ASSE, Eugène (1830-1901) : Jules de Rességuier- Paris : Librairie Techener, 1898.- 79 p. ; 23 cm.- (Les petits romantiques).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (17.VII.1999)
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[1ère partie]
 
 
Jules de Rességuier
par
Eugène Asse
 
 

A la mémoire du Baron Malouet

 
 

LE ROMANTISME eut comme son bataillon sacré dans les poètes qui, dès la première heure, se groupèrent pour fonder le Conservateur littéraire (décembre 1819), puis la Muse Française, les Annales romantiques, ou y collaborer : ce furent Soumet, Guiraud, Saint-Valry, Emile et Antony Deschamps, Jules Lefèvre, aussi Rességuier, dont nous allons parler.

I

Bernard-Marie-Jules, comte de Rességuier, naquit à Toulouse, le 28 janvier 1788, de Louise-Elisabeth-Emmanuel de Rességuier, marquis de Miremont, et d'Anne-Angélique Louise de Chastenet de Puységur. Originaires du Rouergue (1), province comprise dans l'ancienne Guyenne, de vieille et noble race, à la fois de robe et d'épée, les Rességuier donnèrent au Parlement de Toulouse un président et son dernier procureur général, à l'ordre de Malte, ce bailli de Rességuier qui, non moins brave la plume que l'épée à la main, fut emprisonné à Pierre-Encise pour des vers contre Mme de Pompadour :

    Fille d'une sangsue et sangsue elle-même,
    Poisson dans son palais, sans remords, sans effroi,
    Etale aux yeux de tous son insolence extrême,
    La dépouille du peuple et la honte du roi.

La famille aimait d'ailleurs les lettres et les cultivait. Le président de Rességuier, grand-père de notre poète, mort en 1735, à cinquante-deux ans, avait eu pour maître le P. Vanière - qui a célébré en vers latins le château de Secourieu, où il passait les vacances avec son élève -, fondé l'Académie des Sciences de Toulouse, composé quelques poésies, et laissé en manuscrit une Histoire du Parlement de Toulouse. Par sa mère, née le 30 octobre 1746, il descendait, au troisième degré, du maréchal de Puységur, le célèbre écrivain militaire mort en 1743 (2).

Le marquis de Miremont avait vingt-quatre ans lorsque, en 1779, il prit possession des grandes fonctions d'avocat général au Parlement de Toulouse ; il les remplit avec zèle et talent, et y avait acquis assez de réputation pour qu'en 1788, l'année même où il venait de les quitter pour celles de procureur général, il fut appelé à cette Assemblée des Notables qui prépara et réclama la convocation des Etats-Généraux. M. de Miremont était loin cependant d'être un révolutionnaire. Il le montra bien, lorsque le 27 septembre 1790, à Toulouse, il s'opposa, comme procureur général, à la transcription sur les registres de la Cour du décret du 6 septembre qui réorganisait l'ordre judiciaire, c'est-à-dire qui supprimait les Parlements. On était alors à l'époque des vacances, et c'est devant la chambre des vacations que M. Miremont prit la parole ; décrété aussitôt d'accusation, malgré Cazalès qui, à l'Assemblée Nationale, éleva la voix pour le défendre, il n'échappa à la captivité et à la mort que par la fuite. Beaucoup de ses collègues furent moins heureux. A trois reprises différentes, la guillotine, à Paris, se dressa pour eux. L'arrêt avait été rendu dans le sens de ses conclusions. Les signataires, c'est-à-dire les membres de la Chambre des vacations, étaient : les présidents Daspe et de Maniban, les conseillers lais de Bardy, Durigue, Cuesac, Montégut, Firmy, Lafont-Rouïs, de Ségla, d'Escalonne, de Rigaud ; les conseillers clercs de Cambon et de Rey ; et le procureur général Rességuier.

Le 1er floréal an II (20 avril 1794) six magistrats de Toulouse, les conseillers de Segla, de Montégut père, de Balsa de Firmy, de Cuesac, Lafont-Rouïs, et de Rigaud périrent sur l'échafaud, à Paris, le même jour que le président de Rosambo, et treize de ses collègues du Parlement de Paris. Le 14 juin 1794, furent encore exécutés à Paris 26 magistrats toulousains : le premier président Sajot du Pujet, les présidents d'Aigueville et Marquier de Fajac ; les conseillers de Senaux, Combette-Caumont, Gaillard, de Reibonnet, Lacaze, Poulhariès père et fils, de Marsac, Cassaigne, de Cazes, de Labroue, de Larroquau, de Blanc, Dubourg, d'Aguin, Molineri de Murols, Miegeville, Savy de Gardeil, Rochefort, Buisson d'Aussonne, Bonhomme-Dupin, D'Héliot de Monségut fils, âgé de 26 ans seulement. Enfin, le 6 juillet suivant, fut complétée l'hécatombe révolutionnaire des magistrats de Toulouse, par l'exécution (toujours à Paris), de vingt et une victimes : le président Daspe et les conseillers de Rey, Bardy, Lespinasse, Blanquet de Rouville, Combette-Labourely, Jugonous, de Poutcharramet, Guiringaud, de Carbon, Lespinasse fils, Dusagnel de Lasbordes, de Valhausy, de Belloc, Lassus-Nestier, de Lamothe, Guillermain, de Mourlous, Tournier-Vailhac, Barrès, et le substitut Perrey (3).

Bien qu'il fut alors âgé de six ans à peine, Jules de Rességuier connut, non pas comme son père les douleurs de l'exil, mais les horreurs de la captivité. Emprisonné à Toulouse avec sa grand-mère, la présidente de Rességuier, qui sait s'il n'aurait pas eu à répondre du titre de chevalier de Malte de minorité, qu'il portait alors, si la révolution du 9 thermidor ne fut venue mettre fin au régime de la Terreur ? Son père, après s'être réfugié d'abord à Vittoria, en Espagne, était rentré secrètement en France, et c'est à Paris qu'il avait vécu caché, pendant que ses anciens collègues montaient sur l'échafaud. Il ne put obtenir sa radiation de la liste des Emigrés qu'après le 18 brumaire. Il travaillait à obtenir la même grâce pour sa f'emme, réfugiée en Allemagne, lorsqu'il mourut subitement à l'âge de quarante-six. Mme de Rességuier, minée par une maladie de poitrine, suite de ses malheurs, ne rentra en France que pour apprendre la double mort de son mari et de sa belle-mère, qui avait suivi à quelques jours d'intervalle son fils dans la tombe, et mourir bientôt elle-même. Jules de Rességuier, âgé de douze ans, et son frère, Fernand, restaient orphelins, sous la tutelle du vicomte de Puységur, leur grand-père, qui survécut peu de temps à tant d'infortunes.

On comprend quelle ombre ces événements jetèrent sur les premières années du jeune Rességuier, et quels souvenirs pénibles il en dut conserver. Pour être le légitimiste qu'il demeura toute sa vie, il eut cette grande raison : l'amour profond qu'on garde aux causes pour lesquelles, soi et les siens, on a souffert. La nature lui fut plus douce que les hommes. Ce fut du spectacle grandiose et enchanteur de la chaîne des Pyrénées que lui vinrent ses premières consolations.

Les Rességuier possédaient, de longue date, une sorte de castel rustique à Sauveterre (4), dans une situation admirable, d'où l'oeil découvre à la fois la plaine de Béarn et les hautes montagnes qui la limitent au Midi.

Voulez-vous connaître ce petit pays de Sauveterre, où s'élève, dans un pli des premiers contreforts des Pyrénées, la demeure ancestrale des Rességuier, écoutez le poète lui-même.

Arrêtez vos pas en voyant,
A droite, un pays verdoyant,
Sur la grande route d'Espagne.
 
Ce point vert, c'est notre coteau,
Avec ses routes inclinées,
Ses prés, ses bois, ses fleurs, son eau.
Un ravissant petit anneau
De la chaîne des Pyrénées.
 
Ce point blanc, c'est notre maison,
Moitié château, moitié chaumière (5).

C'est là que s'étaient écoulées les années d'enfance du poète, là qu'il éprouva ces premières impressions qui font si souvent les poètes. C'est là qu'il revint après la terrible tempête qui avait emporté les siens, et le laissait presque seul avec ses souvenirs.

La vieille demeure existait encore dans toute son intégrité féodale, lorsque le jeune Rességuier, en 1800, l'hérita de son père ; mais il fallut plus tard, vers 1820, l'abandonner, car elle fléchissait sous le poids des années, et en construire une autre dans le voisinage : logis simple, coquet, et non moins pittoresque.

Le château séculaire entra dans mon partage.
Il appuyait là-haut, dans les flancs du rocher,
Son imprenable base au niveau du clocher.
Et de ses quatre tours, quand j'ai vu la dernière
S'incliner de vieillesse et tomber pierre à pierre,
J'ai choisi, pour bâtir ma nouvelle maison,
Ce coteau d'où l'on voit comme un double horizon,
L'un étroit. l'autre immense... (6)

Jules de Rességuier s'est complu à peindre, à chanter cette demeure, où le bonheur, aussi durable qu'il appartient aux choses humaines, semble avoir habité :

Frêle, à la croire aux vents flottante,
Comme le lin pur éclatante,
Et sur un mont où vient le miel ;
Notre maison semble une tente
Dressée aux frontières du ciel.
 
Des nuages sont sa couronne ;
Dans l'air léger qui l'environne,
Sur des fleurs elle se soutient (7).

Et ailleurs encore, peignant l'admirable panorama qu'on découvre de ses fenêtres :

Dans un vaste bassin large de trente lieues,
Sous la lumière blanche et sous les vapeurs bleues,
Une vigne embrassant d'un amoureux lien
Le corps de ma maison au toit italien ;
Son front dans les brouillards, ses pieds dans la ramée ;
Sur sa tête, les flots d'une brune fumée...
Nous avons plus qu'ailleurs, ici, de grandes choses :
A la fois du soleil, de la neige et des roses ;
Une église voisine, un autel décoré
De l'image d'un saint fait en bois tout doré ;
Sous la voûte modeste un encens dont l'arôme
Emplirait de parfums tout Saint-Pierre et son dôme ;
Un pasteur, entonnant sans orgue et sans bourdon,
L'hymne qui fait sur nous descendre le pardon (8).

L'ordre de Malte avait été emporté par la Révolution, Jules ne renonça pas pour cela à la carrière militaire. Il changea d'arme seulement. Entré à l'école de Fontainebleau, qui était notre école militaire, il en sortit officier de cavalerie, en 1805. On ne s'endormait pas alors dans les garnisons. Il ne quitta l'école que pour faire campagne, en Espagne, puis en Pologne. Il a rappelé ces souvenirs d'école et de guerre dans d'agréables vers adressés à un ancien camarade, qui lui avait envoyé les siens.

Vous me demandez donc si, l'arme sur l'épaule,
C'est moi qui de l'Europe apprenait le chemin,
Qui sanglait mon cheval pour aller jusqu'au pôle,
Et qui maintenant rêve une plume à la main ?
 
Oui, je suis bien celui qu'on dressait à la guerre,
Puis qui d'un art plus doux en vain chercha le prix ;
Qui, dans Fontainebleau, jadis ne lisait guère,
Et que l'on lit fort peu, je suppose, à Paris (9).

Jules de Rességuier fit bravement son métier de soldat ; mais sans cette passion qui possède tout l'homme, et quand, en 1811, la santé ruinée par les fatigues de la guerre, il donna sa démission et quitta l'armée, à vingt-six ans, ce ne sont pas les souvenirs des grandes guerres de l'Empire qui l'inspirèrent : une seule fois, dans la pièce que nous venons de citer, il rappelle ce passé. Ce cavalier qui avait sabré sur les champs de bataille de l'Espagne et de la Pologne, était un sentimental. L'inspiration poétique jaillit de son coeur avec ses larmes. Dans ses tristesses, ce fut la Muse qui le consola, mais une Muse chaste et pure, celle qui lui apparut comme la vierge des premières amours.

La blanche jeune fille, un soir, qui me parla
Quand j'avais tant de peine, et qui me consola (10).

En ces fraîches années, il semble avoir été malheureux par l'amour, et dans ses vers il en détourne plutôt les jeunes coeurs qu'il ne les y convie. Ainsi dans sa pièce la Jeunesse, adressée à une femme :

Des voluptés du coeur l'ivresse est insensée,
De la coupe jamais ne touchez que le bord ;
Que l'amitié soit dépassée !
Mais n'allez pas plus loin... c'est l'amour ! c'est la mort !...  
Voyez, le lac se plaît à répéter vos charmes ;
Souriez au destin, le destin sourira ;
Gardez-vous de pleurer, car le malheur viendra,
Si vous l'appelez par vos larmes (11).

Et encore, dans les vers de l'Adolescence, on l'on retrouve les mêmes conseils de défiance contre l'amour.

La Restauration répondait aux traditions de famille, aux sentiments de Jules de Rességuier : il l'accueillit donc avec faveur. Il ne reprit pas pourtant du service dans l'armée. Un an après l'avènement du ministre Villèle (1821), il entra au Conseil d'Etat comme maître des requêtes en service extraordinaire, sous les auspices de M. de Peyronnet, avec lequel il s'était lié pendant une saison aux eaux de Barèges. Il était, en effet, surtout un homme du monde, et cette carrière devait lui plaire plus que la vie de caserne, dont, un peu plus tard, son ami Vigny se dégoûta si profondément. Pour en finir tout de suite avec ce côté de l'existence de Jules de Rességuier, disons qu'en 1823, il fut nommé membre de la commission du sceau des titres (12), et puis décoré. Il aurait fait sans doute une brillante carrière au Conseil d'Etat sans la Révolution de Juillet, à la suite de laquelle il donna sa démission. En 1811, après sa sortie de l'armée et son retour au pays natal, il avait épousé Charlotte-Pauline de Mac-Mahon, fille, croyons-nous, du marquis de Mac-Mahon, pair sous la Restauration. Ce mariage dont, en 1861, il célébrera les noces d'or, fit le bonheur de sa vie.

II

Ce poète, qui devait être le poète des élégances, des sensations mondaines, resta, si nous laissons de côté ses années et ses aventures de soldat, confiné dans sa province toulousaine jusqu'à sa trente-quatrième année. Avant le mois d'octobre 1823, époque à laquelle sa nomination au Conseil d'Etat l'obligea de résider à Paris, on ne voit pas qu'il y ait fait de séjours très prolongés, sauf peut-être en 1811, où il fréquenta le salon de Mme de Rémusat. Son nom parut d'abord dans les concours littéraires de sa ville natale, la cité de Clémence Isaure ; dans les recueils de l'Académie des Jeux-Floraux dont il faisait partie depuis 1816, et dont il devint un des quarante Mainteneurs, ce qui est le titre suprême. Mais les noms des vainqueurs de l'amarante, de la violette, du souci ou du lis, n'étaient pas seulement célèbres à Toulouse, ils retentissaient au loin, surtout alors, et Paris les applaudissait. L'émulation poétique se changeait aussi très souvent en une fervente amitié : et ces frères d'armes se faisaient volontiers les mutuels propagateurs de leur jeune renommée. Aussi Jules de Rességuier était-il déjà connu à Paris, bien avant qu'il ne vint s'y établir. Ce n'est certes pas un éloge en prose de Poitevin-Peitavi, secrétaire perpétuel de l'Académie, (Toulouse 1821, in-8°), qui y contribua ; mais en 1819, Victor Hugo avait envoyé au concours des Jeux-Floraux, deux pièces de vers, les Vierges de Verdun et le Rétablissement de la statue de Henri IV ; l'année suivante, Moïse sur le Nil, qui avaient obtenu, les deux premières une amarante réservée et un lis d'or, la troisième une autre amarante réservée avec le titre de maître ès-Jeux-Floraux pour l'auteur. Une correspondance très amicale s'était établie entre le jeune poète et Jules de Rességuier, alors son juge... académique. D'un autre côté, Alexandre Soumet et Alexandre Guiraud, tous deux compatriotes de Rességuier, tous deux lauréats de l'Académie de Clémence Isaure, étaient déjà en rapport d'amitié avec lui ainsi qu'avec Victor Hugo, que Soumet, depuis longtemps fixé à Paris, et Alexandre Guiraud, venu en 1820 présenter à la Comédie-Française une tragédie de Pélage, avaient rencontré aux soirées littéraires d'Emile Deschamps, rue du Faubourg Saint-Honoré. Les amis de l'un devinrent bien vite les amis de l'autre. Dans la correspondance qui s'établit entre Jules de Rességuier, ces noms reviennent souvent sous la plume de Victor Hugo, ainsi que les divers incidents de ces tournois poétiques.

Alexandre Soumet, dans un voyage qu'il fit à Paris au commencement de 1820, écrivait à Rességuier une lettre qui montre sur quel pied d'amitié était déjà celui-ci avec le groupe de poètes formé autour du jeune Victor Hugo.

«Vous faites partie de notre cercle poétique. L'éloge de Clémence Isaure a révélé partout le troubadour, et vous avez gardé pour vous plus d'une fleur de sa corbeille. J'ai entendu des vers ravissants d'une jeune homme nommé Alfred de Vigny. C'est une élégie intitulée le Somnambule et inspiré par la muse d'André Chénier. Je la demanderai pour vous afin que mes admirations soient aussi les vôtres... Le jeune Hugo vous adresse mille expressions de sa reconnaissance. Je lui ai promis de vous les faire parvenir... Votre château s'élève-t-il toujours aussi rapidement ? comme vous y serez bien !... Ne faites pas le voyage d'Italie, n'allez pas aux rives lointaines, restez sous vos orangers, et renfermez, comme Horace, de longues espérances dans un cercle étroit... Si vous pouvez m'envoyer une lettre de recommandation de M. de Villèle pour M. de Serre, ministre de la justice, vous me ferez plaisir. Je chercherai, peut-être, à rentrer au Conseil d'Etat... Guiraud est de moitié dans tous mes souvenirs.» (13).

Soumet et Guiraud, nés tous deux en 1788, l'avaient précédé à Paris comme dans la renommée : il ne devait pas tarder à les rejoindre ; mais en cette année 1820 nous voyons par cette lettre que c'était encore Clémence Isaure et ses concours poétiques qui l'occupaient ; beaucoup aussi la reconstruction de ce château paternel de Sauveterre dont nous avons parlé. Très lié avec M. de Villèle, son compatriote, qui à la fin même de cette année fut nommé ministre sans portefeuille, il ne songeait pas encore à entrer au Conseil d'Etat, mais bien plutôt à quelque voyage poétique en Italie, dont tous les conseils, renouvelés du bon La Fontaine, du sage Soumet, ne purent le détourner, comme le prouvent les vers que nous verrons bientôt l'Italie lui inspirer.

Parmi les nombreuses lettres, que de 1818 à 1823 lui écrivit Victor Hugo, et que M. Edmond Biré a eues entre les mains, la première est datée de 1821 ; d'autres lui furent sans doute adressées antérieurement, mais rien n'en a encore été publié. Le 21 mars il lui écrivait, à l'occasion de son ode sur Quiberon, qu'il avait adressée à l'Académie des Jeux-Floraux, comme un hommage, puisque le titre de maître ès-art, qu'il venait de recevoir d'elle, lui fermait désormais les concours :

«Je serai éternellement reconnaissant à l'Académie de son indulgence. J'ai tâché de lui prouver, en lui faisant, pour l'une de ses séances publiques, une ode sur Quiberon que j'aurai incessamment l'honneur d'envoyer à cet excellent M. Pinaud (14), qui aura aussi toujours une bien grande place dans mon affection.»

L'intimité était devenue entre eux assez grande pour que Victor Hugo ne se fit pas faute de solliciter le patronage de Rességuier en faveur de ses jeunes amis qui ambitionnaient les honneurs de l'Académie Toulousaine : Alfred de Vigny en tête, Saint-Valry, Gaspard de Pons, dont les noms apparaîtront si souvent dans la Muse Française et les Annales Romantiques ; Joseph Rocher à qui Lamartine, son ami, a dédié sa belle ode l'Ethousiasme, et que la magistrature disputa trop tôt à la poésie ; F. Durangel, ce Protée qui, sous les multiples pseudonymes où il s'est plu à dérouter la renommée, - Durand, Durand de Vrandaulmon, Holmondurand, Madurange, - est devenu comme insaisissable, etc. Relevons dans cette correspondance les passages qui les concernent, comme un témoignage de ces amitiés d'alors, auxquelles Rességuier, qui les avait adoptées, resta plus fidèle que Victor Hugo :

1821, 21 mars. - «Vous êtes sans doute en ce moment occupé du concours ; permettez à un vieux combattant réformé de vous recommander des athlètes en présence desquels il n'aurait sans doute pas vaincu. J'appellerai votre attention sur l'élégie de Symétha, d'un jeune poète dont Soumet vous a sans doute parlé, de notre ami Alfred de Vigny ; sur celle du Convoi de l'émigré, par M. Saint-Valry, sur l'ode relative aux Troubles actuels de l'Europe, par Rocher, sur le poëme de la Naissance de Henri IV, et sur le discours relatif aux genres romantique et classique de M. Gaspard de Pons. Je ne veux ni ne dois vous donner mon avis sur chacun de ces ouvrages en particulier ; je me contenterai de vous dire que leurs différents auteurs ont, selon moi, des talents fort inégaux.

1821, 17 avril. - «Une douloureuse nouvelle en forçant M. Rocher de quitter la capitale et de retourner dans le sein de sa famille, m'a empêché de vous écrire plus tôt, pour vous marquer sa réponse et vous remercier de votre charmante lettre, mais beaucoup trop flatteuse, J'ai été, s'il faut l'avouer, surpris de la sévérité de l'Académie qui m'avait donné tant de preuves d'indulgence. Je croyais que M. Rocher obtiendrait un prix. Pour lui, avec toute la modestie du talent, il s'est montré satisfait de la décision.» (15).

1822, 17 janvier. - «J'enverrai peut-être cette année à l'Académie une ode sur le Dévouement dans la Peste. Au moins ne renfermera-t-elle aucun sentiment politique... Me permettez-vous de vous adresser quelques poètes qui désirent concourir aux Jeux-Floraux et n'ont pas de correspondant ? Un bien jeune homme, M. F. Durand, auteur du Jeune poète mourant, et envers qui l'Académie a au moins beaucoup de sévérité à réparer, m'a fait parvenir une ode pleine de talent, le Détachement de la terre, qui, après quelques corrections, sera, selon moi, très digne d'une couronne».

1822, 25 février. - «Mon cher et bien aimable ami, je m'empresse de répondre à vos lettres, parce que je ne dois pas recevoir de vous d'aussi grand plaisir sans qu'un peu de la reconnaissance que j'en éprouve ne vienne jusqu'à vous. Et puis, du moment où vous voulez bien attacher quelque attention à mon estime pour le talent plein d'espérance de Durand, je ne dois pas oublier que le concours est ouvert et qu'une voix amie peut quelquefois contribuer un peu, du milieu de la foule, au triomphe d'un athlète... L'Institut, livré aux médiocrités, laisse entière à l'Académie des Jeux-Floraux, la noble tâche d'encourager les jeunes talents comme le sien... (16) Permettez-moi de vous reparler maintenant du plaisir que m'ont fait vos lettres, à la lecture desquelles je reviendrai souvent je vous assure, toutes les fois que je sentirai le besoin d'entendre une voix de consolation et d'amitié. J'ai peine à croire, comme vous, que nous ne nous soyons jamais vus ; deux amis se parlent de loin. D'ailleurs, on peut aimer un ami comme on aime les choses du ciel qu'on adore et que nos yeux ne connaissent pas... Je suis confus de vos éloges que je ne mérite pas et bien heureux de votre amitié que je mérite, si l'amitié paye l'amitié... Je vous enverrai une ode quand vous voudrez ; mais de grâce, accablez-nous de vers, de prose, de commissions. Je vous aime comme j'aime Soumet, comme Soumet vous aime».

1822, 3 avril. - Maintenant elle vous appartient (l'ode du Dévouement) ; donnez-lui le titre qu'il vous plaira. Je l'ai intitulée Barcelone afin de la rattacher aux événements récents, quoique le sujet soit réellement le type moral, et par conséquent lyrique, le Dévouement dans la Peste... J'apprends avec une joie extrême que Durand est couronné. Il me tarde de voir son ode telle qu'il l'a corrigée. Je lui en veux un peu de ne m'en avoir pas reparlé ; mais je lui pardonne tout, puisqu'il triomphe. Un autre ouvrage de M. Saint-Valry a été également couronné. Le poète est de ma connaissance, et son succès m'a fait grand plaisir».

1822, 19 avril. - Je suis heureux de l'indulgence avec laquelle vous avez jugé mes odes ; elle vient de votre amitié ; mais je suis confus de l'embarras que vous donne le Dévouement dans la Peste. Vous êtes bien aimable, bien bon, mais aussi bien sincèrement et bien tendrement aimé, de moi du moins, parmi bien d'autres. Je suis enchanté que vous ayez bien voulu être le parrain de cette ode. Je l'aime mieux depuis que vous lui avez donné un titre de votre choix. Pourquoi, mon ami, n'avez-vous touché qu'au titre ?»

Le concours de l'Académie des Jeux-Floraux de 1821, a trouvé un historien et un critique dans un écrivain auquel on ne s'attendrait pas. Ce fut Victor Hugo lui-même, qui en rendit compte dans les Annales de la Littérature et des Arts, où son article est signé VICTOR M. HUGO. Il y parle d'abord des pièces de vers : le Poète, du chevalier de Fourcy, ode «qui prouve beaucoup de talent dans son auteur» ; le Jeune poète mourant, de M. F. Holmon-Durand (Durangel), dont il dit : «ces strophes si vraies, si touchantes, viennent de l'âme ; il suffit de ce peu de vers pour donner une très haute idée du talent de M. Durand» ; l'Epitre aux Muses, de M. Châtillon, qui remporta le prix, et «prouve à la fois un talent flexible et des sentiments français» ; l'Epître à un poète, de Charles de Saint-Maurice ; l'Immortalité de l'âme, de Joseph Rocher, «qui, nous jette dans l'embarras des citations», et, ajoute-t-il, «nous regrettons, pour le lecteur, pour l'auteur et pour notre propre satisfaction, de ne pouvoir extraire que peu de fragments d'un ouvrage où chaque vers porte l'empreinte d'un talent élevé et religieux ; poëme, enfin, qui, brillant d'images et d'harmonie, promet aux lettres un homme religieux, et à la religion un poète». Il aborde ensuite les pièces dues aux académiciens eux-mêmes, MM. Carré, d'Aguilar, Mgr de Clermont-Tonnerre, archevêque de Toulouse, Lamothe-Langon, et de Rességuier ; de son ode, Quiberon, parue dans le même recueil, il se taît naturellement, sauf pour relever une faute typographique : »Amis, on va vous rendre enfin une patrie», au lieu de Bannis. Quant à Jules de Rességuier qui y figurait pour son éloge de M. Poitevin-Peidavi, l'ancien secrétaire perpétuel de l'Académie, et pour deux poëmes, Glorvina, dont nous aurons bientôt à parler, et la Mort d'une Fille de village, voici ce que l'auteur des Odes et Ballades en dit :

«Son discours, écrit avec une élégance soutenue et une pureté rare, est toujours intéressant et souvent éloquent. Le passage où il raconte la mort de M. Poitevin est d'une grande beauté... La Mort d'une Fille de village est également remplie de charme et d'harmonie... Les vers où le poète peint le désespoir du jeune fiancé, touchent vivement. L'élégie charmante de M. de Rességuier, que les Annales ont dernièrement publiée, suffisait pour donner aux lecteurs une idée de ses jolis vers. Nous avons voulu leur faire connaître son excellente prose ; car M. le comte de Rességuier n'est pas comme beaucoup de poètes de ce temps, dont on connaît la prose quand on a lu les vers.» (17).

Jules de Rességuier admirait très sincèrement Victor Hugo. En même temps qu'il se chargeait de présenter à l'Académie des Jeux-Floreaux ses deux odes Quiberon et le Dévouement, et qu'il simplifiait heureusement le titre de cette dernière en lui donnant celui qu'elle a gardé définitivement dans les Oeuvres complètes du poète, il le célébrait aussi en vers dans une de ces séances du Capitole dont on parlait plus qu'aujourd'hui. En effet, dans l'Ode à Clémence Isaure, qu'il récita publiquement, le 23 mai 1822, devant l'Académie des Jeux-Floraux, se trouve cette strophe :

    Il vient ce jeune Hugo s'essayer à combattre
        Sous ton poétique drapeau.
    Il couvre d'un laurier la tombe d'Henri Quatre
        Non loin de son royal berceau.

Victor Hugo l'en remercia ainsi :

1822, 26 mai. - «J'étais à la campagne, mon cher Jules, quand votre aimable lettre et votre ode charmante sont arrivées chez moi. J'ai lu avec un vif sentiment de plaisir et de reconnaissance cette petite pièce remplie de grâce et de douceur, dans laquelle je n'ai trouvé qu'une stance, ou pour mieux dire qu'un mot de trop. Cette stance cependant m'est bien précieuse, parce qu'elle m'a prouvé que mon souvenir était quelquefois près de vous, même au sein de l'inspiration poétique».

Dans le ton de cette lettre on a remarqué quelque chose de plus tendre : c'est que la douleur, qui rapproche si souvent les coeurs et resserre les amitiés, venait d'éprouver cruellement le poète des Odes et Ballades : le 27 juin 1821, il avait perdu sa mère, et, il sentait déjà Jules de Rességuier assez ami, pour lui écrire, en juillet, ces lignes touchantes :

»Les journaux vous ont peut-être appris mon affreux malheur. J'ai perdu ma mère. Depuis longtemps j'aurais à me reprocher de n'avoir pas répondu à toutes vos honorables marques d'amitié, sans la maladie, sans la mort qui l'ont enlevée. Vous n'avez pas connu, monsieur le Comte, cette noble mère, dont je ne vous parle pas parce que je n'en saurais parler assez dignement, mais je ne doute pas que vous ne partagiez ma douleur, et vous me plaindrez beaucoup si vous me plaignez comme je vous aime (18).

La part, qu'en cette année même Jules Rességuier prit à la rédaction du Conservateur littéraire, revue fondée en décembre 1819, par Victor Hugo et son frère Abel, avait dû d'ailleurs contribuer aussi à rendre leurs rapports plus intimes. Dans les premiers mois de 1821, ce Recueil avait publié de Rességuier une élégie dans le genre ossianesque, encore en vogue, intitulée Glorvina, (tome III, pp. 289-290). Elle était accompagnée de cette note de la rédaction :

Ces vers dont nos lecteurs apprécieront la grâce et l'élégante facilité, nous sont envoyés de Toulouse, la seule ville de France, peut-être, où la poésie partage encore l'attention publique avec la politique. Il est juste d'ajouter que M. le comte de Rességuier, membre de l'Académie des Jeux-Floraux, est un des poètes qui y cultivent les lettres avec le plus de talent et de distinction (19).

Jules de Rességuier s'y était révélé avec éclat : et, quand la revue eut cessé de paraître, Victor Hugo, voulant sans doute rendre plus durable le souvenir de cette collaboration, lui en adressa à Toulouse la collection complète, c'est-à-dire les trois volumes. La lettre où il lui annonce cet envoi, est toute pénétrée encore des sentiments douloureux dont témoignait la précédente :

7 novembre 1821. - «... Pourquoi faut-il qu'après les grandes souffrances de l'âme viennent encore une foule de petits chagrins insipides, de mesquines contrariétés qui ne permettent même pas de se reposer dans le désespoir ? J'ai eu bien des dégoûts de ce genre, mon cher et excellent ami (permettez-moi de réclamer ce titre que vous m'avez donné et qui m'est bien précieux) ; j'ai passé par tous les degrés de cette grande échelle de malheur, et cependant jamais, dans les peines les plus vives comme dans les soucis les plus monotones, je n'ai songé sans une véritable douceur aux consolations de votre amitié... Je profite d'une occasion que m'offre notre cher A. Soumet pour vous faire passer avec cette lettre les trois volumes du Conservateur littéraire ; c'est un de mes exemplaires dont je vous prie d'excuser l'extérieur inculte... Vous avez sans doute fait de bien jolis vers, que je ne connais pas ; si vous étiez assez bon pour m'en envoyer, j'en serais reconnaissant comme d'une faveur, et touché comme d'une preuve d'amitié.» (20).

L'année 1822 fut une année décisive pour Jules de Rességuier et ses amis ; c'est celle où il publie son Ode à Clémence Isaure dans les Annales de la Littérature et des Arts, et la Consolation d'une mère dans l'Almanach des Dames où Victor Hugo donne la première édition de ses Odes ; où Soumet a presque le même jour son double succès de Clytemnestre et de Saül (7 et 9 novembre) ; où Guiraud fait applaudir ses Macchabées (14 juin). Tout cela, sans parler des Jeux-Floraux qu'on n'oublie ni ne néglige, se retrouve avec une vivacité singulière dans les lettres que, de plus en plus souvent, Rességuier reçoit de Victor Hugo, et où nous relevons les passages suivants :

1822. 17 janvier. - «Alexandre [Soumet], qui est toujours malade ou paresseux, a cependant terminé son Saül, que je préfère à sa Clytemnestre, que je préfère à tout ce qui a paru sur notre scène depuis un demi-siècle... Je désirerais vivement que Saül fut joué le premier ; cet ouvrage entièrement original, sévère comme une pièce grecque et intéressant comme un drame germanique, révèlerait du premier coup toute la hauteur de Soumet... Et vous, que faites-vous au pays des troubadours ? Soumet m'a montré des vers charmants que vous lui avez envoyés dernièrement. En ouvrant l'Almanach des Dames, j'ai été agréablement surpris d'y rencontrer votre élégie, si touchante et si gracieuse, la Consolation d'une mère» (21).

C'est au mois de juin 1822 que parut le premier volume de vers de Victor Hugo, les Odes et Poésies diverses, Paris Pélicier. Dans la distribution d'exemplaires qu'il fit à ses amis, l'auteur n'oublia pas Jules de Rességuier ; au mois de juillet il lui écrit, après lui avoir adressé celui qui lui était destiné :

«Vous devez bien m'en vouloir, cher ami, de n'avoir reçu que mon recueil, quand je vous promettais les vers ravissants de Michol (22), mais vous savez un peu comme est notre Alexandre Soumet ; il fait d'admirables poésies et ne se doute pas que ses amis peuvent en être avides. Maintenant il est à Passy et moi à Gentilly, il court sans cesse à cause des répétitions de sa Clytemnestre, la Muse seule sait où le trouver... Votre ode charmante a vu le jour dans les Annales (23) et j'ai été aussi confus de votre amitié que fier de votre talent. Les journalistes n'ont pas encore honoré d'un article mon pauvre recueil ; ils attendent, m'a-t-on dit, des sollicitations, des louanges. Je ne puis croire qu'ils fassent cet affront à moi et à eux-mêmes.» (24)

A peu près vers la même époque, Jules de Rességuier entrait avec ardeur, ainsi que d'autres poètes, amis de Victor Hugo, qu'on peut appeler les premiers chevaliers ou les premiers tenants du romantisme, dans une entreprise qui donnait un successeur au Conservateur littéraire, disparu au commencement de l'année précédente : ce fut la Muse Française. A côté des noms des trois frères Hugo et de Rességuier, s'y rencontrent ceux de Saint-Valry, du comte Gaspard de Pons, d'Ulric Guttinguer, de Jules Lefèvre, etc., etc. Dans le premier volume de 1823, Jules de Rességuier y donna, une remarquable pièce de vers, aux brillantes couleurs, l'Odalisque, un des premiers essais où la poésie romantique se soit inspirée des images de l'Orient (tome I, p. 85-87). Un peu après, il apparaissait comme prosateur, dans Un Samedi au Louvre (tome I, p. 273-281). Dans cet article, il ne s'agit ni de tableaux, ni d'art, mais d'industrie. Il avait été écrit à l'occasion de l'Exposition de l'Industrie qui avait eu lieu cette année. Le Louvre avait prêté ses salles aux exposants, bien peu nombreux, si on les compare à ceux de l'avenir. Jules de Rességuier s'y montrait l'homme d'infiniment d'esprit, le causeur merveilleux, qu'il était dans le monde.

Mais quand il écrivait cette fine causerie, il n'habitait plus Toulouse ni Sauveterre : vers la fin de 1822, il s'était établi à Paris, où l'appelaient les fonctions de maître des requêtes au Conseil d'Etat, auxquelles il venait d'être nommé. Cette nouvelle avait été accueillie avec la plus grande joie par ses amis du romantisme, et Victor Hugo avait ainsi salué sa venue :

1822, 6 septembre. - «Qu'est-ce que Durand m'écrit donc, mon ami ? Faut-il croire à ce bonheur ? Vous allez à Paris et je n'en sais rien par vous... Heureusement, j'ai à Marseille un ami pour m'informer de ce que fait un autre ami bien cher à Toulouse... Ecrivez-moi du moins, Jules, pour me confirmer cette bonne nouvelle. Je l'ai donnée à Soumet comme certaine. J'ai la crédulité pour ce qui me fait plaisir. Cependant je ne crois pas à toute votre aimable lettre ; j'ai vu avec joie qu'elle était pleine de louanges, parce que toute cette louange est de l'amitié. Il y a das cette lettre un épanchement qui m'a bien touché. Vous m'y parlez d'un ange que notre Alexandre m'avait déjà fait connaître, d'un ange qui vous aime et que j'aime de vous aimer. J'ai envoyé votre lettre à Guiraud, qui était déjà reparti pour Limoux quand je l'ai reçue... Soumet va être joué presque à la fois aux deux théâtres, c'est-à-dire qu'il va obtenir deux triomphes. Il a fait à son chef d'oeuvre, Saül, de très beaux changements... Soumet a été charmé de votre mot.» (25)

Quel est l'«ange» dont il est parlé dans cette lettre ? Madame la comtesse de Rességuier, sans nul doute, qui le resta toujours pour le mari dont elle fit le bonheur, et pour les enfants adorés qui grandissaient sous ses tendres et anxieux regards.

III

Etabli à Paris vers la fin de 1822, Jules de Rességuier ne devait le quitter qu'en 1840 ou 1842. Ces quelque vingt années vécues en plein mouvement littéraire, furent celles aussi où il publia le plus, sans dépasser cependant la mesure qui convenait à son talent rebelle aux producteurs hâtives. Et d'abord, à la Muse Française sa collaboration devint plus active. Dans le second volume de cette revue (1824), on trouve de lui trois pièces de vers de tons très variés, mais toutes très remarquables :

    Le Punch, ode., p. 4041, en strophes de 8 vers de 7 pieds.
    L'Étoile, p. 216 :
        Déjà de feux brillants tout le ciel étincelle.
    Élégie, p. 269-2670 :
        Jeune vierge, vers vous quel intérêt m'attire ?

En prose, il y inséra un intéressant article de critique littéraire, sur les «Poèmes et Chants», par M. Alexandre Guiraud, 1 vol. in-12, chez Boulland, rue du Battoir, n° 12, et chez Ladvocat, Palais-Royal».

La Muse Française ayant cessé de paraître cette année même, ce fut aux Annales romantiques qu'il passa comme la plupart des amis de Victor Hugo. Nous trouvons son nom dans le volume de 1825.

L'année suivante (1826), parut chez Tastu le Convoi d'Isabeau de Bavière, in-8, de 8 pages, le plus long poème qu'il eût encore composé.

Deux ans plus tard, il publia son premier recueil poétique, annoncé dans la Bibliographie de la France, du 5 janvier, n° 105 :

  Tableaux poétiques, | par | le Cte Jules de Rességuier, | Paris, | Urbain Canel, | rue Saint-Germain-des-Prés, n° 9, | 1828, in-8°. (26)
  Imprimerie de Balzac. Prix : 6 francs.

2 ff. n.ch. pour le titre et le faux titre, dont le verso porte : Imprimerie de H. Balzac, rue des Marais S. G., n° 17. Plus 255 pp. ch. y compris la table. Avec deux gravures en taille douce, hors texte : La Bayadère, Ondine, placées, la première, en face le titre, la seconde en face la p. 15 ; l'une et l'autre signées : Le Vte de Senonnes, delt ; Ad. Godefroy, sculpt. Le titre est orné d'un fleuron (une couronne de laurier). - L'impression en est fort belle, les caractères très nets. Chaque pièce est précédée d'un faux titre, dont le verso porte une épigraphe ; et en général terrminée par un cul-de-lampe représentant une rose ou une tête d'ange.

La même année avaient paru : le Voyage en Grèce, de Pierre Lebrun ; les Etudes françaises et étrangères, d'Émile Deschamps ; le Napoléon en Égypte, de Barthelémy et Méry ; le Dernier jour de Pompéï, de Delphine Gay.

Ce recueil comprend quarante pièces, disposées dans l'ordre suivant :

    A Alex. Soumet, vers de 12 pieds. Épigraphe :
        C'est pour la vérité que Dieu fit le génie.
            A. DE LAMARTINE.

    Ondine, vers de 12, de 10 et de 8 pieds. Épigr. :
        Pour achever de vivre elle attendait l'amour.

    Le Voile, vers de 12 et de 6 pieds. Épigr. :
        O qui que vous soyez, ou mortelle ou déesse,
        Si l'Olympe vous compte au rang des immortels,
        Voyez un suppliant embrasser vos autels !
        Prêtez à mon malheur votre divin auspice ;
        O qui que vous soyez, devenez-moi propice.
            PICHALD.

    Le Convoi d'Isabeau de Bavière, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Ah ! de tous les malheurs, le crime est le plus grand ;
        Le crime dont l'aspect t'irrite et t'importune,
        A besoin de pitié plus qu'une autre infortune !
            ALEX. SOUMET.

Paru d'abord séparément, Paris, Tastu, 1826.

    L'Étoile, vers de 12 pieds. Épigr. :
        J'ai toujours trouvé que le ciel avait une véritable physionomie
        tantôt paternelle, tantôt irritée, et ce soir il condamnait notre amour.
            Mme DE STAEL.

Paru d'abord dans la Muse française, t. II (1824), p. 216.

    Le Charme, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Il est des jours de paix, d'ivresse et de mystère,
        Où tout le coeur savoure un charme involontaire.
            VICTOR HUGO.

    La Jeunesse, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Je fus ingrate envers la Providence en n'étant pas heureuse.
            Mme la Desse DE DURAS.

    Le Bal, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Et ne vous faites pas illusion, Monsieur : si l'on vous voit venir
        avec plaisir au bal, c'est que vous faites partie du bal, et que vous
        êtes par conséquent une fraction de sa nouvelle conquête.
            Le Cte XAVIER DE MAISTRE.

    Delphine. A Mlle Delphine Gay, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Une grâce enivrante à sa beauté se mêle,
        Et ses chants inspirés sont gracieux comme elle.
        Déjà d'une couronne ornant ses blonds cheveux,
        Son jeune et beau génie a fait plus que nos voeux.
            BELMONTET.

    Delphine à la coupole de Sainte-Geneviève. Vers de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        Un céleste pouvoir secondait mes efforts ;
        Le Seigneur m'inspirait ; sa divine lumière
        Embrasait de ses feux mon âme toute entière.
            Mlle DELPHINE GAY.

Avec cette note :
Mlle Delphine Gay a récité les beaux vers de son hymne à Saint Geneviève, sous le dôme même où les chefs-d'oeuvre de M. Gros retracent les principales époques de la Monarchie.

    La Source des Montagnes. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Des chênes ébranlés mutilant les racines,
        Puissent les noires torrens, dont le cours inégal
        Dans un lit de gravier gronde au pied des collines,
        Ne jamais obscurcir ton paisible cristal.
            CASIMIR DELAVIGNE.

    Le Pèlerin, imité de Walter Scott. Vers de 12 et de 10 pieds. Épigr. :
        Tel est des livres saints l'enseignement suprême ;
        Qu'un ange suit le pauvre et veille sur ses pas.
        Qu'un refus est là-haut puni comme un blasphème ;
        Qu'un cri de faim maudit tous ceux qu'il n'émeut pas.
            ALEX. GUIRAUD.

Paru d'abord dans les Annales de la Littérature et des Arts, 1822, t. III, p. 11-12.

    Le Passé. Strophes de 8 vers de 10 pieds. Épigr. :
        Je regarde à présent la vie
        Comme un lieu que j'aurais quitté.
            Mme DESBORDES VALMORE.

    L'Infidèle. Strophes de 4 vers, de 12 pieds. Épigr. :
        Et ne le vois-tu pas, dans son ennui mortel,
        Accablé de succès, de faveurs méprisées,
        Changeant sans cesse et d'idole et d'autel,
        Succomber sous le poids de ses chaînes brisées.
            Mme SOPHIE GAY.

    La Bayadère. A Émile Deschamps. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Le mérite en repos s'endort dans la paresse.
            BOILEAU.

    La Fête. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Voudrait-on chanter vos louanges ?
        Autant vouloir flatter des anges :
        La lyre humaine n'y peut rien.
        Sur la terre, mal célébrée,
        Contentez-vous d'être adorée,
        Et, pour cela, vous l'êtes bien.
            EMILE DESCHAMPS.

    Les Troubles. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Un songe, un rien, tout lui fait peur.
            LA FONTAINE.

    L'Odalisque. Strophes irrégulières de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        Déïphère, trop émue pour goûter les douceurs du sommeil, était
        assise près d'une fenêtre à grillage d'or ; et s'accompagnait avec le
        psaltérion, elle chantait cette Casside sur le mode Nava, dont on se
        sert en Asie pour pleurer l'absence des amans.
            MARCHANGY.

Paru d'abord dans la Muse Française (1er août 1823, t. I, p. 85-87), puis dans les Annales Romantiques de 1825, p. 257, avec cette note : «Cette élégie est tirée de la Gaule Poétique.

    Le Schall. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Le schall qui est en même temps si antique et si propre à être
        dessiné de tant de manières, drape, voile, cache tour à tour la beauté
        et se prête aux plus séduisantes expressions.
            Mme DE KRUDNER.

    L'Amour. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        ...................... Et, faibles que nous sommes,
        C'est toujours cet amour qui tourmente les hommes.
            ANDRÉ CHÉNIER.

    Le Souvenir. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Je n'aime entre les jours que ceux qui sont passés.
            A.-S. SAINT-VALRY

    Sa Fuite. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Et j'ai vu fuir la paix de mon âme charmée,
        Et les plaisirs si purs, et leur coupe embaumée
            Mme A..... D.....

    Clémence Isaure.. Strophes de 4 vers, de 12 pieds. Épigr. :
        Son suffrage est la gloire ! Et même l'on prétend
        Que du gai troubadour secondant le délire,
        Parfois sa jeune main a fait vibrer la lyre.
            ANCELOT.

Paru dans les Annales de 1822, t. VII, p. 406-407.

    Le Secret. Strophes de vers de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        ...................................Quel bonheur peut valoir
        Le charme d'ignorer ce qu'on cherche à savoir.
            JULES LEFÊVRE.

    La Crainte. Strophes de 5 vers, de 8 pieds. Épigr. :
        Son coeur n'ose sentir, ni son âme penser.
            BRIFAUT.

    L'Empressement. Strophes de 8 vers, de 8 et de 4 pieds. Épigr. :
        Heureux de ses regards, heureux d'être auprès d'elle !...
            DUCIS.

    La Promenade du soir. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Ma la lune se lève, et de son char d'opale
        Sur ses charmes trahis verse un jour doux et pâle.
            F.-A. PARSEVAL.

    Invocation. Strophes irrégulières, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Un jour pour le bonheur j'ai cru que j'étais né.
            G. DE PONS.

    La Villageoise. Strophes de 8 vers, de 8 pieds. Épigr. :
        Oui, cette pauvreté, si vile aux yeux du monde,
        Est si chère à mon coeur, que je ne voudrais pas
        L'échanger pour le sceptre et l'or des potentats.
            BAOUR-LORMIAN.

    Le Pêcheur. Strophes de 8 vers, de 8 et de 12 pieds. Épigr. :
        Ah ! qu'importe le sort, si ta main caressante
        S'appuie au gouvernail de ma nef inconstante.
            Mme TASTU.

    La Mort d'une Fille de Village. Strophes irrégulières, de 12 pieds et de 8 pieds. Épigr. :
        Elle tomba ; le prêtre, au sein d'un noir asile,
        Emporte, belle encore, la dépouille immobile.
            H. DE LATOUCHE.

    La Consolation d'une Mère. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Oh ! comme avec orgueil ton regard enchanté
        Voit sa beauté naissante éclipser ta beauté.
            MILLEVOYE.

Ce fut d'abord dans les Annales, t. III, p. 268, et dans l'Almanach des Dames de 1822, que parût «cette élégie, si touchante et si gracieuse», comme écrivait Victor Hugo à l'auteur.

    L'Adolescence. Strophes de 8 vers, de 8 pieds. Épigr. :
        Elle était à cet âge, où le coeur sans alarmes
        Au doux besoin d'aimer s'abandonne aisément ;
        A cet âge où l'amour est un enchantement.
            ED. MENNECHET.

    La Fille de la Légion d'honneur. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        De tous les monuments élevés pour immortaliser la gloire du règne de Louis XIV,
        les deux édifices pieux et augustes où la valeur d'un côté,
        et la noblesse du sexe de l'autre, trouvèrent jusqu'à la fin des ressources sûres et publiques,
        sont les titres qui lui répondent le plus des éloges et des actions de grâce de la postérité.
            MASSILLON.

    La Croix d'or. Strophes de 8 vers, de 8 pieds. Épigr. :
        Belle sans ornement............
            RACINE.

    Le Punch. Strophes irrégulières, de 12, de 8, et de 6 pieds. Épigr. :
        ..... La journée du lendemain ramenait les mêmes choses,
        et nous la regardions encore comme un bienfait.
            Le Cte DE FORBIN.

Paru d'abord dans la Muse Française, t. II (1824), p. 40-41.

    L'Abeille et les Mouches. Vers de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        Si l'homme qui n'a pas d'éducation n'est pas laborieux,
        s'il mène une vie oisive, il est bien difficile qu'il soit vertueux.
            Mme la Cesse DE GENLIS.

En note :
Cette pièce fait partie du Recueil de fables russes publié par le comte Orloff.

    La Dernière Espérance. Vers de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        Dites-moi, dites-moi surtout, si son âme est dépouillée,
        dans sa nouvelle vie, de tous les souvenirs de sa vie passée, si elle pense toujours à moi,
        et si quand je prononce son nom, ma plainte va jusqu'à son coeur.
            CH. NODIER.

    La Harpe de Glorvina. Strophes irrégulières, de 12, de 10 et de 8 pieds. Épigr. :
        C'est la religion qui fait gémir, au milieu de la nuit,
        la vestale sous ses dômes tranquilles, c'est la religion qui chante si doucement au bord du lit de l'infortuné.
            CHATEAUBRIAND.

Paru d'abord dans le Conservateur littéraire, t. III, 28e livr. (1821), avec la note citée plus haut :

    A ***. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        C'est une femme, un ange à la forme charmante ;
        Car ce peuple d'Esprits, cette famille aimante,
        Qui pour nous, près de nous, prie et veille toujours,
        Unit sa pure essence en de saintes amours.
            ALFRED DE VIGNY.

Beaucoup de pièces de ce premier recueil sont des élégies, et leur ensemble forme comme un roman d'amour : telles, la Fête, les Troubles, le Schall, l'Amour, le Souvenir, Sa Fuite, le Secret, l'Empressement, la Promenade du soir, Invocation, l'Adolescence. Ainsi, pendant une absence, à l'anniversaire de la fête de celle qu'il aime, voici les voeux qu'il forme :

    Je ne sais pas vouloir qu'on t'aime davantage...
    Mais je voudrais, le soir, quand tes pas adorés
    Volent sur les parquets de nos salons dorés,
    Quand la foule est ravie, autour de toi pressée,
    Je voudrais être, alors, présent à ta pensée ;
    Quand tes beaux yeux sont clos sous un sommeil léger,
    A tes songes heureux n'être pas étranger.
    Quand le soleil couchant dans les flots étincelle,
    Je voudrais, sur mon lac, conduire ta nacelle ;
    Que ton voile essuyât les pleurs des saules verts,
    Et que ta voix se plût à répéter mes vers.

Ces voeux furent exaucés, car dans une autre pièce, c'est en rappelant le passé et ses doux souvenirs que le poète trace le tableau du lac où il promenait ses amours «en tresses blondes». La partie décoratives de ces vers a beaucoup vieilli ; l'écharpe, les tresses, et tout ce costume des élégantes de la Restauration, nous les gâtent un peu ; mais ils ont de l'harmonie, et on y sent au fond un sentiment vrai.

    C'est là qu'avec ses chants, ses magiques paroles
    Un ange descendit sur nos blanches gondoles ;
    Et depuis, ô mon lac, couché sur vos roseaux,
    J'écoute avec amour le doux bruit de vos eaux ;
    Car sous les pleurs du saule, au miroir de vos ondes,
    J'ai vu légèrement jouer ses tresses blondes ;
    De nos coeurs, de vos flots nous suivions les penchants,
    Et votre écho fidèle a répété ses chants.
    Son écharpe d'azur flottant avec ma voile ;....
    Mais ses cheveux flottans, son écharpe légère,
    Elle a tout emporté sur la rive étrangère :
    Elle a tout emporté ! Non, non ; et sur ces bords
    Les vents ont retenu ses magiqués accords.
    Le doux parfum des fleurs à nos sens la rappelle,
    Et l'air que l'on respire a quelque chose d'elle (27).

Ces amours nous paraissent avoir eu pour théâtre, les vallées des Pyrénées, avec leurs hauts sommets à l'horizon, aux environs de Bagnères-de-Bigorre.

Cette gracieuse figure «aux blondes tresses» s'enveloppait d'un châle dont le tissu léger semblait plutôt un nuage laissant entrevoir la déesse, qu'un vulgaire vêtement. Le châle jouait un grand rôle alors dans l'élégance féminine :

    De ton corps élégant pour marquer les contours,
    Les bergères, le soir, en chantant leurs amours
    Forment légèrement ces tissus que Barèges
    Colore dans ses fleurs et blanchit dans ses neiges...
    Lorsque tu pars voilée et prends ton jeune essor,
    Tes grâces sous ton schall te trahissent encor...
    De peur que trop d'éclat n'éblouisse mes yeux,
    J'aime qu'un doux nuage obscurcisse les cieux ;
    J'aime que le lin pur et les gazes modestes
    Amortissent le feu de tes regards célestes ;
    Que les mobiles plis des légers vêtements
    Dessinent tous tes pas et tous tes mouvements ;
    Et que tes traits divins, se cachant à la terre,
    Soient, ainsi que ton coeur, un étonnant mystère (28).

Ces sentiments, à la fois très passionnés et très éthérés, ces écharpes, ces gazes, ces ceintures, ce décor de lacs, de saules pleureurs, d'aube emperlée, de clair de lune : tout cela constituait l'amour romantique, tel que nous le voyons exprimé par les poètes, représenté par les peintres et les dessinateurs de l'époque, les Devéria, les Wattier, les Johannot, les Célestin Nanteuil. Et les écrivains, qui s'en formaient ainsi l'idéal, s'efforçaient de le réaliser dans leur vie. La dédicace en vers qu'Alexandre Dumas mit, après coup, à son fameux drame romantique Antony, est l'une des plus brûlantes expressions de la passion ainsi conçue et ainsi pratiquée. Le type féminin de cet idéal était, à ce moment même, de 1823 à 1828, la belle, la blonde, la céleste Delphine Gay. Et l'on ne peut s'empêcher de penser à elle, en lisant les vers élégiaques, amoureux de Jules de Rességuier. Pour dire toute notre pensée, nous avons quelques raisons de croire que Delphine Gay fut, à cette époque, la muse inspiratrice de notre poète, que plus d'une de ses pièces, sinon toutes, lui sont tacitement dédiées. N'oublions pas qu'une de ses premières oeuvres avait été consacrée à célébrer ce grand jour (21 avril 1825) où, sous la coupole du monument de Soufflot, au milieu du monde officiel et des représentants les plus illustres des Lettres et des Arts, Mlle Delphine Gay avait récité son Hymne à Sainte Geneviève ; et qu'avant cela même, il avait chanté la femme, autant en amoureux qu'en poète :

    Et l'on peindrait plutôt les doux rayons des cieux
    Que les rayons plus doux qui tombent de ses yeux...
    Son âme est un secret d'amour et d'harmonie ;
    Son esprit vif et prompt a l'élan du génie ;
    Elle comprend la gloire, elle aime son danger...
    De la terre et des cieux c'est un divin mélange ;
    Tantôt comme la femme, et tantôt comme l'ange,
    Elle peut soutenir le vif éclat des cieux ;
    Et nos faibles regards lui font baisser les yeux.
    Voyageuse ici-bas, céleste passagère,
    Elle n'a de nos maux qu'une atteinte légère ;
    Comme une douce pluie aux beaux jours du printemps,
    Les pleurs dans ses beaux yeux ne restent pas longtemps.
    Elle chante... (29)

En 1823, Mme Desbordes-Valmore avait fait un séjour dans le Midi, à Bordeaux en particulier, poussé peut-être jusqu'au pied des Pyrénées. Jules de Rességuier dut se rencontrer avec elle, et l'entretenir de Mme Sophie Gay et de sa fille Delphine, dont on parlait beaucoup alors, et avec lesquelles elle était en correspondance. Jules de Rességuier les fréquenta certainement à Paris, quand il écrivait les vers qu'on vient de lire, et assistait à la fête de Sainte Geneviève (1825). Plus tard, en 1826 et 1827, Delphine et sa mère visitèrent la Suisse, l'Italie, séjournèrent à Florence, à Rome, à Naples. Sans rien affirmer, ne peut-on pas penser que cette absence a inspiré les vers que nous avons cités plus haut.

    Elle a tout emporté sur la rive étrangère
    ....................................................

Et cette image du golfe de Naples qui termine cette pièce :

    Ainsi quand Parthénope, aux heures du repos,
    Voit briller et courir, sur la mer azurée,
    La barque du pêcheur, sa nacelle dorée,
    Avec ses verts festons, ses mobiles drapeaux,
    L'oeil suit le mât longtemps sur l'humide étendue ;
    Et lorsqu'à l'horizon la nacelle est perdue,
    On voit encor les fleurs qui retombent dans l'air,
    Et le rayon brillant qui sillonne la mer (30).

Cependant nous aurions scrupule d'insister plus longtemps sur ces impressions, et de donner pour une réalité ce qui pourrait bien n'être qu'une imagination née de simples rapprochements littéraires. Nous aimons mieux nous en tenir à cette image de l'amour dans le mariage, que nous offrent les plus belles et les plus nombreuses poésies de Jules de Rességuier, quitte à mettre sur le compte des licences poétiques permises les vers où il a célébré tour à tour la brune et la blonde :

    Allons, rassurez-vous, j'oublierai vos appas,
    Vos grâces, vos yeux noirs, vos longs cheveux d'ébène,
    Ou, sans les oublier, je n'en parlerai pas (31).

IV

L'époque de la publication des Tableaux poétiques fut le moment le plus brillant de la vie de Jules de Rességuier, celui où sa réputation fut à son zénith. N'ayant pas encore atteint la quarantaine, mêlé à la fois aux lettres et à la politique par ses fonctions au Conseil d'Etat, homme du monde et écrivain, il s'était créé dans la société parisienne une situation très en vue tout en restant très sympathique. La Révolution de 1830 la modifia beaucoup, sans l'amoindrir. L'homme politique, le fonctionnaire, disparut, car il n'avait pas voulu se rallier à la Monarchie de juillet contre laquelle ses convictions protestaient hautement ; mais l'homme du monde, l'écrivain, resta ; et l'empressement qu'on avait à le recevoir, comme à fréquenter son salon de la rue Taitbout, ne firent que montrer davantage l'estime dans laquelle on tenait en lui le poète et l'homme du monde.

Soit à Paris l'hiver, soit l'été à Sauveterre ou à Toulouse, son salon, sans avoir rien de solennel et de pompeux, était vraiment ce que peuvent rêver de plus délicieux l'amitié et l'intelligence. Aux noms de Lamartine, de Victor Hugo, auxquels il resta toujours fidèle, tout en ne partageant pas toutes leurs opinions, à ceux de Guiraud, de Soumet, destinés à disparaître trop tôt (1845-1847), de Saint-Valry, d'A. de Beauchesne, dont nous le verrons célébrer le castel gothique de Saint-James, il faut ajouter ceux de Théophile de Ferrière, plus connu sous le pseudonyme de Samuel Bach, l'auteur si original d'Il vivere (Paris, Renduel, 1835), des Romans et le Mariage (Paris, Fournier, 1837, 2 vol. in-8) ; de Blaze de Bury (1813-1888), dont l'oeuvre la plus originale, Le Souper chez le Commandeur (Paris, Félix Bournaire), avait paru en 1835 ; de Paul de Julvecourt, ami de Jules de Saint-Félix, qu'une mort prématurée, en 1845, empêcha de conquérir la place que pouvaient faire prévoir ses Souvenirs de bonheur (Paris, Delaunay, 1832, in-8), et son recueil de poésies, Fleurs d'hier (Paris, Souverain, 1842, in-8) ; d'un compatriote, enfin, Edouard Gout-Desmartres (1812-1862), que l'Académie des Jeux floraux couronna bien souvent, et dont Emile Deschamps fut aussi l'ami ; du comte de Falloux qui, par Albert de Rességuier, dont il était l'ami, avait trouvé le chemin du coeur de son père ; de Mme Menessier-Nodier, qu'il avait connue enfant aux réunions de l'Arsenal et dont il resta toujours l'ami comme il avait été celui de Charles Nodier ; de Jules Lefèvre, enfin, qui, sous son nouveau nom de Lefèvre-Deumier, n'obtenait pas tout ce que méritait son talent cependant mûri, épuré et fortifié.

Jules de Rességuier a fait lui-même un vivant et touchant tableau de ses Samedis :

    Après avoir porté le poids de la semaine
    Et travaillé six jours entiers, le temps ramène,
    Pour réveiller les coeurs par l'absence engourdis,
    Le soir harmonieux de nos chers samedis.
    Les amis, en prenant la route accoutumée,
    Arrivent ce soir-là dans la maison aimée.
    On est comme en famille, en petit comité,
    Très attendu toujours et jamais invité...
    On y voit, essayant leur sourire et leur mot,
    Des enfants qui seront hommes et grands bientôt,
    Et l'amour, ce premier besoin de tous les âges,
    Au fond de tous les coeurs et sur tous les visages...
    Un lecteur, imitant l'acteur inimitable,
    Y joue un drame entier, les coudes sur la table,
    Et nous fait sans bouger passer, à force d'art,
    Des théâtres royaux à ceux du boulevard.
    Un conteur plein d'esprit y raconte une histoire
    D'un ton qui fait sourire ou frémir l'auditoire,
    Et la voix d'un poète, au milieu des bravos,
    Y récite des vers très beaux et très nouveaux.
    Là, jamais de concerts réglés par des programmes ;
    Peu de bruit d'instruments, beaucoup de voix de femmes ;
    Jamais de bals bruyants, mais des élans joyeux,
    Et des rondes tournant en cercles gracieux... (32)

M. de Falloux, qui a dû beaucoup pour le développement de ses goûts littéraires au comte Jules de Rességuier et à son fils, Albert de Rességuier, a peint agréablement ce salon si aimable, si hospitalier des Rességuier vers 1836, avec ses habitués ordinaires. Nous y retrouvons bien des noms que nous avons déjà rencontrés :

Albert de Rességuier était de six ans plus jeune que moi et j'aurais dû lui servir de maître. Les rôles furent promptement intervertis, et, en peu de temps, je reçus de lui plus que je ne pouvais donner. Toute sa famille se mit aussi de la partie pour me pousser et m'encourager au travail. Son père, le comte Jules de Rességuier, était un poète charmant et plus élevé encore par la noblesse du caractère que par celle du talent... M. et Mme de Rességuier avaient un salon très littéraire, et ils n'étaient pas de simples maîtres de maison. On recherchait dans Madame de Rességuier un jugement très sûr, qui rendait discrètement ses arrêts sous une forme toujours ingénieuse. M. de Rességuier ne disait ses vers que quand on les lui demandait et il les disait très bien. Il excellait dans des miniatures sur émail... M. de Lamartine et M. Victor Hugo n'apparaissaient que de temps en temps dans ce salon où on leur offrait affection et admiration ; mais ils exigeaient déjà l'idolâtrie. J'ai vu là, dans l'intimité, quelques hommes distingués qui étaient de véritables amis :

Alexandre Guiraud, que les Macchabées ont porté à l'Académie et que le Petit Savoyard protègera peut-être mieux devant la postérité.

Alexandre Soumet, dont on aura peut-être oublié la Jeanne d'Arc, quand on se souviendra encore de la Pauvre fille... M. de Beauchêne, l'émouvant historien de Louis XVII, et surtout M. Emile deschamps, que la renommée eut mieux traité, s'il s'en fut montré plus soucieux... Ma première et, je dois l'avouer, mon unique école littéraire, fut la maison de M. de Rességuier (33).

Si ce rôle de maître fut bien celui de M. Jules de Rességuier à l'égard de M. de Falloux, l'élève surpassa le maître, du moins aux yeux de l'Académie Française, puisqu'elle ouvrit à l'un ses portes qu'elle ferma à l'autre. Il est vrai que si ses membres sont immortels, ils ne sont pas infaillibles.

Dans cette heureuse demeure grandissaient trois fils, Paul, Albert et Charles de Rességuier, les deux premiers nés de 1812 à 1816, le troisième un peu plus tard, mais tous trois objet d'une tendresse égale, comme l'a dit leur père dans des vers touchants, placés au bas de son portrait donné à chacun d'eux :

    A toi, cher, ce portrait, qui me peint à demi,
    A toi que j'ai nommé du nom d'un des apôtres,
    A toi donc, Paul, mon fils, avant mes deux chers autres,
    Qui naquit mon enfant et grandit mon ami.
 
    Ces vieux traits, mon Albert, que ton amour révère,
    Te deviendront plus tard un souvenir bien doux ;
    Un morceau de papier protégé par un verre,
    Tout cela c'est encor moins fragile que nous.
 
    J'avais déjà bercé tes frères de caresses,
    Charles, mon cher petit, quand tu vins à ton tour ;
    Je croyais qu'ils avaient épuisé mes tendresses,
    Et pourtant tu trouvas la même part d'amour (34).

Albert, qui devait devenir le plus célèbre des trois, fut à la fois poète comme son père et, de plus que lui, homme politique. Après avoir fait son droit à Paris, il voyagea en Allemagne pour achever son instruction et publia une traduction de la brochure du Dr Joseph Goerres, qui avait fait grand bruit dans le monde catholique, Affaire de Cologne, Athanase, Paris, Debecourt, 1838, in-8. C'est lui qui, en 1848 et en 1870, fut élu par les Basses-Pyrénées aux Assemblées nationales de cette double époque, où il fit partie de la Droite catholique. Comme poète on a retenu de lui cette épitaphe en vers monosyllabiques :

        Fort
        Belle
        Elle
        Dort.
 
        Sort
        Frêle !
        Quelle
        Mort.
 
        Rose
        Close,
        La
        Brise
        L'a
        Prise (35).

Dans ce tableau poétique et presque patriarcal de Sauveterre et même de Paris, il ne faut pas oublier la vieille Sophie, une de ces servantes, comme alors il en existait encore dans beaucoup de maisons de la noblesse et de la bourgeoisie, partageant les joies et les douleurs de leurs maîtres, qui étaient pour elles comme une autre famille. Le poète lui a donné place dans ses vers :

    Au bruit de mon retour prochain, on me confie
    Que vous avez battu des mains, bonne Sophie ;
    Ah ! vous avez raison, ma bonne ! et c'est devoir
    Entre amis comme nous, d'applaudir le revoir.
    Vous mettez mon couvert sur votre nappe blanche ;
    Quel jour ? Je ne sais pas, ce doit être un dimanche,
    Un jour où la forêt d'un plus beau vert se peint,
    Où l'on va tous ensemble à l'église, un jour saint !

Madame la comtesse de Rességuier, entourée de trois beaux enfants, d'un mari bon, aimable, attentif, était bien la reine de cet heureux et souriant intérieur. Bien des vers du poète ont été inspirés par elle, mais son nom y manque, et il serait téméraire de les indiquer d'une façon précise. Le sentiment seul qui y règne révèle celle qu'ils célèbrent en secret. Ainsi par exemple, dans les vers si délicats sur Madame Agnès de Picardie :

    La dame en tout la mieux douée
    La plus humble et la plus louée,
    La plus fière de ses aïeux
    Et la moins vaine de ses yeux ;
    Sur son coursier la plus allante,
    Dans son fauteuil la plus dolente,
    La plus fidèle à son devoir
    Et la plus dangereuse à voir,
    La mieux mise et la moins parée,
    La plus justement adorée,
    La plus séduisante toujours.

M. de Falloux a joliment raconté une aventure de Madame de Rességuier comme dame de charité :

«La comtesse de Rességuier avait une piété profonde et une inépuisable charité. C'est à elle qu'arriva une anecdote qui devrait toujours se présenter à la pensée au moment d'une dépense inutile. Dame de charité dans la paroisse de Saint-Roch, Mme de Rességuier monte avec sa compagne à un cinquième étage. Les deux quêteuses sont reçues par un petit vieillard qui vient lui-même ouvrir sa porte, les reçoit dans un appartement à peine meublé et leur remet son offrande soigneusement enveloppée. Grande fut leur surprise, en défaisant le paquet de trouver cinq louis bien comptés. «Ce bon monsieur s'est trompé, pensèrent à la fois les deux quêteuses ; il nous a donné sans s'en douter, la moitié de son revenu !» Elles remontèrent donc l'escalier, sonnèrent de nouveau à la porte et firent part de leur scrupule. Le vieillard parcourut d'un regard son appartement, le fixa sur lui-même et répondit avec le plus simple sourire : «Je vous remercie de votre délicatesse, mesdames, mais ce n'est qu'en vivant comme je vis, que je puis me donner la jouissance de faire la charité» (36).


Notes :
(1) Les Rességuier portaient : d'or à un pin de sinople, terrassé du même ; au chef d'azur chargé de trois quintefeuilles d'argent.
(2) M. A. Falloux (Biographie Michaud), le qualifie de neveu du maréchal, mais nous croyons que c'est une erreur. Il en descendait directement. Anne-Angéligue-Louise de Chastenet Puységur était, en effet, fille de Jacques-François-Maxime, marquis de Puységur, comte de Chessy (né le 22 septembre 1716, mort le 2 février 1782), fils du maréchal et de Jeanne-Antoinette-Augustine de Fourci, lieutenant général, et qui avait épousé, le 16 juin 1742, Marie-Marguerite Masson, fille d'un président aux Enquêtes. Cette demoiselle de Puységur était soeur du marquis de Puységur (1751-1825), également lieutenant, connu par ses écrits sur le magnétisme, et du comte de Chastenet, le marin (1752-1809). Les Chastent étaient originaires de l'Armagnac
(3) Voir Wallon, Hist. du Tribunal révolutionnaire, t. III et IV, et Poitevin-Peidavi, Hist. de l'Académie des Jeux-Floraux, t. II.
(4) Sauveterre-de-Béarn, ch.-l. de cant., arr. d'Orthez, Basses-Pyrénées, 1600 hab., à 75 m. d'altitude. Sauveterre, avec son église gothique, son château ruiné et sont vieux pont du XIIIe siècle, pareillement ruiné ainsi que la tour qui le surmontait, offre un aspect des plus pittoresques, et du haut de la ville on jouit d'une vue admirable sur la vallée. Le donjon du château ou tour de Montréal, offre de curieux détails romans ; l'église du XIIIe siècle est intéressante par le mélange du style roman du Midi, avec des formes inspirées des églises rurales des environ de Paris (Vivien St-Martin, Dict. de Géographie).
(5) Dernières poésies, toulouse, 1864, p. 5.
(6) Dernières poésies, toulouse, 1864, p. 11.
(7) Id., p. 8.
(8) Dernières poésies, toulouse, 1864, pp. 12-15.
(9) Les Prismes poétiques, p. 364.
(10) Les Prismes poétiques, p. 371. La Poésie, à Emile Deschamps.
(11) Tableaux poétiques, p. 49.
(12) Moniteur Universel, n° 96. - Cette commission, chargée de l'examen des demandes en collations de titres, concessions d'armoiries, érections de majorats, du sceau des lois, lettres patentes, diplômes de naturalité, tenait ses séances, place Vendôme, à la Chancellerie. En 1823, elle se composait d'un président, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, alors le comte de Peyronnet, de trois conseillers d'Etat, MM. Dompierre d'Hornoy, Tercier, Dambray, de quatre maîtres des requêtes, MM. Tabary, Anisson-Dupéron, Debonnaire de Forges, de Rességuier, d'un commissaire, comte de Pastoret, d'un secrétaire général, M. Cuvillier. - A cette époque, Jules de Rességuier demeurait rue du Helder, n° 20. Il figure déjà dans l'Almanach royal de 1823.
(13) Edmon Biré, Victor Hugo avant 1830, p. 153. - En 1811, Soumet, après son Ode sur la Naissance du roi de Rome, avait été nommé auditeur au Conseil d'Etat.
(14) Secrétaire perpétuel de l'Académie des Jeux-Floraux, conseiller à la Cour de Toulouse. Voir Biré, Victor Hugo avant 1830, p. 131.
(15) La pièce de J. J. Rocher, insérée dans le Recueil de l'Académie, était l'Immortalité de l'âme.
(16) La pièce de F. Durangel fut couronnée.
(17) Annales de la Littérature et des Arts, 1821, t. III, p. 379.
(18) Victor Hugo, Correspondance, Paris, Calmann Lévy, 1896, t. I., p. 16. - Mme Hugo, quand elle mourut, habitait avec son fils, rue de Mézières, n° 10.
(19) Le Conservateur littéraire, cessa peu après de paraître, à la fin de mars 1821.
(20) Victor Hugo, Correspondance, t. I, p. 22.
(21) Victor Hugo, Corresp, t. I, p. 25.
(22) Personnage de la tragédie de Saül.
(23) Les Annales de la Littérature et des Arts, où avait paru l'Ode à Clémence Isaure.
(24) Victor Hugo, Corresp, t. I, p. 29.
(25) Cette lettre a été publiée d'abord par Ed. Biré, dans Victor Hugo avant 1830, p. 339, puis dans la Correspondance de Victor Hugo, p. 35, où elle est datée de 1823, à tort, puisqu'il y est question de la première représentation de Saül qui est de 1822. Tout le passage relatif à F. Durand ou Durangel y est supprimé.
(26) Bibl. Nat., Invent,, Ye, 3241. Reliure aux armes du duc d'Orléans. L. P. couronné sur le dos. La même année (n° 1477), parut une 2e édition, mais qui n'était que le reste des exemplaires de la 1re avec de nouveaux titre et faux-titre.
(27) Le Souvenir.
(28) Le Schall.
(29) Delphine.
(30) Le Souvenir.
(31) La Consolation d'une mère.
(32) Dernières Poésies, Toulouse, 1864, p. 153. - Voir aussi, p. 51, Adieu à une Maison de poète.
(33) Mémoires d'un Royaliste, Paris, Perrin, 1888, in-8, p. 160.
(34) Dernières Poésies, Toulouse, 1864, p. 195.
(35) France littéraire, 1835, III, 174. On trouve dans Premières Pensées, de Ducros, une pièce de vers à lui adressée. Né à Toulouse le 26 novembre 1816, il y mourut le 26 mars 1876.
(36) De Falloux, Mém. d'un Royaliste, I, p. 161.


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