LA FOULE ET LE ROMANESQUE DE LA DEGRADATION DANS GERMINAL

-DU PEUPLE A LA FOULE -
1ère partie

par Guy Barthèlemy
Saisie informatique par Nabila Aarsa


N'importe quel lecteur remarque dans Germinal l'abondance des images ou des scénarios de dégradation. Comme le rappelle G. Gengembre, dans le roman zolien, d'une manière générale, le dénouement ne se conçoit qu'en terme de catastrophe, laquelle procède à la fois d'une intensification du romanesque et d'une fascination morbide. Ce qui dans cet exposé retiendra notre attention relève partiellement d'une approche différente: les images et scénarios de dégradation peuvent certes être associés au dénouement catastrophique, mais, plus précisément, ils manifestent des processus de transformation, de modification d'état sur la valeur desquels nous nous interrogerons.
Parler de "romanesque de la dégradation", c'est sous-entendre que ces images ont une cohérence, ne renvoient pas seulement à un souci d'expressivité mais constituent l'un des points d'ancrage de la signification du roman. On tentera dans les lignes qui suivent de montrer que c'est à partir de la notion de foule et de sa manipulation dans le dernier quart de siècle qu'il faut interpréter dans Germinal ce romanesque de la dégradation.

Pour parler de la foule, il faut partir des représentations du peuple et de leur évolution au long du XIXe. On peut trouver dans le lexique quelques points de repère, et analyser ainsi l'ambiguïté qui s'attache au mot "peuple" au XIXe: il désigne:

    - tantôt l'ensemble de la nation
    - tantôt, conformément à son sens de base, la nation mais à l'exclusion de ceux qui d'une manière ou d'une autre occupent une position privilégiée; s'agissant de la société post-révolutionnaire, il peut sembler incongru et paradoxal de recourir à ce terme; mais précisément, l'un des enjeux de la manipulation (à tous les sens du terme) du mot "peuple" est souvent la dénonciation implicite d'une société dans laquelle se sont constitués d'autres privilège - une société dans laquelle l'égalité formelle, inscrite dans la Déclaration des Droits de l'Homme, masque une inégalité économique et sociale tout aussi cruelle que l'ancienne, et qui, d'une manière ou d'une autre oppose des privilégiés et des déshérités
    - tantôt, à partir du milieu du XIXe, le seul prolétariat, le monde ouvrier. Cette acception restrictive s'explique d'abord par la part "démographique" croissante que représente, parallèlement au développement de l'industrie, le prolétariat industriel et urbain, ensuite parce que, comme le montre Germinal, c'est lui qui, du fait de l'ampleur de l'exploitation économique que représente ce capitalisme industriel, c'est cette partie du peuple qui incarne légitimement la misère, l'exclusion, la détresse - en bref c'est cette partie de la population qui par excellence s'oppose aux nantis, aux privilégiés.
Cette incertitude sémantique reflète des incertitudes idéologiques et entrent en écho avec des représentations (au sens intellectuel / idéologique et au sens artistique du terme) divergentes. Examinons-les rapidement :
    - il existe d'abord une image romantique1 : le peuple est alors la partie de la population constituée par les petits artisans, les paysans et les ouvriers, préservé des perversions d'une bourgeoisie perdue dans le souci de la réussite matérielle et de l'accumulation de l'argent à des fins de respectabilité sociale 2, est le dépositaire des vertus et du génie de la nation3 ; de lui doit venir la régénération de cette nation, qui doit lui renvoyer l'ascenseur sous forme d'accès au savoir et à une certaine aisance; on rencontre cette image par exemple dans Le Juif errant, d'E. Sue, mais aussi chez Zola, dans Germinal (dernier chapitre, P. 545), où est tout au moins mentionné explicitement le premier volet de ce programme :
    - Symétriquement, ce peuple suscite les inquiétudes des bourgeois et de ceux qu'on nomme les "hygiénistes" (ils sont aussi bien médecins qu'administrateurs), sans parler des hommes politiques; c'est que, en vertu de l'assimilation "classes laborieuses, classes dangereuses" (pour reprendre le titre célèbre du livre de l'historien L. Chevalier), ce peuple est considéré comme une menace pour l'édifice social: son inculture le condamne à la sauvagerie, à la brutalité, aux flambées de violence dictées par des "instincts" mal maîtrisés et par une forme d'irresponsabilité qui lui interdit d'avoir conscience de ce que peut être (ce qui ne peut qu'être) son destin social dans la société bourgeoise révolutionnée telle que la conçoivent les hommes au pouvoir5.
Cette approche antithétique d'un même "groupe" social (dont les frontières ne sont pas d'ailleurs nettement tracées) renvoie à une autre figure qui hante le XIXe siècle: celle du barbare. La France du XIXe, grâce au développement des voyages6, et grâce à l'expansion coloniale (par exemple la conquête de l'Algérie de 1830 à 1857), s'est trouvée en présence de formes d'humanité exotiques7; elle les a souvent qualifiées de "barbares", le terme impliquant admiration ou mépris, selon les cas, mais très souvent les deux à la fois. Le "barbare" devient une figure obsessionnelle, que l'on projette métaphoriquement sur d'autres objets, et notamment sur le peuple, pour signifier :
    - soit que le peuple n'a pas accompli l'indispensable travail de refoulement (des instincts, de la violence, de la sexualité) qui conduit à la véritable humanité (interprétation négative),
    - soit que, s'étant refusé à ce travail de refoulement, il a, par là même, échappé à la perversion de la société bourgeoise, qu'il pourra de ce fait régénérer, quitte à la détruire dans le même temps (interprétation positive).

Le peuple est donc le "barbare intérieur". Sauf lorsque, jouant sur le flou et l'indécision qui entourent sa délimitation, et aussi à la faveur d'un contexte historique très étroit, on propose une image consensuelle du peuple comme expression des forces de la nation réconciliées, oeuvrant ensemble au bien de la nation. C'est cette image que nous offre Delacroix avec son tableau intitulé La Liberté guidant le peuple le 28 Juillet 1830. Ce tableau, peint "à chaud" (en 1830) célèbre l'union éphémère des étudiants (le personnage au premier rang derrière l'allégorie de la liberté, porte le costume des étudiants), des bourgeois et des ouvriers dans ce bref élan révolutionnaire: un peuple réunifié, qui rassemble ici tout l'éventail des forces vives de la liberté et qui est fédéré par la liberté, c'est à dire par une exigence politico-philosophique dont on le suppose digne.
On reste avec ce tableau dans le cadre de l'imagerie romantique (dont on sait ce qu'elle doit à la notion de liberté, même s'il règne au XIXe en France un malentendu profond, au sujet de la liberté, entre la mythologie romantique de celle-ci et la forme institutionnelle que prétendent alors lui donner les politiques), qui nous permet de nuancer nos propos: le "bon" peuple, c'est certes celui qui est spontanément dépositaire des vertus nationales, mais c'est aussi celui qui est capable de dépasser le handicap que constitue l'absence d'éducation et la misère pour se fondre dans un grand élan avec les autres classes au service de valeurs transcendantes8. C'est le peuple digne, accessible à la raison et au sublime, pas le peuple enfoncé dans la misère et le vice, toujours accessible aux sollicitations des instincts de violence.

Venons-en maintenant à la question qui va nous occuper: comment passe-t-on du peuple à la foule? D'abord en changeant de point de vue, à savoir: en abandonnant la référence à la mission historique du peuple omniprésente dans toute la rhétorique du socialisme du XIXe. Celle-ci insiste sur la nécessité pour les "masses" laborieuses9 de se rappeler la façon dont la bourgeoisie a tendance à confisquer à son profit les révolutions (1789, 1830, 1848); elle enjoint au peuple de se constituer en "groupe de pression autonome", qui doit développer ce que Marx appelle une "conscience de classe10". A l'inverse, les administrateurs, les hommes politiques, les romanciers et les philanthropes voient dans toute forme d'"irrédentisme populaire11", associé à des revendications d'ordre social et politique, le risque fatal de la dégradation du peuple en foule.
Toutes les foules ne sont pas foule populaire, et l'on peut même dire que dans les contenus définitionnels du mot "foule" est clairement lisible une logique de l'indifférenciation et de la confusion sociale12. Mais il semble bien qu'à la fin du XIXe on ne redoute essentiellement, comme une prédestination, l'assimilation peuple - foule, et ceci parce que, comme nous le verrons, c'est le peuple - barbare qui semble par excellence voué à incarner la foule dans ce qu'elle a de plus dangereux et de plus négatif.
La foule, devenant de plus en plus, au cours du siècle, objet de préoccupation, devient objet d'étude. Et en 1895, un polygraphe nommé G. Le Bon écrit un livre intitulé Psychologie des foules, dont on peut dire qu'il formalise, explicite et développe les fantasmes et les terreurs qui gravitent autour de la foule dans le dernier quart du XIXe. Les analyses de Le Bon s'ancrent d'une part dans une anthropologie, d'autre part dans des convictions politiques :

    - l'anthropologie: comme tout le XIXe siècle, Le Bon est fasciné par la notion de race, c'est à dire par l'idée d'un patrimoine héréditaire doté d'une grande stabilité qui déterminerait l'individu et la vie des sociétés. A ses yeux, ce n'est pas la raison et son inscription dans les institutions qui domine la vie des sociétés, mais un inconscient déterminé par la "race", qui rend recevable ou non, pour un peuple, telle "croyance", mot par lequel Le Bon désigne aussi bien des convictions religieuses que des valeurs morales, et donc telle organisation de la société. La fonction des individus supérieurs est de dépasser cette irrationalité native pour injecter, autant que faire se peut, rationalité et logique dans la société, mais sous une forme qui soit recevable pour les "masses", donc qui soit en accord avec les "croyances", les goûts et les penchants de la "race". Ces hommes supérieurs se heurtent donc à la "masse", qu'ils doivent dominer, canaliser, et convaincre. Mais il est une circonstance dans laquelle la "masse" ne peut être gouvernée: lorsqu'elle devient "foule", c'est à dire lorsqu' un groupe d'individus fusionne, généralement sous l'action d'un meneur, pour régresser jusqu'à ne réagir qu'en fonction de sollicitations qui s'adressent à ce socle inconscient et à racial dont il a été question. Alors, celui qui appartient à la foule se dégrade, il devient un "barbare", un "sauvage", un "primitif", un "enfant13" qu'on ne peut ni raisonner ni convaincre. Il n'est plus qu'un "animal" dans un "troupeau"; c'est pourquoi la foule se montre versatile, fondamentalement encline à la violence aveugle , ce qui révèle, dit Le Bon, sa nature "féminine14". Ce qui pour nous révèle surtout la charge fantasmatique de la notion, en ce qu'elle entretient par là des connexions avec le fantasme qui s'attache au "Grand Soir", cette peur du retour des plus terribles violences révolutionnaires15 (souvent évoquées par Le Bon dans son livre, où la foule révolutionnaire apparaît comme un archétype), celles de la Terreur. La foule est donc La Menace qui pèse sur la société, sur l'ordre établi tel que le connaît et le conçoit le très conservateur Le Bon16 ; Quelques citations s'imposent ici17 :
"L'avènement des classes populaires à la vie politique, leur transformation progressive en classe dirigeante [sic], est une des caractéristiques les plus saillantes de notre époque de transition. (...) Aujourd'hui, les revendications des foules deviennent de plus en plus nettes, et tendent à détruire de fond en comble la société actuelle, pour la ramener à ce communisme primitif qui fut l'état normal de tous les groupes humains avant l'aurore de la civilisation. (..) L'avènement des foules marquera peut-être une des dernières étapes des civilisations de l'occident, un retour vers ces périodes d'anarchie confuse précédant l'éclosion des sociétés nouvelles. Mais comment l'empêcher ?
Jusqu'ici les grandes destructions de civilisations vieillies ont constitué le rôle le plus clair des foules. L'histoire enseigne qu'au moment où les forces morales, armature d'une société, ont perdu leur action, la dissolution finale est effectuée par ces multitudes inconscientes et brutales justement qualifiées de barbares. Les civilisations ont été crées et guidées jusqu'ici par une petite aristocratie intellectuelle, jamais par les foules. Ces dernières n'ont de puissance que pour détruire. Leur domination représente toujours une phase de désordre. Une civilisation implique des règles fixes, une discipline, le passage de l'instinctif au rationnel, la prévoyance de l'avenir, un degré élevé de culture, conditions totalement inaccessibles aux foules, abandonnées à elles-mêmes" (Je souligne; P. 38 - 39 - 40).
On voit ici à quel point la foule est solidaire de grands fantasmes du XIXe: le barbare, la décadence, la difficulté à modéliser l'histoire depuis que le modèle providentiel chrétien s'est effondré et que l'idéologie du progrès a été mise à mal par les turbulences révolutionnaires.
    "Plusieurs caractères spéciaux des foules, tels que l'impulsivité, l'irritabilité, l'incapacité de raisonner, l'absence de jugement et d'esprit critique, l'exagération des sentiments, et d'autres encore, sont observables également chez des êtres appartenant à des formes inférieures d'évolution, comme le sauvage et l'enfant". (je souligne; P. 58).
La foule est donc un "organisme régressif", dans lequel les individus ne peuvent mettre en commun que ce qu'il y a en eux de pire: goût pour l'action désordonnée et la confusion, sacrifice de la raison à l'émotion, et goût pour la servitude :
    "Ce n'est pas le besoin de la liberté, mais celui de la servitude qui domine toujours l'âme des foules. Leurs soif d'obéissance les fait se soumettre d'instinct à qui se déclare leur maître".

Remarquons aussi que la foule, dont le surgissement dans le champ des préoccupations politiques et du discours des analystes fin XIXe manifeste les ambiguïtés qui s'attachent au regard porté sur le peuple, est également, et très logiquement, au coeur d'une autre contradiction du XIXe français. En effet, au moment même où on donne à l'idée de liberté des expressions institutionnelles et politiques (certes très progressivement et avec de nombreuses ambiguïtés), penseurs et écrivains mettent l'accent sur des données ou des forces régressives qui conduisent à affirmer l'inexistence ou la vanité de la liberté. C'est ainsi qu'on se réfère en permanence à une pseudo-théorie de la race; c'est ainsi que Le Bon recourt, pour expliquer la malléabilité de la foule au modèle de l'hypnose18, qu'il transpose abusivement, comme si le passage de la psychologie individuelle à la psychologie sociale ne posait aucun problème théorique. Il affirme ainsi que du simple fait de son immersion dans la foule, l'individu perd le contrôle de sa conscience et de ses actes, est soumis à des "courants" qui émanent de la foule et qui le mettent dans un état proche de celui de l'hypnotisé. L'analogie avec l'hypnose implique la présence d'un manipulateur: c'est le "meneur", qui d'ailleurs n'est pas tout à fait un manipulateur puisque nul ne peut prétendre maîtriser réellement la foule; il est néanmoins un agent de première importance - c'est ce que reflète par exemple, dans Germinal, la majoration du rôle d'Etienne et de son pouvoir momentané.

La foule est d'autant plus au coeur de la contradiction analysée ci-dessus que pour Le Bon le XIXe a constitué l'inauguration de l'ère des foules :

    "L'âge où nous entrons sera véritablement l'ère des foules.
    Il y a un siècle à peine, la politique traditionnelle des Etats et les rivalités des princes constituaient les principaux facteurs des événements. L'opinion des foules, le plus souvent, ne comptait pas. Aujourd'hui, les traditions politiques, les tendances individuelles des souverains, leurs rivalités pèsent peu. La voix des foules est devenue prépondérante. (...)
    L'avènement des classes populaires à la vie politique, leur transformation progressive en classes dirigeantes, est une des caractéristiques les plus saillantes de notre époque de transition". (P. 38 - 39).
Là réside pour Le Bon l'erreur fatale: donner, politiquement parlant, la parole au peuple (si l'on se situe sur le terrain institutionnel, philosophique et légal), c'est-à-dire le pouvoir à la foule (si l'on se situe sur le terrain de la psychologie collective selon Le Bon et si l'on convoque les fantasmes qui sous-tendent celle-ci).

Comme on le voit, tout est en place pour que, dans le dernier quart du XIXe, la foule devienne la pierre de touche non seulement d'un discours politique, mais aussi d'un certain nombre de scénarios fantasmatique. De ce fait, tout est prêt également pour que la foule fasse irruption dans une oeuvre romanesque qui d'une part est conçue comme une chronique des tensions caractérisant un moment historique effectivement qui effectivement n'en manquait pas, d'autre part fait une large place au peuple et à la réflexion sur son possible devenir; une oeuvre enfin qui choisit le registre de l'épique, c'est-à-dire, du point de vue qui nous intéresse, d'une représentation hyperbolique et symbolico-poétique des conflits qu'elle représente. Nous allons donc tenter de voir comment est traitée et ce que signifie la foule dans Germinal, et comment le roman reflète les contradictions qui ont été repérées.


notes :
1.- Au sens strict du terme, c'est-à-dire :
    - qui est contemporaine de ce grand mouvement esthétique, artistique, intellectuel du XIXe siècle qu'on a nommé le romantisme (en gros: de Chateaubriand à Baudelaire)
    - et qui relève (éventuellement au-delà de l'existence du romantisme en tant qu'école artistique) de la thématique, des codes esthétiques et des valeurs qui définissent le romantisme.
2.- C'est à cette bourgeoisie que s'adresse le fameux "Enrichissez-vous" de Guizot sous la Monarchie de Juillet.
3.- A titre d'exemple de cette "veine", ou plus exactement de son point d'aboutissement, citons Le Peuple, de Michelet, en 1846, dans lequel il est dit que "L'homme de génie, c'est par excellence l'enfant, le simple, le peuple". On relève d'abord dans ce propos l'émergence d'une mystique du peuple, lequel est défini non pas au regard d'une condition sociale, mais d'une nature (qu'il préserve au milieu d'une société en train de l'oublier). On remarque ensuite l'association, récurrente au XIXe, du "simple", de l'enfant et du peuple: parce qu'ils sont marginalisés, maintenus à l'extérieur de la sphère des ambitions et des convoitises, ils sont censés constituer un réservoir de pureté.
4.- Nous allons reparler des "barbares".
5.- Citons à ce propos l'ambiguïté d'une législation scolaire apparue en 1833: Guizot fait passer une loi obligeant chaque commune à ouvrir une école (gratuite pour les plus pauvres), avec des instituteurs sous la responsabilité du préfet (donc d'une émanation directe du pouvoir central); il ne s'agit pas de forger un instrument de promotion sociale, mais d'une part de mettre en pratique l'idée selon laquelle des masses "instruites" sont moins promptes à se révolter (l'"instruction" allant de pair avec une forme de conditionnement et d'apprentissage de répression de sa propre violence par l'individu), d'autre part de faciliter la transmission et la mise en oeuvre des consignes dans l'industrie naissante. Le taux d'analphabétisme passera ainsi de 50 % en 1835 à 39 % en 1850.
6.- Notamment grâce à l'apparition des paquebots à vapeur qui desservent régulièrement des destinations lointaines: pour ne donner que deux exemples, dans les années 1840, le trajet Marseille - Istanbul, ou Marseille - Alger, est banalisé par ces navires.
7.- Le mot est ici utilisé au sens de: qui manifeste immédiatement de façon spectaculaire, troublante, son altérité au regard du locuteur ou de la société considéré(e).
8.- Ce qui implique symétriquement, notamment dans le tableau de Delacroix, une rédemption de la bourgeoisie, à travers la figure de l'étudiant, c'est-à-dire du représentant d'un humanité cultivant "professionnellement les Lumières de l'esprit. Le tableau de Delacroix célèbre ainsi les noces fugaces de la nature / de l'instinct et de la conscience / du savoir grâce à l'élan révolutionnaire. De la mystique du peuple à la mystique de la Révolution.....
9.- Le terme tend dans ce contexte à supplanter celui de "peuple" au cours du siècle; il permet d'insister sur le poids démographique des "classes laborieuses" et donc sur l'injustice qui consiste à les exclure de la prospérité économique, ou plutôt à construire celle-ci à leur détriment.
10.- Pour donner une idée de ce que Marx appelle une "classe", et pour mesurer ce qui sépare cette définition de l'appréhension romantique du peuple, voir cette définition que donne Engels dans une note de l'édition anglaise de 1888 du Manifeste du parti communiste (qu'il avait rédigé en 1848, avec Marx, et dont une traduction française avait paru peu avant l'insurrection parisienne de Juin 1848; mais il semble qu'il faille attendre en fait la seconde traduction française parue à Paris en 1886 pour que la pensée de Marx se répande en France) :
    "Par bourgeoisie, nous entendons la classes des capitalistes modernes, propriétaires de moyens de production et exploitant le travail salarié. Par prolétariat, nous entendons la classe des travailleurs modernes qui, n'ayant aucun moyen de production, sont obligés de vendre leur force de travail pour vivre".
11.- Nous utilisons ici et dans l'occurrence suivante l'adjectif "populaire" dans son sens étroit, c'est à dire comme le pendant du nom peuple.
12.- Baudelaire, dans Les Foules (in Le Spleen de Paris), dit que celui qui s'immerge dans la foule
    "adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente".
G. Le Bon, dont nous allons parler, distingue d'ailleurs les foules homogènes (ex.: foule des mineurs) et les foules hétérogènes (comme celle évoquée par Baudelaire), mais c'est pour insister sur le fait que toutes les foules fonctionnent de la même manière: destruction de l'individualité, surgissement de la pulsion destructrice, etc.
13.- On aura noté qu'on retrouve ici des associations proches de celles auxquelles recourait Michelet à propos du peuple; mais avec le passage du peuple à la foule, l'assimilation à l'enfant et au simple change totalement de sens. Voir la suite..
14.- Une remarque parallèle à celles qui figurent ci-dessus: chez Michelet aussi la femme est (à certains égards) comme l'âme du peuple, du fait notamment de sa plus grande proximité avec la nature (voir les grands fantasmes de Michelet autour de la nature "lunaire" de la femme et du cycle menstruel.
15.- Qui sont aussi, pour Le Bon et surtout pour Zola et ses lecteurs, au moment de la publication de Germinal, les violences de la Commune de Paris (1871).
16.- Lui-même aurait parfaitement accepté cette étiquette de conservateur, et aurait sans doute évoqué l'alternative de la conservation bourgeoise individualiste et de la destruction barbare dont la foule incarne pour lui la menace.
17.- La pagination est celle de l'édition du livre de Le Bon dans la collection des Classiques des sciences humaines, CEPL, 1976.
18.- Très en vogue à l'époque; voir les Leçons sur les maladies du système nerveux, de Charcot, 1873 - 1884.
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