DUHOUSSET,  Émile (1823-18..) : Notice et documents historiques sur les chevaux orientaux.- Extrait du Journal de Médecine Vétérinaire Militaire, n°7, Décembre 1862.- Saint-Germain : Imprimerie et Librairie H. Picault, 1862.- 22 p. ; 23 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (17.XI.2005)
Relecture : A. Guézou.
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées. Les citations en grec ne sont pas reproduites.
Texte établi sur l'exemplaire d'une collection particulière. 
 
Notice et documents historiques
sur les chevaux orientaux
par
le Commandant E. Duhousset

~~~~

NOTICE SUR
LES CHEVAUX ORIENTAUX



Ayant été chargé de la direction générale des manoeuvres du camp de Sultanieh, où étaient réunies des troupes de toute la Perse (de la mer Caspienne au golfe Persique, et de la frontière kurde à celle qui touche les Afghans et les Beloutches), la nature de mes fonctions m'a mis en rapport avec les principaux chefs venus pour présenter leur hommage au souverain, suivis d'un grand attirail de cadeaux, de serviteurs, et des plus beaux chevaux des régions qu'ils quittaient.

C'est en dessinant et mesurant ces chevaux, que j'ai pensé à publier cette courte Notice ; mon intention n'est pas de modifier l'histoire du cheval oriental, au point de vue scientifique, mais de présenter le résumé de mes recherches, persuadé que toute observation, si minime qu'elle soit, mérite d'être prise en considération quand elle a été faite consciencieusement.

MM. les vétérinaires principaux, membres de la Commission d'hygiène hippique au Ministère de la Guerre, virent mes dessins, et m'écrivirent la lettre suivante

Paris, 2 juin 1862.

« MONSIEUR,

Après avoir vu, avec le plus vif intérêt, vos dessins représentant les différentes races de certains peuples orientaux, la spécialité de nos études nous a fait apprécier vos dessins des races de chevaux élevés dans les pays que vous avez parcourus. On est obligé de convenir que les descriptions qui ont été données sont, jusqu'à ce jour, incomplètes et mêmes fausses ; il n'y a rien d'étonnant à cela. Les poètes les ont décrites avec leur imagination ; les voyageurs, avec le peu de soin qu'un objet accessoire au but de leurs voyages devait comporter ; d'autres écrivains, enfin, ont été influencés par des descriptions antérieures qui étaient loin d'être exactes. - Nous sommes convaincus que vous avez fait particulièrement une étude sérieuse et consciencieuse du cheval oriental. Vous êtes arrivé dans ce pays sans idée préconçue, avec votre esprit rigoureux d'observation ; vous n'avez pu que reproduire le cheval tel que vous l'avez vu, c'est-à-dire tel qu'il était. Nous pensons donc qu'un travail fait par vous, sur le mode d'élevage et sur les services des chevaux appartenant aux races que vous avez si bien observées, remplirait la lacune qui existe dans la connaissance de certains chevaux orientaux, notamment de ceux de la Perse.

Agréez, Monsieur, l'assurance de notre parfaite considération.

Les Vétérinaires principaux,
Signés : GOUX, LABORDE, AUBOYER. »

________

Cheval Oriental. - Le grand nombre de chevaux arabes que j'ai vus, ce que j'ai lu, ainsi que mes conversations avec des observateurs sérieux, qui ont passé une vingtaine d'années en Arabie, prouvent que l'extérieur du cheval arabe a subi complètement l'influence du climat.

Il a de l'analogie avec l'homme du désert, pour la finesse de son squelette, pour la forme de ses muscles dépourvus de graisse, l'élasticité de ses tendons et la vigueur de ses articulations.

Origine. - Le cheval ne paraît pas originaire de l'Arabie : il n'est pas question de chevaux dans l'expéditionn d'AElius Gallus ; à cette époque, la monture des Arabes était le dromadaire, ainsi que le constatent les notes jointes à cette description.

Pour remonter à l'origine de cette noble race, il est utile de faire des recherches sur l'espèce chevaline dans le voisinage de l'Asie centrale et, surtout, du plateau de l'Iran. L'antiquité du cheval de ces contrées se révèle par les auteurs classiques et par les monuments ; leur beauté a été remarquée dès les temps les plus reculés.

Essayons de trouver la souche-mère du cheval arabe, hors des contrées maintenant occupées par les Ismaélites, et relatons les caractères physiques et intellectuels d'une pareille souche, en consultant, surtout, les voyageurs qui ont étudié les alentours de la mer Caspienne (1), ancienne pépinière des chevaux persans. (Ce mot étant employé dans un sens géographique un peu étendu, puisque les Persans n'ont eu des chevaux et n'ont appris à s'en servir qu'à l'époque de leurs conquêtes). Nous trouvons, à l'ouest de la Perse, des chevaux ayant parfaitement le type arabe, et, dans le midi de l'Iran, le même modèle avec de plus grandes dimensions.

Sol où se trouve l'Arabe. - On peut répartir le cheval arabe dans l'Afrique septentrionale, dans l'Égypte où la race fut introduite par les enfants du désert, et dans l'Arabie, la Syrie et la Mésopotamie. Il dégénère bien vite dans la basse Égypte, en subissant à peu près les mêmes modifications que l'homme arabe. La race égyptienne tient encore du sang de ses ancêtres ; mais sa robe, ses formes, la puissance de ses membres ainsi que son tempérament ont été beaucoup altérés, et il ne reste que la taille qui puisse nous guider pour remonter à sa souche.

La race des chevaux employés par les Mamelouks est presque éteinte : elle tenait de l'Arabe et du Dongolani ; cette race était supérieure à celle du pur Arabe, par sa charpente osseuse plus pesante et par la force de ses muscles. Les déserts de la Mauritanie ont probablement donné des chevaux meilleurs que l'Égypte.

J'ai vu pendant mon voyage au Caire, dans les écuries d'un Turc, de très-beaux chevaux et surtout 24 juments remarquables ainsi que leurs poulains : rien de plus gracieux que les ébats de ces animaux, s'exerçant librement dans un préau spacieux.

Ces chevaux sont sobres et bons coureurs. Le vice-roi actuel a, m'a-t-on dit, offert d'engager la lutte avec des chevaux anglais, à la condition de courir 25 lieues de suite sur un terrain non préparé. Je crois, cependant, ces produits inférieurs à ceux du Nedj et de l'ancienne Assyrie (2).

L'Arabie possède maintenant peu de chevaux ; le petit nombre de ceux qu'on conduit par occasion, sur les marchés de Syrie, y sont forts chers, et l'on y amène rarement des juments, dont l'Arabe ne se défait que lorsque ses produits sont mauvais.

Les ravages commis par les armées égyptiennes achevèrent de dépeupler l'Arabie, et c'est maintenant entre la Syrie et la Mésopotamie que l'on trouve le grand groupe des Anézés toujours florissant.

Cheval du Nedj. - Le cheval du Nedj est petit de taille et a les formes ramassées ; sa couleur est généralement claire : blanche, grise, tachetée, etc. Les bais foncés sont rares, sauf quelques juments ; on ignore presque le cheval noir en Arabie.

La robe du cheval arabe est d'un lustre métallique, soyeuse au toucher.

Les formes sont en harmonie parfaite ; la tête petite, le front large, sillonné de veines ; les yeux bien taillés et ouverts, pleins d'intelligence et de vivacité ; les oreilles droites, courtes et pointues ; les naseaux ouverts, les lèvres inquiètes et arrondies.

Le garrot, la poitrine et l'encolure ont beaucoup de largeur ; la croupe bien voûtée sans pente ; la queue très-fournie et portée loin du corps ; les extrémités fines et solides ; les jarrets arrondis ; les muscles des hanches et les tendons saillants ; les sabots durs et petits.

Le front du cheval arabe respire l'intelligence et la distinction ; il ne dit rien au repos, qui permet de juger sa charpente ; il a l'air maigre et fatigué ; en action, il n'est plus le même.

La jument, réellement noble, nous frappe par la largeur de son bassin, la longueur du tronc, la grande finesse des extrémités, le cou allongé et souple, la douceur du regard. Une foule de contes arabes parlent de l'intelligence, de la sobriété, de la résistance et de l'attachement du cheval à son maître ; la jument, surtout, paraît faire partie de la famille.

La facilité, avec laquelle on le nourrit et on le soigne, permet au cheval arabe de fournir de longues courses ; on dit même qu'on peut remplacer momentanément la nourriture végétale par de la viande hachée et réduite en bouillie, par du lait, etc. On m'a cité les chevaux turcomans pour le même fait, que je n'ai cependant pas eu occasion de vérifier ; mais M. le colonel Vallot, ex-directeur des établissements hippiques de l'Algérie, m'a assuré avoir expérimenté sur 13 chevaux venant de Syrie, dont 9 ont accepté cette nourriture.

Le cheval arabe n'atteint son plein développement qu'à l'âge de 8 ans, l'étalon conserve très-longtemps ses facultés procréatrices, qui ont de bons résultats jusqu'à l'âge de 26 ans (3).

Quelque soigneux que soient les Arabes pour leurs chevaux, ils les montent trop tôt ; d'où il résulte qu'il y a peu de chevaux arabes sans défaut extérieur, surtout dans les articulations.

En Perse, à 7 ans, âge le plus propice pour un cheval de guerre, l'arabe est déjà réputé vieux, l'on hésite à l'acheter sachant qu'on s'en défera difficilement ; il est vrai qu'on a commencé à le fatiguer dès l'âge de 3 ans.

Toutes les fois qu'on regarde la campagne, on aperçoit un cavalier couché sur l'encolure de son cheval lancé à fond de train, lui maintenant la tête haute en serrant la bride à hauteur de la crinière ; puis, on le voit arrêter brusquement sa monture par un mouvement violent qui la fait asseoir sur les jarrets, et, par un renversement du cou, amener verticalement la tête, les naseaux en l'air.

Le cavalier, qui tourne et repart en sens opposé, est réputé habile écuyer en Perse. L'homme, pour y parvenir, tire sur la bride en se jetant brusquement en arrière, de manière à coucher son dos sur la croupe du cheval.

On comprend ce que peut devenir la bouche d'un cheval ainsi torturée, et les tares qui sont la conséquence de tels exercices.

Tous les chevaux persans portent au vent, parce qu'ils sont montés de la même manière ; il n'est pas un cheval au galop dont les oreilles ne touchent presque la poitrine de son maître. La construction de la selle empêche l'action de la jambe ; l'homme étant comme assis, le ventre du cheval n'a que le contact douloureux d'un large étrier, dont le coin l'attaque continuellement.

Cheval Persan. - J'ai souvent lu et entendu citer la race persane, sans que les descriptions qu'on en donne m'aient fait conclure cette origine ; et, après trois années de recherches, je suis resté au même point. C'est pourquoi, en voulant parler des chevaux que j'ai vus et dessinés dans l'Iran, j'ai dû m'étendre beaucoup sur les caractères de ceux du Nedj et de Mésopotamie ; puisqu'il faut accorder la dénomination persane aux chevaux de Chiraz qui sont de grands arabes, ou aux turcomans qui en diffèrent beaucoup ; ceux-ci ont probablement servi à l'ancienne cavalerie des Parthes.

Les Persans prisent beaucoup la taille du cheval ; aussi, emploient-ils fréquemment le turcoman, non comme cheval de guerre, mais en cérémonie, pour les transporter et les attendre à la porte des gens de distinction qu'ils visitent.

Montures des Persans. - Le cheval de l'Arabistan leur sert à la chasse ; tandis qu'en voyage, ils ne dédaignent pas le modeste iabou. C'est ainsi que l'on désigne la monture qui est tantôt un karabagh, tantôt un cheval kurde, ou un petit arabe de piètre origine, animaux solides, sobres et infatigables, portant le bagage et la nourriture de plusieurs jours, et, à l'occasion, doublant l'étape sans broncher.

Quoique j'aie placé le iabou en dernier, je ne le regarde pas moins comme le vrai cheval de Perse, celui que j'ai toujours vu employé par les hommes qui veulent une monture utile ; par les maraudeurs Kurdes, qui ont besoin d'arriver et de s'en aller vite ; par les goulams (courriers du roi), qui portent des ordres dans les provinces, et par la nombreuse cavalerie irrégulière que j'ai vue au camp de Sultanieh.

Tous ces gens montaient des chevaux maigres et nerveux, tellement chargés qu'ils semblaient ne pouvoir se remuer ; c'était surprenant de les voir, animés par le maître, se cabrer, sauter et se tourner bout-pour-bout, sans que leurs pieds de derrière quittassent terre.

Leurs allures habituelles sont le pas, l'amble, le galop et l'aubin qui tient de l'amble et du galop ; le trot est une exception.

Je citerai, cependant, un cheval de courrier que j'ai maintenu à cette allure pendant cinq heures, ayant en croupe mon bagage pesant environ trente kilogrammes, réparti dans deux grandes saccoches sur les flancs. On force, par l'action continuelle du fouet, ces chevaux qui tombent souvent pour ne plus se relever. Mais que de misères ces pauvres animaux ont endurées, quel fond et quelle charpente pour résister à tant de privations et de fatigues! Voilà ce que peut cette race flétrie sous le nom de iabou, que les Persans paraissent dédaigner, mais dont ils sont trop heureux de se servir dans de fréquentes occasions, que j'ai assez remarquées pour en parler avec assurance.

Cheval de Karabagh. - Le karabagh est le cheval arabe avec des formes plus rondes, large poitrine, forte encolure, tête un peu massive, jambes courtes et musculeuses ; également bon pour la plaine et la montagne. Son sabot est petit, jointé court et dur. Moins souple que le cheval persan, le karabagh a généralement le rein court, la croupe ronde, le tronçon de la queue très-fort et renflé, les crins soyeux, généralement alezans dorés avec des reflets métalliques ; la nuance rougeâtre sur un ton chaud de jaune est la robe la plus estimée. Les Persans en font grand cas comme chevaux de route ; on leur fait une marque sur la fesse gauche indiquant s'ils sont de bonne, de médiocre, ou de provenance inférieure.

J'ai chassé les gazelles avec un cheval karabagh, pendant huit jours consécutifs dans le désert, faisant des courses de dix, douze et même quatorze heures, chaque jour, sans que la santé de ce cheval, qui était très-peu soigné pendant ce temps, parût en souffrir. Un mois après cette chasse, et sans avoir cessé de le monter pendant trois ou quatre heures chaque jour, je fis une excursion dans des montagnes rocailleuses du côté de Démawend, monté sur ce même cheval, sans que sa santé en fût altérée.

La province de Karabagh faisait partie de l'ancien empire persan ; elle est traversée par le quarantième degré de latitude et limitée, à l'est par la mer Caspienne, à l'ouest par le lac Séwan, au nord par la Géorgie et la Koura, et au sud par l'Azerbeidjan et l'Arax.

Les Russes, qui occupent maintenant ce pays, doivent tirer un grand parti des chevaux karabaghs, très-estimés dans le pays que j'ai parcouru ; cependant j'en ai peu vu pendant mon séjour à Tiflis, ville assez rapprochée de la Caspienne pour profiter d'une race de chevaux qu'on pourrait rendre si utile.

Je ne pense pas que les chevaux cosaques, désignés sous le nom de kabardiens, que les habitants prétendent si bons et si durs à la fatigue, proviennent des karabaghs dont ils n'ont pas la forme ; ils sont, je crois, originaires des montagnes du Caucase.

Il me reste à parler, comme sous-genre, du cheval kurde qui sert à la cavalerie légère et, surtout, aux escarmouches.

Cheval Kurde. - Le kurde ne paie pas de mine : il a les crins longs et rudes, les jambes nerveuses, la tête peu élégante, les oreilles longues, de l'ardeur et de la sobriété ; j'aurais cru ce cheval toujours petit, si je n'avais eu l'occasion d'en dessiner et mesurer d'une grande et belle provenance, qui descend du Nedj et se renouvelle dans les environs de Soultz-Bulak au sud du lac d'Ourmiah. Ces chevaux appartiennent à un grand seigneur persan ; on les désigne sous le nom de gamalmas (rétif au mors) qui leur est légèrement appliqué.

Les chevaux que l'on trouve du Kurdistan au Kirman, en suivant la ligne des montagnes du Louristan, sentent plus ou moins la provenance arabe et n'ont rien de remarquable.

En remontant du sud à l'est par le Beloutchistan et l'Afghanistan, les chevaux semblent être du type dit Indien ; ils tiennent du cheval persan comme celui-ci tient de l'arabe, avec le corps plus allongé ; ils paraissent descendre du Turkestan comme mélange ; ces chevaux sont peu gracieux (4).

Cheval Turcoman. - En remontant vers le Nord, nous rencontrons le cheval turcoman, qui, pour beaucoup de personnes, est le type du cheval persan. Il n'est cependant pas très-répandu dans le centre ni dans le sud de la Perse ; on n'en voit pas dans l'ouest.

C'est un cheval médiocre pour les montagnes ; aussi, réserve-­t-on tous ses moyens pour franchir une longue plaine ; il est ordinairement employé dans les razzias aventureuses et éloignées.

Sa tête est légèrement busquée ; ses oreilles assez longues, mobiles et sèches, donnent de l'inquiétude à sa physionomie. Les muscles de son cou semblent gonflés par l'absence de crinière ; celle-ci, pour ainsi dire toujours rasée, ne deviendrait pas longue si on la laissait pousser, et se tiendrait raide sur le cou. J'ai vu plusieurs essais n'amenant qu'à ces résultats, malgré une assez longue épreuve.

Le corps du turcoman est long, sa poitrine profonde et un peu serrée ; la croupe, assez courte, suit le dos en ligne droite ; l'attache de la queue est peu vigoureuse, et celle-ci peu fournie ; les jambes minces, et les sabots généralement défectueux ; les pieds n'ont pas l'élégance des autres formes sveltes et dégagées de ce cheval.

Les Persans mettent le plus grand soin à entretenir fin et brillant le poil de ces chevaux ; aussi les couvrent-ils avec des feutres depuis les oreilles jusqu'à la queue ; ils usent, ainsi, le poil au lieu de le conserver, et dénudent presque toujours les hanches, ce qui est d'un très-mauvais effet. Ils font de ce cheval un animal de cérémonie, incapable d'un service réel, comme je l'ai dit précédemment.

C'est dans les déserts, à l'est de la mer Caspienne, qu'il faut étudier les chevaux turcomans. Le baron Bode en reconnaît trois espèces : les tekkés sont dits les meilleurs pour de longs voyages et des marches forcées ; les goklands ainsi que les yamouds sont plus élancés et plus véloces. Hérodote et Strabon disent que le turcoman descend du cheval niséen.

Voici quelques renseignements qui m'ont été donnés par un homme du pays élevant lui-même ses chevaux. Je traduis :

« En Perse, il n'y a point de haras proprement dits, ce qu'on appelle Ilkhi est un troupeau de chevaux pris au hasard, où tous les animaux se trouvent pêle-mêle, juments et étalons qui s'accouplent à leur gré, sauf exception rare où il s'agit d'animaux de prix.

La jument met bas sans aide ; on est une année sans s'occuper du poulain, auquel on met alors un licol, et ce n'est que peu à peu qu'on fixe ce licol à la mangeoire pendant quelques instants, pour le remplacer bientôt par un léger bridon.

Quand le poulain atteint l'âge de 2 ans, s'il est d'un caractère doux, on le selle et on le monte sans plus de préparatifs. S'il paraît difficile, on lui attache sur le dos un sac de terre, pendant 24 heures, et l’on répète cette opération jusqu'à ce que l'animal y soit habitué. On le dresse alors ; et, à 3 ans, il est considéré comme prêt à servir. »

Généralement, les Persans n'estiment plus un cheval dès l'âge de 7 ans.

Passons maintenant du Turkestan, c'est-à-dire du nord de l'Orient (si je puis me permettre cette désignation), à la manière d'élever les chevaux au midi de ce même Orient, c'est-à-dire l'Égypte.

Je vais traduire maintenant, pour les chevaux égyptiens, ce qui m'a été dit au Caire, par le palefrenier en chef des chevaux d'Ismaël-Pacha, en conservant la naïveté de son récit :

« On fait couvrir la jument au milieu du mois de janvier, époque de la mise au vert. L'accouplement se fait deux fois dans un jour, le matin et le soir ; cela suffit ordinairement. Si, après un intervalle de trois ou quatre jours, la jument rue à l'étalon, c'est signe de réussite. Après la saillie, on monte la jument, on la fait courir pour lui faire digérer la semence.

Au bout de quatre mois, on observe ses flancs après qu'elle a bu, et si l'embryon remue, on est fixé.

Pendant les trois mois que les chevaux sont au vert sans qu'on les monte, ils ne sont pas nettoyés. Le matin, on jette sur la prairie un peu de poudre de Henna, qui absorbe l'humidité de l'herbe, ce que l'on croit très-utile à la santé du cheval.

Les chevaux sont susceptibles de gagner la toux et le mal de poitrine en quittant le vert. Pour les en préserver, on leur frotte aussitôt la poitrine avec un onguent fait d'huile, d'oeufs et d'eau-de-vie ; et, trois jours après, on les lave avec du savon et de l'eau tiède, puis on les monte.

Le poulain étant sevré, on lui donne une poignée d'orge le matin et le soir et très-peu de paille : on croit que la paille rend le cheval mou. On monte la jument, à l'âge de 2 ans et 1/2, tandis que le cheval n'est monté qu'à 3 ans.

On tâche de lui maintenir la bouche tendre, et on l'habitue graduellement à la fatigue ; on le fait courir après la première sueur. On le châtre ordinairement à 5 ans, quoiqu'on puisse lui faire subir cette opération à tout âge.

Un cheval est fait quand il a accompli l'âge de 7 ans.

Un cheval monté mange 4 kilogrammes 1/2 d'orge, un tiers le matin et deux tiers le soir, très-peu de paille et un peu d'herbes sèches. On l'étrille et on le lave quelquefois avec du savon et de l'eau tiède. On nettoie toujours la crinière, la queue et les pieds quand il rentre à l'écurie, où on le tient débridé.

Toutes les fois qu'un cheval a été monté, il faut en essuyer la sueur et le promener.

On fait coucher le cheval sur du fumier sec ; la nuit, surtout l'hiver, on lui met une couverture.

Le fer du cheval est proportionné à son sabot. On frotte d'abord le sabot avec du goudron et de l'huile de graine de lin, puis avec des oignons, on introduit l'huile entre le fer et le sabot pour le fortifier.

L'écurie bien aérée est pavée avec des planches assez disjointes pour laisser passer l'urine. On attache tout simplement le cheval à la mangeoire.

En choisissant un cheval, on exige qu'il ait la tête petite, les oreilles proportionnées, les jambes fines, la bouche petite, le cou long, le sabot fort et court-jointé. Les long-jointés sont des chevaux faibles. On préfère la robe châtaine, aussi foncée que possible, les chevaux gris sont considérés comme faibles ; s'ils sont noirs sans tache blanche, on les croit vicieux. Quand un cheval a les quatre jambes blanches et une tache blanche sur le front il n'est pas mauvais ; mais on ne prise pas celui qui a seulement les quatre jambes blanches. »

Les Egyptiens n'ont que des moyens grossiers pour soigner les chevaux malades : frotter avec de la graisse et faire avaler des oeufs crus sont à peu près les seuls remèdes qu'ils connaissent ; on saigne fréquemment le cheval à la langue. Ils n'emploient que la brûlure pour guérir l'enflure du genou.

J'ai parlé des chevaux de la cavalerie persane, qui est complètement irrégulière parce qu'on ne peut compter comme utilement organisés quelques pelotons, dits de goulams, vêtus presque uniformément et supposés instruits par la méthode européenne, que j'ai vu dirigée, dans la même année, d'abord par un Autrichien, puis par un Français, auquel a succédé un Anglais.

L'armée persane devait jadis sa force à la grande mobilité des petits chevaux nerveux de ses cavaliers, que les chefs de tribus amenaient, à jour fixe, au chef de l'Etat.

Chaque cavalier, qui portait tout avec lui, était animé par l'espoir du pillage qui, dans ces temps reculés, n'était jamais trompé.

Le chameau dit Zambourek est aussi un animal de guerre employé par les Persans.

Le dromadaire ou choutour sert au transport de la plus grande partie des caravanes et des approvisionnements ; il est originaire de la Perse, grand et fort au nord, petit et plus agile dans le midi. Très-docile, il demande peu de soins et supporte un poids d'au moins 350 kilos. Sa consommation quotidienne ne dépasse pas 5 kilogrammes de paille hachée, et 3 kilogrammes d'orge. On peut pousser sa marche jusqu'à 20 lieues par jour quand il n'est pas trop chargé. Un chamelier suffit à la conduite et au soin de sept de ces animaux.

Le dromadaire coureur que les Arabes appellent Mehari, se trouve dans les environs du golfe Persique et même dans le Béloutchistan. On peut lui faire franchir une trentaine de lieues par jour.

Le zambourek est employé au transport de petites pièces de canon. Il y a environ un siècle que les Persans se servent de cette artillerie pouvant attaquer l'ennemi aussi promptement que l'éviter et le fuir ; mais ces espèces de couleuvrines ne doivent plus produire d'effet, maintenant que les ennemis orientaux de la Perse, les Afghans et Beloutches, longtemps arriérés dans leur armement, remplacent les fusils à mèches, que j'ai vus à de leurs soldats il y a deux ans, par des fusils à pierre et même à percussion.

On comprend l'inutilité d'un tir n'ayant qu'un très-court but-en­blanc, et dont la régularité ne peut être assurée par un appui grossier qui repose lui-même sur un animal, avec des projectiles d'un calibre toujours inférieur à celui de la pièce dont le poids ne va jamais à 40 kilogrammes (5).

D'ailleurs, le chameau se prête peu aux évolutions de retraite et n'est amené que progressivement à vaincre sa lenteur : les montagnes, la boue et les marais le rendent craintif et le mettent en péril. Les terrains pierreux exigent l'emploi de sabots en cuir fort, pour préserver le pied de l'animal, dont le dessous de la corne est trop mou (6).

Il y a une centaine d'années que les Afghans apprirent à leurs voisins, en s'en servant victorieusement contre eux dans les environs d'Ispahan, le service qu'on pouvait tirer des zamboureks ; mais il est temps que les Persans utilisent ces montures, ou, mieux encore, les mulets, qui parcourent d'un pied sûr toutes espèces de pentes et de terrain, à transporter les pièces de campagne, fondues et montées, pour le transport rapide, par un capitaine d'artillerie faisant partie de la mission française de 1858.

Et, si le gouvernement persan étendait cette construction aux canons rayés de montagne du calibre de 4 et du poids de 103 kilogrammes, il répondrait à tous les besoins de l'artillerie.

Le zambourek, bizarrement harnaché, est un animal de parade, servant aux détonations qui annoncent les fêtes ainsi que le départ ou le retour du roi, et dont l'équipement et l'armement ne sont d'aucune utilité militaire.

Rien de plus pittoresque qu'un cortége royal, où figurent les zamboureks armés, accompagnés de musiciens montés, aussi, sur des dromadaires caparaçonnés.


MOYENNE DES MESURES
Que j'ai prises sur les chevaux de Perse parmi les Arabes, les Turcomans et Karabaghs.

Arabes Turcomans Karabaghs
De l'extrémité occipitale au bout des lèvres
Du point culminant du garrot à la pointe de l'épaule
Du point culminant du garrot à terre
De la base du garrot au-dessous du ventre
De la saillie de l'humérus à la pointe de la fesse
De la pointe de la hanche à la pointe de la fesse
De l'apophyse olécrane à terre
De l'os crochu à terre
De l'extrémité supérieure du canon à terre
Largeur du poitrail d'un court extenseur à l'autre
De l'apophyse olécrane à la partie supérieure de la rotule
De la même à l'extrémité supèrieure du canon
De la pointe de la fesse au calcanéum
Du calcanéum à terre
De la partie antérieure de la rotule à la tête du canon
De cette dernière à terre
De l'extrémité occipitale à l'omoplate
0m59
0m61
1m53
0m61
1m51
0m50
0m90
0m47
0m37
0m40
0m71
0m52
0m68
0m61
0m71
0m48
0m68
0m61
0m66
1m63
0m64
1m63
0m50
0m94
0m50
0m39
0m38
0m87
0m53
0m73
0m64
0m74
0m49
0m73
0m60
0m60
1m49
0m61
1m50
0m50
0m85
0m47
0m38
0m57
0m75
0m49
0m67
0m60
0m70
0m44
0m65

~~

DOCUMENTS HISTORIQUES
SUR LES CHEVAUX ORIENTAUX.


Hébreux et Canaanites.

Le cheval ne figure guère parmi les animaux domestiques qui constituaient la fortune des patriarches hébraïques. Il n'est question que de chèvres, de moutons, de boeufs, de vaches, de chameaux, etc., etc. Encore les frères de Joseph chargaient-ils sur des ânes les grains acquis en Egypte. (V. les Hypogées de Beni­Hassan.)

Les Philistins possédaient (V. Samuel) déjà à l'époque de Saül des chevaux et des chars de guerre. Les haras de Salomon étaient très-étendus pour les chevaux de chars et de cavalerie.

Assyriens et Babyloniens.

Les Assyriens et les Babyloniens sont représentés, dans la Bible, combattant toujours avec de nombreux chars et à cheval ; il est fort probable que les rois des Juifs tiraient leur cavalerie de ce côté, après avoir étendu leur domination jusqu'à l'Euphrate ; il faut constater la présence des chevaux sur les monuments de ces contrées.

Arabes et Arabie.

Les Madianites, qui achetèrent Joseph à ses frères, sont accompagnés de chameaux. Nulle part, dans la Bible, où il est question des Arabes (Chronique 11, Isaias, Jérémias, Nahun), il n'est fait mention du cheval. Les cadeaux, qu'ils offraient aux rois juifs, consistaient en métaux précieux et en chameaux ; on ne leur a jamais donné des chevaux pour monture.

L’Égypte.

L'Egypte, au contraire, aurait déjà possédé le cheval dans une haute antiquité. Ainsi, le Pharaon fait promener Joseph sur un char ; il poursuit Moïse avec des chars et de la cavalerie, comme le confirment les mouvements égyptiens.

Les signes hiéroglyphiques ne contiennent cependant aucune partie concernant le cheval. Ceci exige des recherches ultérieures.

AUTEURS GRECS.

Hérodote.

Hérodote parle des Arabes et de l'Arabie, sans jamais mentionner le cheval, pas même dans les passages où il cite les produits du pays ; et, cependant, il décrit avec assez de netteté les deux races du mouton de l'Arabie. Les cadeaux, présentés par les Arabes aux grands rois de Perse, consistaient en aromes.

Dans le chapitre, où il parle de toutes les nations qui ont fourni des contingents à l'armée de Xerxès, en décrivant leurs costumes de guerre, il ne mentionne que l'armure des Arabes, qui ne figeraient pas parmi leurs cavaliers.

Cependant, Hérodote n'a pas négligé des détails sur les chevaux babyloniens (I, 192); sur les chevaux blancs sacrés (I, 189 et VII, 55) ; sur ceux de la Cilicie (III, 90); de l'Inde et de la plaine Médique de Nisée (III,106) ; de la Paconie (V, 16) ; de la Thessalie (VII, 196); et même sur les Sigynnes, qui ressemblent le plus aux chevaux des Cosaques actuels.

Ces mêmes récits mentionnent encore les chevaux employés aux courses olympiques (I), et l'on voit (IV, 189) que ce sont des juments qui y remportèrent le prix.

CITATIONS.

Chevaux de la Babylonie (I,192).

Le roi avait là, outre les chevaux de guerre, 800 étalons pour couvrir les juments au nombre de 8.000. Car chaque étalon couvrait 20 juments.

Chevaux Niséens (VII, 40).
 
Après, venaient les dits chevaux sacrés, superbement harnachés, appelés Niséens, du nom d'une grande plaine de la Médie qui nourrit la grande espèce appartenant à cette race.

Chevaux de l'Inde (III, 106).

Tous les animaux quadrupèdes et volatiles de l'Inde sont plus grands que dans les autres contrées, à l'exception dès chevaux qui sont surpassés par ceux de la Médie appelés Niséens.

L'histoire de Cyrus confirme ces données.

Les Persans doivent leur cavalerie aux Mèdes et aux Babyloniens. Il est curieux de relater que la mer Caspienne doit son nom au mot Caspis, signifiant bon cheval. Dans l'ancienne langue des Persans, tous les noms propres, finissant en asp, se rapportent au cheval, en rappelant l'importance que l'on attachait à cet animal ; la plupart de ces noms remontent à une haute antiquité : Gustasp, Lohrasp, etc.,'etc., etc.

Ainsi, les témoignages des auteurs sont négatifs jusqu'ici quant à la présence du cheval en Arabie, dans la haute antiquité.

Strabon.

Strabon abonde encore dans ce sens ; il était l'ami intime du préfet d'Egypte, OElus Gallus, qui entreprit une expédition désastreuse pour conquérir l'Arabie.

Ce célèbre géographe dépeint les Arabes comme des négociants qui se sont enrichis par le commerce et dont le pays possédait des aromes, des métaux précieux, des maisons et des meubles. Ils sont peu aptes à la guerre ; leurs caravanes n'emploient que des chameaux.

Les Arabes (Scenitoe) vivant sous la tente sont décrits comme adonnés au brigandage ; mais, nulle part, il n'est question du cheval ; plusieurs passages prouvent, même, que les Arabes n'avaient pas encore de chevaux au premier siècle de notre ère.

CITATIONS.

Les brebis des Nabatéens ont le poil blanc ; leurs boeufs sont grands, le pays ne produit pas de chevaux ; on les remplace par des chameaux. (Ch. 784.)

Les déserts de l'Arabie sont occupés par des hommes de la tente qui élèvent des chameaux (Scenitoe, Ch. 765.)

Les notes précédentes se rapportent à l'Arabie du Nord et du Centre. Strabon dit aussi : Que dans l'Arabie méridionale, il y a abondance d'animaux domestiques ; à l'exception des chevaux, des mulets et des cochons (Ch. 768.)

Diodore de Sicile.

Les renseignements de Diodore de Sicile confirment les allégations de Strabon ; dans les nombreux passages qui se rapportent aux habitants de l'Arabie et à ses produits, il n'y a pas un mot sur le cheval.

Ainsi, il dit des habitants du Nord (Nabatéens, XlX, 94) : Les uns élèvent des chameaux, les autres des brebis, etc. Il entre dans de grands détails sur la faune de l'Arabie, dans le chapitre II ; mais il dit, § 45, où il s'agit des Arabes du Midi, permanents ou nomades :

« Ils font paître de nombreux troupeaux dans des plaines immenses... Il y a abondance de bétail, surtout des boeufs et des brebis de la race à queue grande et épaisse. Le pays produit aussi des chameaux en quantité et de différentes races... dont les dromadaires employés dans la guerre ; « chacun de ces dromadaires portent deux guerriers qui se tournent le dos. » (Archers).

Le même auteur, en parlant des Debais et de leur contrée pittoresque sur la côte orientale de l'Arabie, dit : « Ils élèvent des chameaux qui leur rendent service dans toutes les circonstances de la vie, car c'est montés sur ces animaux qu'ils vont au combat. (III, 45.) »

Arrien, dans l'expédition d'Alexandre (VII, 13), dit que celui-ci vit 50.000 chevaux du roi dans la plaine qui leur était destinée, et qu'Hérodote a appelé Nisaion, laquelle en avait contenu jusqu'à 150.000.

Le même auteur, tout en faisant mention des Arabes et surtout de l'étendue considérable de leur pays, ne dit pas un mot de leurs chevaux. Déjà, sous Alexandre, tous les Parthes, les Hyrcaniens et les Zapoures guerroyaient à cheval.

AUTEURS ROMAINS.

Les auteurs romains, quoique appartenant à des époques plus rapprochées de la nôtre, ne connaissaient pas le cheval en Arabie avant le IVe siècle de notre ère ; et Pline (Histoire Naturelle), qui donne des renseignements très-curieux sur le cheval en général, n'en connaissait pas non plus en Arabie.

C'est seulement vers l'année 353 de notre ère, que Ammien Marcellin, auteur latin quoique d’origine grecque, officier romain qui avait suivi les légions impériales presque dans toutes les parties du globe alors connues, trace sous le nom de Saraceni le portrait de l'Arabe, tel qu'il en est parlé depuis le temps du Prophète. - « Profitant de l'assistance des chevaux à côté des dromadaires agiles et élancés. (XIV, IV, I, 599.) Equorum adjumento pernicium graciliumque camelorum per diversa reptantes. »

Il paraît, en effet, que les Arabes furent les successeurs et les rivaux des Parthes ; et c'est précisément du côté de la Mésopotamie qu'on les a rencontrés à cheval pour la première fois.

Ainsi, en s'en rapportant aux auteurs anciens : les Égyptiens, les Scythes, les Assyro-Babyloniens, les Grecs, les Juifs, les Hindous, les Romains, les Numides, les Parthes, etc..... sans compter les Médo-Persans, possédaient et élevaient des chevaux avant les Arabes, dont le sol était propice aux chameaux qui s'y procréaient en abondance.

Je ne veux pas clore ces quelques recherches, que j'aurais pu pousser plus loin, sans donner l'opinion plus récente de M. Pictet, dans son livre sur les Origines Indo-Européennes, p. 344, Essai de Paléontologie lingustique :

« §87. LE CHEVAL.

La patrie primitive du cheval n'est pas mieux connue que celle du boeuf, bien que l'unité de l'espèce semble devoir simplifier la recherche de son origine locale. Pallas croit que le cheval se trouve encore sauvage dans les steppes de l'Asie centrale et occidentale ; mais rien ne prouve qu'il ne l'y soit pas redevenu, comme dans les pampas de l'Amérique du Sud. Link incline à le croire originaire de l'Arabie et de l'Afrique du Nord, parce que c'est là que le cheval atteint à sa plus haute perfection (Urtwelt, I. 389) ; mais cet argument ne saurait être considéré comme décisif. Au point de vue linguistique, cette question a peu d'importance, parce que, dès le début, nous trouvons le cheval associé à l'homme chez les peuples les plus anciens, et recevant de chacun d'eux des noms particuliers. Les transitions de ces noms d'une famille de langues à une autre s'expliquent par les importations subséquentes des races de chevaux propres à tel ou tel pays, échanges qui ont dû être fréquents à cause de la facilité avec laquelle l'animal pouvait se transporter au loin ; ainsi, bien que l'Arabie ait possédé, dès les temps les plus reculés sans doute, une excellente race chevaline, et que l'arabe, pour désigner l'animal, ait une surabondance de termes indigènes, on y trouve cependant le mot faras, en hébreu pârâsh, en éthiopien paras, qui ne signifie autre chose que le cheval persan, de même que le sanscrit pârâsika. (Héb. Paras; arabe, Fâris ; perse, PersanFarsFarsi.)

On aurait donc tort ici de chercher, avec Génésius, une étymologie hébraïque d'ailleurs peu satisfaisante. Le sanscrit aussi, dans sa riche synonymie de l'animal, présente un assez grand nombre de termes évidemment étrangers, parce que l'Inde, dont le climat est peu favorable à l'élève des chevaux, tirait les siens du Nord et de l'Occident. »


NOTES :
(1) En langue Zend (ancien persan), Khou veut dire bon et Asp cheval d'où vient Caspienne, anciennement Caspis.
(2) A l'occasion du cheval égyptien, je dois relater quelques lignes d'un rapport fait par an vétérinaire qui, en 1861, a dû se procurer en Égypte des chevaux pour l'expédition de Chine. II dit :.... « Le cheval égyptien se rapproche du cheval barbe par sa taille, sa conformation générale, ses allures et la douceur de son caractère ; il est étoffé, a le rein court, bien attaché, la croupe ronde, horizontale ; il est élevé sur les membres, dont les rayons supérieurs sont longs et bien détachés du tronc ; les articulations sont larges, les tendons forts, bien suivis et secs ; la tête est courte, carrée, expressive et bien attachée ; l'encolure est bien musclée ; la conformation de cet animal implique une énergie et une résistance peu communes ; l'embonpoint extraordinaire, qu'on lui reproche et qui le déprécie quelquefois, est causé par le régime auquel on le soumet en Égypte, où il est nourri, pendant cinq ou six mois de l'année, avec du trèfle et d'autres herbes en quantité trop considérable. »
Ce rapport est daté de Saigon, décembre 1861.
(3) L'Arabe attache le plus grand prix à l'origine du cheval ; la plus ancienne, celle des Dehmans-Sheihans, ne remonte qu'à l'époque du Prophète, ce qui prouve aussi que l’Arabie n'a pas toujours possédé le cheval.
L'Arabe met de l'importance à la généalogie de son cheval, parce que cette généalogie indique la pureté du sang et ce que l'on peut attendre d'un cheval issu de familles, dont chacune a des qualités spéciales : ainsi les Saquélaonis et, surtout, le rameau des Saquel-Ghidrans, sont réputés pour l'attaque à la guerre. Les Manéquis jouissent du prestige de la vélocité ; ils sont bons pour les surprises et la fuite. Les Tréquis sont renommés pour leur puissance génératrice. Les Obeyans possèdent d'autres qualités, etc.
Les Arabes attribuent les formes au père et les qualités à la mère.
Ils choisissent les juments pour les entreprises hasardeuses ; ce qui explique la difficulté d'en acquérir de bonnes.
Ils sont très-superstitieux pour les épis, les balsames et même la couleur de la robe.
(4) Le capitaine Postkans, dans son ouvrage publié par la Société Ethnologique de Londres, ler vol. 1848, p. 114, dit que les chevaux des Beloudjes sont larges et puissants, qu'ils fatiguent leurs cavaliers par la marche accélérée et les allures d'amble, qu'il est impossible d'atteindre leurs juments, qui présentent un aspect faible et insignifiant. Ces juments portent un homme armé à une distance incroyable ; la souche turcomane est peut-être la seule qui rivaliserait avec elles.
(5) Le canon du plus petit calibre (dit de troupes légères), inventé par Gribeauval en 1789, lançait un boulet de 500 grammes. Son âme avait un diamètre de 51 millim.,5 ; son poids était de 133 kilogrammes et sa longueur de 1 mètre 35 c.
(6) J'ai donné le nom de chameau au Zambourek, parce que la plupart des zamboureks ont deux bosses, ainsi qu'une crinière et des touffes énormes de poils noirs qui couvrent la partie antérieure des jambes de devant et descendent jusqu'aux genoux.
Ce que j'ai dit du dromadaire, s'applique aussi au zambourek, qui vient du nord, et sert particulièrement à la reproduction.

retour
table des auteurs et des anonymes