GUELPA, Leon. (18..-19..) : Comment retarder la chute et la canitie des cheveux ? (1910)
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Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque du n°3 - VIe série- 1.2.1910 de LA REVUE (ancienne Revue des Revues).


Comment retarder la chute
et
la canitie des cheveux ?

par le

 Dr GUELPA
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[NOTE DE LA REDACTION] Nous rappelons à nos lecteurs l'article: Comment renouveler et rajeunir notre organisme, publié par le Dr Guelpa, ici même (Voir La Revue, dit 1er janvier 1909). - La thèse soutenue par notre distingué collaborateur avait soulevé tout d'abord maintes protestations dans le monde médical. Pourtant, les idées qui avaient paru scandaliser tant de médecins éminents, ont fait, depuis, leur chemin. Sans vouloir suivre le Dr Guelpa jusqu'aux limites extrêmes de sa théorie, il faut cependant constater que celle-ci est appliquée avec beaucoup de succès par maints praticiens et par les malades eux-mêmes. Car ce qui nous permet d'offrir l'hospitalité de La Revue au Dr Guelpa c'est, entre autres, ce fait que les moyens hygiéniques préconisés par lui peuvent être employés en dehors de son intervention. Notre collaborateur énonce ce qu'il croit être la vérité ; mais ne préconise aucunement ni drogue spéciale, ni la nécessité de ses conseils personnels. Ajoutons que l'auteur se borne à présenter ici sa théorie d'une façon accessible au grand public. Son développement technique, de même que sa justification scientifique paraîtront ultérieurement dans le Bulletin de la Société de Médecine de Paris.

Tout le monde a sans doute, remarqué ce phénomène bizarre, que les gens qui préconisent des remèdes contre la calvitie sont, d'ordinaire, chauves. Il suffit d'entrer dans un grand établissement de coiffure pour observer ce fait amusant, que les employés qui vous recommandent avec la plus grande ardeur des médicaments miraculeux pour faire repousser les cheveux disparus, en ont eux-mêmes aussi peu que passible. Ils ressemblent aux inventeurs de moyens infaillibles pour gagner à la roulette. Ceux-ci ont toujours besoin d'une pièce de vingt francs pour tenter l'expérience. Et, soyez-en convaincus, ils perdront infailliblement les louis d'or que vous leur accordez, comme tous ceux qu'ils ont eus précédemment à leur disposition.

Constatation non moins amusante: les inventeurs de produits capillaires eux-mêmes se trouvent, d'ordinaire, dans une situation des plus lamentables en ce qui concerne leur chevelure. La raison est bien simple : ils avaient cru et ils croient à l'efficacité de leurs remèdes, et ils en sont les premières victimes.


I

Le Dr Sabourau, au moment de la grande vogue de la spécificité des bactéries, avait cru avoir découvert le microbe de la calvitie. Et, comme dans toutes ses recherches, il avait constaté la présence, presque en culture pure, de ces très nombreux microbacilles particuliers, il n'avait pas hésité un instant à les croire et à les affirmer spécifiques de cette maladie du cuir chevelu. De là à l'idée de combattre la calvitie à force d'antiseptiques, il n'y avait qu'un pas. Les résultats définitifs le démontrent tous les jours. Je ne crains plus de me tromper en affirmant que, dans ce cas, l'effet avait été pris pour la cause.

Ce n'est pas que j'aie l'intention de contester la présence réelle des microbacilles. Loin de là ; mais ce que je trouve erroné, c'en est l'interprétation.

Pour me faire mieux comprendre, qu'on me permette une comparaison. Si, dans un terrain épuisé, abandonné, on voit pousser du gros chiendent (cynodon dactylon), personne n'aura la pensée de faire de cette végétation nouvelle la cause de l'appauvrissement du terrain et de la disparition des arbres vivaces qui s'y trouvaient précédemment. De même, dans la calvitie, le microbacille doit être considéré comme l'hôte capable de vivre dans un mauvais terrain, comme une des expressions de la misère physiologique du cuir chevelu, où la bonne herbe - cheveu - ne peut plus vivre, non pas à cause de la présence du microbacille, mais par le fait de la compression exagérée et de la nutrition insuffisante.

Cette cause n'est pas la, seule. Il y en a une autre, plus générale et plus profonde, qui détermine la chute des cheveux. C'est par elle que s'explique la calvitie, en rapport avec l'arthritisme, l'artério-sclérose, la syphilis, la vieillesse, etc.

Nous savons que le cuir chevelu est irrigué, nourri par les différents groupes d'artères qui cheminent de la périphérie au vertex. Ce sont elles qui apportent à la papille du cheveu l'aliment nourricier. Lorsque, par la compression (chapeau), ou par les artérites de différentes origines, ces artères n'ont plus le calibre voulu, ni l'élasticité suffisante, alors, une partie de l'aliment nécessaire vient à faire défaut ; et inévitablement, une certaine étendue du cuir chevelu va se dégarnir progressivement de sa production-cheveu, identiquement à ce qui se passerait dans une prairie où, petit à petit, on réduirait l'apport des canaux irrigateurs. Et pour continuer cette comparaison, où l'herbe commence-t-elle à s'étioler et à disparaître, sinon aux points extrêmes de la canalisation ? Nous observons précisément la même marche dans la calvitie, qui, en effet, se développe toujours progressivement à partir des points terminaux de la vascularisation artérielle. C'est pour cela qu'elle débute toujours au vertex et au contour du front, et de là s'avance régulièrement vers l'origine des temporales et des occipitales. A ce propos, je tiens à affirmer ma conviction que les artères frontales ne prennent aucune part à l'irrigation productrice des cheveux. Ce sont les temporales seules qui sont chargées de ce rôle dans la région antérieure de la tête. S'il en était autrement, dans la première période de la calvitie, nous devrions observer des îlots de cheveux dans les parties plus basses du cuir chevelu frontal. Cette interprétation nous fait comprendre, au contraire, pourquoi la calvitie débute généralement par le front. Et la disposition anatomique profonde des occipitales, à leur origine, sous la protection d'une épaisse masse musculaire, nous explique la longue conservation habituelle, à la nuque, d'une zone de cheveux bien colorés.


II

Jusqu'à présent, nous n'avons parlé que de la calvitie. C'est presque avec un soin particulier que j'ai évité de prononcer le mot canitie, pour ne pas exposer le lecteur à confondre ces deux manifestations de la vie du cuir chevelu. En effet, quoique, régulièrement, ces deux expressions de l'évolution des cheveux soient concomitantes, il nous est donné quelquefois d'observer des têtes en grande partie chauves, sans qu'aucun des cheveux qui restent soient décolorés ; comme, d'autre part, nous pouvons voir d'abondantes chevelures totalement blanches, sans la moindre trace de calvitie. Il est donc évident que la calvitie et la canitie sont deux états absolument différents, et qui peuvent être complètement indépendants l'un de l'autre.

On se trouve facilement d'accord sur cette définition superficielle que la canitie est la décoloration des cheveux. Mais on est loin d'être fixé sur le processus qui produit ce blanchiment. En général, on admet que la pigmentation normale des poils dépend du dépôt, entre les cellules de l'écorce, de granulations pigmentaires, incorporées dans les fluides fournis par la région profonde et vasculaire du follicule. Ces fluides, après s'être répandus de cellule en cellule dans toutes les parties de la tige, iraient s'évaporer à sa surface, d'autant plus rapidement que le cheveu serait moins protégé par l'enduit huileux-sébacé normal. La diminution de la production pigmentaire sous la dépendance des différents états pathologiques, ou son évaporation trop rapide à la surface des cheveux, constitueraient le processus habituel et normal de la canitie.

Il y a quelques années, Metchnikoff a émis une autre hypothèse. Dans les cas de canitie, il avait constaté que dans l'intérieur des cellules, d'origine épidermique, de grosses cellules macrophages contenaient des granulations pigmentaires. Partant de ce fait positif, Metchnikoff en conclut que la canitie était la conséquence du développement exagéré des macrophages, contre lesquels il avait conseillé des pratiques de surchauffage. Indubitablement, la théorie de Metchnikoff est très séduisante. Mais sans contester aucunement le fait en lui-même, j'ai lieu de croire que son interprétation biologique est probablement erronée, et que sa conception thérapeutique est certainement nuisible.

Les macrophages avalent-ils les granulations pigmentaires comme le pense Metchnikoff ? Ou bien sont-ils, simplement chargés d'un service de police, sorte d'agents de déblayage des granulations pigmentaires qu'un obstacle gêne ou arrête dans leur marche ascensionnelle ? C'est, pourtant, cette deuxième manière de voir qui doit être la vraie, et nous en serons vite convaincus si nous voulons bien abandonner les spéculations théoriques pour nous, appuyer simplement sur les faits de canitie les plus frappants, et sur les résultats incontestables des soins employés.

Nous avons vu que le poil, né de la papille, avant de sortir du follicule, baigne dans l'ampoule terminale des, glandes sébacées, où il s'enduit du fluide huileux, qui accentue sa coloration, ralentit la destruction du pigment et augmente l'imperméabilité et la résistance des cheveux aux influences atmosphériques. Or, toutes les fois qu'une cause agit sur ce fluide sébacé, immédiatement l'effet se traduit dans l'intensité de la couleur et dans la vigueur du cheveu.

Sur une personne qui commence à blanchir, essayez des lavages avec des solutions alcoolisées ou alcalines, ou bien faites des surchauffages, comme le conseille Metchnikoff, et vous constaterez sans retard que la canitie apparaîtra immédiatement, et sera, par la suite, deux fois plus précoce. Par contre, répétant ce que tant de fois j'ai expérimenté sur moi-même et sur d'autres personnes, accompagnez le nettoyage habituel d'une friction du cuir chevelu avec un corps gras quelconque (moelle de bœuf, huile d'amandes douces, huile antique, vaseline pure, etc.), de manière à restituer à l'épiderme et aux poils l'enduit graisseux que le nettoyage pourrait enlever, et vous verrez que la quantité de cheveux blancs aura beaucoup diminué. De même le poil des animaux blanchit là où la peau est plus irritée et comprimée (sous le harnais chez le cheval), ou bien là où elle a été remplacée par du tissu cicatriciel à la, suite des plaies.

Nous en avons une démonstration encore plus, évidente, dans le fait qui m'avait été signalé par mon regretté ami, M. Mouveux, que le poil des animaux blanchit d'abord, et longtemps à l'avance, dans les endroits qui, par les habitudes de la bête, sont plus souvent mouillés, par exemple les pattes et le museau.

Il en est de même de la barbe chez l'homme, qui, lavée souvent à l'eau et exposée à l'oxygène de l'air, contre lequel elle n'est jamais, abritée, est toujours plus claire et plus, vite décolorée que les poils des autres régions.


III

On pourrait m'objecter ici que, si ce que j'avance était toujours exact, nous ne devrions pas constater le fait absolument opposé, c'est-à-dire le blanchiment de la barbe régulièrement plus tardif que celui des cheveux. En effet, à cause des soins les plus élémentaires de propreté, la barbe est lavée à l'eau et souvent au savon, au moins une fois par jour. Je ne cache pas que c'est là une objection qui m'a embarrassé au premier abord. Mais, après un peu de réflexion, je trouve en elle une démonstration de plus de la thèse que j'avance. Car il ne faut pas oublier que le poil-barbe est plus jeune que le poil-cheveu, au minimum d'une quinzaine d'années, et de plus, que le poil-barbe ne naît pas d'une papille plus ou moins comprimée, comme l'est celle qui alimente les cheveux. Or, comme la canitie de l'un et de l'autre se suivent à très peu d'années de distance, il est évident que, en réalité, par l'effet des soins hygiéniques, la vie colorée de la barbe devient d'une durée plus courte que celle des cheveux.

C'est encore par le jeu des mêmes causes que la canitie et la calvitie sont, sans comparaison, moins précoces et moins fréquentes chez la femme que chez l'homme. En effet, la femme lave sa tête à l'eau beaucoup moins sauvent que l'homme ; et, si capricieuse que soit sa coiffure, elle ne porte jamais de couvre-chef comprimant autant que chez l'homme les vaisseaux nourriciers du cuir chevelu. En outre, dans ce cas, il faut encore tenir le plus grand compte de la dimension des cheveux. Car les cheveux étant le moyen naturel de protection, de défense de la tête contre les agents extérieurs, et surtout contre les modifications de chaleur et d'humidité de l'atmosphère, lorsqu'on supprime ce vêtement naturel, mauvais conducteur de la, chaleur, forcément la peau sous-jacente va subir les impressions de la température ambiante. Et alors vont avoir beau jeu ces dispositions rhumatisantes, ces influences thyroïdiennes et ces modifications artérielles qui altèrent les fluides du cuir chevelu et finissent par en épuiser la vitalité. je suis fermement convaincu que c'est en cela que réside lz principale cause déterminante de la perte prématurée des cheveux chez les arthritiques qui, plus que les autres, sont exposés à subir le contre-coup des vicissitudes atmosphériques. Et ces pauvres malheureux, pour les prémunir contre leur disposition à la calvitie précoce, ou pour les guérir de cette maladie morale et histologique, on les martyrise avec des coupes de cheveux ras, avec des brossages énergiques et avec des schampoings ou des douches d'eau froide ! Et les médecins n'ont pas un mot de protestation, ne donnent pas un conseil vraiment salutaire pour défendre le cuir chevelu de leurs malades. Eux­mêmes, bien souvent, laissent diriger l'entretien de leur chevelure par le coiffeur, lequel, par intérêt et par ignorance, ne sait et ne veut que leur appliquer les rafraîchissements fréquents des cheveux, et les lavages encore plus fréquents, avec leurs solutions presque toutes aqueuses ou alcoolisées. On a prétendu, - et c'est là une opinion presque générale, - que la chevelure plus abondante et plus vigoureuse de la femme était un état de nature, et non la conséquence des soins différents imposés par la vie sociale. C'est encore un préjugé, qu'on ne s'est pas donné la peine de contrôler. Car il n'est pas difficile d'en démontrer la complète inanité.

Ces faits doivent nous mettre en garde contre une mauvaise habitude qu'est celle de raser le cuir chevelu des convalescents de graves maladies, dans le but d'empêcher la chute des cheveux. C'est un simple préjugé, et nuisible au surplus ; car sans parler des désavantages esthétiques chez une femme, il présente l'inconvénient certain de rendre la tête et même tout l'organisme plus sensible aux influences offensives thermo-hygrométriques.


IV

Les constatations que nous venons de faire nous fournissent déjà des indications importantes pour la conservation scientifique des cheveux. Dans ce but, nous devons d'abord éviter tout obstacle à la liberté et à l'activité de l'irrigation sanguine. Et pour cela, nous recommandons que le chapeau soit léger et mou, ou bien qu'il porte, sur les côtés, des espaces évasés, afin de permettre le libre fonctionnement des vaisseaux nourriciers, surtout les temporales.

Un autre conseil, non moins précieux et rationnel, est celui de masser un peu, tous les jours, le cuir chevelu, afin d'assurer le plus possible cette activité de la circulation. A ce sujet, on me permettra une digression non sans importance. On sait avec quelle crainte et quelle circonspection les malades se servent du petit peigne, lorsqu'ils s'aperçoivent qu'il amène des cheveux avec lui. Ils se bercent de l'illusion qu'ils peuvent arrêter la chute en évitant toute violence au cheveu. Ils ne se doutent pas que les cheveux qui viennent avec le peigne sont déjà des cheveux malades, qui ne peuvent continuer à vivre, et qui tomberont quand même tout seuls, quelques jours ou quelques semaines plus tard. Dans ces conditions, on a tout avantage à les arracher au plus tôt du follicule, où ils n'agissent plus que comme corps étrangers, afin de permettre à la papille de refaire, dans des conditions plus saines, sa sécrétion capillaire. On sait que les cheveux repoussent toujours plus drus après leur arrachement, comme les médecins ont eu l'occasion de le constater régulièrement, lorsque le traitement de la teigne se faisait par l'épilation ; d'où l'indication scientifique de masser, encore plus rudement, le cuir chevelu, lorsqu'on constate une perte plus abondante des cheveux. Ce massage doit être assez énergique, dans le double but d'exercer une pression sur les conduits sébacés, et en même temps de favoriser la circulation, en empêchant le tassement et l'envahissement de la couche adipeuse.

Je crois qu'on peut établir en principe que tout cheveu arraché est toujours remplacé par un autre plus vigoureux, et qu'un cheveu qui tombe tout seul n'est, souvent, remplacé que par un autre plus faible, et ainsi successivement jusqu'à la disparition définitive.

Il convient de pratiquer le massage avec un corps gras, qui rendra plus facile le ramollissement du comédon, et son expulsion, et qui complètera, remplacera l'enduit sébacé, souvent en défaut.

On voit par là l'inconséquence des soins qu'on trouve indiqués dans les ouvrages scientifiques les plus connus. On y conseille régulièrement les lavages de la tête, avec des lotions, soit alcoolines, soit alcalines, soit vinaigrées ou simplement aqueuses ; ou bien encore avec des solutions antiseptiques, bien souvent à base de sublimé. Tout le monde suit à peu près cette pratique, sans se douter combien elle est pernicieuse. En effet, quand, en histologie, on veut durcir des pièces anatomiques, qu'est-ce qu'on fait ? On les traite par l'alcool ou par les solutions de sublimé, etc. Et quand on veut décolorer des préparations, n'est-ce pas aux solutions alcoolisées, alcalines ou acides qu'on fait appel ? Eh bien ! dans notre cas particulier, il n'en peut être autrement. Avec ces solutions, on ne fait que durcir les téguments, et par conséquent diminuer leur vitalité, et on rend le comédon encore plus dur, plus résistant ; on le scelle encore plus dans l'étranglement utriculaire.

De plus, en nettoyant la tête avec des lotions aujourd'hui habituellement employées, ou tout simplement avec de l'eau, on ne fait que dépouiller le cuir chevelu de cet enduit gras, son protecteur naturel. Il arrive fatalement que la peau se refroidit, occasionnant la courbature et l'immobilisation du muscle du poil, et, comme nous l'avons vu, l'action décolorante et desséchante de ces lotions détériore et blanchit rapidement les cheveux.

Le grand inconvénient de ces pratiques est encore augmenté, nous le répétons, par la mauvaise habitude de porter les cheveux trop courts, ce qui les empêche de protéger la tête contre les modifications nocives de la température et de l'humidité de l'atmosphère. Vraiment, pour aboutir à la dénudation du crâne, on ne pourrait s'y prendre mieux !


V

Les défenseurs de l'hygiène actuelle pourront m'objecter, avec une apparence de raison, qu'indubitablement on observe, quelquefois, une diminution de la chute et qu'on croit, même les cheveux repousser à la suite des lotions alcoolisées ou alcalines, ou antiseptiques ordinaires. Je n'ai aucune peine à reconnaître ce fait. Malheureusement, ce résultat n'est jamais durable ; il ne sert qu'à donner l'illusion, en cachant l'effet ultime désastreux. Si vous fouettez un cheval qui, fatigué, ralentit ses efforts, certainement, sous l'impression douloureuse des coups, il aura un sursaut d'énergie et paraîtra alerte, plus vigoureux. Mais si vous continuez ce système, croyez-vous que votre cheval vivra plus vieux, et que, somme toute, il produira une plus grande quantité de travail ? Personne ne voudrait l'affirmer. Il en est de même de la papille qui produit le cheveu. Sous l'influence de l'irritation violente, déterminée par la lotion, la papille peut acquérir, pendant une courte période, une suractivité éphémère, qui fera place, dans un court délai, à l'épuisement deux fois plus précoce, à cause de l'action sclérosante ultime des moyens employés.

J’ai fait, à ce sujet, une expérience végétale, qui est d'un grand enseignement. Convaincu que la compression par les glandes sébacées hypertrophiées, et par le contour dermo-épidermique sclérosé, devait être la cause principale de la canitie, j'ai eu l'idée de contrôler cette opinion par une expérience comparative sur des arbres. Je me suis dit qu'en fixant autour de quelques branches un 1ien circulaire inextensible (fil de fer), serré modérément ; afin de gêner progressivement, par l'effet de la croissance, mais non d'interrompre brusquement ni complètement la circulation, j'observerais probablement une diminution progressive de la coloration des feuilles des branches liées. Je dois avouer qu'au premier abord j'éprouvai une grande désillusion. Contrairement à mon attente, le feuillage en question était devenu même un peu plus foncé et plus vivace que le feuillage des branches témoins. Je ne savais que penser, lorsqu'une plus mûre réflexion me fit supposer que, sans doute, le lien circulaire, avant de réduire la circulation, comme premier effet de l'irritation, devait temporairement l'exagérer, jusqu'à ce que le serrement manifeste définitivement son effet étrangleur. Mais, dans ce cas, je me disais que, si l'expérience devait correspondre à mes prévisions, les feuilles des branches traitées devaient finalement se flétrir et tomber plus tôt que les autres. Or, c'est bien comme cela que les choses se sont passées. En effet, les branches liées, à l'arrivée de l’automne, se sont flétries et défeuillées d'une manière très précoce, relativement aux autres, qui restaient encore, en grande partie, vertes.

Cette expérience me paraît une réponse assez persuasive à ceux qui se basent sur l'apparente repousse momentanée des cheveux pour recommander les moyens qui, logiquement et scientifiquement, ne peuvent que les détruire.

J'ajouterai que, pour expliquer l'arrêt brusque de la chute des cheveux qu'on observe à la suite de ces pratiques, il faut réfléchir que les cheveux qui sont en train de tomber sont des cheveux à bulbe plein, c'est-à-dire privés de vie, séparés de la papille, quoique encore implantés dans la profondeur des follicules. Naturellement, en appliquant sur le cuir chevelu des préparations qui le sclérosent, le canal du follicule devient momentanément plus serré autour du cheveu mort, qui par suite peut paraître implanté un peu plus fermement, comme un poteau ou un arbre mort qui reste debout plus solidement quand le terrain est plus comprimé.

Mais cet avantage apparent n'est que temporaire. La chute des cheveux ne tarde pas à reprendre sa marche fatale, avec accentuation plus évidente et plus définitive de la calvitie. Je pense avoir démontré combien la canitie et la calvitie sont, en grande partie, le fait de causes locales, que nous pouvons modifier et retarder. Il ne faudrait pourtant pas croire que je ne veuille pas tenir compte des conditions générales de l'organisme. C'est dans celles-ci, au contraire, que, réellement, nous devons reconnaître la cause première de ces déchéances capillaires. C'est ici que se manifeste surtout l'influence prépondérante de l'état arthritique, qui par la modification acide des tissus et des humeurs, altérant 1a contractilité des vaisseaux, et favorisant la solidification de la sécrétion sébacée, avec formation des comédons, est la cause première de la vieillesse du cuir chevelu. Il en est de même de l'influence exercée par les longues et profondes maladies, qui sont suivies très souvent de calvitie temporaire. Cette influence très nette est encore plus évidente dans cet état dystrophique, polymorphe, constitué pas les altérations du fonctionnement thyroïdien, auquel nous devons les si belles études du D' Léopold Lévy.

Ces influences sont du domaine de la pathologie et de la thérapeutique générales. Nous les constatons et nous en reconnaissons l'importance capitale ; mais nous n'avons pas 1a prétention d'en faire l'objet de cette étude.

Conclusions.

Des faits et des considérations qui précèdent je me crois donc autorisé à déduire les conclusions suivantes :

I° La canitie est la décoloration des cheveux, déterminée par la compression morbide que la couche dermique sclérosée, le comédon, et les glandes sébacées, hypertrophiées exercent sur la tige pilaire, en faisant obstacle à la montée en elle des granulations pigmentaires.

2° La calvitie est l'expression de la mort des cheveux par atrophié de la papille, déterminée soit par insuffisance de la circulation normale, soit par intoxication, soit par la compression progressive consécutive à l'hypertrophie des glandes sébacées et l'épaississement exagéré de la couche adipeuse.

3° Ces deux états, si différents à leur point de départ, s'ajoutent habituellement l'un a l'autre pour constituer l'expression la plus complète de la vieillesse du cuir chevelu.

4° L'hygiène actuelle, basée sur le nettoyage avec l'eau et les lotions alcoolisées, alcalines, acides et antiseptiques, est funeste à la vie des cheveux, et doit être absolument abandonnée, en dehors de conditions spéciales, exceptionnelles. Car rien ne nettoie et ne conserve mieux la peau que les corps gras.

5° Les soins rationnels, vraiment utiles à la vie complète des cheveux, doivent avoir pour but de :

a) Favoriser la circulation de la tête en évitant toute constriction.

b) Entretenir la souplesse et l'élasticité du cuir chevelu, soit avec des nettoyages et des frictions simples, soit avec des massages profonds, à l'aide de corps gras, qui compenseront l'insuffisance de l'enduit huileux naturel.

c) Eviter avec soin les causes de refroidissement de la tête, et à l'occasion en combattre sans retard les effets. Dans ce but, il convient de renoncer à l'habitude pernicieuse de couper les cheveux ras, et on doit, par contre, leur conserver au moins quelques centimètres de longueur, pour ne pas priver totalement le cuir chevelu de sa protection naturelle.

d) Ne pas négliger les causes générales, surtout l'arthritisme, qui disposent à la canitie et à la calvitie ; et leur opposer, sans retard, et avec la persistance nécessaire, les traitements spécialement indiqués.   

Dr GUELPA

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