pour Porthos mais il faut tout de même ajouter que Mousqueton est tout de même un peu intelligent et pour lui, c'est son père qui lui a transmis cette intelligence. Pour que tout le monde le respecte, Porthos est prêt à tout. C'est pourquoi, il n'hésite pas à mentir. A chaque fois qu'il est séparé de ses trois amis, il invente une histoire qui est susceptible d'émerveiller les personnes qui l'écoutent. Il ferait tout pour atteindre le niveau social qu'il recherche. Les mensonges se succèdent tout au long du roman. Je peux citer, au chap. 25, l'exemple de sa blessure. Il dit que c'est en voulant en terminer avec son adversaire, il a glissé et s'est alors fait une foulure au genou mais en fait il pris un coup d'épée dans la poitrine. Dumas nous montre ici une des différences entre d'Artagnan et Porthos. Oui, d'Artagnan est au courant de l'histoire qui est arrivé à Porthos mais en grand homme de la société du 17ème siècle, d'Artagnan ne dit rien et laisse terminer Porthos. Donc, Porthos se retrouve alors dans une situation comique car il pense que d'Artagnan n'est pas au courant de ce qu'il lui est arrivé. La bourgeoisie est souvent représentée par la fierté et l'orgueil. Porthos est tout à fait le personnage qui possède ce caractère. Il refuse que quelqu'un lui donne des ordres, excepté ces trois amis. Il n'accepte pas qu'on lui réclame quoi que soit même lorsqu'il le doit. Il n'approuve pas, ainsi, que l'hôte de l'auberge lui demande des comptes et depuis ce passage il refuse alors d'ouvrir la porte à une personne appartenant à l'auberge. Comme nous venons de le voir, Porthos est avare et de plus il essaie de se procurer de l'argent par des moyens illicites. Ainsi, il veut apprendre à des jeunes clercs à jouer pour ensuite les déplumer de leur argent. C'est ainsi qu'agit Porthos au chapitre 32 lorsqu'il arrive chez la procureur Dans cette scène, Porthos se retrouve une nouvelle fois dans une situation comique car lorsque la procureur cite le nom de Porthos, les clercs se sont mis à rire. Enfin, pour terminer cette première partie je dirai que Porthos fait parti du monde du complot mais il est trop nié pour s'en prendre compte. En faisant donc parti du monde du complot, il est donc coupé des valeurs nobles auxquelles il aspire.

Comme nous venons de le voir, Porthos représente, malgré lui, la bourgeoisie. Maintenant nous allons essayer de voir quelles différences et similitudes il peut y avoir entre l'auteur et le personnage.
Pour Dumas, Porthos reste le plus enfantin des personnages. Dans sa relation avec Mme Cocquenard, il attend la mort du procureur pour épouser une femme qui est très âgée et dont la beauté est fanée. Elle n'a que l'héritage à lui offrir. Pour Dumas, ce ne sont que des mesquineries bourgeoises du 17ème siècle qui font de Porthos l'équivalent moral d'un enfant de cinq ans.
La plus grande différence visible qui existe entre le personnage et l'auteur, c'est le niveau d'intelligence. Comme nous l'avons montrer auparavant, Porthos n'est pas très intelligent tandis que Dumas a su se distinguer dans plusieurs domaines, les romans et il a aussi été un grand auteur dramatique.
Mais quelque fois, on a pu voir que Dumas s'identifie à Porthos. En effet, Dumas est une personne simpliste, il est doté d'une grande bonté. Comme Porthos qui ne cherche pas les complications, il est prêt à tout pour subvenir aux besoins de ces trois amis. On peut tout de même faire une petite remarque si Porthos et Alexandre Dumas sont simplistes c'est toute fois dans certaines mesure; oui si Dumas est une personne simple c'est qu'il le veut ainsi tandis que Porthos ne peut faire autrement.
A partir de 1832, Dumas a effectué un bon nombre de voyage pour se faire oublier du monde politique. Dumas a alors découvert des plaisirs inconnus pour lui avant. En effet, Dumas découvre la joie de l'errance, le plaisir de se laisser à la curiosité et il parle infatigablement. Alors, on se demande si Dumas ne s'est pas représenté en composant le personnage de Porthos. Comme Dumas, Porthos erre toujours partout, tous les mousquetaires se retrouvent, soit chez l'un, soit chez l'autre pour festoyer ou discuter. La curiosité est très facilement remarquable chez Porthos. Il veut toujours tout savoir. A chaque fois qu'une conversation commence entre deux personnes, il veut savoir absolument ce qu'ils disent. Enfin, Porthos éprouve une facilité déconcertante pour parler, si on le laisse partir dans quelques récits que ce soit, l'histoire pourrait durer très longtemps.

Pour conclure sur ce personnage de Porthos, je dirai que c'est un personnage très grand et très fort. Porthos représente une aristocratie déchue financièrement. Mais Dumas veut satyriser la bourgeoisie sans la critiquer car il ne veut pas dégoutter son public bourgeois.

ARAMIS,OU LA VISION DU CLERGE D'APRES DUMAS

Aramis semble être le plus complexe des quatre principaux personnages de la trilogie d'Alexandre Dumas; du moins le plus complexe du roman Les trois Mousquetaires , puisque notre étude se limite à celui-ci. C'est un personnage ambigu, il se différencie à la fois de ses trois compagnons: D'Artagnan est l'homme qui ose, courageux et qui va de l'avant. Athos incarne la noblesse vue par Dumas. Porthos lui , est plutôt le représentant de la force physique, et, également celui d'un "embourgeoisement" de la noblesse , caractérisé par un certain manque de tact, de la délicatesse et de subtilité. Aramis lui, personnifie la ruse subtile, la discrétion presque infaillible et un sens de la réflexion tout à fait remarquable. Egalement, il est l'image de la séduction masculine dans le roman grâce à une sorte de délicatesse physique.Enfin, Aramis est attiré par la vie spirituelle, il étudie la théologie, afin ''d'entrer dans les ordres'' , du moins l'affirme-t-il...

D'ailleurs,dans le roman où sa bravoure contraste curieusement avec ses manières presque féminines, il oscille sans cesse entre d'aristocratiques liaisons et sa vocation religieuse, toujours prêt à tenter l'aventure avec une sorte de fatalisme et, rappelant à chaque instant au lecteur qu'il est un religieux dans l'âme... Les deux parties de notre développement seront consacrées en tout premier lieu à la vision du Clergé de l'époque par Dumas... A "La Religion d'Aramis", succédera : "Les Femmes d'Aramis", seconde partie qui sera axée sur les rapports qu'il entretient avec celles-ci et, par conséquent, sur la place qu'il occupe dans l'intrigue .

1/ La Religion d'Aramis:

"Mon cher, soyez mousquetaire ou abbé. Soyez l'un ou l'autre,mais pas l'un et l'autre." dit Porthos à Aramis (p. 32 ), posant ainsi le dilemme auquel est confronté le personnage. En effet, Aramis étudie avec passion la théologie qui est une sorte de méditation sur la pratique et sur l'origine des croyances, dans le but de devenir abbé. Alors que Porthos (p. 31) lui dit : "Quel délicieux abbé vous eussiez fait !". Aramis réplique : "vous savez bien, Porthos, que je continue d'étudier la théologie pour cela."Ici, observons ici la double personnalité de l'homme qui affirme "haut et clair" que son avenir est voué à la religion... Mais certains actes attestent chez lui une tendance au cynisme qui contraste l'image qu'il veut donner de lui-même.

Prenons par exemple, page 32 : "Et quelle chose attend-il ?" demanda un autre.
- Il attend que la Reine ait donné un héritier à la couronne de France.
-Ne plaisantons pas là-dessus, messieurs, dit Porthos; grâce à Dieu, la Reine est encore d'âge à le donner.
- On dit que Buckingham est en France, reprit Aramis, avec un rire narquois qui donnait à cette phrase, simple en apparence, une signification passablement scandaleuse."
En plus de son cynisme, Aramis met en oeuvre une certaine finesse rhétorique qui, avec ce jeu implicite poliment grivois, manifeste l'ambiguïté du personnage.
Aramis est un être qui désire absolument un jour se présenter sous le titre d'abbé, mais, il est victime d'une faiblesse: son goût pour les femmes.
"Aramis était un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans, à la figure naïve et doucereuse, à l'oeil noir et doux et aux joues roses et veloutées comme une pêche en automne ; sa moustache dessinait sur sa lèvre supérieure une ligne d'une rectitude parfaite; ses mains semblaient craindre de s'abaisser, de peur que leurs veines ne se gonflassent, et, de temps en temps il se pinçait le bout des oreilles pour les maintenir d'un incarnat tendre et transparent. D'habitude il parlait peu et lentement, saluait beaucoup, riait sans bruit en montrant ses dents qu'il avait belles et dont, comme du reste de sa personne, il semblait prendre le plus grand soin." (p. 30).

Aramis est donc : "d'une beauté exquise et fine", presque "féminine" ; ce caractère androgyne sera évoqué ultérieurement. Ce qui importe ici est qu'il prenne "le plus grand soin" de sa personne, de son allure. Ceci montre qu'il cherche à plaire, et ce qui offre un second contraste avec ce qu'il souhaite être, il apprécie "la compagnie des femmes". Un abbé est théoriquement dans l'impossibilité de se marier et Aramis semble ne pas pouvoir vivre sans la présence féminine. D'ailleurs Porthos, à la page 32, dit à ce sujet :
"-Vous allez chez Mme De-Bois-Tracy, la cousine de Mme De Chevreuse, et vous passez pour être fort en avant dans les bonnes grâces de La dame. Oh! Mon Dieu,n'avouez pas votre bonheur, on ne vous demande pas votre secret, on connaît votre discrétion ".
Tout d'abord, Porthos évoque le mutisme d'Aramis. Ensuite, nous pouvons observer que dans cet extrait, l'idée qu'Aramis est irrésistiblement attiré par les femmes, en tous cas par au moins une femme (Mme De Chevreuse.) est attestée...
Revenons au "mutisme" ; Porthos parle du "secret" d'Aramis. En effet, dans le roman, chaque personnage a ses secrets et, dès qu'ils sont percés, l'honneur en est bien souvent affecté. Source du Code Aristocratique, " l'honneur " est l'une des exigences que se doivent de respecter les gentilshommes...
Quand l'honneur est violé, se projette souvent à plus ou moins long terme le spectre du "DUEL" ,synonyme de violence et qui est prohibé par l'église, ce qui manifeste une troisième ambiguïté dans le personnage d'Aramis.

Aussi, afin de pouvoir illustrer cette idée prenons pour exemple l'extrait où Aramis se bat avec D'Artagnan. Notons que la cause du duel est, une fois de plus, en rapport indirect, avec une femme!
La religion d'Aramis, qui illustre la vision du Clergé par DUMAS, présente certaines particularités :
Aramis est un homme qui a un double-jeu. Il veut se faire abbé, étudie la théologie. Mais page 299, alors qu'il est en grande discussion avec le Supérieur jésuite et le curé de Montdidier, il va se trahir en quelque sorte : cherchant un sujet pour la thèse qu'il doit écrire afin d'entrer dans les ordres, il expose part aux deux hommes sa "Théologie en vers " :
"Vous qui pleurez un passé plein de charmes
Et qui traînez des jours infortunés
Tous vos malheurs se verront terminés
Quand à Dieu seul vous offrirez vos larmes
Vous qui pleurez."
"Votre théorie plaira aux dames, voilà tout." dit le jésuite. Aramis, en effet semble plus vouloir plaire aux femmes qu'autre chose, en utilisant la versification pour "Sa Théologie" qui évoque plutôt les malheurs de l'amour terrestre que celui de Dieu. La poésie est, à l'époque, un moyen de séduction. L'utilisation qu'en fait Aramis nous montre la spécificité de son approche de la religion, que les deux hommes d'église dénoncent de manière ironique. Cependant, il va plus loin à la page 307 lorsqu'il leur dit : "Allez vous en au Diable avec votre Latin!"
Ceci montre chez le personnage la faiblesse de sa vocation religieuse et l'attirance qu'il a pour les plaisirs du monde. Ce qu'il nous montre encore à la page 307, parlant à D'Artagnan:
"Buvons, morbleu, buvons frais, buvons beaucoup, et racontez moi un peu ce qu'on y fait là-bas". Les plaisirs de l'alcool ne sont pas, comme on dit, très catholiques. La dévotion exige décidément trop d'abnégation pour Aramis.
C'est d'ailleurs cette abnégation qu'Aramis évoque dans le sujet de sa thèse.

Afin d'illustrer une fois de plus l'importance prise par la présence féminine, reportons nous aux pages 302 et 303, où il explique cette passion qui l'a poussé à renier sa vocation religieuse et se battre avec un homme pour une femme à laquelle il semblait un peu trop faire la cour. Ne sachant pas alors se battre, il sentit qu'il ne devait pas laisser passer l'affaire, éprouvant un sentiment de rancoeur contrastant encore avec son projet de devenir abbé :
"Je suis gentilhomme et j'ai le sang vif, comme vous avez pu le remarquer, mon cher d'Artagnan ; l'insulte était terrible, et, tout inconnue qu'elle était restée au monde, je la sentais vivre et remuer au fond de mon coeur. Je déclarai à mes supérieurs que je ne me sentais pas suffisamment préparé pour l'ordination, et, sur ma demande, on remit la cérémonie à un an.
"J'allai trouver le meilleur maître d'armes de Paris, je fis condition avec lui pour prendre une leçon d'escrime chaque jour, et chaque jour, pendant une année, je pris cette leçon. Puis le jour anniversaire de celui où j'avais été insulté, j'accrochai ma soutane à un clou, je pris un costume complet de cavalier, et je me rendis à un bal que donnait une dame de mes amies, et où je savais que devait se trouver mon homme"
Il faut observer dans cet extrait le peu de remords d'Aramis à l'évocation de ce souvenir. Le fait de se battre lui parait naturel, pour un futur abbé, laver cet affront ne semble pas l'affecter et il justifie son action par la sagesse que lui donne la religion. Apparemment, il lui manque le recul nécessaire par rapport à la réalité de ses ambitions faces aux pulsions qui l'animent . Bien qu'il soit excellent théologien, il n'en est pas moins bel homme, trop sensible aux attraits du monde.
Cette allusion à son passé a pour but de montrer la contradiction qui habite Aramis: c'est pour une femme qu'il apprend à se battre et c'est pour elle qu'il trahit l'éthique de l'homme d'église...
Aramis représente une conception de la vocation religieuse peu orthodoxe. En conclusion, étant certainement croyant, celui-ci devient moins crédible quand il évoque les attraits du monde et ainsi il se trouve relégué dans une sorte de religion fictive où tout est possible, même utiliser la poésie pour séduire... Dumas montre ici son rejet de la dévotion ardente au profit d'un système plus indulgent.

2/ Les femmes d'Aramis:

Comme il a déjà été dit, la femme tient une place importante dans la vie d'Aramis. En analysant les rapports qui sont mis en place dans le roman, notamment avec Mme De Chevreuse, nous évoquerons sa place dans le complot et la relation qu'il entretient avec D'Artagnan à ce sujet.

C'est Porthos qui évoque pour la première fois le nom de Mme De Chevreuse (p. 32 ):
"Vous allez chez Mme d'Aiguillon, et vous lui faites la cour ; vous allez chez Mme De-Bois-Tracy, la cousine de Madame De Chevreuse, et vous passez pour être fort en avant dans les bonnes grâces de la dame".

Ainsi, Porthos touche à l'intimité d'Aramis qui ne tarde pas à s'irriter, puisqu'il se dit futur abbé: "Porthos, vous êtes prétentieux comme Narcisse, je vous en préviens, répondit Aramis ; vous savez que je hais la morale, excepté quand elle est faite par Athos. Quant à vous, mon cher, vous avez un trop magnifique baudrier pour être bien fort là-dessus. Je serai abbé s'il me convient ; en attendant, je suis mousquetaire : en cette qualité, je dis ce qu'il me plaît de vous dire que vous m'impatientez." (p. 32 et 33)

Cet extrait nous dévoile la violence avec laquelle Aramis répond aux accusations de Porthos. En effet, Aramis se trouve cruellement blessé par ces remarques désobligeantes. Lui, connu pour sa discrétion, son mutisme, tout le contraire de son interlocuteur, devient si susceptible dans sa réaction à la remarque de Porthos qu'il lui donne une certaine crédibilité. L'amour entre Aramis et Mme De Chevreuse semble être passionnel et sincère. Par opposition à la relation entre son ami Porthos et Mme Coquenard, cette situation présente le paradoxe de la personnalité d'Aramis de sa faiblesse face à ses contradictions.

L'authenticité de cet amour est notamment montrée dans l'extrait de la page 391 :
"Aramis jeta un cri de joie à la vue du cachet, baisa l'écriture, et avec un respect presque religieux, il ouvrit l'épître qui contenait ce qui suit :
"Ami, le sort veut que nous soyons séparés quelque temps ;mais les beaux jours de la jeunesse ne sont pas perdus sans retour. Faites votre devoir au camp ; je fais le mien autre part. Prenez ce que le porteur vous remettra ; faites la campagne en beau et bon gentilhomme, et pensez à moi, qui baise tendrement vos yeux noirs.
"Adieu, ou plutôt au revoir ! "
Le mendiant décousait toujours ; il tira une à une de ses sales habits cent-cinquante doubles pistoles d'Espagne, qu'il aligna sur la table ; puis, il ouvrit la porte, salua et partit avant que le jeune homme, stupéfait, eût osé lui adresser une parole.
Aramis alors relut la lettre, et s'aperçut que cette lettre avait un post-scriptum.
"P.-S. _vous pouvez faire accueil au porteur, qui est comte et grand d'Espagne."
_Rèves dorés ! s'écria Aramis. Oh ! la belle vie ! Oui nous sommes jeunes ! Oui, nous aurons encore des jours heureux ! Oh ! à toi , mon amour, mon sang, ma vie ! tout, tout, tout, ma belle maîtresse!
Et il baisa la lettre avec passion, sans même regarder l'or qui étincelait sur la table."

Ce passage nous montre l'ampleur de la passion que porte Aramis pour Mme De Chevreuse:
"Rèves dorés! Oh! La belle vie! Oui, nous sommes jeunes! Oui, nous aurons encore des jours heureux!".

Nous pouvons apporter également notre attention à la fin de ce passage:
" Et il baisa la lettre avec passion , sans même regarder l'or qui étincelait sur la table."

Il porte plus d'intérêt à la lettre qu'à l'argent et atteste ainsi la réalité de son amour qui cache également une relation qui se veut secrète, entre lui et sa bien-aimée: "Le Complot".

Le physique d'Aramis, la subtilité du personnage, la relation qu'il entretient avec Mme De Chevreuse, sont autant de raisons qui le poussent à participer à celui-ci, surtout qu'il est orchestré essentiellement par et pour des femmes...

Aramis, en opposition à la constante exubérance de Porthos : C'est la discrétion ! A la page 392, alors qu'il vient de recevoir l'argent de Mme De Chevreuse, D'Artagnan arrive à l'improviste : "_Ah! diable, mon cher Aramis, dit d'Artagnan, si ce sont là les pruneaux qu'on vous envoie de Tours, vous en ferez mon compliment au jardinier qui les récolte._Vous vous trompez, mon cher , dit Aramis toujours discret : c'est mon libraire qui vient de m'envoyer le prix de ce poème en vers d'une syllabe que j'avais commencé là-bas. _Ah! vraiment ! dit d'Artagnan ; eh bien votre libraire est généreux, mon cher Aramis, voilà tout ce que je puis vous dire." En plus de l'inutile discrétion d'Aramis, nous notons également l'aspect ironique de la reponse de D'Artagnan,qui n'est pas dupe. Mais, entrons plus précisément dans le domaine du complot. Aramis entretient une relation plus que mystérieuse avec Mme De Cheuvreuse qui se fait passer pour une lingère, et prend le pseudonyme de "Marie Michon", ce qui est très évocateur de l'ambiance du complot. Comme nous l'avons vu, Aramis fait partie d'un des très rares hommes à pénétrer l'intrigue.

Page 444 : "De son coté, Aramis/*" Par l'interrogation : " A qui ?.. ", Dumas insiste sur l'aspect mystérieux du complot, sur son coté étrange, caché. On se doute bien que si Aramis écrit à Tours, ce n'est pas un hasard et que le courrier s'adresse à sa maîtresse, bien sûr. L'auteur se distancie de son personnage afin d'insister sur le caractère mystérieux de celui-ci.P. 391 :
"Ami, le sort veut que nous soyons séparés quelque temps ;mais les beaux jours de la jeunesse ne sont pas perdus sans retour. Faites votre devoir au camp ; je fais le mien autre part. Prenez ce que le porteur vous remettra ; faites la campagne en beau et bon gentilhomme, et pensez à moi, qui baise tendrement vos yeux noirs.
"Adieu, ou plutôt au revoir ! "

Tout d'abord ,observons la phrase : "faites votre devoir au camp ; je fais le mien autre part." Dans ce monde, où le secret est roi, la notion de complicité est nécessaire et essentielle entre les deux interlocuteurs. Grâce à elle, on peut éviter un très gros risque qui est la découverte de cette missive par l'ennemi, ce qui pourrait être source de danger.

Nous notons également l'importance du "devoir" qui implique une solennité, une force. Ce devoir est dans une certaine mesure une obligation ; celle pour Aramis et sa compagne de servir la Reine, de prendre des risques, jusqu'à la mort éventuellement...

P. 522, 523 et 524:
"Aramis en effet prit la plume, réfléchit quelques instants, se mit à écrire huit ou dix lignes d'une charmante petite écriture de femme, puis, d'une voix douce et lente, comme si chaque mot eût été scrupuleusement pesé, il lut ce qui suit :
"Milord.
" La personne qui vous écrit ces quelques lignes a eu l'honneur de croiser l'épée dans un petit enclos de la rue d'enfer. Comme vous avez bien voulu, depuis, vous dire plusieurs fois l'ami de cette personne, elle vous doit de reconnaître cette amitié par un bon avis. Deux fois vous avez failli être victime d'une proche parente que vous croyez votre héritière, parce que vous ignorez qu'avant de contracter mariage en Angleterre, elle était déjà mariée en France. Mais, la troisième fois, qui est celle-ci, vous pouvez y succomber. Votre parente est partie de la Rochelle pour l'Angleterre pendant la nuit. Si vous tenez absolument à savoir ce dont elle est capable, lisez son passé sur son épaule gauche."
Puis Dumas continue ainsi:"_Mais, messieurs, dans tout cela, dit d'Artagnan, nous ne pensons pas à la reine. Soignons un peu la santé de son cher Buckingham. C'est du moins ce que lui devions. _C'est juste, dit Athos, mais ceci regarde Aramis. _Eh bien ! répondit celui-ci en rougissant, que faut il que je fasse ? *.l'affaire." Tout de suite, nous observons par ces deux extraits l'énorme circulation de courrier ce qui nécessite pour les membres du complot une aisance dans l'expression écrite. D'autre part, le secret implique une certaine subtilité et l'art d'être implicite dans les termes utilisés...Ensuite, Dumas féminise Aramis en décrivant ses particularités ,il écrit : "...d'une charmante écriture de femme.", ce qui renforce l'idée que la présence d'Aramis au sein du complot est due à ces traits de féminités qu'il sait développer...

Aramis, dans la lettre destinée à Lord Winter, évoque Milady sans dire son nom de manière explicite. Il énumère ses desseins en insistant sur les risques encourus et l'engage à se méfier en prenant les précautions qui s'imposent. Ceci montre , au travers de l'utilisation des lettres, comment se créent les échanges d'informations permettant d'éviter les pièges tendus par l'adversité...

La présence de Porthos qui ne décroche pas un mot nous montre son implication relative dans le complot et qu'il parait plutôt dépassé par les évènements .Il manque de subtilité pour prendre part à l'intrigue...

Athos est le père spirituel légitime de D'Artagnan et lui enseigne les valeurs de la noblesse. Aramis est lui son père spirituel illégitime , et , il lui enseigne l'acceptation du monde du complot , réfuté par l'ancienne noblesse incarnée par Athos...

Aramis, tout au long du roman,semble osciller entre sa vocation religieuse et sa vie d'homme d'épée;et posséder peut-être inconsciemment un avis sur la question préférant les attraits du monde à ceux de la dévotion...Mais, vers la fin,à la page 703,il dit à D'Artagnan "Hélas Cher ami!..chez les Lazaristes".Ceci , confirmé à la page 704: " Aramis, après un voyage... Nancy." Notons que cet extrait brise tout le raisonnement selon lequel les femmes sont indispensables à Aramis et , il précise la volonté de reprendre le chemin de la religion: Mme De Cheuvreuse ne semble pas affectée car, selon Dumas, elle a au minimum trois amants.

Aramis est donc un utopiste religieux et , tout au long du roman , hésite entre "les attraits du monde" et "Sa Religion".

CONCLUSION

Le personnage de d'Artagnan présente un intérêt dans le cadre de cette étude à travers la relation qu'il entretient avec les trois mousquetaires. Il complète la trinité sociale : il représente la nouvelle génération. Il réalise la synthèse des systèmes de valeurs d'Athos, Porthos et Aramis et précise dans l'intention de l'auteur dans sa description de ces trois personnages. Analyser le personnage dans cette perspective nous permettra donc de conclure notre étude de la symbolique sociale des trois mousquetaires.

Athos, nous l'avons vu, constitue " le père spirituel légitime " de d'Artagnan. Il lui fournit un exemple des valeurs idéales auxquelles il doit aspirer afin d'incarner, à l'instar d'Athos, un représentant parfait de la grande Noblesse. En conséquence, d'Artagnan prend souvent Athos pour exemple dans le roman. Néanmoins, le personnage de d'Artagnan est marqué par un certain cynisme, dû en partie à sa connaissance du secret d'Athos. Cet élément ne parvient pas, malgré tout, à justifier l'acceptation du monde du complot par d'Artagnan. Il nous faut donc évoquer le rôle d'Aramis : Aramis ne fournit pas seulement un exemple de grâce et de finesse, il est l'archétype de l'intriguant, c'est donc lui qui fait accepter à d'Artagnan la présence du monde complot.

Le rôle de Porthos dans ce que nous pourrions nommer " l'éducation sociale de d'Artagnan " est présent même s'il est moins significatif. Le rôle de Porthos est intimement lié à celui d'Athos : si Athos fournit le bon exemple, Porthos représente au contraire la gaucherie.

Ainsi d'Artagnan constitue son système de valeurs sociales à partir de ceux de ses trois " pères spirituels " : Athos, " père spirituel légitime ", Porthos, le mauvais exemple, et Aramis, " père spirituel illégitime ". d'Artagnan réalise d'autant mieux cette synthèse qu'il est le dépositaire des secrets des trois mousquetaires : dès leur première rencontre, leurs petits secrets lui sont révélés, et par la suite il acquiert la connaissance de leurs passés, de leurs secrets les plus intimes.

La mort des personnages dans la suite de la trilogie possède aussi sa signification : Porthos meurt le premier : le niais est victime du monde du complot. Les morts d'Athos et de d'Artagnan : opposées à la survivance d'Aramis, symbolisent et confirment la notion qui est au coeur de notre analyse : le monde des Nobles s'efface devant celui des intriguants, et nous assistons à la victoire du complot sur la chevalerie. Aramis l'intriguant, est le seul survivant : la nouvelle Noblesse, représentée par d'Artagnan, n'a pas été en mesure de s'adapter au monde du complot.


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