le rayon documentaire


LE RAYON DOCUMENTAIRE : une sélection de brochures et petits opuscules conservés à la bibliothèque municipale de Lisieux.

CONNEXIONS INTERNET ET INTERTEXTUELLES (11.VII.00) [En pause depuis le 31.12.2010] : Vous pouvez voir et examiner tous les contextes d'un mot, d'un nom de lieu ou de personne, dans l'ensemble des textes en interrogeant les bases LexoTor (textes lexoviens indexés à Toronto). Pour vous donner une idée de l'intérêt de LexoTor, vous pouvez regarder aussi deux modèles de pistes indicatives d'explorations individuelles : le mot lettres dans les Archives des Sélections mensuelles; accusateur public et maîtresse dans Le Réquisitionnaire de Balzac.


Nouveauté Le Pêcheur des bords de Seine (1840) par M.-J. Brisset (1792-1856) : " MÉDISE de la pêche qui voudra ! Nomme qui voudra la ligne : Une perche ayant un animal d'un côté et un imbécile de l'autre, je m'inscris contre les détracteurs de cet innocent plaisir. Stultum me fateor, comme dit Horace. J'avoue que j'ai été quelquefois l'un de ces imbéciles, et qu'il m'est resté mille charmants souvenirs de ces heures passées, le bras tendu, l'œil fixé sur le bouchon fuyant d'un air affairé dans le courant qui l’emporte, ou stationnant, pour ainsi dire endormi sur la surface d’une eau tranquille, comme le chat patelin dont l'œil, mi-fermé par un sommeil trompeur, ne regarde que de coin les petits oiseaux qu'il guette. Et, dites-moi, quel passe-temps, quel plaisir eut jamais un cadre plus riant et plus gracieux ! Ce ne sont plus les arides guérets, les bords pierreux des luzernes ou les lisières des taillis hérissées de ronces, que le chasseur arpente et côtoie sous le soleil d'automne. Au pécheur les frais gazons, les repos sous la saulée, les harmonies fluviales, les contrastes de la lumière glissant en rayons d'argent sur l'onde immobile, et se brisant, s'éparpillant plus loin en sautillements joyeux, à la suite des flots qui moutonnent sur un fond de cailloux, ou ruissellent amoureusement sur un lit de sable fin..."

Nouveauté Le Cocher de coucou (1840) par Louis Couailhac (1810-1885) : " DE tous les véhicules de l'Epoque-Rococo, il ne reste que le coucou de Paris et la vinaigrette de Lille ; le coucou, humble boîte à compartiments que traîne un cheval poussif, la vinaigrette qui tient le juste-milieu entre la chaise à porteur et la brouette. C'est la vieillesse qui a conservé la vinaigrette, c'est la jeunesse qui fait vivre le coucou ! C'est une si charmante voiture ! On y est si bien pressé, si bien serré, si bien étouffé ! Elle rappelle si bien l'époque où les Desgrieux des gardes françaises et de la basoche allaient manger une matelotte à la Râpée avec les Manon Lescaut des piliers des halles ! Comme tout ce bon attirail de cheval et de voiture unis ensemble respire le parfum de la galanterie joyeuse, vive et folle du bon temps, du temps où les grisettes portaient les jupes courtes, faisaient gaiement claquer leurs galoches sur le pavé, se décolletaient comme des marquises et se moquaient de tout avec Madelon Friquet ! Oh, la charmante voiture ! comme le coude touche le coude, comme le genou presse le genou, comme la taille des jeunes filles est abandonnée sans défense aux entreprises des audacieux !.. "

Nouveauté La Demoiselle de compagnie (1840) par Étienne Cordellier-Delanoue (1806-1854) : " EN parcourant de bas en haut la série des existences déplacées, depuis la portière incomprise « qui n'a pas toujours tiré le cordon, » jusqu'à la sous-maîtresse de pensionnat, qui aurait pu épouser le fils d'un pair de France, on trouve la femme de charge, type grave et majestueux qui ne rit pas ou qui ne rit guère, et auquel il faut nécessairement associer la gouvernante, autre physionomie que Collin d'Harleville a si parfaitement saisie et résumée dans le personnage de madame Evrard. Au-dessus de madame Evrard, mais bien au-dessus, dans un monde tout autre, dans des régions toutes nouvelles, loin du contact épais des grands cousins venus d'Auvergne et des plaintes asthmatiques de ce bon M. Dubriage, nous trouvons la demoiselle de compagnie, qui est à la femme de charge ce que celle-ci est à la simple bonne d'enfants, ce que l'intendant est au secrétaire, et le secrétaire au palefrenier ; la demoiselle de compagnie, objet de luxe, fantaisie de bon goût, réservée exclusivement aux gens riches, et que la moyenne propriété ne connaît que par ouï-dire ; à peu près comme les services complets en vieux Sèvres, les chevaux pur sang, les eaux de Bade, les migraines et les vapeurs. Une femme qui a des vapeurs ne saurait se passer d'une demoiselle de compagnie... "

Nouveauté La Jeunesse depuis cinquante ans (1840) par Pierre François Tissot (1768-1854) : " DANS tous les temps de ma vie, la jeunesse a été pour moi un objet d'études ; je l'observais déjà même alors que je figurais dans ses rangs, et que je me livrais, avec mes émules, aux distractions et aux plaisirs de notre âge. Je me rappellerai toujours ma surprise en voyant des pères de famille envoyer chaque année leurs fils dans cette grande capitale où souvent ils se trouvaient abandonnés à eux-mêmes sans appui, sans conseil et sans guide : les fâcheuses conséquences de cet isolement de la jeunesse m'affligeaient à vingt ans ; depuis l'époque de cette première disposition de mon esprit et de mon cœur, la sympathie n'a point cessé de s'accroître entre moi et les générations successives de la jeunesse de nos jours ; j'ai eu de fréquents rapports avec elle, de nombreuses occasions de la connaître, je vais essayer de la peindre telle que je l'ai vue avant, depuis et après la révolution. Les enfants du peuple poussaient le défaut d'instruction jusqu'à ignorer souvent les éléments de la lecture et de l’écriture ; ils conservaient les idées religieuses qui leur avaient été inculquées par leurs mères dès le berceau, ou par les frères de la doctrine chrétienne, chargés de l'explication du catéchisme. Une partie de cette jeunesse, livrée à elle-même ou rebelle à l'autorité paternelle, tombait dans de graves désordres, conséquence inévitable de la paresse et de l'oisiveté, et allait peupler les prisons... "

L'Huissier de campagne (1841) par Eugène Nus (1816-1894) : "ENFANT du canton qu'il exploite, le praticien en herbe, à peine arrivé à l'âge de raison, consacre les blondes années de sa jeunesse au culte des expéditions et à l'adoration du code civil. Le rêve doré poursuivi par son âme ardente, l'ambition qui germe et mûrit dans son cœur, se résument dans l'espoir d'ajouter au nom que lui ont transmis ses aïeux la qualification d'huissier patenté de troisième classe sous n'importe quel numéro, et de voler glorieusement sur la trace de ses prédécesseurs. — Voler est employé ici dans le sens purement figuré. — Enfin, il parvient à ce but constant de ses désirs, et dans la carrière que son patron ne poursuit plus, il va secouer la poussière des nombreux exploits de ses devanciers, tout en héritant de leur science et de leurs vertus sous forme d'un volume ayant pour titre le Parfait huissier. Une fois en possession de sa charge, le nouveau titulaire se choisit une femme, ce qui fait dire aux mauvais plaisants du lieu qu'il a pris à la fois une charge et un fardeau..."

Le Bénéficiaire de concert (1841) par Alfred des Essarts (1811-1893) : "LORSQUE les bois n'ont plus de feuilles pour abriter leurs musiciens ailés, lorsque la voix seule du vent exhale ses gémissements lugubres dans les parcs d'où ont fui les romantiques promeneuses, alors l'harmonie parisienne recommence son règne bruyant ; alors le mot de concert tapisse de nouveau tous les coins de rue, et se prélasse aux vitres des éditeurs de romances ; le chant se déchaîne avec une sorte de furie ; il se fait, sous prétexte d'harmonie, un vacarme qui effrayerait à coup sûr l'honnête Asmodée, s'il s'avisait de se poser sur un toit de la capitale pendant une soirée d'hiver.— Un incroyable mélange d'ut de poitrine, de ronron de basse, de sons aigus de chanterelle, de miaulements de hautbois, et d'arpèges de piano, monterait jusqu'au démon boiteux, contraint de reprendre bien vite le chemin d'un monde moins mélomane et plus silencieux.—A notre époque, la musique n'est pas une mode : c'est une fureur, une fatigue, et non un plaisir ; un fruit sans sève, une fleur sans parfum. Aimeriez-vous une rose que vingt personnes auraient sentie, une femme qui se produirait à tous les regards ? De même, la musique, vierge céleste, qui seule a le privilège de récréer les extases de l'éternité, veut être goûtée sobrement, livrée à peu d’auditeurs ; elle n'accorde ses révélations qu'à un petit nombre d'élus, et renie cette armée d'exécutants qui lisent rapidement la note, et en sont encore à épeler les principes de l'art..."

Le Commissaire-priseur (1841) par Charles Friès (18..-18..) : C'EST du commissaire-priseur, ce président obligé de toutes les ventes à la criée, que l'on peut dire avec raison : Dans ses heureuses mains, le cuivre devient or. Il n'est guère d'objets qui, touchés par ses doigts magiques, ne se transforment soudain en choses précieuses. Grâce à lui, les moindres bagatelles sont souvent vendues à des prix fous. C'est le dieu du négoce, le Mercure du XIXe siècle. — Il tient à la main, en guise de caducée, un marteau d’ivoire, à manche d'ébène, dont les coups retentissants sont autant de veto pour de nouvelles enchères. Le commissaire-priseur est remarquable par la conscience qu'il apporte à ses ventes. .."

Les Réfractaires par Amédée Achard (1814-1875) : "VOILA un mot avec lequel on a fait bien des drames et bien des nouvelles ; soyez assurés, cependant, que l'avenir nous en réserve bien d'autres encore. Les coulisses du boulevard du crime et les revues du faubourg Saint-Germain ne laisseront pas longtemps chômer ce nom-là. Il en est des réfractaires de l'ère constitutionnelle comme des capitaines d'aventure du moyen âge : tous les semestres, à peu près, quelque journal ou quelque théâtre les met en action. Le casque a fait place au feutre troué, la cuirasse reluisante, à la veste de bure, la longue rapière, au fusil rouillé par la pluie : c'est toujours une vie semée de craintes et d'espérances, une existence en pleine campagne, sous l'ombre humide des forêts, dans les clairières verdoyantes, sous le couvert des taillis. Mais cette fois le héros ne marche pas gaiement à la face du soleil ; hardi et joyeux, il erre çà et là le long des sentiers solitaires, dans les vallons obscurs, sur les plateaux déserts..."

Choses entendues (1921) par Lucien Guitry (1860-1925) : " A la terrasse du café, Henri achève de boire son mazagran, et, entre temps, pérore, pour — semble-t-il — un consommateur assis à deux tables de la sienne, mais en réalité pour tout un monde de spectateurs qui sont les clients, assis à toutes les tables qui encombrent le trottoir. En face, de l'autre côté de la rue, il y a un café-concert fort éclairé. Supposons que ça se passe à Vichy. — Soixante berges, Messieurs, soixante berges et toujours frais au turbin, et d'aplomb ; la santé, le moral, le petit bibi... tout ! Faudra que je te fasse enfin connaître ma femme... un cœur d'or, c'est autre chose que toutes vos poupées. La femme à Gustave, tiens, entre autres, tu sais qui c'est ? C'est Fanoche, la femme au guillotiné... "

L'Affaire Urbain Grandier (1940) par Armand Praviel (1875-1944) : " Le 23 juin 1634, la ville de Loudun, qui était alors une importante cité du Poitou, à la fois ancienne place forte et capitale provinciale, fut le théâtre d'un des plus extraordinaires spectacles qui se puisse imaginer. Le romantisme a voulu, suivant sa coutume, en forcer les effets. Tentative bien vaine, puisqu'il suffit simplement de mettre en ordre et de reproduire des documents indiscutables. A travers une foule compacte, — la cité comptait alors 14.000 habitants, et ce chiffre était largement doublé par l'afflux des campagnes environnantes — une étonnante procession défilait à grand'peine. Dans les ruelles tortueuses, où les maisons à encorbellement semblaient vouloir se rejoindre par en haut, et où fenêtres et balcons supportaient les curieux par grappes, des archers à barbe pointue, armés de longues hallebardes, se frayaient très difficilement un passage..."

Le Souffleur (1841) par Charles Friès : " S’IL est au monde une profession modeste, ignorée, et qui ne satisfasse point l’amour-propre, c’est celle de souffleur dans un théâtre. Aussi ne compte-t-on guère de souffleurs par vocation : l’idée de s’ensevelir vivants dans un trou affriande fort peu de gens. C’est un état que l’on embrasse après avoir tâté de vingt autres, et en désespoir de cause. Assez souvent le souffleur est un comparse à qui l’on a reconnu de l’intelligence, ou un comédien invalide, pauvre diable qui use son reste de souffle à souffler ce qu’il ne pourrait plus crier. Parfois c’est un acteur incompris, qui a passé les belles années de sa jeunesse à se faire siffler de côté et d’autre, et s’est estimé tout heureux de trouver, sous le capuchon de bois de sapin, un asile où il pût reposer sa tête battue par l’orage, et tourner pour toujours le dos à ce public stupide qui a méconnu son talent..."

Le Paysan marseillais (1841) par Taxile Delord

Le Bayonnais (1841) par Alfred Germond de Lavigne (1812-1891)

La Gouvernante du curé de village (1841) par François Coquille

La Sous-Maîtresse (1841) par Félix de Joncières (1811-1895)

Certains vieux célibataires (1841) par Camille Bernay

Le Sténographe rédacteur (1841) par Adolphe Jadin (1794-1867)

 Le véritable chevalier de Maison Rouge (1934) par Edouard Gachot (1862-1945) : "M. Barbuat était le compatriote du célèbre chevalier d’Eon. Homme rude, l’ancien capitaine au régiment de Champagne faisait enregistrer, en la ville de Tonnerre, cette note : « Le 8 juillet 1767, est né un enfant mâle, fils de messire Jacques-François de Barbuat de Maison Rouge, chevalier, seigneur de Boisgérard, Monfée, etc., et de dame Anne-Victorine Genève, sa légitime épouse, et le même jour, par permission de Monseigneur l’évêque, a été ondoyé, en présence du père qui a signé avec nous. » On donnait à ce garçon les prénoms : Marie-Anne. Sa mère, qui avait de la beauté et de l’esprit, ne voulut pas confier l’enfant maladif à des mains mercenaires. Il ne put parler qu’au début de sa troisième année. Plus tard, souvent triste et boudeur, on le vit refuser la société de ses frères..."

Les Métiers littéraires, le Journal industriel (1841) par Francis Guichardet

Les Petits métiers littéraires, le Rédacteur industriel (1841) par Francis Guichardet

L'École primaire (1841) par Édouard Ourliac (1813-1848)

L'Ami d'un homme célèbre (1841) par Édouard Ourliac (1813-1848)

Les Conseils de révision (1841) par Amédée Achard (1814-1875)

Les Examinateurs (1841) [Anonyme] : "Un examinateur est un grand monsieur tout en noir, sauf la cravate blanche et le ruban rouge à sa boutonnière ; l’expression de son visage est sévère et dure ; jamais le sourire ne vient effacer les plis de son sourcil éternellement froncé ; il parle laconiquement avec une voix brève, avec un regard inquisiteur, et ne répond que par des hochement de tête affirmatifs aux discours prolixes et verbeux du directeur dont il est censé inspecter l’institution, ou du professeur dont il s’imagine interroger les élèves. Un superbe dédain est stéréotypé sur son front ; toute la morgue pédantesque et l’orgueil pédagogiste se trahissent dans son allure empesée, dans son importance gourmée..."

L'Ermite du Vésuve (1832) par Alexandre Rabot (18..-18..)

Les Filles d’actrices (1841) par Jules Mayret (1810-1889)

Les Premières représentations (1841) par Francis Guichardet (18..-18..) : "SOUVENT le public qui remplit une salle le jour d’une première représentation est plus curieux à étudier que les acteurs de la scène et les chefs-d’œuvre qu’ils ont la prétention de jouer. Ce que Paris renferme de plus illustre et de plus élégant, disent les journaux (et les journalistes sont toujours en majorité), se donne tacitement rendez-vous pour ces grandes solennités. Le théâtre, les arts, la littérature, et ce qu’on est convenu d’appeler le monde, y envoyent leurs représentants. C’est un panorama d’hommes de génie, un kaléidoscope de grands noms, une macédoine d’illustrations dont la renommée universelle ne dépasse pas les limites de la presse. La critique domine cette brillante réunion ; car depuis un temps immémorial, un certain nombre de loges et de stalles lui est réservé. Aussi méprise-t-elle les spectateurs ordinaires de toute la supériorité que les directeurs lui accordent ; et si vous n’êtes pas rédacteur des Débats, attaché au Petit Poucet littéraire ou à la Revue fashionable des apothicaires unis, vous ne devez aspirer qu’au simple rôle de comparse. Nous pouvons donc diviser les assistants en deux classes distinctes : ceux qui y viennent par nécessité ou par désœuvrement, et les gens qui y sont attirés par l’espoir de s’y amuser, et le désir de connaître les sommités de la première catégorie..."

Le Banquier (1841) par François Fertiault (1814-1915) : "L’ARGENT est une marchandise. Ceci est un principe reconnu déjà par bien des gens comme un axiome. Tous ceux qui exercent ou connaissent une industrie quelconque, se livrent à la moindre opération d’achat ou de vente, de prêt ou d’emprunt ; tous ceux qui touchent au commerce, depuis les hauts et puissants seigneurs de la finance, qui remuent dans leurs coffres et leurs caisses l’or et l’argent à pelletées, jusqu’au timide et obscur brocanteur, qui attend de quelque échange, troc ou marché, longtemps et péniblement élaboré, le misérable gain qui doit le faire vivre au jour le jour : tous ceux-là, dis-je, savent à quoi s’en tenir sur la valeur de l’argent... Les uns le font trop souvente fois bien amèrement savoir aux autres !.."

L'Hôtel Carnavalet (1832) par François-Alphone Loève-Veimars (1799-1854) : "Au fond du Marais, à deux pas de la place Royale, est encore la maison qui fut habitée si long-temps par madame de Sévigné. On l’aperçoit à l’angle de la rue Culture-Sainte-Catherine, ou de la Couture-de-Sainte-Catherine, comme on disait autrefois. Cette culture ou terrain cultivé appartenait aux religieux de Sainte-Catherine ; ce qui n’empêchait pas les courtisanes d’y demeurer ; car à ce même coin de rue logeait, du temps de Charles VI, la belle Juive, dont son frère, le duc d’Orléans, était si épris, et à la porte de laquelle fut assassiné le connétable de Clisson, meurtre fameux, si curieusement conté par nos historiens, qu’il semble qu’on y assiste. On le voit passer, par une nuit sombre, ce grand connétable, armé seulement d’un petit coutelas, et fongeant au trot de son bon cheval cette étroite rue déserte. On est caché avec les assassins sous l’auvent du boulanger, où ils l’attendirent ; on entend le bruit de la lourde chute du cheval percé de trois grands coups d’estramaçon, le bruit de la chute du connétable, dont la tête va frapper contre une porte qu’elle fait ouvrir ; ses plaintes, ses gémissements, les pas des assassins qui s’enfuient, puis le silence. Puis les cris des bourgeois accourant..."

Les Appartements à louer (1832) par Emile Deschamps (1791-1871)

La Maison de malheur des flamands (1833) par Samuel-Henry Berthoud (1804-1891) : " Si vous voulez voir la Maison de malheur des Flamands, il vous faut suivre la ligne du boulevart, traverser la solitude du passage Vendôme, entrer dans la rue Dupuis, vous risquer entre l'avenue des deux rotondes de boutiques qui forment le Temple, et arriver jusqu'à l'extrémité de la rue de la Corderie, en face de la porte cochère surmontée d'un n° 1 presque effacé. Là, autorisé par de nombreux écriteaux d'appartements à louer qui se balancent aux ais disjoints de cette porte, vous monterez au troisième étage, par un escalier qui se trouve à gauche dans la cour : une fois au quatrième étage, vous ouvrirez une des fenêtres intérieures, et vous vous trouverez nez à nez avec la Maison de malheur des Flamands ; maison enfouie au milieu de culs-de-sacs, de ruelles étroites, et qui, basse et toute petite, ne s'aperçoit distinctement, au milieu de ses voisines à quatre étages, que des fenêtres indiquées. Si la Maison de malheur des Flamands n'a qu'un étage, en revanche elle a deux toits... "

Au seuil de la vie secrète (1927) par Eugène Gascoin (18..-19..) : " C’est un businessman dont la plume d’or fait naître sur la page blanche d’un carnet la floraison des chiffres, gage des moissons futures ; plus humblement, c’est une petite vieille portant au bras le cabas classique d’où émerge la face lunaire d’un chou-fleur ; un sergent de ville aux belles moustaches et qui, de son bâton, arrête ou laisse fluer la pâte presque homogène des voitures. Encore, c’est une jeune femme que rien ne distingue, pas même la qualité de son bavardage mondain ; enfin, sourire aux dents et perle au plastron, un élégant commis qui, pour une Américaine, emprisonne et fait jouer dans une gemme de 10 000 dollars toute la féerie du soleil. A les voir ainsi – car ils sont tels et nous n’avons rien inventé, – figurants anonymes en la fresque grise de l’existence, volontiers notre malveillance leur prêterait une vie intellectuelle réduite à la gazette quotidienne, des besoins sentimentaux que suffisent à combler les joies monocordes du ménage, l’illusion sans faste de la plus banale aventure, et pourtant, tout en achetant, vendant, écrivant comme nous, sans que rien ne les distingue des autres, savourant l’amer orgueil des croyances solitaires, ils s’enivrent à longs traits du mystérieux et de l’invérifiable. Demain, dans une heure peut-être, vêtus des ornements que brodent le triangle symbolique ou le pentagramme sacré, évêques, grands-maîtres, voire simples fidèles, ils entraîneront leur extase par le jeu méthodique des formules et des gestes, jusqu’aux frontières indécises où commencent les jardins de l’hallucination et de la folie, riches en vénéneux parfums..."

Le Luxembourg (1832) par Félix Joncières (1811-1895) : " Je me connais mal en architecture : aussi, au risque d’être appelé Vandale, je dis franchement que j’aime peu le palais du Luxembourg. J’avoue que le travail en est savant et régulier ; mais tous ces bossages qui sillonnent l’édifice et le zèbrent horizontalement me paraissent un enjolivement mesquin, sans grâce comme sans candeur. Il me semble voir une tête d’étude qu’une main inhabile a voulu ombrer, et qu’elle a chargée de hachures roides et tirées pour ainsi dire au cordeau. Enfin quel qu’il soit, de grands souvenirs le recommandent à notre attention. Passant de maîtres en maîtres, et d’usages en usages ; tour à tour sanctuaire de plaisirs et sanctuaire de douleurs ; poussant des cris d’allégresse ou des cris de terreur ; ayant à ses portes des geôliers ou des gardes ; tribunal et prison en même temps ; se parant un jour pour une fête, se voilant le lendemain pour une mort ; espèce de monument factotum ; propre à tout, même à couvrir des têtes royales ; insignifiant par cela même qu’il est sous la main du premier venu haut placé, et qu’il sert de pis-aller à tous venants ; maintenant changé en un prytanée politique où toutes les vieilles gloires et les vieilles réputations vont prendre leur retraite, en cassant ou en sanctionnant des lois : voilà quelles ont été ses destinées !.. "

L'Église Saint-Eustache (1833) par Victor Lottin de Laval (1810-1903) : " Au centre de Paris, dans le quartier le plus fangeux, le plus triste, s'élève, sur une large base, l'église de Saint-Eustache, admirable souvenir, comme architecture religieuse, du règne de François 1er. — Son origine est fort ancienne ; les bénédictins, de Launoy et Dulaure, nous disent qu'à cet endroit fut un temple consacré à Cybèle, dont on trouva une tête colossale en bronze, au coin de la rue Coquillière, en creusant les fondements d'une maison. Cette tête est gravée dans Caylus ; l'original se trouve maintenant au cabinet des antiquités de la Bibliothèque. En 1200, un certain Jean Alais, à qui la conscience reprochait d'avoir mis une taxe de ung dénier seur chaque panié de poiçon, y fit construire, pour l'absolution de sa faute, une petite chapelle relevant du chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois, et qui fut dédiée à sainte Agnès. Plus tard, le nom de Saint-Eustache prévalut sur celui de Sainte-Agnès ; on ignore le motif de cette substitution de noms. Un vieil auteur, que nous avons consulté, suppose qu'il vient d'un prêtre ambitieux et plein de vanité, qui s'appelait Eustache, au reste, saint très-peu connu... "

Mes débuts dans l’Université (1935) par Louis Bertrand (1866-1941) : " … C’était pendant la dernière semaine de septembre 1888. Autant que je me rappelle, j’avais dû prendre à la gare de Lyon un express qui partait de Paris vers deux heures de l’après-midi pour arriver à Marseille le lendemain, vers six ou sept heures du matin. Je sortais de Normale. J’avais vingt-deux ans. Récemment nommé professeur de seconde au lycée d’Aix-en-Provence, j’allais rejoindre mon poste. Une vie nouvelle commençait pour moi. Je n’étais plus un élève, j’étais mon maître, ou je pouvais en avoir l’illusion… Vingt-deux ans ! Un avenir qui n’avait rien de désespéré ! Et Marseille, la Provence, le soleil méditerranéen, la mer à l’horizon ! Le lendemain, à l’aube, je descendrais de wagon devant des paysages tout neufs pour mes yeux, dans un pays dont j’avais longtemps rêvé, et qui ne pouvait être que merveilleux ;... J’aurais dû être enchanté et, avec mon habituel tempérament, fou de joie ! Et pourtant j’étais triste, inquiet, mécontent de moi et des autres. Par la portière de mon compartiment de troisième classe, je regardais sans enthousiasme défiler les plaines médiocres du Senonais, puis, à flancs de coteau, les petites villes bourguignonnes, qui s’échelonnent avant Dijon et dont certaines sont charmantes : Joigny, Tonnerre, Montbard, les Laumes… "

La Descente de la Courtille (1833) par Auguste Luchet (1806-1872) : " On a peu écrit sur le carnaval, en France. Cette surprenante époque de l'année n'a point d'historien chez nous. Il est raisonnable de penser que la majestueuse gravité de nos moralistes aura craint de se compromettre en y touchant ; et c'est, à mon avis, bien dommage. Car il y aurait de grands et curieux enseignements à prendre dans un livre qui nous raconterait les carnavals de Paris, seulement depuis un demi-siècle depuis les joyeuses promenades aux Porcherons, sous le roi Louis XVI, nocturnes dévergondages, où des dames, comme la comtesse de Genlis, la princesse Potocka et de plus hautes encore, se vantaient d'avoir pris leur part de folie, déguisées en cuisinières ; d'avoir, ainsi défigurées, fait la débauche avec des ducs en laquais et des laquais en ducs ; d'avoir mangé populairement des pigeons à la crapaudine, du veau rôti et une salade de barbe de capucin ; enfin, d'avoir bu, en vraies cuisinières, et sans faire trop laide grimace, chacune un verre ou deux de sacré chien tout pur ! Certes, ce serait une plaisante occupation que d'étudier les préludes de la grande révolution dans ces visites incognito du seigneur à l'ouvrier, dans ces pique-niques de confuse et tumultueuse égalité   "

Bicêtre (1833) par P. L. Jacob (1806-1884: " Bicêtre a été maison de plaisance épiscopale, château de prince et de roi, masure abandonnée et repaire de voleurs, hospice militaire ; Bicêtre est aujourd'hui hôpital et prison, jusqu'à ce que l'autocratie ministérielle efface un de ces deux titres, épouvantés de se trouver ensemble sur le même frontispice : Bicêtre ne veut plus être un lieu de réprobation et d'infamie. En 1204, Jean, évêque de Winchester en Angleterre, lequel résidait en France à la cour de Philippe-Auguste, acheta une ferme située sur une hauteur et dans un terrain argileux, à une lieue environ de l'enceinte de Paris. Cette ferme, qui se nommait la Grange aux queux ou gueux, sans que les historiens aient éclairci l'une ou l'autre origine également plausible, fit place à un château bâti et orné avec une magnificence prodigieuse pour le temps : les fenêtres étaient garnies de châssis de verre !... "

Le Siège de Paris et la Commune (1928) par Gaston Jollivet (1842-1927) : "Par une de ces grandes pluies qui n’abattent même pas grand vent, comme il y en a tant dans notre joli mois de mai, je sortais du Cirque des Champs-Élysées et je m’essayais à ouvrir mon parapluie battu par la tempête, quand je m’entendis héler. Le brave prince romancier Lubomirski, ni lu ni beau, comme disait Scholl, et avec qui je devais souper, me cria de loin, en faisant rouler ses r coutumiers : « Voulez-vous, cherr ami ; prrêtez-moi votrre parrapluie ? » Il pleut vraiment trop, je fais la sourde oreille ; mais, pendant que je suis tout à mon parapluie pour moi-même, une dame s’est fourrée dessous, se courbe, se plie en deux, serrant ses jupes, et je n’ai plus qu’à la suivre. Elle risque un pas, puis deux, évite les flaques pour elle, me les laisse, et nous voilà enfin au bord du trottoir, devant un fiacre que Lubomirski est allé quérir, où  elle s’engouffre en me jetant, sans se retourner, un « grand merci » qui va se perdre dans les coussins où elle s’abat, probablement sans se soucier de savoir si Lubo, qui est sans parapluie, ne va pas attraper une bronchite..."

Un Procès de Faux et d’Envoûtement au Moyen Age (1925) par Henri d'Alméras (1861-1938) : "En 1249, vers le milieu du mois de mai, la flotte de Louis IX était partie de Chypre. Des dix-huit cents vaisseaux qui la composaient, ceux que n’avaient pas dispersés le vent et la tempête cinglaient vers l’Égypte. Le 4 juin, un des pilotes s’écria, d’une voix qui tremblait un peu : - Dieu nous aide ! Dieu nous aide ! voici Damiette. Au loin, derrière une ligne jaunâtre, frangée d’écume, on aperçut les minarets de la ville, dressés dans l’azur, et les étangs qui étincelaient sous le soleil. Tous ces chevaliers, tous ces hommes d’armes, dont les regards se fixaient sur la côte sablonneuse et basse, éprouvaient, au moment de l’aborder, autant de crainte que d’impatience..."

La Femme à la mode et la femme élégante en 1833 (1833) Eugénie Foa (1796-1852) : "Je dis en 1833, car pensez bien que la femme à la mode de 1833 n'est point celle qui l’était en 1832, et certes ne sera pas non plus celle de 1834. Hélas ! un règne n'est quelquefois pas aussi long, qui sait ? J'en connais d'aucune à qui trois mois, un mois, voire même huit jours, avaient suffi, et qui, au bout de ce temps, se trouvait éclipsée par une rivale qui n'était ni plus belle, ni plus jeune, ni plus riche, mon Dieu non, mais à laquelle le caprice, un rien, quoi, moins que rien, la mode avait remis son sceptre. Et insouciante, folle, légère, parée de gaze et de fleurs, de soie et de fourrure, elle l'avait accepté, ce sceptre, sans en connaître toutes les chargées, sans en calculer les revers..."

Avec Eléonora Duse (1932) par Lugné-Poe (1869-1940) : « … Surnaturelle pour le bien comme pour le mal ! » A l’instant, et toute la journée, cette phrase hallucinante s’inscrit dans mon esprit… Lorsque j’essaie de retracer une physionomie ou de revivre certains faits, et avant de jeter ces petites notes sur le papier, j’ai pris l’habitude de rechercher quels furent mes collaborateurs au moment où les faits se déroulèrent, pareillement lorsque cette figure a traversé la vie de l’Œuvre, je tiens à connaître les impressions conservées par les uns et les autres. Très peu me répondent, mais qu’une seule réponse survienne et elle éclaire un passé d’un reflet souvent très effacé. M’étant adressé parmi tant d’autres à un ancien régisseur qui débuta, adolescent, à l’Œuvre et qui ensuite abandonna le théâtre, il m’écrivit d’assez loin : ... »

Mademoiselle Roland (1932) par Armand Praviel (1875-1944) : " Sous le Second Empire vivait à Paris une vieille dame, fort pieuse, qui se nommait Mme Pierre-Léon Champagneux. C’était une personne dont la bouche un peu tombante et les grands yeux mélancoliques corrigeaient le nez légèrement retroussé qui, jadis, avait dû être mutin. Elle comptait parmi ses relations l’abbé Combalot, le père Lacordaire, et surtout M. Armand-Prosper Faugère, fondateur du Moniteur religieux et savant éditeur de nombreuses publications relatives à Pascal et au Jansénisme. On éprouvait quelque peine à s’imaginer que cette personne austère, si appréciée dans les plus hautes sphères catholiques, fût la fille unique de la fameuse Mme Roland, qui rédigeait des ultimatums à celui qu’elle appelait « le prince-évêque » de Rome, et qui monta sur l’échafaud en invoquant païennement la Liberté. Rien de plus exact cependant... "

L'Espion Rivoire et ses juges (1936) par Henry Le Marquand (1862-1943) : " On avait vu rôder dans le pays des cavaliers inconnus paraissant bien armés, évitant les grandes routes, contournant les villages, empruntant les chemins creux et les sentes, chevauchant la nuit, disparaissant le jour dans les bois, s’arrêtant parfois à quelque ferme isolée, dont les tenanciers juraient aux passants curieux que ces étrangers n’étaient jamais entrés chez eux. Cela se chuchotait à Loudéac, et peu à peu l’itinéraire des mystérieux voyageurs se précisait. Ils étaient venus du sud du Morbihan proche, étaient montés au nord jusqu’à la côte vers Port-Brieuc. On supposait qu’ils étaient allés jusqu’à l’embouchure du Trieux, avec l’intention de s’embarquer pour l’Angleterre, mais l’occasion leur avait dû manquer, car ils étaient revenus dans l’intérieur des terres. Combien étaient-ils ? On n’en pouvait juger. Personne n’avait eu la hardiesse de s’approcher d’eux assez près pour les compter au juste. Ces bruits parvinrent le 30 nivôse de l’an IX (20 janvier 1801) aux oreilles des gendarmes... "

L’affaire Chambige (1930) et Le Massacre de Ramel (1927) par Armand Praviel (1875-1944) : " Le 25 janvier 1888, vers quatre heures de l’après-midi, trois hommes, qui paraissait fort inquiets, sortaient de Constantine et se dirigeaient vers le quartier de Sidi-Mabrouk, qui est séparé de la ville par la gorge romantique du Rummel. Ils marchaient rapidement. Bientôt apparut à leurs yeux, au bord de la route, une villa entourée d’un petit jardin. Devant cette habitation, du plus hideux style Sadi-Carnot, stationnait un grotesque fiacre de vaudeville, comme il en foisonnait en Algérie, et aussi en France, à cette époque. Un cheval d’apocalypse penchait mélancoliquement ses naseaux vers la terre. Sur le siège, le cocher ronflait. Le premier des trois promeneurs agités le réveilla. Ils se reconnurent. - Ah ! c’est vous, Luciani ! Hé ! que diable faites-vous là ? - Bonjour, monsieur Gérin-Roze. Vous le voyez, j’attends. - Et qui donc ? Ne serait-ce pas mon beau-frère ? - M. Henri Chambige ? Tout juste. Il m’a pris à deux heures et demie (il consulta son oignon) et s’est fait conduire à la villa de l’inspecteur des chemins de fer, M. Grille. Là, nous avons chargé la jeune dame de ce monsieur, et nous sommes venus ici..."

Le Paris de 1830 (1930) par Francis de Croisset (1877-1937) : "Vous est-il jamais arrivé de vous demander, lorsque vous contemplez un de ces jeunes portraits de grand’-mères qui font rêver leurs petits-fils, quelle était la vie quotidienne de ces jolies dames encadrées ? Je me posais cette question l’autre jour, lorsque après une répétition des Précieuses de Genève, je me promenais dans l’Exposition Charpentier du Centenaire de la Revue des Deux Mondes. Je m’étais attardé. Il n’y avait plus personne qu’un agent. Le portrait d’une jeune femme m’immobilisa. Ses vingt ans portaient la mode de 1830. Bien qu’en robe du soir, elle paraissait avoir un chapeau, – tant sa coiffure était haute et raide et tant ses coques de cheveux superposées s’ornaient d’épis de diamants et de rubans jonquille. Ses épaules tombantes se terminaient par deux courtes manches à gigot, découvrant un coin de ses bras haut gantés. Deux fines chevilles émergeaient chastement de la robe et deux petits souliers de Japonaise. Je ne pouvais me lasser de la regarder. Elle était exquise : son teint était pâle, ses yeux rêveurs et son aspect si enfantin que je l’eusse prise pour une jeune fille, n’eût été l’inscription : « Portrait de la comtesse X… en 1830. » La comtesse X…"

Un Civil aux Armées (1932) par André Foucault (1880-1941) : " La grande guerre avait débuté le 2 août 1914. Je n’apparus aux Armées – enfant tardif de la Défense nationale – que le 22 août 1915. La réception fut correcte, mais fraîche. Les officiers d’artillerie de campagne de l’armée active se divisaient en postards et versaillais. M. le chef d’escadron Binbin, postard, commandait le groupe d’artillerie de campagne auquel je fus affecté. C’était le deuxième groupe du régiment. M. le capitaine Saumure, postard, y commandait la quatrième batterie ; M. le capitaine Flytox, postard, la cinquième ; M. le capitaine Duroc, versaillais, la sixième. Mon affectation à la batterie de M. le capitaine Duroc dut représenter l’une de ces délicatesses hiérarchiques que les postards répètent volontiers à l’adresse des versaillais. Les premiers ont reçu l’éducation des Pères, et sortent de Polytechnique ; les seconds, issus de familles démunies, sortent du rang... "

La tournée bien administrée(1929) par Lugné-Poë (1869-1940) : " En langage simple, « administrer une tournée » veut dire en « flanquer une ». La question subsiste, « Qui la reçoit ? » – Le public, la vedette ou la troupe ? Il n’existe pas jusqu’ici de réponse enregistrée qui soit concluante. Alors ?... On est un bon « Administrateur » (de tournées) quand on rentre à Paris, sans grand bobo, c’est-à-dire avec tous ses membres – ceux de la tournée – avec son étoile à peu près intacte (la formule est vague), qu’elle se déclare « ravie de l’accueil enthousiaste », etc., sans créanciers aux trousses, en un mot, les braies nettes ; pour cela s’entend, faut savoir se débrouiller. – Ce n’est point aussi aisé qu’un vain populo peut le penser. Tout le monde a entendu parler des tournées. On les prétend même « Artistiques »... "

Le Naufrage de “la Méduse” (1931) par André Lichtenberger (1870-1940) : " S’il est une catastrophe demeurée fameuse dans nos annales maritimes, c’est bien le naufrage de la frégate La Méduse, chargée de ramener au Sénégal, que par les traités de 1815 l’Angleterre nous restituait, les éléments administratifs et militaires ayant à en effectuer la réoccupation. Le 2 juillet 1816, la frégate mal dirigée s’échoua sur le banc d’Arguin, sinistre inoubliable par ses suites, et notamment par les scènes d’horreur qui se déroulèrent sur le fameux radeau, parmi les infortunés dont le pinceau de Géricault a immortalisé les souffrances. Il faut ajouter que des circonstances politiques valurent à la catastrophe une publicité supplémentaire. Le commandant Duroy de Chaumareyx, dont l’impéritie semble en avoir été la cause, était un ancien émigré. Toute la presse de gauche partit en guerre contre les responsabilités du gouvernement. Le procès du commandant devant le conseil de guerre porta au summum les passions. L’article du Larousse ressemble à un réquisitoire... "

Souvenirs (1930) par Henri Duvernois (1875-1937) : " Il y a des points de sensibilité par lesquels les enfants heureux finissent par ressembler aux enfants malheureux. Les uns souffrent de ce qu’ils voient et de ce qu’ils entendent, les autres de ce qu’ils devinent. C’est une question de nature : aux cœurs rudes, tout est joie et plaisirs ; aux cœurs tendres, tout est peine et misère. J’ai connu un bohème qui offrait des jouets d’un sou aux bébés riches, alourdis de fourrure et de soie. « Je suis le seul, déclarait-il, à les prendre en pitié. Ce sont de futurs pauvres…. » Il leur parlait avec la déférence que les Fils du Ciel marquent aux tout petits, les amusait d’une grimace, les éblouissait d’un cadeau et disparaissait après avoir doré d’un peu de féerie ces mornes aurores… Le fait est qu’ils le suivaient d’un regard étonné et reconnaissant. Un salut de la petite main gantée, le pauvre jouet serré sur le cœur, comme un trésor. « Rendez-moi cette horreur tout de suite. Vous êtes fou, glapissait la gouvernante. J’en rendrai compte à votre papa… "

Un curé séducteur sous la Terreur (1931) par Henry Le Marquand (1862-1943) : " En quoi les relations du ci-devant curé de Quinéville avec la ci-devant noble et toujours jolie Madeleine, nièce du ci-devant seigneur et patron du lieu, pouvaient-elles nuire à la sûreté générale et aux intérêts supérieurs de la République une et indivisible ? Les juges ne trouveraient point de réponse immédiate à cette question ironiquement posée par le curé démissionnaire Armand Fafin, le 2 mars 1794. Son dénonciateur éprouvait plus de difficultés que l’accusé à s’expliquer sur les faits. Mais tout un village et la petite ville chef-lieu du district étaient en émoi et commentaient des amours interdites par la religion du passé, la politique du présent et la morale de toujours... "

Le Boulevard (1912) par Gaston Deschamps (1861-1931) : " Le Boulevard sous le second Empire, l'esprit moqueur des boulevardiers de ce temps déjà lointain ; la crânerie, évidemment frivole, mais joliment fringante, de ces mousquetaires de lettres, qui se battaient à coups de plume, à coups d'épigrammes, à coups d'épée ou de pistolet pour les beaux yeux de quelque divette des Bouffes, du Vaudeville, des Variétés ou du Gymnase ; le perron de Tortoni, la terrasse du café Riche ; les cabinets particuliers de la Maison d'Or ; les romans de la Librairie nouvelle ; les caricatures de Gavarni et de Cham ; le Figaro de Villemessant ; le Charivari de Pierre Véron ; les refrains de la Vie parisienne ; de la Belle Hélène, et d'Orphée aux Enfers ; les flonflons d'Offenbach ; les chroniques de Jules Noriac, d'Albéric Second et de Villemot, les pointes et le monocle d'Aurélien Scholl ; les intonations de Dupuis ; les gandins, les cocodès, les petits crevés, ce sont là des choses, convenons-en, un peu fanées, ce sont là des gens — disons-le sans vouloir désobliger personne — un peu oubliés, et dont cependant les vieux Parisiens ne peuvent évoquer le souvenir sans revoir, comme en rêve, une fête inoubliable, où Paris, capitale charmante du plaisir, du talent, de la fantaisie, ouvrant à l'univers entier le caravansérail de ses expositions universelles, s'attira, en somme, beaucoup de déceptions et de déboires par la bonne grâce de son excessive hospitalité..."

De l'amélioration de la condition des femmes musulmanes en Algérie et en Tunisie (1896) par Edmond Groult (1840-19..) : " En prenant la parole dans cette enceinte, je tiens, tout d'abord à adresser un fraternel salut à mes amis musulmans. Ce serait une erreur de penser qu'ils sont réfractaires aux avantages de la science et aux bienfaits du progrès. Ils applaudissent tous aux belles paroles du Prophète, qu'il serait bon d'inscrire, avec le texte arabe en regard, sur le frontispice de tous les monuments publics des contrées musulmanes soumises à notre domination. C'est sous le patronage de ces paroles que je crois à propos de me placer... "

Notice sur les cultures maraîchères de Roscoff (1853) par Achille de Raigniac : "Le jardinage et surtout la culture maraîchère ne sont pas d'une aussi petite importance qu'on pourrait le croire au premier aperçu ; les produits alimentaires que cette industrie fournit aux nations civilisées s’élèvent à des valeurs immenses. Ils sont d'ailleurs devenus dans l'hygiène de ces nations d'une nécessité indispensable ; leur production a fait naître et entretient dans une honorable aisance une population très nombreuse. D'un autre côté, les méthodes jardinières offrent à la grande culture des modèles dont elle ne peut, il est vrai, que bien rarement approcher, mais qui n’en doivent pas moins être pour elle le sujet d'une étude sérieuse et approfondie. La nature, en effet, toujours semblable à elle-même, n'a pas deux procédés différents pour faire croître les plantes dans les champs et dans les jardins. Duhamel, à qui l'on demandait quelle était la meilleure culture, répondit que c’était celle qui se rapprochait le plus de la culture d'un jardin. Olivier de Serres, dans son style figuré,..."

Dandysme littéraire : Barbey d'Aurevilly, Baudelaire, Balzac (1923) par Eugène Marsan (1882-1936) : "Nous pourrions parler de Musset et de ses chapeaux cambrés, de Lamartine, si noble, de Mérimée, si chic, peut-être de Vigny qui, le jour de sa réception à l'Académie, a tant  agacé Sainte-Beuve avec son porte-mine en or et ses pauses un peu trop attentives.Nous pourrions parler de Chateaubriand, sortant tous les jours au commencement de l'après-midi, une rose à la boutonnière de sa redingote, une badine à la main, et nul n’a jamais su ce qu'il devenait jusqu'à cinq heures, entre les passantes de Paris. Nous pourrions même parler d'Eugène Sue, qui en vaudrait la Peine comme dandy. Nous Pourrions surtout parler de Stendhal,..."

Une Visite à la prison Saint-Lazare (1913) par Claude Ferval (1856-1943) : "Connaissant le goût passionné que j'ai pour les vieilles pierres, mon ami le docteur X... me proposa de visiter, avec lui, avant qu'on en jette bas les murs, la prison de Saint-Lazare. Nous prîmes jour, un jour très prochain, car, dès qu'un projet agrée, on redoute les mille empêchements qui ne manqueraient pas de se mettre à la traverse si on leur en laissait le temps. La date convenue se trouva être un matin de novembre, un de ces matins parisiens où le ciel chargé de nuées semble écraser les toitures. Une population« nombreuse était dehors. Des ménagères, suivies pour la plupart d'un ou deux enfants, s'arrêtaient à des étalages débordés de fruits, de légumes, ou devant ces bonneteries à bon marché qu'on vend à l'entrée de l'hiver. Au croisement du faubourg Saint-Denis et du boulevard Magenta, un édifice se dresse, sombre, puissant, fortifié de hautes murailles. Dès le portail, on reconnaît le bâtiment administratif : de son fronton en triangle, pend la loque lamentable qu'est un vieux drapeau déteint. — C'est ici, murmura le docteur en faisant arrêter la voiture...

[Discours] Au Congrès de la Presse, à Londres 22 septembre 1893 par Emile Zola (1840-1902).

A travers les bouges de Paris (1926) par Georges Bernard : "S’étant présenté pour la quatrième fois à l’asile, le vagabond a été éconduit, nul n’ayant le droit d’y passer plus de trois nuits consécutives. C’est un garçon de la province poursuivi par la justice ou venu à Paris pour y tenter fortune ; des miséreux l’avaient averti qu’il ne serait pas reçu ce soir-là, mais sans doute pour montrer à ces Parisiens qu’on peut obtenir ce que l’on veut en osant, car l’amour-propre de clocher est très vif chez la canaille, il s’est présenté quand même à l’asile, avec des papiers nouveaux obligeamment prêtés par un copain, ou pris dans ses poches pendant le sommeil. Le voici, maintenant, obligé de connaître la topographie des asiles de Paris, s’il veut y coucher chaque nuit, en changeant tous les trois jours de logis...."

Une affaire criminelle au XVIIe siècle (1930) par Frédéric Boutet (1874-1941) : "Les trois causes célèbres, les plus célèbres du règne de Louis XIV, eurent pour tristes héroïnes des femmes : la Brinvilliers, la Voisin, la marquise de Ganges. Dans les trois causes, d’une façon ou d’une autre, interviennent, comme mobiles du ou des crimes, l’amour et l’argent et, comme moyen de crime, le poison. Mais, alors que, dans les affaires Brinvilliers et Voisin, la femme est criminelle et empoisonne ou vend le poison, dans l’affaire de la marquise de Ganges (antérieure en date d’ailleurs) la femme est victime et on la met à mort par le poison, par le fer aussi du reste. Et tout concourt pour donner à ce crime un immense retentissement, pour expliquer l’universelle émotion qu’il souleva ; ses motifs, brutales amours changées en haine et conjointement basse cupidité ; ses circonstances, d’une atrocité jamais surpassée ; la personnalité enfin des assassins et surtout celle de leur célèbre, séduisante et touchante victime..."

Une affaire scandaleuse au XVIIe siècle (1931) par Frédéric Boutet (1874-1941) : La mort déplorable de Mme la marquise de Ganges, sauvagement assassinée, le 17 mai 1667, par ses deux beaux-frères avec la complicité de son mari, souleva dans toute la France et même dans l’Europe entière une émotion et une horreur profondes. Elle fut une des trois plus marquantes affaires criminelles du règne de Louis XIV. J’en ai raconté ici même les détails effroyables. Mais ce ne fut pas seulement par ce sombre drame que la noble maison de Ganges attira sur elle l’attention publique et défraya la chronique. Les deux enfants de la marquise, un fils et une fille, furent, eux aussi, les héros d’aventures retentissantes..."

La Pêche à la Sardine par un Argonaute (1903) : " Parmi les poissons de mer dont la pêche intensive fournit au commerce et à l'industrie maritimes le rendement matériel le plus important, la sardine, sans tenir le premier rang, comme la morue ou le hareng, joue cependant un rôle extrêmement important. Extrêmement important pour nous autres Français surtout, car la préparation spéciale de la sardine à l'huile — forme sous laquelle ce poisson est le plus généralement livré à la consommation — est au premier chef une industrie française. Il y a donc intérêt à connaître exactement les conditions dans lesquelles se pêche et se prépare la sardine et en étudiant ici, cette question notre but est de faire connaître à nos auditeurs une des sources de notre prospérité maritime. Ceci est d'autant plus sérieux que la crise retentissante dont s'est naguère avec juste raison si violemment ému le pays tout entier, était extrêmement grave pour nous. Secourir de pareilles infortunes, empêcher le retour de semblables calamités n'est pas faire œuvre suffisante. Il faut de plus développer dans la mesure du possible une industrie qui, si elle était maintenue sans cesse dans une prospérité ascendante, aurait les meilleurs résultats pour les vaillantes populations qui s'y adonnent, et qui constituent la pépinière des marins pour nos flottes de guerre et de commerce..."

Origine et psychologie du  Carnaval français (1919) par Gustave Fréjaville : "La plupart des fêtes de l'antiquité présentent avec notre carnaval des ressemblances non douteuses. Aussi n'a-t-on pas manqué de voir l'origine du carnaval dans chacune d'elles. Les solennités religieuses de l'Egypte, les Sacea de Babylone, la procession du bœuf Apis, les dionysies et les démétriades de la Grèce, les bacchanales, les saturnales, les lupercales ou februales, les florales, les quirinales, les mégalésies de Rome païenne, les fêtes druidiques du Gui et la procession du taureau de Bel dans la Gaule celtique, sont tout à tour citées par les auteurs comme ayant donné naissance aux traditions populaires de notre mardi-gras. Sans entrer ici dans le détail, on peut tenir pour démontré que le carnaval est de naissance très antique et que sa généalogie est fort compliquée. Il comprend un grand nombre de coutumes et de traditions venues du fond des âges, à travers mille bouleversements politiques, religieux et sociaux. Ces coutumes et ces traditions portaient donc en elles des causes de durée qu'il faut peut-être demander moins à l'histoire qu'à la psychologie, moins aux circonstances variables des civilisations et des sociétés qu'aux besoins permanents de l'espèce..."

Moyens d'éviter les empoisonnements par les champignons (1913) par Henri Guillemin : " Tous les ans, à l'automne, les journaux annoncent de nombreux décès causés par les champignons. L'année dernière entre autres, en France et à l'étranger même, la Presse a signalé de multiples cas d'empoisonnements. Et cependant des hommes dévoués cherchent à instruire les populations : articles sur les journaux, dans les Bulletins et Revues scientifiques, tableaux de vulgarisation, conférences, excursions publiques, expositions. Rien n'y fait. Les gens s'empoisonnent avec une insouciance déconcertante. Que n'a pas fait notre Société des Sciences naturelles ? Que n'avons-nous pas écrit ou dit, M. Bigeard, mon cher et vénéré maitre en mycologie, moi-même et tant d'autres mycologues qui sont légion, pour mettre en garde les imprudents inconscients ? ..."

Vingt ans de Paris (1925) par Boni de Castellane (1867-1932) : " Mon divorce fut prononcé le 5 novembre 1906. Il était cinq heures de l’après-midi. Anxieux d’avoir des nouvelles et ne tenant plus en place, je sortis pour faire les cent pas devant la demeure de mes parents. Il commençait à faire nuit, lorsque s’arrêta un fiacre. Un homme sans chapeau en descendit, qui, ne me voyant pas, se précipita sur la sonnette et entra. Au bout de deux minutes, une seconde voiture vomit un gros monsieur essoufflé et tuméfié, qui portait un melon et une redingote déboutonnée. Je reconnus un grand bijoutier de Paris. Puis arriva une jeune personne, simplement mais élégamment vêtue, tandis que je regardais avec anxiété du côté de la gare des Invalides, guettant la voiture de mon avoué. Soudain, j’aperçus un visage imberbe dont le nez proéminent appartenait à un antiquaire auquel je devais une assez forte somme d’argent pour des tapisseries d’Audran que j’avais achetées peu de jours avant ma séparation. Ces visites inattendues n’auguraient rien de bon..."

Ma folle Jeunesse (1926) par Gaston Jollivet (1842-1927) : " Il s’en ouvrait, comme maintenant, tous les jours. Quelquefois c’étaient de simples mannezingues auxquels avait échu la bonne fortune de posséder un très bon cuisinier. Les gourmands affluant, le patron vendait le zinc de son comptoir sur le quai de la Ferraille, doublait les gages de son chef et, en peu de temps, quintuplait sa fortune à lui. Ainsi se sont transformés Foyot, au quartier latin, et Maire, au coin du boulevard de Strasbourg. J’ai connu aussi des vieilles réputations, Philippe, rue Montorgueil ; Brébant, rue Neuve-Saint-Eustache, aujourd’hui d’Aboukir ; et, toujours debout celui-là, Voisin. Au Palais-Royal, les noms de Véfour et des Frères Provençaux restaient populaires en province et à l’étranger. Mais le démodage déjà commencé au Palais-Royal leur préjudiciait grandement. Egalement la persistance des patrons dans de vieux errements, leur refus d’accepter cette nouveauté, le menu, qui permet de fixer son choix très vite et de ne pas manquer le théâtre. Pour eux, l’essence d’un dîner était d’être commandé la veille et discuté plat par plat. Cela parut de la routine. Donc on les laissa à leurs chères habitudes pour se porter vers les restaurants du boulevard des Italiens, le Café Anglais, la Maison d’Or et le Bignon du coin de la Chaussée-d’Antin. Seul, ce dernier n’accepta pas le menu abondamment varié, depuis le potage jusqu’au dessert..."

La Psychologie du sous-marin (1919) par Paul Rugière : "A ceux qui recherchent jusqu'où peut remonter leur vocation maritime, il ne peut échapper qu'elle puisa en partie ses premières illusions dans l'élégance et la coquetterie de l'ancienne marine ; enfants, ils s'extasiaient devant d'éclatants pompons, de grands cols bleus qui battaient de l'aile au souffle du mistral ; leur plus grande joie était de passer,dans l'ombre humide de poupes à galeries, et leurs rêves étaient traversés de blanches embarcations venant égoutter l'eau de leurs avirons au long d'escaliers monumentaux, aux lourdes boucles d'airain..."

Histoire d'un sourd-muet de naissance guéri de son infirmité à l'âge de neuf ans (1825) : "Au mois de mai 1824, M. Deleau, docteur en médecine, fit connaître à l'Académie qu'il venait de donner l'ouïe à un enfant de neuf ans nommé Honoré Trézel, demeurant à Paris. Le succès avait été aussi complet que possible ; l'enfant, qui avant l'opération était complètement sourd, avait été mis à même d'entendre toute sorte de bruits, et même de reconnaître certaines intonations de la voix..."

Mémoire sur l'Art Fleuriste... (1900) par G. Debrie : "AUSSI loin que l'on remonte dans l'histoire du monde on constate que les fleurs ont toujours été aimées et que toujours elles ont tenu une large place dans le goût et les habitudes des peuples. Les Égyptiens, les Grecs, les Romains, les Gaulois, notamment, en firent un grand usage. Mais il est, sinon incontestable, du moins fort probable que l'emploi des fleurs ne revêtit jamais, chez les Anciens et les Modernes, le caractère artistique qu'il présente de nos jours. En effet, ce n'est guère que dans le cours des XVIe et XVIIe siècles que « l'Art fleuriste » commence à se manifester visiblement..."

Au temps du Chat Noir (1931) par Pierre Dufay (1864-1942) : "Avec Tortoni et le Divan de la rue Lepelletier, bureaux d'esprit, avec la Brasserie des Martyrs, le Rat mort et la Nouvelle Athènes, rendez-vous de toutes les bohèmes, Paris, sans remonter aux cabarets du XVIIe siècle et au Procope, a toujours compté des cafés où aimèrent à se retrouver artistes et gens de lettres. C'était là une tradition qui ne pouvait se perdre, à l'époque où quelque Homais, candidat probable aux prochaines élections, promulguait cet aphorisme semblant éclos dans l'âme d'un commis-voyageur « Les cafés sont les salons de la démocratie. » Aucun, parmi les clients qui, en décembre 1881, assistèrent, au 84 du boulevard Rochechouart, à l'ouverture du Chat Noir, « cabaret Louis XIII, fondé en 1114 par un fumiste » ne pouvait, cependant, présager les destinées de cet étrange estaminet qui, à la vérité, tenait plus d'un atelier que d'un salon..."

Brillat-Savarin, mort à Paris le 1er février 1826 (1926) par Marcel Rouff (1877-1936) : "Au mois de janvier 1826, le Président de la Cour de Cassation avertit le Conseiller Brillat-Savarin qu'en haut lieu, on s'étonnait de ne jamais le voir à la cérémonie expiatoire de la basilique de Saint-Denis, le jour anniversaire de la décollation de Louis XVI. Il n'y avait pourtant dans l'abstention du magistrat aucune pensée politique. Il servait de son mieux, avec une hauteur de conscience, une intégrité, et une humanité aussi, auxquelles ses collègues, sans exception, rendaient hommage, la monarchie restaurée, dans la charge qui lui avait été confiée, jadis, par le Premier Consul. Au surplus, issu de petite aristocratie provinciale, du seigneur de Pugieu, procureur du roi, il avait siégé à la Constituante comme député de Belley ; plus tard il avait dû fuir à pied jusqu'en Suisse sous les rafales de la Terreur il avait alors connu l'amertume des jours d'émigration aux Etats-Unis, subsistant médiocrement d'un emploi de premier violon au théâtre de New-York et de leçons de français. Encore tout animé du drame révolutionnaire, ..."

Le Duc de Morny, créateur de Deauville (1925) par Marcel Boulenger (1873-1932) : "Les portraits du duc Morny sont en général un peu froids, un peu morts. Ils s'accordent entre eux, soit. Sur tous on voit la belle figure, grave et distinguée, avec les petits yeux qui devaient si aisément sourire ; mais chacun d'eux est toujours un portrait officiel. Son Excellence porte presque invariablement l'habit, les grands cordons, les plaques. Hormis un seul tableau — en possession de la famille Morny - où notre homme d'État est représenté en vacances, vêtu de gros velours à côtes, et le fusil en main, au milieu d'un décor sylvestre, on ne voit jamais qu'images solennelles, tout ce qu'il y a de plus « président du Corps législatif. » Et encore le tableau dont nous parlons est-il d'un art vraiment trop modeste ; le personnage apparaît douceâtre et sans relief ; le velours du costume attriste les yeux par sa fadeur ; le fusil semble trop petit. C'est en tenue de vénerie, au moins, avec les hautes bottes, les bas blancs et la tunique galonnée qu'il fallait peindre ce duc-là..."

La Madeleine bolchéviste (1930) par Jules Chancel (1867-1944) : "Vers la fin de l’hiver 1930, je séjournai quelques jours à Varsovie, au retour d’une enquête faite pour le journal Candide, sur la frontière russo-polonaise. On se souvient qu’à cette époque, les persécutions du gouvernement soviétique contre les Koulaks, ou paysans, s’étaient déchaînées avec une violence toute particulière, qui, jointes aux persécutions religieuses, avaient littéralement affolé les malheureux citoyens du paradis bolcheviste. Les paysans en particulier étaient surpris et irrités de cette fameuse loi de la socialisation des terres qui leur apparaissait, non sans raison, comme une formidable injustice. La révolution russe s’était faite en effet sur le principe du partage de la terre et, pendant quelques années, les paysans éloignés des villes avaient pris l’habitude de vivre tranquilles sur les quelques acres qui leur avaient été concédées par Lénine. Ils travaillaient avec courage leur terre, vendaient leurs produits ou les gardaient, et, peu au courant de ce qui se passait ailleurs, étaient satisfaits de leur sort. Des gens satisfaits qui ne souffraient ni de la faim, ni de la terreur, c’était une anomalie en U. R. S. ; aussi arrivèrent un beau jour, dans ces campagnes reculées, des délégués du pouvoir central qui annoncèrent brutalement aux paysans que l’ère de la socialisation des campagnes commençait et qu’ils devaient abandonner leurs champs, leurs maisons, leurs animaux pour aller dans des casernes travailler en coopérative avec des machines..."

L’Impropriété des termes (1936) par AndréMoufflet (1883-1948) : "A plusieurs reprises, j'ai étudié dans La Grande Revue certains aspects de la crise du français : barbarismes et néologismes dans les journaux et dans la conversation courante, fautes de syntaxe et pléonasmes chez les écrivains, exagérations de la presse sportive, euphémismes de la littérature financière, hyperboles de la publicité. Aujourd'hui, je voudrais insister sur la catégorie d'erreurs la plus abondante, la plus fertile en exemples quotidiens, donc la plus contagieuse : les erreurs sur le sens des mots. Si la linguistique était une science exacte, si elle portait sur des grandeurs et des faits mesurables, personne ne s'aviserait de prendre un mot pour un autre, ni de faire dire à un mot autre chose que sa signification, pas plus qu'on ne confond 48 avec 67, triangle avec logarithme, parallélogramme avec azimut. A défaut d'une précision comparable à la certitude mathématique, la connaissance d'une langue suppose cependant que l'accord est réalisé entre les usagers sur un certain nombre de conventions qu'enregistrent, pour une période donnée, des instruments de travail appelés dictionnaires et grammaires. On reconnaît les gens à qui ces instruments n'ont jamais été familiers, tout comme ceux qui oncques ne surent très bien leur table de multiplication..."

Derrière les guichets : journal d'un employé de banque (1932) par Jean Cotton (18..-19..) : "Ce n’est plus la peine de le dire : vous le savez, votre concierge le sait ; personne ne l’ignore. Les banquiers, maîtres du monde moderne, créent une industrie, transforment une région, traitent avec un État aussi facilement que nous achèterions une petite maison de rapport à Orléans, et si les prodigieuses organisations qu’ils ont établies viennent à chanceler, le pays entier s’émeut, car il se sent menacé dans ses œuvres vives. Cette puissance titanesque, n’importe quel manuel d’économie politique se fait un jeu de l’exprimer techniquement, en quelques pages, dont l’aridité et la science seraient difficiles à égaler. Quant aux faits et gestes des financiers, nous en sommes informés tantôt par le compte rendu de leur collaboration au soutien des monnaies nationales, tantôt par la chronique judiciaire. Mais pourquoi n’est-il jamais question des employés de banque ? N’est-ce pas là toute une classe sociale ? Comment leur existence s’écoule-t-elle derrière ces guichets, où nous les entrevoyons, anonymes, en venant encaisser un chèque ?..."

Notice sur le moyen à employer pour maîtriser les taureaux (ca1833) par J.-A. Berger-Perrière : "Sans pouvoir préciser d'une manière certaine l'époque de l'invention des instrumens propres à maîtriser des animaux sauvages, dangereux, d'autres aussi soumis à la domesticité , nous rappellerons que depuis plusieurs siècles l'homme fait usage d'un moyen qui force certains quadrupèdes à lui obéir, et qu'il est quelques uns de ces animaux qu'il y doit habituer dès leurs premières années pour en continuer ensuite l'emploi toute leur vie..."

Perfectionnements apportés au télégraphe morse par M. Sortais (1863) : "On sait que, dans les appareils télégraphiques, système Morse, le papier sur lequel s'impriment les signaux se déroule par l'action d'un mouvement d'horlogerie. La marche du papier étant assez rapide, on amoindrit l'usure des rouages et on évite le remontage de l'appareil, pendant l'insertion d'une dépêche, en maintenant au repos le ressort moteur, tant qu'un signal quelconque n'avertit pas l'employé qu'une dépêche va lui être expédiée. Alors il faut débrayer le volant régulateur du mouvement, pour le ramener à l'état de repos, une fois la dépêche transmise...."

La Marseillaise de Rouget de L'Isle illustrée par Charlet (1840) [PDF]

L’origine du verbe « rater » et les anciennes armes à feu (1913) par Charles Buttin (1856-1931) : "L'histoire de l'armement n'a avec la philologie que de lointains rapports, et, lorsqu'elle entre en contact avec cette science, il semble que ce doive être plutôt pour lui demander l'origine de certains noms d'armes inexplicables que pour lui fournir elle-même une étymologie. Le cas cependant peut se présenter (1), et le verbe Rater en est un exemple curieux. A la fois transitif et intransitif, ce verbe s'emploie dans les cas les plus divers.."

Vénerie (1925) par Marcel Boulenger (1873-1932) : "De temps à autre, quand on ne sait que dire autour des coquetels (les ignorants écrivent cocktails) on parle de la chasse à courre. Il faut qu’on ait vraiment bien bu pour en venir à une conversation si grave. Le plus souvent, c’est une dame qui déclenche l’offensive. Une âme sensible, vous comprenez, une personne aux frissons exquis. Elle en est à son troisième « rose », ce qui ne fait que développer sa délicatesse : peu lui importerait de rencontrer un lion sur sa route, mais elle s’évanouit à l’approche d’une souris ; ou bien elle tuerait très bien de sa propre main certains hommes, alors que le trépas du moindre animal la met positivement à la torture. Elle sait qu’il y a là « un illogisme, une puérilité » : mais c’est quelque chose de plus fort qu’elle, une horreur involontaire, etc…"

Quand les contribuables se révoltaient : le siège de Guéret - 1848 (1938) par Armand Praviel (1875-1944) : "Ce matin-là, qui était le lundi 12 juin 1848, le nouveau préfet de la Creuse, M. Bureau-Desétiveaux, trouva dans son courrier une lettre qui ne laissa pas de le troubler. Elle provenait d’un honorable tabellion, maître Léonard Joubert, investi des fonctions de maire dans la commune d’Ajain, du canton tout voisin de Jarnages. La révolution de février, dans son désir ardent de tout rénover, n’avait eu rien de plus pressé que de destituer les préfets du roi Louis-Philippe ; elle les avait remplacés par des commissaires extraordinaires, au nombre de deux par département ; à Guéret, ç’avaient été le docteur Silvain Guisard et un certain Félix Leclerc. Mais la confiance des électeurs ayant envoyé le médecin politicien à l’Assemblée Nationale, M. Bureau-Desétiveaux avait été désigné pour le remplacer depuis plus de six semaines. Le Gouvernement donc avait eu beau ne rétablir que depuis peu les fonctions préfectorales et ne dater sa nomination officielle que du 8 juin, il était déjà suffisamment au courant des affaires du département et de l’état d’esprit des populations..."

Éloge de la Bêtise (1925) par Louis Latzarus (1878-1942)  : "J’ARRIVAI vers cinq heures, et trouvai seule près de son feu cette charmante femme que tout Paris connaît, honore et sert. On se demande comment elle fait pour réunir dans son salon tant de gens disparates, qui devraient se haïr et se haïssent en effet. Mais je crois avoir pénétré son secret qui est simple, bien que difficile à pratiquer. Elle donne à chacun la persuasion qu’elle l’aime particulièrement et au-dessus de tous les autres ; qu’elle seule au monde le comprend et ne le blâmera jamais, quoi qu’il se permette ; qu’ainsi il pourra tout lui dire sans rien risquer, et pas même l’indiscrétion. Elle veut tout savoir, sans que l’on sache si c’est par curiosité, ou parce qu’elle a remarqué que les hommes aiment à parler d’eux-mêmes. Mais, ce qu’on lui confie, elle le met avec ses propres affaires, dont nul n’a connu et ne connaîtra jamais aucune..."

La Paix allemande dite "Paix de Bruxelles" (1919).

[PROSPECTUS] : IVe République parti républicain de réorganisation nationale (1919).

Combattez et évitez la tuberculose (ca1919) : la plaquette, l'affiche [PDF].

Maisons de famille et de régime (1932) par M. L. Arsandaux : "Me regardant par-dessus son lorgnon, le docteur conclut : - En somme, rien de grave du tout. Du surmenage, tout simplement. Comme remède, du grand air, du repos, du sommeil. Qu’est-ce que vous comptez faire cet été ? Cet été ? Ma foi, je n’ai nulle envie de m’absenter. Donc, en juillet, je sortirai avec les amis qui ne quitteront Paris qu’en août. Ils m’emmèneront dîner à Vieux-Moulin, à l’Isle-Adam ou à Barbizon. On boira du champagne ; on dira des mots inutiles ; on se couchera à deux heures du matin. J’aurai mal à l’estomac et la migraine. En août, je sortirai avec les amis absents en juillet et rentrés le trente et un. A leur tour, ils m’emmèneront dîner à l’Isle-Adam, à Barbizon ou à Vieux-Moulin. On reboira du champagne ; on redira des mots inutiles ; on se recouchera à deux heures du matin, et j’aurai encore la migraine et mal à l’estomac. Voilà, mon cher docteur, ce que je compte faire. Mais puis-je avouer pareil programme à un homme qui me parle repos ? Comme je me tais, il reprend :  - Ce qu’il vous faut, c’est quitter Paris. Allez-vous-en. Couchez-vous à dix heures, levez-vous à huit. Dormez, dormez beaucoup ; on dort mal à Paris. Nous sommes en mai, voici les beaux jours : partez et ne rentrez pas avant septembre...

La Prison de Saint-Lazare sous la Révolution(1935) par Léon Bizard (1872-1942) : "On était en juillet 1789. L’antique et célèbre enclos de la léproserie de Saint-Ladre-lez-Paris – devenue au XVIIe siècle le chef-lieu des Prêtres de la Mission, centre où convergeaient toutes les belles œuvres charitables fondées par saint Vincent de Paul – continuait la même existence claustrale de chaque jour où les mêmes heures rappelaient les mêmes devoirs, les mêmes observances. Cette apparente tranquillité n’empêchait nullement les bruits de la cour et de la ville de franchir les épaisses murailles du couvent de Saint-Lazare et de venir troubler dans leurs exercices les Pères qui, retirés du monde, n’avaient voulu jusqu’ici rien connaître hors du service de Dieu. Ils ne pouvaient ignorer cependant l’intense bouillonnement des idées – conséquence inévitable de cette philosophie si caractéristique du XVIIIe dont Fontenelle et Condillac avaient semé les germes à la fois abstractifs, sensoriels, métaphysiques, politiques et philosophiques – qui allaient bouleverser un peuple et le monde...."

Aurélien Scholl et son temps (1936) par Marcel Marter (1891-1944) : " Débarqué à Paris au début de 1851, Aurélien Scholl avait embrassé la carrière de journaliste avec cet esprit combatif qu’on rencontre chez la plupart des jeunes hommes et avec, en plus, une fougue extra-belliqueuse qui était le propre de son tempérament vigoureux. A vingt-quatre ans, Scholl était devenu sans conteste le polémiste le plus incisif, le chroniqueur le plus spirituel, le nouvelliste le plus redouté de Paris. Il avait pris pour devise : « Dis ce que penses, advienne que pourra ! » Car, ce sceptique railleur et amer, ce viveur désabusé avait une âme de chevalier : sous le persiflage spirituel, on pouvait découvrir une colère latente. C’est qu’il avait la haine du vulgaire, le mépris du commun traditionnel, le dégoût des petites lâchetés, des servitudes de toutes sortes dont est faite la vie...."

Les Meunières du Moulin Rouge (1925) par Marcel de Bare (18..-19..) : "La deuxième résurrection du Moulin Rouge ramène l’esprit du vieux Parisien au temps où Montmartre était le centre de la fête mondiale. Pour les jeunes gens qui ne l’ont pas connu et pour ses contemporains qui l’ont tant aimé, évoquons donc le vieux Moulin qui vécut si joyeusement sans le secours des décors et des vedettes, qui fut non pas une scène de grand spectacle comme aujourd’hui, mais un théâtre de la comédie humaine dont les acteurs jouaient dans la salle les épisodes les plus pittoresques. Ils venaient du boulevard des Italiens et de Buenos-Aires, de San-Francisco et de Grenelle, d’Avignon et de Yokohama, de Pétersbourg et de Bordeaux. Ils venaient de tout Paris, de toutes les provinces françaises, de tous les pays de l’univers : de même que le « canard marseillais » a donné, dit-on, l’idée du chemin de fer de ceinture, le Moulin Rouge doit avoir inspiré celle de la Société des Nations ! Quelle fraternisation des peuples dans la joie !.."

Notice sur la fondation de la Rosière à Château-Gontier (1879) : " Au commencement du 6e siècle, le siège épiscopal de Noyon était occupé par un Prélat d'une haute vertu et dont le nom brille au Martyrologe.  Nous voulons parler de SAINT-MÉDARD, onzième Evêque de Vermans, qui, après le sac de cette ville par une invasion de barbares, transféra sa résidence épiscopale à Noyon, près de ses domaines de Salency, où il était né et dont il était seigneur. Parmi tous les bienfaits qu'il répandit à profusion dans le pays soumis à sa juridiction, il est une institution qui domine toutes les autres et dont l'influence, malgré les siècles, est parvenue jusqu'à nous, entourée de tout un cortège de gracieuses images et de pieux souvenirs. C'est la Fête de la Rose, d'où est venu le nom de Rosière. Désirant encourager les jeunes gens à la pratique de la vertu et leur famille à une conduite toujours exemplaire,..."
 
Propos sur l'intelligence (1926) par Paul Valéry (1871-1945) : " Il arrive que l'on demande à quelqu'un s'il y a une crise de l'intelligence, si le monde s'abêtit, s'il y a un dégoût de la culture, — si les professions libérales pâtissent, songent à la mort, sentent leurs forces décroître, leurs rangs s'éclaircir, leur prestige devenir de plus en plus mince, leur existence de plus en plus ingrate, précaire, mesurée... Mais ces questions surprenant ce quelqu'un, qui s'en trouvait fort éloigné, il faut bien qu'il se reprenne, qu'il se retourne en soi-même vers elles, qu'il se réveille de ses autres pensées, et qu'il se frotte les yeux de l'esprit, qui sont les mots. — Crise ? se dit-il tout d'abord, qu'est-ce donc qu'une crise ? Décidons de ce terme ! — Une crise est le passage d'un certain régime de fonctionnement à quelque autre..."

Fragments historiques relatifs à la campagne de 1815 et à la bataille de Waterloo (1829) par Emmanuel de Grouchy (1766-1847) : " M. le Cte Gérard, dans une lettre écrite à mon fils, le 1 4 janvier 1820, à l'occasion de ma Réfutation d'un ouvrage du général Gourgaud (1), s'exprime en ces termes : « Vous annoncez que M. le Cte de Grouchy à son arrivée en France doit faire paraître des mémoires plus détaillés : s'il persiste à y faire figurer les assertions erronées qu'il a publiées dans son premier ouvrage, sur le 4me corps et son chef, malgré le peu de goût que j'ai à entretenir le public de moi, je prends l'engagement de les détruire sans réplique. » Avant que j'aie rien publié, sans savoir ce que je publierai, et si, en repoussant des inculpations imméritées je me plaindrai du 4me corps et de son chef, M. le Cte Gérard prend l'initiative d'une discussion à laquelle notre confraternité d'armes me fait éprouver un extrême regret de devoir me livrer..."

Le Pain brié à Venise (1914) par Georges Celos (1870-1939) : "Lorsqu’on écrit des livres du genre de mes Pains briés, on s’expose à un danger et on en fait courir un autre. On rencontre, dans le monde, des jeunes filles qui vous demandent de lire vos œuvres complètes sur le pain, dont elles ont entendu les titres, qui leur ont paru bien innocents. Comme leurs parents se taisaient à ce sujet, elles croient faire plaisir en en parlant à l’auteur. Et celui-ci ne sait comment expliquer à ces jeunes filles que, dans les boulangeries de certains pays, il y a des pains – comment dirais-je ? – qui paraissent avoir des velléités de prendre Berg-op-Zoom (1), et que ce sont ces pains-là qui ont fait l’objet de ses petits livres. Les Grecs et les Romains anciens, n’eussent point été choqués, de ces travaux, car leur civilisation avait compris qu’il n’existe rien de honteux dans la nature ; et les formes naturelles, celles justement qui sont parfaites entre toutes, puisque d’elles seules dépend la pérennité de l’Être et la succession des existences, ces formes étaient entrées dans leurs religions, dans leurs coutumes. Mais quelques siècles – quelques instants infiniment petits dans l’indéfini du temps – suffisent pour changer les croyances et les mœurs des hommes. Ce qui semblait ordinaire aux Athéniens de jadis, dont la morale avait des conceptions toutes différentes de celles enseignées aujourd’hui, paraît maintenant, à certaines gens, comme abominable, monstrueux, et dans l’obligation  d’être caché, bien que très naturel. Je sais bien pourquoi..."

Ce que valent les serments d'Hitler (1940) [PDF]

Allocutions radiodiffusées et discours prononcés par Jean Giraudoux, Raoul Dautry, Paul Raynaud et Jules Romains : décembre 1939-avril 1940.

Le Futur armistice : Allocution radiodiffusée prononcée le 11 novembre 1939 par Jean Giraudoux (1882-1944).

Alsace et Lorraine : Allocution radiodiffusée prononcée le 10 novembre 1939 par Jean Giraudoux (1882-1944).

Résumé de la questions des haras et des remontes,... (1844) par Colonel-comte Pierre Joseph de Turenne : "IL y a environ quinze mois que la Société royale de St-Quentin, dont nous avons l'honneur d'être membre, nous chargea de lui faire un rapport sur les haras et sur la polémique élevée au sujet de cette question. Nous avons dû prendre connaissance de tout ce qui s'est écrit de saillant sur cet important sujet. Nous avons reconnu bientôt, que notre travail, pour être complet, devait dépasser les bornes d'un simple rapport ; et nous nous sommes déterminé à le livrer à l'impression. Nous entrons donc à notre tour dans la polémique soulevée par l'expérience inquiétante de 1840. Cette question est d'une nature complexe. Elle est à la fois politique, militaire et agricole. Il nous a paru qu'elle avait été, considérée jusqu'ici , tantôt sous une de ces faces, tantôt sous une autre, mais point encore dans son ensemble. Un militaire ne voit pas toujours en agriculteur. Un agriculteur, pas toujours en militaire. Certaines vues ne sont ni militaires, ni agricoles..."

Voyage d’exploration dans la Hongrie inconnue (1922) par Jean de Bonnefon (1866-1928) : "Sous un ciel triste et beau comme un grand désespoir, l’automobile va vite, sur la route, à perte de vue, à travers la plaine hongroise, dans un paysage d’estampe où les taches errantes des paysans se mêlent à la tache noire des terres labourées. Le Danube coule au fond du paysage, mais invisible comme un Dieu couché. Un parfum de miel monte de partout dans le mouvant décor des prairies coutumières ourlées de collines. Les silhouettes épiques des châteaux dominant la pourpre rouillée des bois trempés de brume, alternent avec les clochers d’églises guillochés comme des sceptres de rois. Les petits étangs, où les cerfs vont boire sans peur, sont sur la terre comme de grands miroirs brisés et oubliés, autour desquels des troupeaux de bœufs mal racés, ruminent lentement sous le passage des nuages ronds..."

Paroles d'un solitaire (1923) par Louis de Robert (1871-1937) : "La condition, le rang, la fortune, les événements d’une existence eux-mêmes n’ont pas aux yeux du solitaire l’importance que leur accordent généralement les hommes. J’ai cinquante ans. C’est l’époque de ma vie que je préfère. Quand il m’arrive de considérer un instant de mon passé, je me prends en pitié, car il est rare que, depuis, je  n’aie pas appris quelque chose et l’instant que je considère me paraît toujours situé dans une région inférieure et comme vue à l’étage au-dessous. J’ai désiré tous les biens de ce monde : la fortune, la puissance, la gloire. Je n’ai gardé que le goût du travail, une grande curiosité d’esprit et le même enthousiasme pour tout ce qui est beau, grand ou juste. Le reste, je l’ai laissé derrière moi, sans regrets, sur ma route..."

La Chine en folie : Choses vues (1923) par Albert Londres (1884-1932) : "Rois, ministres, officiers, gens du peuple, à bas de vos chevaux. A Pékin, dans l’enceinte du Palais d’Hiver, face à la montagne de charbon aux cinq pics et cinq pagodons, sur une stèle millénaire, en cinq langages : mongol, mandchou, chinois, turc et thibétain, ainsi, la vieille Chine, orgueilleusement, apostrophait le passant. A vous tous qui désirez me suivre par les trouées obscures du Céleste Empire en déliquescence, hommes de peu ou de bien, traîneurs de mélancoliques savates ou abonnés de rubriques mondaines, moi, diable blanc et barbare d’Occident, du haut du rickshaw (Pousse-pousse) qui me roule présentement sur le sol immonde et vénéré de la Chine, je crie..."

Keepsake à la Japonaise (1923) par André Tudesq (1883-1925) : "Vers cinq heures, flâner dans Ginza, se perdre dans le labyrinthe de boutiques, ruelles, canaux, impasses, qui le flanquent, n’est pas qu’un passe-temps d’artiste : tel au pied de Stamboul, le pont de Galata, ou le corso des villes italiennes, c’est d’un poste de guet idéal observer gens et mœurs. C’est déchiffrer à ciel ouvert la chronique du Japon moderne. Dans le tumulte des trams inverses, à travers les embardées d’autos, qui, menant train d’enfer, malgré le principe à l’anglaise de tenir la gauche, se doublent, se dépassent, traitent la rue en pays conquis, deux singularités vous frappent : l’extraordinaire pullulement des bicyclettes dont l’excès n’a d’égal que l’acrobatique virtuosité de ceux qui les montent, – et surannés, pittoresques et charmants, les pousses et leur équipage..."

Souvenirs : pages inédites (1923) par Lucien Guitry (1860-1925) : "L’insomniaque est celui qui ne veut pas dormir. Il y a le malade que sa souffrance empêche de prendre du repos, l’homme inquiet que ses préoccupations maintiennent éveillé, l’anxieux qui attend et le peureux qui s’épouvante, mais l’autre, l’insomniaque, préfère vivre, et vivre conscient. Tout lui est excellent prétexte pour mal accueillir le sommeil, quitte à maugréer contre ce qui lui fait obstacle. J’ai connu cet état. J’ai vu se violacer la fin des nuits blanches, puis bleuir le jour et rosir les nuages sous les jeunes rayons du soleil renaissant. Je sais ce que c’est que redonner brusquement toute la lumière à une chambre plongée dans les ténèbres, parce que la cuiller du verre d’eau a touché le fond, après dissolution du morceau de sucre sur quoi elle reposait..."

Le roman comique de Scarron, peint par J.B. Pater et J. Dumont le Romain (1883) : "LES vers de Scarron, le créateur et l'Empereur du Burlesque, ne sont plus qu'une curiosité littéraire et historique. On lit encore un peu sa grossière, mais amusante comédie de Don Japhet d’Arménie, un peu moins ses Nouvelles à l'Espagnole, bien que l'une d'elles, la Précaution inutile, ne soit étrangère ni à l'École des maris de Molière, ni au Barbier de Séville de Beaumarchais, et que le Tartuffe doive aussi quelque chose à celle dont Montufar est le héros, mais on lit toujours son roman inachevé. L’épopée provinciale de sa Troupe Comique ne vit pas par les histoires sentimentales qui la coupent à l'imitation de Don Quichotte et qui ont fait son succès auprès des belles dames de son temps, mais par la gaieté communicative de ses peintures prises sur le vif et par sa qualité contemporaine. C'est le meilleur roman bourgeois du XVIIe siècle, et il n'a pas peu contribué, mieux que par des attaques directes, à dégonfler les ballons des bergeries à la d'Urfé et des préciosités à la Romaine..."

Espiègleries d'Armantine l'entretenue du petit bossu (ca1857) : " C'est par un de ces jeux qu'ARMANTINE FREMONT naquit dans la loge d'un portier, et du Marais encore ! A peine ses petites mains purent-elles servir à quelque chose, qu'elle tira le cordon, alluma le fourneau à l'entrée de la cour, reçut les lettres des facteurs, les clefs, les chandeliers et tous les messages des locataires. Sa mère était rempailleuse de chaise, et son père tourneur. La morveuse alla, dans son enfance, à l'école gratuite de l'arrondissement, et parvint ainsi jusqu'à l'âge de douze ans, sans marquer autrement que par l'éclat d'une beauté qui promettait d'être sous tous les rapports, vraiment extraordinaire. Quant à son goût dominant, il consistait dans la lecture continuelle de comédies, de tragédies, de vaudevilles et de mélodrames ; elle employait tout le produit de ses broderies à se procurer de ces ouvrages : c'était une passion qui tenait de la démence ; et sa mère avait beau la gronder, la menacer ; inutiles tentatives ! Armantine revenait sans cesse à ces hochets favoris, en faisait ses délices jour et nuit, et se meublait la mémoire d'une quantité de rôles qu'elle répétait avec infiniment de goût et d'intelligence..."

Les Faux bruits et les légendes de la guerre (1918) par Albert Dauzat (1877-1955) : "Toutes les époques troublées, en provoquant la surexcitation des cerveaux faibles, donnent naissance à un grand nombre de faux bruits qui, lorsqu'ils correspondent à l'état d'esprit du milieu, ont tôt fait de s'accréditer dans l'âme simpliste des foules. Les guerres sont particulièrement favorables à la production de ces phénomènes psychologiques. La conflagration actuelle, malgré l'état avancé de notre civilisation, ne pouvait échapper à la loi générale : à l'observateur curieux elle fournit une abondante et pittoresque récolte, en permettant de saisir sur le vif la formation et l'évolution des légendes..."

De l'Utilité du faux bruit (1919) par Victor Cornetz : "Aux intéressantes pages consacrées dans cette revue par M. A. Dauzat aux faux bruits et légendes de la guerre (1) je me permettrai d'ajouter quelques remarques en me plaçant à un point de vue spécial, celui de l'utilité et de la nécessité biologique du faux bruit (2). Pour certains lecteurs au courant des belles études philosophiques de Jules de Gaultier j'aurai probablement l’air d'enfoncer une porte ouverte, mais peut-être pas pour beaucoup d'autres..."

Propos sur le cinéma (1919) par Georgette Leblanc (1869-1941) : "Une question se pose souvent, à laquelle il ne nous semble point possible de répondre. Comment nos parents pouvaient-ils se passer des commodités ou des distractions qui nous sont devenues indispensables ? Comment remplissaient-ils les heures vides, ceux-là qui ne connaissaient ni les joies de la bicyclette, ni la rapidité de l'automobile, ni les péripéties du bridge, ni les plaisirs du tango, du tennis, du fox-trott ou du golf ?.."

Polynésie (1929) par Jean Dorsenne (1892-1945) : "C’EST en somme à Tahiti que j’ai le plus souvent senti l’odeur de l’allégresse. Elle y est subtile au point qu’on ne la perçoit guère qu’à la prime aurore, à l’heure où les parfums s’éveillent, s’exaltent et meurent en un instant, comme les elfes de la légende allemande ; ou encore, durant les fugitifs crépuscules, quand le soleil atténue l’ardeur des rayons sous lesquels, tout le jour, il a maintenu la campagne asservie. Elle vous saisit à l’improviste et transforme incontinent le noir chagrin et l’humeur mauvaise en une jubilation mystérieuse, sans cause apparente, en une joie si secrète, si profonde que notre pauvre cœur déshabitué du bonheur ne peut la ressentir sans une vague souffrance, semblable à ces sourdes douleurs qui, dans la poitrine, vous empêchent de respirer profondément de crainte que ne se rompe quelque organe essentiel. Est-ce la tare de l’originel péché qui laisse traîner ainsi, au fond de nos transitoires délices, cette confuse alarme, cet arrière-goût d’indélébile amertume ?.."

Le Cheval (1930) par Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) : "Avant le reste : mes clartés personnelles sur un problème assez obscur. Tous ceux qui en ont écrit semblent s'être entendus pour déclarer le cheval stupide. Mais ils se rejettent sur sa fabuleuse mémoire pour lui garder son rang dans l'estime humaine. Je crois qu'il y a erreur. L'explication vraie de la mentalité cheval, j'ai idée de l'avoir découverte au cours de mon intimité fort longue avec cet incompris. Et d'abord, pourquoi lui vouloir de l'intelligence ? Les animaux ont l'instinct, « intelligence de Dieu », comme disait un vieux docteur normand que j'ai connu, l'instinct, ligne droite d'un point à un autre, à côté des piteux zigzags où nous égare notre prétendue lumière. L'intelligence, quelle mesquinerie, quelle gênante machine à retardement ! Le cheval est autre chose qu'intelligent ou bête. Il a l'absence de sentiments d'un intermédiaire occulte, car c'est un animal médium. Il n'y a pas d'autre secret. Voici quelques preuves. Elles serviront à ceux qu'intéresse encore l'équitation, car ils pourront à leur tour, aiguillés sur cette nouvelle voie, constater après moi son exactitude..."

Essai sur l'emploi figuré des termes de guerre dans le langage contemporain (1919) par Georges Prévot (1890-1976) : "Les guerres ont toujours eu, au cours des siècles, une réper­cussion très marquée sur le langage contemporain. La néces­sité de désigner par des termes commodes des inventions ou des habitudes nouvelles, issues de l'état de guerre, les relations avec les peuples étrangers, alliés ou ennemis, et différents de race ou de langue, la prédominance prise par l'élément militaire, et, dans les conflits récents, le mélange des diverses classes sociales, introduisent dans le parler courant des mots jusqu'alors inconnus, soit importés, soit créés de toutes pièces, ou bien ressuscitent des mots anciens dont on avait cessé de se servir, ou bien encore répandent des expressions techniques, des mots d'argot, des locutions de patois local..."

L'Argot de nos prisonniers en Allemagne (1919) par Albert Dauzat (1877-1955) : "L'argot de nos prisonniers en Allemagne diffère profondément de celui qui était parlé par nos soldats au front ou à l'arrière (1). Isolés de leurs camarades et de la France pendant des mois et des années, réunis en groupes compacts et vivants en commun en pays étranger, ils remplissaient les conditions les plus favorables à la formation d'une langue spéciale, tout autre que celle des tranchées et des dépôts..."

Bécon-les-Bruyères (1927)  par Emmanuel Bove (1898-1945)  : " LE billet de chemin de fer que l'on prend pour aller à Bécon-les-Bruyères est semblable à celui que l'on prend pour se rendre dans n'importe quelle ville. Il est de ce format adopté une fois pour toutes en France. Le retour est marqué de ce même « R » rouge que celui de Marseille. Les mêmes recommandations sont au verso. Il fait songer aux gouverneurs qui ont la puissance de donner à un papier la valeur qu'ils désirent, simplement en faisant imprimer un chiffre, et par enchaînement, aux formalités administratives qui ne diffèrent pas quand il s'agit de percevoir un franc ou un million..."

Les Parisiens comme ils sont (1830-1846) suivi du Traité de la vie élégante (1830) par Honoré de Balzac (1799-1850) : " SEMBLABLE à une jolie femme, le Cigare a aussi ses  adorateurs, ses favoris, ses victimes et ses détracteurs. Il séduit d'abord, enivre ensuite, et parfois entraîne à des excès nuisibles ceux qui s'y livrent. On voit le Cigare, et l'on désire en essayer ; on hésite, mais on en goûte ; on y retourne, et l'on s'y habitue. Bientôt après commence le chapitre des inconvénients. Chaque jour, ils se renouvellent, et l'on s'en aperçoit. Toujours ils augmentent, et l'on songe à s'en débarrasser. Mais alors, il n'est plus temps : l'usage du cigare, caprice passager, devenu une habitude, est une nécessité, et, comme une maîtresse absolue, il tyrannise quand il a cessé de charmer, jusqu'à ce qu'enfin il soit sacrifié à un commencement de passion plus violente que celle qui s'éteint..."

 La Littérature au café sous le Second Empire (1932) par Henri d'Alméras (1861-1938) : "Qu'auraient dit, qu'auraient pensé l'abbé Delille, Rivarol, le marquis de Sainte-Huruge, Camille Desmoulins, ou simplement ce bon M. de Jouy, qui exerçait la profession d'Ermite, s'ils avaient pu voir ce qu'était devenu, vers le milieu du siècle dernier, le Palais-Royal, leur Palais-Royal ? Jadis centre de tous les plaisirs et de tous les vices, il mourait, lentement, d'un accès de vertu, dont il n'était pas responsable et qu'à toute heure du jour et de la nuit, il déplorait. La suppression des maisons de Jeu, le 1er janvier 1838, lui avait porté un coup terrible dont il ne devait jamais se relever. De ce cadre magnifique, de ces jardins enchantés, où le cœur de Paris avait battu, où débuta la Révolution, que restait-il désormais ? Une sorte de Palais de la Belle au bois dormant. Sous les arcades, dans les allées qui avaient entendu tant de rires et de chansons, et aussi tant de cris de mort, passaient sans doute, à la nuit tombante, les ombres mélancoliques des gastronomes repus et des nymphes vieillies. Les cafés abandonnés,  que remplissaient naguère demi-soldes et gardes du corps, s'enveloppaient de silence et semblaient peuplés de fantômes..."

Le Parabolain (1894) de Léon Riotor (1865-1946) : " DANS le désir d'avancer coûte que coûte, de vous inquiéter de demain sans songer à aujourd'hui, vous ne regardez pas autour de vous ; les palissades, dites-vous, sont faites pour être renversées. Demain nous ne serons plus là : vous pleurez sur le sort de ceux qui nous succéderont, sans un regard sur ceux qui nous entourent. Cet amour de l'avenir, tout autant que le culte du passé, est généralement utopique et demeure stérile. Pour frapper d'une manière efficace l'intelligence de masses ignorantes, les créateurs de religions leur parlaient des plaisirs promis... plus tard... Il n'existe plus guère que des masses passionnées, mobiles comme les vagues de la mer ; de véritablement ignorantes, non. Laissez donc ce moyen de prosélytisme aux demi-philosophes qui s'autorisent seulement de ce qu'ils peuvent faire accroire aux autres..."

 De l'étude de l'Antiquité dans les collèges (1850) par Louis Brégan (1829-1870) : "Un parti qui a pour lui l'avenir et que le cours des événemens peut d'un jour à l'autre élever au pouvoir, doit moins songer à ruiner l'ennemi qu'à mettre l'ordre dans son camp. Il ne s'appliquera pas tant à précipiter sa victoire qu'à s'en rendre digne, et craindra moins de la voir reculée que de la voir inféconde. S'il est un parti qui doive se préparer sérieusement à gouverner la France et le monde, c'est le parti démocratique. Et cependant, de profonds dissentimens le divisent sur des questions si importantes, qu'il serait appelé à les résoudre dès le lendemain de son triomphe. Il importe dès à présent de s'entendre. Les divisions qui font la faiblesse d'un parti deviennent des malheurs publics, lorsque ce parti arrive au pouvoir avant de les avoir effacées..."

 Essai sur le parapluie (1900) et Psychologie du Bonneteau (1895) par Marcel Schwob (1867-1905) : "J'avais un parapluie, la mort me l'a ôté. Elle l’a emporté au début de sa carrière ; il était jeune encore, et sans doute un jour il eut ouvert son aile pour s'envoler sur les grandes cîmes ; un coup de vent l'a brisé ; il n'est plus. Je me sens attiré par une certaine commisération vers les parapluies ; je les ai beaucoup aimés, et j'ai encore pour eux un faible que je crains. Celui-là m'avait séduit par son élégance, sa taille gracieuse, sa mignonne tête d'ivoire ; ses os étaient menus, allongés, sa chair en poult de soie avait des reflets d'un charme infini, et, quand il s'épanouissait, il planait comme un vrai petit bas bleu à hauteur des fenêtres d'un rez-de-chaussée. Il n'allait pas jusqu'aux nuages ; il fuyait les ruisseaux ; il avait une affection perverse pour l'humidité, il se laissait suggérer tout ce qu'on voulait, avec un coup de pouce ; ses huit baleines lui permettaient un développement raisonnable...."

 
La Lettre à travers les âges (1897) de E. Marquant : " L’ÉCRITURE hiéroglyphique, dont le nom signifie gravure sacrée, formait le système graphique des anciens Egyptiens. Elle prenait plus spécialement le nom d’hiéroglyphique quand elle était employée sur les monuments. Elle s’appelait hiératique (grec, hieros, sacré) quand elle était employée dans les manuscrits, les prêtres faisant servir ce genre d’écriture à la propagation de leurs doctrines religieuses. Les hiéroglyphes nous sont parvenus par ceux qui ont été trouvés sur les monuments, monolithes ou obélisques, – dont celui de la place de la Concorde à Paris, offre un des plus beaux types, – et  surtout sur les colonnes hermétiques qui étaient entièrement couvertes d’hiéroglyphes, et placées dans l’endroit le plus mystérieux des temples égyptiens..."

 Lettres d'Henry IV à Corysande (1585-1597) : "IL n’est rien de si vray qu’ils m’apprestent tout ce qu’ils peuvent. Ils pensoient que j’allasse de Grenade vous voir ; il y avoit au moulin de Montgaillart cinquante arquebusiers qui prirent mon laquais et le retinrent jusques à ce qu’ils eussent sceu que j’estois party de Grenade pour venir icy. Ne craignés rien, mon ame. Quand ceste armée qui est à Nogaro m’aura monstré son dessein, je vous iray voir et passeray sur les ailes d’Amour, hors de la cognoissance de ces miserables terriens, aprés avoir pourveu, avec l’aide de Dieu, à ce que ce vieux renard n’execute son dessein..."

 Prosper Béroux roi des Loudonniaux, l'épopée des humbles du Maine de Roger Verdier (1899-1995) : " Mon gars Prospè, faut qu' tu m'vendes ç'viau là!…" Assis face à face, les coudes sur la table graisseuse, les deux hommes s'affrontent. Dans la cheminée, un grand feu enveloppe la marmite de ses franges de flammes. Des lueurs s'accrochent aux reliefs du mobilier. Un méchant lit de noyer vêtu d'un couvre-pied surmonté d'un édredon dodu; un corps de buffet dit "basset" aux pieds cagneux, décoré de rosaces; une table desserte appuyée au mur sous un invraisemblable bric à brac d'ustensiles de cuisine. Une petite femme sèche, à la peau jaune, sans âge, s'agite autour de la pièce en faisant claquer ses sabots sur le pavé délabré..."

[BULLETIN DE CENSURE] Index français, ouvrages contraires à la religion et aux mœurs : [Sélection de critiques] (1844-1848).

[BULLETIN DE CENSURE] Almanachs (1844) : " L'Almanach est un livre auquel s'est attachée depuis quelques années une effrayante popularité ; effrayante est le mot, car toutes les mauvaises passions, passions anarchiques, passions irreligieuses, passions immorales, se sont emparées de cette forme circulante et de ce titre populaire, pour se glisser subrepticement dans les familles sans défiance, et y distiller leur dangereux poison. Autrefois nous n'avions que deux ou trois almanachs qui renfermaient des notions utiles, simples et claires sur les choses de la vie usuelle, des conseils pratiques aux agriculteurs, aux éleveurs, aux horticulteurs, etc., le tout mêlé à de sages maximes, à de nobles exemples de piété et de vertus ; ces almanachs formaient toute la bibliothèque du peuple ; et franchement, en était-il plus mauvais ? "

Les Amours secrètes des grisettes (1828) par J.-B. Ambs-Dalès (1802-1857) : " Afin de procéder méthodiquement à la revue des grisettes des divers quartiers de Paris, nous commencerons par mettre à contribution les environs du Bazar de l'industrie universelle, autrement dire du Palais Royal ; c'est dans les rues de Richelieu, Neuve des Petits-champs, Vivienne, Feydeau, etc., que nous prendrons d'abord nos modèles : ce quartier est celui particulièrement de nos fringantes modistes. Elles méritent particulièrement l'honneur de tenir le premier rang dans ce recueil, et nous nous faisons un devoir de le leur assigner. Une démarche aisée quoiqu'un peu prétentieuse, une mise décente, un langage recherché dans la conversation : voilà ce qui distingue les modistes d'avec les autres grisettes... "

Qu’est-ce que l’Ame slave ? (1925) par François Porché (1877-1944) : "NOUS avons tout perdu, disait un de ces Russes dispersés à travers le monde, comme il y en a tant aujourd'hui (1), nous avons perdu nos parents, nos terres, notre situation sociale, nous sommes sans domicile, sans profession, sans argent, mais il nous reste le charme slave. Et, là-dessus, il riait, comme ils rient tous, un peu nerveusement. Mais quant à s'expliquer sur la chose même, sur ce charme qu'il considérait comme le privilège imprescriptible de sa race, cet exilé n'en avait cure, tellement il s'agissait, dans son esprit, d'une vérité évidente. L'expression, de fait, est si courante, qu'elle a pris l'apparence d'un axiome. On dit le « charme slave » comme on dit le « bon sens français »... "

Les Marchands d'ustensiles de ménage [et] Les Maraîchers (1842) par Joseph Mainzer (1801-1851) : "JE ne connais point, parmi les crieurs des rues, à l’exception des maraîchers, de classe plus nombreuse ni plus variée que celle-ci, dont je n’entreprends, pour ainsi dire, que l’énumération ; il faudrait des volumes pour décrire d’une manière complète tous les individus qui la composent. Et pourtant le nombre n’en est pas encore aussi considérable qu’il pourrait l’être si chacun d’eux adoptait une spécialité pour son commerce ; mais on en voit plusieurs qui roulent sur des voitures longues, basses et légères, de véritables magasins où figure de la façon la plus séduisante, et à des prix dont la modicité étonne, un assortiment presque complet des objets que peut désirer une ménagère. Tels sont, par exemple, ces petits marchands à prix fixe, que l’on rencontre à toute heure de la journée, principalement dans les faubourgs, et qu’on entend crier incessamment, avec une voix rauque semblable à celle de Vernet jouant un rôle de bossu...."

Le Trésor de la cuisine du bassin méditerranéen par 70 médecins de France (ca1937) : Brillat-Savarin place les médecins dans la catégorie des « gourmands par état » : « Vous êtes, leur dit-il, un jour où, sous la présidence du docteur Corvisart, il assistait lui « neuvième », (ainsi se qualifie l’auteur de la Physiologie du goût) à un repas de médecins, vous êtes les derniers restes d’une corporation qui, jadis, couvrit toute la France. Hélas ! les membres en sont anéantis ou dispersés… Plus de fermiers généraux, d’abbés, de chevaliers, de moines blancs : tout le corps dégustateur réside en vous. Soutenez avec fermeté un si grand poids, dussiez-vous essuyer le sort des trois cents Spartiates au pas des Thermopyles… »

 Des connaissances hippiques chez les Arabes, Des races animales en Algérie (1853) par Jean-Henri Magne (1804-1885) : " L'Orient est une des contrées sur lesquelles on nous a raconté, relativement à la production et à l'entretien des chevaux, les choses les plus extraordinaires et les moins en rapport avec ce que nous savons sur la fertilité de ce pays et sur les mœurs de ses habitants. Pendant des siècles, on a enseigné que tous les chevaux, en Arabie, sont élevés, soignés, ménagés comme les enfants de la tribu ; qu'on les nourrit avec du lait de Chamelle ; qu'on ne les fait travailler qu'à l'âge où ils peuvent résister à toutes les fatigues ; que l'Arabe ne les maltraite jamais. Depuis la conquête, à cette opinion en a succédé une autre. Les Arabes, répète-t-on souvent, abusent des forces de leurs chevaux ; ils les soignent mal, les maltraitent et les nourrissent à peine pour les faire vivre. Ces deux opinions nous ont toujours paru beaucoup trop exclusives..."

 Études sur le prolétariat dans les campagnes – Jean-Louis le journalier  (1850-1851) par Eugène Sue (1804-1857) : Ce récit est réel de tous points, ainsi que l’indique le titre de ces études ; ce que je raconte, je l’ai vu ; un long séjour à la campagne, où m’appelaient un besoin croissant de retraite, de solitude et de travail, m’a mis à même de connaître des misères, des douleurs, et parfois des vices, fatalement inhérens à la condition sociale du prolétaire des champs ; ce sont, pour ainsi dire, des chiffres moraux que je pose ; une sorte de bilan de l’état physique et intellectuel d’une population que j’ai attentivement étudiée ; attiré vers elle, par l’attrait du malheur d’abord, puis par l’attrait des bonnes et vivaces qualités que n’étouffent jamais entièrement ces vices auxquels ces populations sont parfois forcément condamnées, oui, forcément condamnées ; pour qui a réfléchi, pour qui a sans passion, sans préjugés, observé en pratique l’humanité, il est incontestable : « que l’homme par instinct, par nature, est bon, sensible, généreux, et selon la mesure de son intelligence et de l’instruction qu’il a reçue, accessible à tous les sentiments délicats et élevés ; la mauvaise éducation, le milieu où nous vivons, l’ignorance, et surtout la misère et l’abandon, seuls, nous dépravent, nous rendent criminels, mais jamais assez cependant pour que l’excellence originelle de notre nature soit complètement étouffée. »

Les Français peints par eux-mêmes : Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle
(1840-1842) [suite] :
Le Marchand de nouveautés par Pierre Bernard ; Les Musiciens ambulants par Maria d'Anspach ; Les Saturnales par Frédéric Kessler ; La Confession d'un danseur par Gabriel Cournand ; La semaine sainte à Paris par Emile de La Bédollière ; Les Villas parisiennes par Francis de Valrine ; La Femme sans goût par L.P.O. ; Le Martyr de la Liberté [et] Le Correspondant des journaux par E. Ourliac ; La Marchande de poisson  [et] La Halle par Joseph Mainzer ; Le Pénitent par Eugène Avond ; L'Etudiant en vacances  [et] Un foyer de théâtre par L. Roux ; Les Anglais en Suisse [et] Les Femmes littéraires par Francis Guichardet ; L'Huissier de campagne par Eugène Nus ; Les Touristes en Italie par Francis Guichardet ; Le Faubourg Saint-Germain [et] Le Marais par P. Bernard et L. Couailhac ; Les Banquets d'anciens écoliers par Aloysier ; Paris pour les marins par G. de La Landelle.

Les Courses de chevaux en France et en Angleterre (1865) par Louis Énault (1824-1900) : " Je ne sais qui a dit que le cheval était le piédestal des princes : en tout cas, c’était bien dit. Aujourd’hui beaucoup de gens, sans être princes, aspirent à se donner au moins le piédestal. Ceux même qui n’ont pas de chevaux à eux se passionnent pour les chevaux d’autrui. Il suffit, pour s’en convaincre, d’aller un jour de courses à la Marche, à Longchamps, à Vincennes ou à Chantilly. Nous savons la part qu’il faut faire, ici comme en toutes choses, à l’engouement et à la mode ; mais nous savons aussi celle qui revient au bon sens, à la raison et à la vérité. Que les frivolités mondaines, ou les mœurs tapageuses du demi-monde, aient vu là l’occasion, toujours si avidement recherchée par elles, de s’affirmer au grand jour, c’est un simple détail, dont il n’y a point à se préoccuper. N’est-ce point aux sermons du carême que les belles dévotes essayent le premier effet de leurs toilettes printanières ? On n’a jamais songé pour cela à supprimer les sermons. L’abus est partout à côté de l’usage. Il faut garder l’un et se résigner à l’autre..."

Les Ouvriers de Paris : Le Carrier (1851) par Pierre Vinçard (1820-1882) : "En se promenant aux environs de Paris, on aperçoit de grosses pierres brutes, à côtés desquelles se trouve une grande roue en bois qui de loin ressemble à une immense toile d’araignée. Si l’on approche, on voit au milieu des pierres un trou profond qui n’est autre qu’un puits. C’est l’aspect extérieur d’une carrière (1). Quoique l’impression produite par ces objets soit sévère et même triste, elle est cependant moins terrible que celle qu’on éprouve lorsque, descendant dans l’intérieur du puits, on pénètre dans la carrière. Les ouvriers y descendent au moyen d’une échelle fixée contre le mur, dont les échelons sont en fer et qui est semblable à une échelle de perroquet. Elle n’est attachée que du haut et remue au moindre choc qu’on lui imprime. Les puits sont d’ordinaire extrêmement creux. La carrière que nous avons visitée a un puits d’une profondeur de 23 mètres ; il y en a qui sont creusées jusqu’à 30 mètres au-dessous du sol. A mesure qu’on descend, la lumière du jour disparaît insensiblement et on se trouve dans l’obscurité la plus complète..."

Colonies Françaises : Etat de la situation à l’Ile de la Réunion (1851) par Victor Schœlcher (1804-1893) : "Les rétrogrades opposent souvent aux imprudens promoteurs de l’abolition de l’esclavage l’exemple de l’Ile de la Réunion, où cette grande mesure, disent-ils, se serait accomplie avec tous les ménagemens nécessaires. On sait ce qu’ils entendent par là ; le National a fait connaître en leur temps les arrêtés locaux à l’aide desquels on a faussé l’esprit du décret libérateur. Les ménagemens nécessaires dont il est question obligent des hommes et des femmes déclarés libres à souscrire des engagemens, sous peine de l’atelier de discipline. Ces règlemens, essentiellement illégaux, le ministre de la marine les a blâmés lui-même, il a déclaré (séance du 3 mai 1850) avoir donné des ordres « pour qu’ils ne fussent pas mis à exécution ; » mais ils n’en sont pas moins appliqués tous les jours..."

Les Villes dépeuplant les campagnes (1903) par Jules Destrée (1863-1936) : " L'accroissement extrême des agglomérations urbaines est un des phénomènes sociaux les plus marquants du dix-neuvième siècle. Sans doute, les âges antérieurs ont connu des capitales extraordinairement peuplées, mais il n'est pas de temps dans l'histoire du monde où l'augmentation de la population des villes ait subi une progression plus rapide et plus constante. L'observation peut en être faite non seulement pour des pays neufs, à prospérité exceptionnelle (par exemple, les Etats-Unis : New-York qui a aujourd'hui trois millions et demi d'habitants, en avait, au début du siècle, soixante mille seulement ; Chicago, qui a aujourd'hui dix-sept cent mille habitants n'existait pas ; et Philadelphie, qui dépasse aujourd'hui le million, en avait soixante-dix mille à peine) ; mais encore chez les vieilles nations d'Europe : Berlin, de 172.000 en 1800, est passé plus de deux millions, si l'on y comprend Charlottenburg, Schoeneberg et Rixdorf ; Paris, de 548.000, à près de quatre millions ; et Londres de 958.000, à six millions et demi. Ce phénomène, si frappant pour ces grands centres, s'atteste de la même manière pour toute une série de cités de moindre importance, et cela sur toute l'étendue du globe où règne la civilisation moderne. Il semble que ce soit là un des traits caractéristiques et nécessaires de la phase capitaliste de l'évolution sociale..."

La Justice dans l'Humanité (1903) par Jean Jaurès (1859-1914) : "Lorsque je parle de la justice dans l'humanité, je n'ai pas la prétention de résoudre, mais je voudrais poser devant vous une grande et difficile question ; elle se pose à ceux qui veulent interpréter et essaient de comprendre l'histoire humaine, l'évolution des hommes. Est-ce que le progrès humain, qui a conduit notre race de la brutalité et de la sauvagerie primitives à un commencement d'ordre, de liberté et d'équité, est l'effet du choc des forces aveugles et mécaniques, ou bien a-t-il été déterminé pour une large part par la conception plus ou moins nette, par la volonté plus ou moins consciente d'un idéal toujours plus haut, vers lequel les hommes marcheraient délibérément? En un mot, le progrès humain est-il l'effet de forces inconscientes, de mouvements réflexes de passions et d'intérêts qui ont agité et entrechoqué les hommes, ou bien la conscience humaine, guidée par l'idée de justice, a-t-elle été une force décisive de mouvement et d'évolution ?..."

La Suppression des Communaux (1903) par Emile Vandervelde (1866-1938) : " Sans méconnaître les inconvénients que présentent, au point de vue de l'exploitation rationnelle du sol, les « communaux », les droits d'usage, de parcours, de vaine-pâture, dans les forêts, les bruyères, les terres incultes, il n'est pas douteux que ces survivances médiévales contribuent puissamment à la stabilité des populations rurales. Aussi longtemps qu'ils se maintiennent, les pauvres gens des campagnes conservent des intérêts dans la communauté villageoise et ne connaissent pas le dénuement absolu. « Avant la Révolution — dit Macaulay dans son Histoire d'Angleterre — des milliers de milles carrés, maintenant enclos et cultivés, n'étaient que marais, forêts et bruyères. Une grande partie de ces terres incultes, était, de par la loi, terrain communal, et la partie qui ne l'était pas avait si peu de valeur, que les propriétaires permettaient qu'elle le fût de fait. Le nombre des pauvres qui y butinaient et y glanaient pour y trouver leur subsistance semblerait incroyable aujourd'hui..."

[BULLETIN DE CENSURE] : Critique rétrospective des oeuvres complètes de Balzac (1845-1846) : "Comme nous avons donné assez au long dans la Lecture, numéros de mai, de juillet et d'août 1843, l'analyse littéraire des principaux ouvrages de M. de Balzac, indiqué leurs tendances et leur but, et esquissé la biographie du célèbre romancier , nous ne pouvons nous répéter ici : nous allons seulement, en quelques lignes, comme résumé et complément des appréciations précédentes, nous servir de ce travail analytique et biographique, en ajoutant, au besoin, nos documents propres à ceux déjà publiés..."

[BULLETIN DE CENSURE] : Du roman feuilleton (1844) : "Autrefois le roman était un livre ; aujourd'hui il est un article de journal. Quand le roman était un livre, on ne le lisait que peu ou point ; le roman s'en est aperçu, et, pour se populariser, il s'est fait feuilleton. Beaucoup de personnes honnêtes le redoutaient, ne l'auraient pas touché, quand il avait la forme d'un volume ; maintenant qu'il s'est glissé sur les journaux entre les faits divers et les annonces, on ne le craint plus, on le lit sans peur, sans méfiance, et, sans qu'on s'en aperçoive, il blesse peu à peu, il jette insensiblement sa lave dangereuse, qui consume avec d'autant plus de succès, que ses feux sont plus couverts..."

Les Fonctionnaires et la Natalité (1924) par Séverin Canal (1885-19..) : "Les fonctionnaires des diverses administrations de l'Etat suivent depuis plusieurs mois avec attention les travaux de la Commission spéciale présidée par M. Hébrard de Villeneuve et, dont l'objet doit être la révision des traitements qui ne correspondent plus au coût actuel de la vie. Sur le principe même de ce « réajustement », aucune contestation ne pouvait s'élever. Les chiffres actuels ont été fixés à la fin de 1919, dans un temps où la courbe ascendante des prix était loin d'avoir atteint son maximum. Par suite, les fonctionnaires publics ont été particulièrement mal traités, puisque leurs appointements se sont trouvés stabilisés, alors que les autres travailleurs ont connu depuis des relèvements de salaires parfaitement justifiés..."

 Hégésippe Moreau (1903) par Daniel de Venancourt (1873-1950) : "Si l'on a raison de glorifier les écrivains sublimes, il est juste d'honorer les écrivains charmants, et surtout ceux qui moururent en pleine formation, avant l'âge où leur talent aurait pu grandir jusqu'au génie. Ainsi pour Hégésippe Moreau. La fidélité avec laquelle les générations successives ont conservé sa mémoire, cette tendre fidélité parait aisément explicable. Même quand soixante, cinq années ont passé, la fin douloureuse d'un jeune poète continue d'exciter dans l'âme du lecteur, non seulement une tristesse profonde, mais encore un amer regret. Et, pour rétrospective qu'elle soit, la désolation est bien légitime, lorsqu'on songe que l'oeuvre si vite interrompu avait eu un si beau commencement..."

 Les Conseils d'un Gnome, fragment d'une féerie inédite (1875) par Gustave Flaubert(1821-1880).

 La Résistance alsacienne [et] L'Autonomie de l'Alsace-Lorraine (1910) par Henri Lichtenberger (1864-1941) : "L'Alsace traverse en ce moment une phase critique de son existence. On sait qu'aujourd'hui encore, en fait comme en droit, l'Alsace-Lorraine subit un régime d'exception. Elle est une province d'Empire régie au nom de l'Empire par des fonctionnaires d'Empire. Elle n'a pas de représentant au Conseil fédéral. Elle est soumise au contrôle et à la surveillance de l'autorité impériale. Elle est gouvernée par un corps administratif où la plupart des postes supérieurs et la grande majorité des fonctions subalternes sont confiés non à des indigènes, mais à des Allemands. Bref le Reichsland est toujours encore traité à certains égards en « pays conquis » : il ne jouit pas des mêmes droits que les autres Etats de l'Empire..."

L'Ouvrier de Paris (1842) par M.-J. Brisset (1792-1856) : "NOUS abordons un bien vaste sujet. Pour peindre convenablement l’ouvrier de Paris, il faudrait faire de chaque métier la matière d’un chapitre séparé ; car chaque métier a son esprit, ses mœurs, son langage, son allure. Il y a des métiers qui rapprochent ceux qui les exercent des arts, de la littérature, des sciences, et qui demandent plus de goût, de délicatesse, de connaissances, que de force physique. Les individus employés et retenus dans cette sphère d’intelligence peuvent-ils être rangés parmi ceux qui, enchaînés pour ainsi dire à la matière, trouvent dans la lutte incessante de l’esprit de l’homme contre son inertie, l’emploi et le tarif de leur vigueur musculaire ? L’ouvrier mécanicien, le peintre décorateur, le bijoutier, le typographe, par exemple, n’ont que bien peu de rapports avec le terrassier, le carrier, le maçon, le tailleur de pierres. La différence du salaire creuse entre ces travailleurs une ligne de démarcation aussi profonde que celle qui résulte de la nature de leur travail journalier et du milieu où il les fixe. Il y a donc sous ce titre générique, l’Ouvrier de Paris, des classes aussi distinctes entre elles que le sont, dans le monde moral, l’ignorance et l’éducation, et dans le monde physique, l’aisance et la misère..."

Le Jésuite (1842) par Edouard Lasséne : "POUR saisir aujourd’hui avec quelque exactitude les traits à demi effacés du jésuite, il faut pénétrer soigneusement dans les recoins les plus profonds de notre vie sociale, et esquisser, comme à la dérobée, un modèle qui s’évanouit avant qu’on ait pu le considérer. Ce n’est pas que les jésuites n’aient plus de place dans l’histoire de nos mœurs, car alors nous n’aurions pas à nous en occuper ici ; mais peu s’en est fallu que cette place, depuis douze ans circonscrite et obscurcie, ne disparût enfin tout à fait. Quelques établissements s’élèvent encore en France : au milieu de nous, à Paris, une maison professe, centre sans circonférence, cherche à reformer des liens nouveaux ; mais ces établissements rares, cachés avec soin, craignant par quelque bruit d’éveiller des lois qui les proscrivent, échappent aux regards d’une opinion qu’ils redoutent, et qui s’est tant de fois déclarée contre eux, et attendent, dans le silence, des temps meilleurs, qui, sans doute, ne viendront jamais relever leur prospérité perdue. Comme tant de puissances du passé, le jésuitisme est un débris : pour tous digne sujet d’étude, il n’est plus, même pour ses ennemis, un sérieux motif de crainte..."

La Marchande de friture (1841) par Joseph Mainzer (1801-1851) : " QUAND vous traversez la place de Grève, le quai des Tournelles, le pont au Change ou le pont Neuf, vous sentez venir à votre odorat un certain parfum de rissolé qui vous enveloppe et vous poursuit d’une manière plus ou moins agréable, suivant la disposition de votre estomac, l’état de votre bourse et la susceptibilité de vos organes. Si vous êtes de ceux pour qui le café Anglais et Véry agrandissent chaque jour, par de nouvelles conquêtes, le domaine de la science culinaire, je vous conseille de passer vite ; mais si votre mauvaise étoile a fait de vous un de ces pauvres diables qui sortent le matin de leur gîte sans avoir la certitude d’y pouvoir rentrer à la fin de la journée, et qui ne sauraient appliquer le mot menu à leur repas autrement que dans son acception qualificative, oh ! alors, arrêtez-vous, et que votre figure s’épanouisse : vous vous trouvez devant la ressource du malheureux affamé, le restaurant des bourses prolétaires, devant la marchande de friture..."

Croquis de Lorraine : Liverdun (1901) par Anthony Valabrègue (1844-1900) : " Une rivière aux eaux basses, toute rougeâtre, coulant au pied des collines dans un lit semé de cailloux, écumant çà et là entre les pierres avec un gai clapotis, telle est la Moselle, lorsqu'on la rencontre un peu au delà de Toul, en traversant en chemin de fer le pont de Fontenoy.Elle apparaît dans sa nouveauté, bruissante, vibrante, courante. Des laveuses penchées sur le bord, se tenant sur de grosses pierres, font entendre un bruit saccadé de battoirs. « La gracieuse rivière ! » se dit-on. Elle n'est point verte ; elle a une teinte foncée où semble se mêler un ton de rouille, comme si elle avait parcouru un terrain riche en minerai de fer. La gracieuse rivière !..."

Explication du Tableau chronologique de l'Histoire générale des peuples et de leurs cultes (1832) par Arnault Robert : "Avant de développer le système de composition de ce tableau, il est peut-être à propos de donner une explication préliminaire ; la voici : La science de l'histoire se considère de deux manières : ou l'étude qu'on en fait n'est que spéciale, suivant qu'on ne s'occupe que de l'une de ses branches quelconque, en particulier, comme l'histoire de France, l'histoire d'Angleterre, etc., alors on ne connaît que des faits isolés, dont les rapports avec les faits généraux ne peuvent être marqués ; ou cette étude est générale, suivant qu'elle embrasse à la fois toutes les parties diverses de l'histoire, ancienne et moderne, profane et sacrée, et l'on obtient alors cet avantage, que les faits, toujours comparés entre eux, soit dans les annales du même âge, soit avec les temps qui ont précédé ou suivi, présentent partout des rapports qui instruisent, ou qui satisfont la curiosité..."

LE PRISME : Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle [suite] :  Le Berger (1841) par Etienne de Neufville (1815-1869) ; Une éducation universitaire (1841) par Hubert de Romilly ; Le Gant-jaune napolitain (1841) par Alexandre Rabot ; Les Flotteurs (1841) par Edouard Seguin (1812-1880) ; Les Canotiers (1841) par Charles Friès ; Les Passagers (1841) par G. de La Landelle (1812-1886) : "LE passager, homme fait colis, est pour les marins une marchandise de valeur essentiellement variable, qui tient le milieu entre un ballot de soieries et un boucaut de sucre, et qui mérite, en général, l’étiquette : FRAGILE. C’est un lest volant difficile à arrimer, beaucoup plus incommode qu’une cargaison de nègres, un peu moins peut-être qu’un chargement de mulets ; car, s’il a le droit de venir promener ses ennuis sur le pont, comme il le veut et quand il le veut, s’il gêne et encombre à toute heure, il n’est pas nécessaire, par contre, de visiter ses sangles, de lui porter la botte, de le panser, ni de l’étriller. Qu’il ait le mal de mer, qu’il dépérisse par suite des fatigues du voyage, qu’il fasse une chute dangereuse, ses souffrances n’ont rien de commun avec les intérêts de l’expédition : il se traite lui-même tant bien que mal, et ses avaries sont toutes à sa charge..."

Histoire des chemins de fer (1843) par Pierre Bos-Darnis (1809-1869) : "Les chemins de fer sont la conquête la plus extraordinaire, la plus importante, la plus féconde du dix-neuvième siècle. Qui a inventé les chemins de fer ? Une telle innovation ne pouvait sortir complète de la tête d'un seul inventeur ; il a fallu plusieurs perfectionnements successifs, le travail de plusieurs hommes de génie, pour l'amener à l'état où nous la voyons aujourd'hui. L'idée de faciliter le tirage des voitures en plaçant sous le passage des roues un corps dur et uni était si simple et devait se présenter si naturellement aux hommes les moins ingénieux, qu'il ne serait même pas possible de lui assigner une date. Que l'on ait employé successivement à cet effet des dalles en pierre, des pièces de bois, et enfin des bandes de fer, ce sont autant de perfectionnements qu'a subis la construction des voies, mais dont l'usage ne se répandit pas d'abord. Ce n'était, au reste, qu'un premier pas vers l'invention du mode de transport dont nous obtenons aujourd'hui de si admirables résultats..."

La Barrière de la Villette (1841) par Louis Roux : "A l’extrémité des faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin, entre la butte Montmartre et la butte Saint-Chaumont, plus rapprochées de celle-ci que de celle-là, sont placées deux barrières réunies par un demi-cintre, et séparées par une caserne, colysée municipal qui domine comme un colosse la grande et la petite Villette..."

Le Nouveau Paris (1841) par Amédée Achard (1814-1875) : "LES quartiers neufs, qui s’élèvent à la voix des architectes comme des palais magiques sous la baguette d’un enchanteur, donnent aux rues que protége sainte Marie de Lorette une physionomie étrange et pleine d’originalité. Ces rues sont si pressées de vivre, que beaucoup ne se donnent pas le temps de grandir avec mesure ; elles font comme une troupe d’enfants éparpillés dans un jardin : elles empiètent les unes sur les autres, et se volent quelques toises de terrain à la sourdine, aux dépens de la régularité. Quoique toutes jeunes encore, et à peine nées d’hier, plusieurs tortillent et rampent en serpentant comme leurs vieilles grand’mères d’outre-Seine..."


La Misère (1841) par Andréas : "PAUVRE mère ! Elle était avant comme beaucoup d’autres femmes, ni plus ni moins malheureuse. Un jour seulement elle s’effraya de la destinée qui l’attendait. La misère s’était assise, pour n’en plus bouger, sur le seuil de sa porte, au cinquième étage. La misère a-t-elle une expression ? Si elle devient l’indigence même, on s’habitue sur-le-champ à la confondre avec le néant. Madame Angel est mère de quatre enfants ; son mari mourut l’an dernier, pris dans l’engrenage d’une machine à vapeur, victime de l’industrie, dans l’atelier où il travaillait pour vivre au jour le jour. L’atelier ne fut pas fermé ; on dit, entre voisins, qu’un ouvrier était mort et qu’il laissait une femme et des enfants ; l’émotion s’arrêta là. La veuve recueillit l’héritage du travailleur : beaucoup de larmes, sans pain, elle lutte contre la misère ; elle est beaucoup plus morte que son mari..."

Le Garde champêtre (1841) par François Coquille : "Vous l’avez rencontré le long des haies, sur le bord des taillis, au milieu des prairies et des champs ; vous l’avez reconnu à son pas régulier, à son extérieur moitié civil et moitié militaire, à son air d’importance et de simplicité, à son sabre, à sa plaque, et mieux encore à son tricorne surmonté d’une cocarde. Cet appareil presque menaçant, loin de vous alarmer, vous a fait sourire, et vous avez échangé un salut amical avec le défenseur de la propriété et de l’ordre public..."

Petits métiers littéraires (1841) par Francis Guichardet : "LE mendiant de lettres est une des plaies de la littérature, un des plus horribles ennuis de la gloire que nous espérons tous. Je vous suppose aussi inconnu que le dernier rapin littéraire, et, sous l’influence d’un cauchemar dramatique, vous vous abandonnez aux rêves de vos prochains succès, encore endormi dans les bras de Morphée, comme le disait M. E. Dupaty, de l’Académie française. Le bruit de votre sonnette vous a jeté bien loin de vos illusions littéraires. La figure grimaçante d’un créancier est venue se glisser dans le brouillard de votre réveil ; tous les bottiers aiment à voir lever l’aurore !.."


Le Club de petite ville (1841) par Francis Guichardet : " LORSQUE les gens du monde sont attroupés, ils se croient en société. – Ce mot d’un des écrivains satiriques du siècle dernier peut assurément s’appliquer encore aujourd’hui à certaines réunions formées par l’habitude et soutenues par le désœuvrement. Une ville du département du Calvados se rendit autrefois célèbre par l’originalité de ses assemblées quotidiennes. L’industrie n’y avait pas encore introduit ses gigantesques inventions ; l’esprit de spéculation n’était pas venu l’envahir ; le petit commerce lui-même, soumis à des idées de stagnation, s’y trouvait depuis longtemps renfermé dans d’étroites limites, et cela parce que les paisibles habitants de ce fortuné pays avaient pris la sage résolution de jouir en paix des douceurs de la société..."

Les Restaurants du Quartier latin ; La Rue où l’on ne meurt pas (1841) par Louis Roux : " FAIRE l’histoire des restaurants du quartier latin serait écrire celle de toute la vie des étudiants, qui, en général, ne connaissent pas d’autre régime, d’autre alimentation que celle du restaurant. Rien n’est plus renommé que les restaurants du quartier latin, ce qui ne prouve pas qu’ils le soient par la bonne chère qu’on y fait. L’étudiant retranche volontiers quelque chose à ses dîners pour ajouter à ses plaisirs. Si, dans les restaurants du quartier latin, vivre peut sembler un paradoxe, en revanche, manger y est la plus substantielle des réalités. Un bon esprit et un bon estomac ne sauraient s’empêcher de reconnaître qu’on y vit mal, et qu’on y mange bien, c’est-à-dire beaucoup et à juste prix..."

Les Bals d'été ; Les Bals d'hiver (1841) par Amédée Achard (1814-1875) : " MALGRÉ l’autorité didactique de M. de Saint-Lambert, poëte officiel des saisons, la Terpsychore parisienne n’en reconnaît que deux dans le cours de l’année solaire : elle a destitué l’automne et le printemps ; seuls l’été et l’hiver jouissent d’une existence légale devant la baguette de ses chefs d’orchestre, qui sont ses grands ministres. L’été chorégraphique commence le 1er mai ; il naît avec les fleurs ; la première contredanse est sœur des lilas de Romainville. Il meurt avec les feuilles jaunes ; comme le poëte de Malfilâtre, il attend la pâle automne pour expirer, et la dernière grappe qui tombe marque sa dernière valse..."

Le Grand Messager boiteux pour 1824 : Variétés instructives, morales ou plaisantes : "Lorsqu’un jeune homme de l'une de nos petites villes d’Alsace vient pour la première fois à Strasbourg, il est tout ébahi de voir cette population nombreuse qui circule rapidement dans ses rues, ces maisons à 4 et 5 étages serrées l'une contre l'autre : et cependant Strasbourg, sous ce rapport, ne peut guères se comparer qu'à un faubourg de Paris. Mais Paris même, cette grande et superbe ville, est pour l'étendue et le nombre de ses habitants encore bien au-dessous de Londres. Là on comptoit, en 1811, 1.990.300 habitants qui y vivent tant bien que mal. Probablement les deux millions seront bientôt complets. Cette ville contient donc à elle seule le quart de toute la population du royaume d'Angleterre. On pourroit loger à Londres la masse entière des sujets de certains royaumes..."

Le Grand Messager boiteux pour 1824 : Almanach de l'agronome, contenant les travaux que le cultivateur et le jardinier doivent faire pendant chaque mois : "Mois de Janvier. - Comme le froid ou le mauvais temps oblige de rester à la maison, on doit profiter de cet intervalle pour raccommoder tous les instruments du labourage, tels que charrettes, charrues, harnois, et apprêter les échalas pour la vigne ; travailler aux chanvres et aux lins, saler les cochons. Quand le temps permet de sortir, on doit tailler la vigne, couper les saules et les peupliers, fumer les arbres qui languissent, enter ceux qui sont hâtifs ; labourer les terres légères, relever les fossés, couper des bois pour les espaliers et les treilles, tailler les arbres des jardins, piocher les framboisiers, couvrir les plantes des fleurs qui craignent le froid, mettre à l'abri des trop grandes pluies les anémones et les jeunes plantes semées dans des pots ou caisses..."

 La Suprême hôtesse (1905) par Saint-Pol-Roux (1861-1940) : "Sous un soleil d'aïoli je flâne parmi ces palettes de Monticelli que sont, autour de la bitumeuse toile du Vieux Port, les quais de Marseille, et je vais du tas d'oranges au tas de mandarines, de la pyramide de maïs à la pyramide de blé, des couffins de figues aux couffes de pistaches, du vieil or fondant des dattes aux trophées de bananes, tous produits importés de pays suscepti-bles de figurer sur la mappemonde comme autant de tapis bizarres..."

  Berceuse marine (1905) par Mécislas Golberg (1869-1907) : "Le vent froid souffle de la montagne. Il chasse des nuages qui, paresseux, pèsent sur les cimes ou se traînent indolents sur la plaine des eaux. Soudain, le rideau qui ferme l'horizon se déchire et dans le lointain, frémissante et lumineuse paraît la mer.  Elle va vers la Corse fleurie et la blanche Afrique, vers la Sicile parfumée, vers Nice vêtue de manteau d'arlequin et couronnée de roses. Elle revient à la rive et fouette les pierres qui sanglotent. En léchant le sable, elle se couche à mes pieds. Puis une brise l'éloigné. Un appel des profondeurs marines la fait fuire. La mer va et vient. Son magnifique poitrail se lève et retombe en cadence des vents et des forces mystérieuses..."

 
Marcel Lami (1909) par Paul Margueritte (1860-1918) : "Celui qui portait, comme un masque de verre, ce nom plein de douceur, avait eu le cœur et le visage ravagés par le plus tragique destin. Ceux qui, en ces dernières années, ont rencontré Henri Chambige, avec son haut front réfugié vers les cimes du rêve, ses yeux douloureux, son sourire meurtri ; avec ce beau masque pétri de souffrance et de fierté, ce masque aride où luisait un admirable reflet de soleil d'âme ; ceux-là ne l'oublieront plus..."

  Les Fusillés de Vingré (1926) par M. Nadaud et M. Pelletier : "Pour peu expérimenté que l’on fût en 1914 en matière de guerre de position, on en savait assez pour, en s’inspirant d’inattaquables principes, ne laisser en toute première ligne, qu’un rideau de guetteurs. Aussi le sous-lieutenant Paulaud de la 19e [?] compagnie du 298e R.I., à qui, le 27 novembre, était confiée la garde de la tranchée de la Maison détruite, en avant de Vingré, décida-t-il de ne laisser dans l’élément de droite de la tranchée qu’un petit poste de cinq sentinelles doubles, des 3e et 4e escouades ; à la gauche de cette ligne, deux autres escouades étaient aux créneaux, la 5e, caporal Floch, la 6e, caporal Venat..."

Petit guide de médecine élémentaire à l’usage de la famille [et] Dictionnaire vétérinaire pratique à l’usage de la ferme (1912) : Abcès. — C'est un amas de pus qui se forme dans une partie enflammée et dont la cause déterminante est généralement un coup, une foulure, un effort, etc... Traitement : cataplasme de farine de seigle et d'huile de colza, pour faire mûrir l'abcès ; à maturité, le faire ouvrir par un médecin, continuer les cataplasmes, et nombreux lavages antiseptiques. Nous recommandons tout particulièrement le Papier Fayard qui est souverain pour le traitement et la guérison des abcès, panaris, furoncles, anthrax et tumeurs. Depuis quelques années, les Drs Brocq, Massié-Debouzy, etc., ont expérimenté la levure de bière dans le traitement des abcès, furoncles, etc. La Levure de Bière Strauss a toujours donné d'excellents résultats en raison de sa pureté. — Demander la notice, Pharmacie de la Croix de Genève, 142, boulevard Saint-Germain, Paris...

Le Boulevard des Italiens (1841) par Edmond Texier (1815-1887) : " CHAQUE boulevard de Paris a sa physionomie qui lui est propre, avec ses habitudes, ses mœurs et ses hôtes particuliers. Le boulevard Montmartre touche au boulevard des Italiens, et cependant un abîme les sépare. – Cet abîme de quinze pieds de large, qui est la rue Richelieu, sert de frontière à deux populations tout à fait différentes. – C’est le Rubicon de deux empires limitrophes. – Il n’y a que Paris qui puisse offrir aux regards de l’investigateur ces changements à vue de populations. Nous ne nous occuperons pour aujourd’hui que du boulevard des Italiens..."

Physionomies du jour de l’an , Les Visiteurs du salon : I & II (1841).(1841) par Francis Guichardet (18..-18..) : "LES misanthropes de la presse, La Bruyères à trois sous la ligne, moralistes chagrins, se plaisent, depuis quelques années, à poursuivre de leurs sarcasmes ce qu’ils appellent les ridicules du jour de l’an. On dirait que tous ces esprits mal faits se sont donné le mot pour faire disparaître ce jour néfaste du calendrier. A les entendre, leurs relations variées et les convenances du monde les mettent dans la nécessité de se ruiner par de folles dépenses, de vivre de privations pour faire honneur à des exigences consacrées, d’emprunter même, s’ils veulent se donner des allures de Noureddin ; et ce mécontentement, ces folles dépenses, ces emprunts, ces privations, cette ruine complète, se réduisent à vingt francs qu’ils partagent somptueusement entre le portier, le facteur, les porteurs de journaux, et les garçons de leurs cafés !.."

Paris nocturne (1841) par Louis Roux (18..-18..) : PARIS a des phénomènes de relation qui établissent des analogies entre son existence et celle d’un corps anatomique naturellement organisé ; nous dirions encore que, jouissant d’un système sidéral bien supérieur à celui du firmament, Paris, sublime composé d’astres et de planètes, opère une révolution diurne et nocturne, si sa physionomie devait résulter de similitudes microscopiques ; mais Paris est plus à même de fournir des comparaisons que d’en emprunter aux autres. Nous allons, sans être un Homère, procéder à la façon de l’Odyssée, et contempler Polyphème pendant son sommeil..."

Le Garde-côte (1841) par Charles Rouget : " POUR bon nombre de Français, pour quantité de Parisiens, surtout, le type que nous avons choisi est parfaitement inconnu. Ce ne sont plus là de ces physionomies heureuses que chacun reconnaît et salue, devant lesquelles on s’arrête en souriant, qui ont droit de bourgeoisie parmi nous, droit consacré depuis longtemps et que nul ne leur conteste. L’Épicier, l’Étudiant, la Grisette, trois types s’il en fut, et que nous prendrons pour exemple entre mille, se sont merveilleusement passés du secours de la définition. Ils se sont présentés, et tout d’abord on les a reconnus. Cordialement accueillis, fêtés, choyés de tous, qui donc aurait osé élever le moindre doute sur leur identité ? Quant à nous, moins heureux, nous allons avoir à  justifier bientôt de nos prétentions ; déjà le lecteur nous guette, et, placé en vedette sous la forme d’un point d’interrogation, il nous appréhende au passage..."
« Qu’est-ce qu’un garde-côte ?

Le Mineur (1841) par F. Fertiault (1814-1915) : "IL est certaines existences que d’immenses travaux, de vastes exploitations accaparent, absorbent tout entières ; qui semblent pour ainsi dire les victimes résignées et sans réplique de quelques impérieux besoins. Toutes sont exposées, à différents degrés, à des dangers plus ou moins grands, plus ou moins continuels : ainsi le soldat a le canon, le marin les tempêtes, dangers, certes ! dont on peut difficilement nier l’imminence et la gravité ; mais dangers intermittents, dangers semés à intervalles de vives jouissances ou de gais repos ; tandis que l’existence que je veux vous faire connaître, et qui réunit à elle seule les périls de toutes les autres, a, de plus que ces autres, que ses périls sont incessants, et qu’il n’y a pas de minute où la crainte, si l’habitude ne diminuait la crainte, ne lui fasse voir, près de crouler sur elle et de l’envelopper, les accidents et les catastrophes de tous les genres… Cette existence est celle du mineur..."

Le Missionnaire (1841) par Taxile Delord (1815-1877) : "CE personnage appartient principalement à la France, et c’est pour elle un véritable titre de gloire. Les autres nations sans doute se montrent encore jalouses d’étendre au loin l’influence du christianisme, mais nulle part les efforts tentés dans ce noble but ne sont plus continus, plus généraux, plus persévérants que dans le royaume de Clovis. C’est l’honneur de notre patrie d’avoir toujours été le centre universel, le pivot du catholicisme. Malgré nos révolutions, l’esprit catholique s’est toujours maintenu en France. Ce que la royauté faisait pour les missionnaires au temps des splendeurs monarchiques, ce sont les individus qui le font aujourd’hui. La religion du Christ n’a jamais manqué d’appui parmi nous : du nord au midi, du couchant à l’aurore, de pieux travailleurs sèment leur moisson. L’instinct des navigateurs a beau les pousser vers des régions inconnues, vers des mers inexplorées, vers des terres sauvages, d’autres navigateurs découvriront ces régions, parcourront ces mers, habiteront ces terres en même temps qu’eux : ces navigateurs guidés par le ciel sont les missionnaires. .."

Le Canut (1841) par Joanny Augier (1813-1855?) : "LE canut était, il y a dix ans, presque inconnu en France et en Europe ; sa renommée ne s’étendait pas plus loin que les barrières de la ville de Lyon, ou du moins ne franchissait pas les limites de quelques communes du département du Rhône, résidences habituelles de cet ouvrier. Mais depuis les événements qui ont suivi la révolution de 1830, c’est-à-dire depuis les mois de novembre 1831 et avril 1834, le canut s’est produit au grand jour par sa participation aux scènes désastreuses qui ont ensanglanté la seconde cité du royaume. Je suis loin de vouloir ici parler politique ou commerce… Je ne veux pas non plus discuter les motifs justes ou injustes que les ouvriers lyonnais invoquèrent pour courir aux armes et pousser le cri de révolte ; je ne veux envisager le canut que dans sa vie privée, dans cette vie de persévérance et de labeur qui contribue pour une bonne part à la prospérité de la France. Je serais fort embarrassé de donner ici l’étymologie du mot canut, par lequel on désigne l’ouvrier de la fabrique lyonnaise, qu’il travaille sur la soie, le velours ou les châles. Ce mot est-il dérivé decanette, bobine sur laquelle se roule la soie ? Grammatici certant, et adhuc sub judice lis est..."

Le Religieux (1841) par Georges d'Alcy : "AU milieu de notre monde parisien, de ce beau royaume de France, si plein de bruits et d’agitations, ce n’est point l’avenir qui nous préoccupe, c’est encore moins le passé. Nous vivons au jour le jour, je ne dirai pas sans illusions, car l’homme subira toujours les illusions de l’amour-propre ; mais sans croyances ; seulement pénétrés de nos mérites personnels et du petit rôle que nous prétendons remplir sur la scène du monde, les uns aux dépens des autres. Nous n’avons que de l’indifférence pour tout ce qui vit et s’agite en dehors de notre sphère, pour tout ce qui n’influe pas directement sur notre bien-être matériel, et les événements où nos passions sont engagées sont les seuls qui nous intéressent. – L’égoïsme et l’indifférence, – voilà la plaie de l’époque, les signes précurseurs d’une transition ou d’une décadence ; aussi, pouvons-nous à plus d’un titre appliquer à notre génération ces vers si énergiques qu’Horace adressait à la jeunesse romaine..."

Le Tailleur (1842) par Roger de Beauvoir (1809-1866) : QUEL  est ce pauvre hère, aussi maigre que la batte d’Arlequin, jaune et maladif à faire trembler, dont la poitrine rentrée décrit un arceau, dont les jambes grêles forment un X ? Un bouquet de barbe taillée en pointe à la façon de celle de Don Quichotte grisonne sur son menton, des lunettes de magicien ou d’alchimiste pincent son nez ? il laisse tomber de joie ses ciseaux en vous voyant tourner le coin de sa rue et monter ses quatre étages. Vous sonnez à sa porte, et il vous reçoit avec les façons les plus humbles, vous offrant la meilleure chaise de chez lui. Il n’a pas de valet, il n’a que sa femme, sorte de figure chinoise qui incline la tête à vos moindres ordres, et dont le sourire stéréotypé commence au premier de l’an pour finir à la Saint-Sylvestre. A vous voir monter chez cet homme logé au plus haut palier de la maison, vivant dans une cage méphitique, entre un perroquet déplumé et une femme qui sent la cuisine, un provincial croirait que vous lui portez quelque aumône ; vous sortez cependant, et il vous reconduit, son bonnet de soie noire à la main, en descendant vingt ou trente marches. Serait-ce un usurier ? il est trop modeste ; un propriétaire ? il serait bien mal logé ; un auteur ? cela pourrait être. Levez les yeux et regardez cet écriteau, il vous dira son métier. C’est un tailleur..."

Le Sergent de Ville (1842) par Armand Durantin (1818-1891) "IL y a dans notre monde civilisé de ces plaies tellement vives, tellement honteuses, que le cœur se soulève de dégoût rien qu’à les voir ; il est de ces cloaques dont l’impureté répugne assez pour que l’on tremble en mettant le pied sur le seuil de leur porte ; il existe quelques classes d’hommes dont le nom seul est une insulte, une ignominie, un fer rouge qui se grave ineffaçable, comme jadis les terribles lettres T. F. sur l’épaule du galérien. S’il a fallu du courage à Parent-Duchatelet pour visiter les égouts ténébreux de la capitale, il lui fut nécessaire d’en avoir plus encore pour franchir la porte de ces repaires impurs, de ces égouts parés de guirlandes flétries où l’on voit trôner en souveraine la prostitution dans la moderne Babylone. C’est dans les grandes villes comme Paris que toutes les misères de la société viennent se cacher..."

Les Ouvriers du fer (1841) par Emile de La Bédollière (1812-1883) : "UN autre vous a dit quels hommes sillonnaient le sein de la terre pour en extraire les richesses ; étudions maintenant la classe des travailleurs qui, recevant le minerai à l’état brut, le fond, le plie, le façonne en instruments à notre usage : classe de salamandres humaines qui s’agitent au milieu des flammes ; cyclopes des temps modernes, noirs esclaves de l’industrie, ruisselant de sueurs intarissables au service de la communauté sociale. La France est féconde en mines de fer. On en trouve aux quatre points cardinaux, dans les Ardennes comme en Corse  et sur les confins de la Savoie, dans la Charente comme près des côtes de la Manche. Choisissons, s’il vous plaît, nos modèles dans les départements du centre, formés du morcellement du Berri, du Nivernais, du Bourbonnais, de la Bourgogne, du Forez, etc. Le fer y est abondant, d’excellente qualité, presque à fleur de terre,..."

Le Bohémien (1841) par Amédée Achard (1814-1875) : "NE vous étonnez pas trop de rencontrer l’enfant perdu de la Bohême dans cette grande galerie où les Français seuls ont droit de bourgeoisie. Pour n’être point de la même famille, il a cependant des titres à notre attention. Si le Champenois ou le Normand heurte les Bohémiens dans sa route, c’est que les Bohémiens, comme ces aventureux bâtards qui, n’ayant aucune origine, prenaient hardiment le nom d’une race noble, ont posé le pied sur le sol de la France, et, s’y trouvant bien, y sont restés. Allez dans le Midi, dans le Languedoc, en Provence, dans le Roussillon, et partout, au fond de la vallée, sur le flanc de la montagne comme dans la plaine, vous trouverez le Bohémien, vagabond qui ne sait d’où il vient, et ne sait pas davantage où il va..."

Le Lutteur (1841) par Henri Rolland : "IL est des noblesses abâtardies, des royautés devenues mendiantes, des statues tombées du piédestal, des arts descendus au rang de métiers. Combien de colosses puissants qui étonnent nos yeux dans les temps passés par leurs proportions, se sont amoindris en traversant les époques, ainsi que les bâtons flottants sur l’onde ; soit qu’à la façon de Procuste, nous les ayons écourtés à la mesure de nos tailles, soit que les âges aient emporté leur physionomie peu à peu, de même que chaque instant dissipe les parfums d’une cassolette ! Qui reconnaît sous le toit de l’échoppe aux contrevents verts, dans le vieillard courbé sur un bureau zébré d’encre et de coups de canif, le scribe, commensal des rois et des seigneurs, qui guidait la plume dans les doigts ignorants de la châtelaine, le poignard sur le parchemin dans la main rebelle du chevalier ? Et le barbier-chirurgien-étuviste, ce prototype de Figaro, jadis armé du rasoir et de la lancette, gazette babillarde du scandale, entremetteur d’intrigues, alègre et prospère, n’a-t-il pas vu son monopole envahi, morcelé, et maintenant n’en est-il pas réduit au plat à barbe que piteux  et morne il tend comme la sébille du pauvre ? L’athlète et le gladiateur, que Phidias, Ctésilaos, et Agasias, ont reproduits en marbre comme un défi de perfection à notre humanité dégénérée, façonnés dans le moule antique, grec ou romain, peuvent-ils avoir même une copie décolorée dans le LUTTEUR de nos temps, court et trapu ; lourd et commun ; grossier d’allure, et qui, comme Quasimodo, fait mentir l’axiome que de l’harmonie naît la force ? "

Le Braconnier (1841) par Joseph Lavallée (1801-1878) : "EN France, le gibier est devenu tellement rare, qu’il ne saurait offrir une subsistance assurée même à l’homme le plus adroit. Si cependant un individu entreprend de vivre uniquement du produit de sa chasse, s’il ne veut pas avoir recours à une autre industrie, il sera dans l’alternative, ou de mourir de faim, ou d’employer des moyens qui répugnent à un chasseur honnête. Il ira dévaster des terres sur lesquelles il n’a aucun droit. Lorsque, par des soins assidus et chèrement payés, on sera parvenu à peupler une propriété d’animaux sauvages, il dérobera le fruit de tant de peines et de dépenses. Le braconnier, c’est l’homme qui a l’habitude de chasser sans permission sur le terrain d’autrui, pour tirer un profit de son gibier..."

Le Vicaire de province (1841) par Augustin Chevalier (1811-18..) : "SUR la place de la Madeleine de la petite ville de B***, si par hasard un voyage d’agrément ou des affaires vous y ont conduit, voyez-vous passer, le soir, à l’heure de l’Angélus, ce jeune prêtre dont le rabat est si frais, le tricorne si bien brossé, dont la ceinture flotte si ample et si soyeuse, et qui, à chacun de ses pas, comme une femme, fait entendre un frôlement coquet et gracieux ? De droite et de gauche, sur la place, avec empressement, avec respect, on le salue. Il se détourne, il se découvre, d’un air moitié sérieux, moitié souriant ; voyez : chaque fois de ses cheveux frisés, poudrés jusqu’à la tonsure, tombe et s’éparpille en ondoyant un léger nuage embaumé dont le contact blanchit le collet de sa soutane..."

Le Contrebandier (1841) par Victor Gaillard : "SOUVENT on a cherché à diminuer la contrebande par de beaux raisonnements, mais sur ce point, comme sur d’autres, la moralisation a échoué contre l’empire des instincts naturels. Impossible de déterminer l’immense majorité des consommateurs à résister héroïquement aux séductions du bon marché, pas plus qu’à répudier bravement l’usage des marchandises étrangères importées par la fraude. Que voulez-vous ! le monde est ainsi fait et comprend si peu un tel effort de patriotisme, que, pour y suppléer, l’état entretiendra longtemps encore une armée de trente mille douaniers, disposée par lignes parallèles aux frontières..."

L'Élu du clocher (1841) par J. Martin : " LA chambre des députés en compte au moins trois cents de cette trempe sur ses quatre cent cinquante-neuf membres. Trois cents Cincinnatus que le suffrage rural a arrachés à leur charrue pour en faire des Démosthènes ; trois cents aigles d’arrondissement qui ont fait leur chemin par un discours de comice agricole, ou par une brochure sur les prairies artificielles. C’est l’élément le plus nombreux de la majorité parlementaire, celle qui préfère une invasion de Cosaques à une invasion de bestiaux, et qui salue en germe, dans la betterave, l’émancipation des nègres. D’ordinaire, l’élu du clocher est timide dans ses débuts, mais il lui faut peu de temps pour se procurer une éducation représentative digne de faire suite à l’éducation d’Achille. Quand son épouse s’est dit : « Ça ne peut plus se passer comme ça, il faut que nous soyons député, « notre héros se met à la besogne, et désormais, comme Guzmann, il ne connaîtra plus d’obstacles. Il sait les côtés faibles des herbagers, des nourrisseurs, des métayers, des laboureurs qui ornent son arrondissement, et il se présente à eux comme un homme qui comprend leurs besoins. Sur quoi l’arrondissement se dit en masse : « Nommons qui me comprend ; il est toujours agréable d’être compris. » Pour peu que l’élu du clocher sache en outre lever le coude à propos et distribuer des poignées de main avec intelligence, il est sûr de son affaire, il sera député, il va l’être, il l’est... "

Le Directeur d'un théâtre de province (1841) par A.Perlet (1785-1850) : "C’EST en général un type d’homme assez plaisant ; mais l’espèce ou la famille dont il fait partie offrant de nombreuses variétés, on se bornera à décrire ici le directeur de troupe ambulante. – Nos principales villes de province, telles que Lyon, Bordeaux, Marseille, Rouen, Nantes, ont des spectacles sédentaires à l’année ; les autres sont formées en arrondissements théâtrals numérotés comme les mairies de Paris. Le ministre de l’intérieur les concède par privilége, ce dont l’heureux titulaire instruit orgueilleusement son public par cette invariable annonce imprimée en caractères splendides au front de son affiche : Le directeur breveté du dixième ou du trentième arrondissement théâtral aura l’honneur, etc. Ce n’est pas de ce mortel heureux, de ce fier suzerain dont nous essayerons de vous tracer l’image, mais bien de son humble vassal, de son respectueux feudataire… en un mot, du directeur de la seconde troupe. Pour comprendre les tribulations sans nombre, la position toujours précaire de ce dernier, il faut savoir que chaque arrondissement théâtral se compose d’ordinaire de la réunion de cinq à six villes de troisième et de quatrième ordre... "

Dieppe (1927) par J.-E. Blanche 1861-1942) ; "UN matin d’août, tandis que l’orchestre exécutait quelque valse d’Arban le cornettiste, Aubrey Beardsley, malade, grelottant, buvait un verre de lait et de soda sur la terrasse du Casino. Il me montra la trouvaille qu’il venait de faire ; c’était un exemplaire des Mémoires pour servir à l’histoire de la Ville de Dieppe, par Denys Guibert. Beardsley et Oscar Wilde, attablés ensemble, riaient aux éclats du rôle joué par les « guerriers anglois » pendant les guerres de religion. Ceux-ci attiraient dans leurs camps du pays de Caux les petits Polletais, pour leur apprendre l’usage du tub et les convertir à la religion « prétendue réformée ». Aubrey a su par cœur certaines pages du docte prêtre, descriptions où il se délectait de cortèges, de fêtes, de mystères représentés dans l’église Saint-Jacques. « Étonnante ville ! Quelle histoire, depuis Brennus jusqu’à Oscar ! s’écriait Aubrey. Il me semble que je vois le Dieppe médiéval, celui de la Renaissance, celui des époques à perruque, aussi nettement que la rue Aguado au temps de la Dame aux camélias et de l’impératrice Eugénie. Nous devrions organiser des pageants, sans toutefois faire revivre Charlemagne et la reine Berthe, sa mère ; encore moins Brennus. Ne nous perdons pas dans la légende ! Nous commencerions aux guerres de religion. Je me chargerais de la mise en scène ! Les Français n’ont pas d’imagination... "

Toulouse (1927) par Tristan Derème (1889-1941) : "VOUS, qui n’ignorez rien de ce qui germe, fleurit, mûrit et meurt aux prairies, aux forêts comme aux antres du Parnasse, saviez-vous, tandis que j’écrivais ce petit ouvrage, que je me réjouissais à la pensée qu’il vous serait dédié ? Déjà, je vous imagine tournant ces feuillets et j’entends votre affectueuse critique. Qu’est-ce, murmurez-vous, qu’un TOULOUSE où se trouvent rapportées les aventures d’un canard et de plusieurs escargots dans un jardin ensoleillé de Marmande, un TOULOUSE où l’on rencontre, à Chantilly, M. Paul Bourget, tandis que le cinéma, sous les feuillages, moud les couleurs et les lignes pour en former des images futures ?..."

Philibert Lescale, esquisse de la vie d'un jeune homme riche à Paris (1845) par Stendhal (1783-1842) : "Je connaissais un peu ce grand M. Lescale qui avait six pieds de haut ; c'était un des plus riches négociants de Paris : il avait un comptoir à Marseille et plusieurs navires en mer. Il vient de mourir. Cet homme n'était point triste, mais, s'il lui arrivait de dire dix paroles en un jour, on pouvait crier au miracle. Cependant il aimait la gaieté et faisait tout au monde pour se faire prier à des soupers que nous avions établis pour le samedi, et que nous tenions fort secrets. Il avait de l'instinct commercial et je l'aurais consulté dans une affaire douteuse..."

Histoire et physiologie des boulevards de Paris et  Ce qui disparait de Paris (1845) par Honoré de Balzac (1799-1850) : "Toute capitale a son poëme où elle s'exprime, où elle se résume, où elle est plus particulièrement elle-même. Les Boulevards sont aujourd'hui pour Paris ce que fut le Grand Canal à Venise, ce qu'est la Corsia dei Servi à Milan, le Corso à Rome, la Perspective à Pétersbourg (imitation des boulevards), Sous les Tilleuls à Berlin, le Bois de la Haye en Hollande, Regent-Street à Londres, le Graben à Vienne, la porte du Soleil à Madrid. De tous ces cœurs de cités, nul n'est comparable aux boulevards de Paris. Le Graben, à peine long comme le plus petit de nos boulevards, ressemble à une bourgeoise endimanchée. Sous les Tilleuls est aussi morne que le boulevard du Pont-aux-Choux ; il a l'air d'un mail de province, et commence par des hôtels qui ressemblent à des prisons d'État. La Perspective ne ressemble à nos boulevards que comme le strass ressemble au diamant, il y manque ce vivifiant soleil de l'âme, la liberté... de se moquer de tout, qui distingue les flâneurs parisiens. Les usages du pays empêchent d'y causer trois ou de s'attrouper à la moindre cheminée qui fume trop. Enfin, le soir, si beau, si agaçant à Paris, fait faillite à la Perspective ; mais les édifices y sont étranges, et, si l'art ne doit pas se préoccuper de la matière employée, un écrivain impartial avouera que la décoration architecturale peut, en certains endroits, disputer la palme aux boulevards..."

Le Médecin de village (1841) par J.-B. Écarnot (18..-18..) : "Vous prendrez, matin et soir, à jeun, deux pilules dans un pain enchanté, sans mâcher. Voici la boîte. Il y en a cinquante. C'est cinquante sous. Vous boirez de deux heures en deux heures, écoutez bien, de deux heures en deux heures, une cuillerée à bouche de cette potion anodine, antispasmodique et laxative ; voici la fiole. Il y en a pour trente sous. Vous appliquerez tous les soirs, sur la partie douloureuse, un cataplasme de farine de graine de lin saupoudré de neuf gouttes, vous entendez, neuf gouttes de laudanum de Chidermann, ni plus ni moins, avec de la flanelle ou un bas de laine. Voilà le paquet. Vingt sous. Au revoir. Soyez tranquille, tout ira bien ; je suis là. Mangez peu, ne parlez pas, dormez jusqu'à mon retour, et si cela va plus mal, nous verrons. Je suis pressé..."

Le Griset du Midi (1841) par Eugène Dauriac (1815-1891) : "Ce nom semble vous étonner, et vous me demandez déjà si je ne vais pas dépeindre le petit chardonneret qui n'a pas encore pris son rouge et son jaune vif, ou le singe maki, ou l'espèce d'arbousier qui portent ce nom. Point du tout ! Cependant, à Paris, me direz-vous, nous connaissons bien la sémillante grisette, si sincère dans son attachement, si facile à séduire, et jamais nous n'avons entendu nommer le griset. D'accord, et le midi de la France ne le connaissait pas plus que vous avant le règne de Louis XV..."

La Bordelaise (1841) par André Delrieu (18..-18..) : "LORSQUE le maréchal de Richelieu, revenant de son gouvernement de Guienne, inventa le vin de Bordeaux et en fit goûter pour la première fois à Louis XV, on s'étonna beaucoup, à la cour et à la ville, que cette liqueur charmante fût restée si longtemps dans les ténèbres de la province et sur la table du paysan. Mais le maréchal de Richelieu se garda bien de dire qu'il avait découvert la Bordelaise, autre cru peu goûté de son siècle, que Garat mit à la mode sous le directoire, et qui est aujourd'hui classée dans la mémoire des touristes avec autant de distinction que le Saint-Julien dans la cave des gourmets. Les femmes de qualité n'auraient point pardonné au maréchal de faire une réputation à la province, quand on était en droit de croire que Paris devait suffire à la sienne. Comme nous n'avons pas les mêmes raisons de nous taire, nous serons heureux de parler..."

Deauville (1927) par Pierre de Régnier (1898-1943) : " DEAUVILLE, comme son nom l’indique est une ville d'eaux. A la vérité, on n'y boit guère, pendant la saison, que du champagne ou du cidre ; en dehors de la saison, on n'y boit rien : il n'y a personne. D'ailleurs, nulle source n'y coule, excepté la Touques, qui la sépare de Trouville, sa rivale vaincue. Comme eau, à Deauville, je n'en vois pas d'autre que la mer, qui, par pudeur, se retire chaque année au-delà de toute espérance ; car la mer, à Deauville, je vous le demande, à quoi cela sert-il ? Et, de plus, les ouvrages de médecine déconseillent vivement aux gens civilisés de boire de l'eau de mer sans se servir d'un alambic. Donc, comme dans l'histoire sainte, la mer s'est retirée ; où ? Très loin ; si loin que cela ne nous regarde plus ; pas plus que nous la regardons, d'ailleurs. La mer s'est retirée, ce qui nous a valu une plage : la plage fleurie. La Plage Fleurie est, d'abord, un terme bien connu de publicité, et, ensuite, une plage qui, à l'état normal, n'est pas fleurie du tout ; on y apporte, le treize juillet exactement, des fleurs en caisses et en pots, .... "

Ce que les aveugles voient (1899) : "On considère ordinairement l’aveugle comme un être inférieur, borné, inutile à la société, fatalement voué à la mendicité s’il est pauvre, à l’oisiveté s’il est riche, dans les deux cas, à l’ignorance. C’est là une profonde erreur. Les aveugles ont une foule de jouissances dues à la finesse de leur ouïe qui leur permet d’être excellents musiciens, et de perceptions délicates dues au toucher qui leur permet de lire, d’écrire et de se rendre compte de bien des choses mystérieuses que nous ne soupçonnons pas. L’histoire de ces sensations est pleine de merveilles inconnues des « clairvoyants » et comme la clef d’un nouveau monde. Depuis cent ans, grâce à Valentin Haüy, le fondateur de l’éducation des aveugles, grâce à Louis Braille, l’inventeur de l’écriture des aveugles, et spécialement, depuis quelques années, grâce à l’Association Valentin Haüy, des milliers d’aveugles sont instruits, pourvus d’une profession et gagnent leur vie par leur travail. Pour que cette œuvre remplisse complètement son but, qui est d’arracher tous les aveugles à la mendicité, il suffira que tous ceux qui ont des yeux pensent quelquefois à ceux qui n’en ont pas..."

Pêcheur d'Islande (1899) par Anatole Le Braz (1859-1926) : "Perdus, pendant les nuits sans fin de l’hiver polaire, dans les brumes glacées de l’Océan Arctique, les bateaux de pêche venus de France, secoués par la mer toujours dure, ont à lutter pendant sept mois contre le vent qui fait rage sans répit, contre la tempête qui menace sans cesse. Exposés a toutes les rigueurs d’un climat farouche, les pêcheurs accomplissent au prix des plus dures fatigues au milieu des plus grands dangers, leur tâche épuisante. Toutes ces misères affrontées sans murmure pour un salaire toujours minime, souvent dérisoire, devaient être secourues. – Un navire-hôpital est envoyé chaque année par les Œuvres de Mer pour croiser dans les eaux d’Islande et procurer aux malades les soins matériels les plus urgents pour soutenir et ranimer les courages abattus. – Evoquer cette rude vie des Islandais, c’est montrer combien il reste encore à faire pour améliorer le sort de ces pêcheurs, les plus vaillants parmi les vaillants enfants des côtes de notre France..."

Ce qu'entendent et ce que disent les sourds-muets (1900) : " SENTIR que nous sommes en communication avec nos semblables, mettre nos émotions à l’unisson des leurs, échanger avec eux des idées, recueillir leurs impressions, leur faire part des nôtres, c’est là pour nous un besoin aussi impérieux que de nous mouvoir et de respirer. Nous ne pouvons vivre en dehors de l’humanité. La solitude morale, aussi bien que la solitude matérielle, nous est intolérable. C’est ce qui fait que la situation des malheureux que la nature a rendu sourds en naissant est si pénible..."

L'Impôt sur le revenu : ruine des travailleurs (1899) : "L’impôt sur le revenu est plus que jamais la question du jour. Ses partisans le célèbrent comme une conception nouvelle admirable, comme une réforme destinée à soulager la grande majorité des contribuables, à satisfaire également la justice idéale, les intérêts du Trésor, les progrès économiques de la France. Ce sont là de grands mots. En réalité, cet impôt, loin d’être nouveau, n’est que le retour à peine déguisé à l’un des impôts les plus décriés de l’ancien régime. Il aurait pour conséquence immédiate de paralyser le commerce et l’industrie, d’appauvrir le pays. Mais surtout il retomberait lourdement sur les travailleurs et sur les petites bourses qui en seraient les véritables victimes..."

Un cas extraordinaire d'aspiration rectale et d'anus musical (1892) par le Dr Marcel Baudouin : "Depuis quelque temps, au Moulin Rouge, un jeune homme se livre chaque soir, en cabinet particulier, à une série d'exercices purement physiologiques, qui en raison de leurs caractères un peu spéciaux, excitent à un degré extrême la curiosité et l'étonnement du public fréquentant cet établissement. Les spectateurs, au début tout au moins, restent incrédules, n'ajoutent pas foi à ce qu'ils entendent, ou plutôt soupçonnent tous l'existence d'un truc plus ou moins ingénieux. Pourtant ces expériences de physiologie humaine sont parfaitement authentiques et, en réalité, du plus haut intérêt au point de vue scientifique..."

Une journée à l'école de natation (1845) par Eugène Briffault (1799-1854) : "Pour celui qui, dans les habitudes et les affections d'une grande cité, ne cherche pas seulement le côté plaisant ou l’aspect ridicule, chaque sympathie, chaque inclination, même celles qui étonnent le plus, ont des causes originelles et nécessaires. En remontant avec rapidité et avec franchise le cours des âges, on voit chaque coutume et chaque penchant naître naturellement des faits, presque toujours avec sagesse. Le temps, qui altère tout ce qu'il n'améliore pas, met souvent, il est vrai, la folie, l'extravagance, la manie et la déraison à la place de ce qui était d'abord régulier et sensé. Le Parisien aime la Seine comme le Vénitien aime l'Adriatique. L'enfant de Paris, s'il le pouvait, ferait de son fleuve une mer. Que de fois il a sérieusement rêvé ce prodige! Aussi, comme il traite gravement toutes ses relations avec la Seine ! Il a ses ports, ses canaux, sa flotte et sa population maritime, sa navigation, un commerce immense, ses trains flottants et ses pyroscaphes : voilà pour ses intérêts, pour son travail et pour son bien-être. Sur ce chemin, qui marche en traversant Paris, comme eût dit Pascal, la ville voit se presser, à l'entrée du fleuve, les denrées des plus riches provinces ; à sa sortie, affluent toutes les productions du monde. On a parlé des eaux qui roulaient de l'or ; l'industrie a chargé d'or le sable de nos rivières..."

Le Jockey-Club (1845) par Charles de Boigne (18..-18..) : "Les clubs sont une importation anglaise modifiée parla Révolution de Juillet. Jamais, en France, nous n’eussions inventé, pour notre plaisir, ces établissements antiféminins Il n'y a plus aujourd'hui de société proprement dite. La politique a porté le premier coup aux relations de salon, les clubs les ont tuées tout à fait. Une partie de la jeunesse parisienne s'est constituée en état indépendant et somptueux, et elle s'est si bien trouvée de cette vie de luxe et de liberté, qu'elle a déserté les devoirs et les affections de famille. L'autorité paternelle ne fût pas seule atteinte par cette brusque émancipation des enfants. Les amours de théâtre revinrent à la mode. Les jeunes gens étaient décidés à ne plus se gêner pour personne, pas plus pour un sexe que pour l'autre. Dans les clubs, chacun parle quand il veut, se tait, boit, mange, dort et joue quand il veut ; s'il est une vie plus utile, en est-il une plus commode ? Le Jockey-Club est né rue du Helder, vers le commencement de l’année 1834..."

Préface au Traité des Hermaphrodits de Jacques Duval (1880) par Alcide Bonneau (1836-1904) : "LE traité des Hermaphrodits, du vieux médecin Rouennais Jacques Duval, est depuis longtemps classé parmi ces livres curieux et rares que les bibliophiles aiment à posséder et peut-être à lire. La singularité du sujet, que personne encore n'avait étudié si à fond et que l'auteur sut étendre bien au-delà de ses limites naturelles, lui valut au XVIIe siècle une renommée assez grande ; la bizarrerie et la naïveté du style, les étonnants développements donnés à certains détails physiologiques, la lui ont conservée jusqu'à nos jours. Un médecin qui aujourd'hui reprendrait ce thème le traiterait sans doute autrement, sur des bases plus certaines et à l'aide d'observations mieux contrôlées ; il ferait un livre plus scientifique, mais à coup sûr moins divertissant..."
 
Préface au Dictionnaire érotique latin-français de Nicolas Blondeau (1885) par Alcide Bonneau (1836-1904) : "SI l’on examine d’un peu près la langue érotique, les termes et locutions dont elle se compose, tant chez les Anciens que chez les Modernes, on s'aperçoit que les écrivains puisent les éléments de leur vocabulaire à trois sources principales. Il y a d'abord le mot cru, le terme propre, qui peut maintenant nous paraître assez malsonnant, mais qui certainement à l'origine ne devait pas être obscène. L'homme donna un nom à ses parties génitales, à celles de la femme, à l'acte amoureux, aux sécrétions qui en résultent, comme à toutes les autres parties du corps, à toutes les autres actions et sécrétions, sans choquer en rien la pudeur..."

Les Cadenas et ceintures de chasteté, notice historique (1883) par Alcide Bonneau (1836-1904) : "ON verra si l'on veut l'origine des Cadenas de chasteté dans ce nœud spécial, appelé Herculéen, qui attachait la ceinture de laine des vierges Grecques, et que le mari seul devait dénouer, le soir de ses noces. Solidifiez ce nœud, appliquez-le à une armature de métal, et vous avez à peu près le Cadenas ; mais les Grecs ne paraissent pas avoir connu cet appareil de sûreté. Ce n'est que dans le conte de Voltaire que l'on voit Proserpine défendue par une armure de ce genre ; Vulcain, l'habile ouvrier, ne réussit jamais qu'à forger le fameux filet qui lui permit de surprendre le flagrant délit, non de l'empêcher ; et quand Ulysse fermait la porte de son royal logis au moyen d'une cheville passée dans des courroies, il eût sans doute été bien en peine de mettre une serrure à Pénélope..."

Le Pain brié en Vénétie (1912) par Georges Celos (1870-1939) : "Dans un ouvrage précédent, le Pain brié, publié en 1910, j’ai étudié cette sorte de pain, que l’on trouve en France, dans le Calvados, et, spécialement dans sa partie Est, où l’on mange le même pain qu’en Espagne et en Italie. Dans ce livre, où quelques lignes, seulement, étaient consacrées à la boulangerie, j’ai montré les raisons d’après lesquelles on doit écrire : pain brié et non brillé ou brillié. Puis, j’ai considéré surtout les formes données au pain brié et fait voir que celles-ci étaient, pour les pains briés de la région Est du Calvados, des formes phalliques, ctéïnnes ou placentaires, des formes sexuelles, par conséquent ; et il est facile de voir, de ce côté, une habitude ancienne, restée parmi certains Normands. Il est, dans nos civilisations modernes, un ensemble de croyances, de traditions très anciennes qui se rapportent à des âges très éloignés de nous, et qui, voilées par des siècles de vie modificatrice, n’apparaissent que difficilement aux hommes actuels, parce qu’elles sont cachées par l’habitude, par la perte de leur vrai sens, et par la pudibonderie. Le culte primitif des hommes pour le Principe générateur, masculin ou féminin, en fait partie, et la question du pain brié, qui touche à des problèmes d’ethnologie ardus, et à l’histoire aussi des primitives religions peut-être, est intéressante, parce qu’elle peut montrer ainsi des vestiges de croyances disparues..."

Les Mots nouveaux : origine et acclimatation (1908) par Albert Dauzat (1877-1955) : "Comme les espèces animales, les mots d'une langue naissent, se développent, dépérissent et meurent ; ils se reproduisent aussi, en laissant derrière eux une descendance souvent nombreuse de dérivés et de composés ; ils connaissent enfin et pratiquent supérieurement la lutte pour la vie. Tous les jours, nous voyons de nouveaux termes faire irruption dans la langue, livrer bataille aux anciens mots, sans respect pour les positions acquises et la possession d'usage : plus jeunes, plus vigoureux, mieux armés sans doute pour le combat linguistique, ils délogent leurs prédécesseurs d'une situation enviée, et les relèguent peu à peu dans les oubliettes de l'archaïsme..."

Le petit café des « Bons Gros » (1923) par Raymond de Nys (18..-19..) : "C'est, à l'ombre du clocher de Saint-Ambroise, à l'endroit précis où la vieille rue de la Folie-Méricourt s'amorce au boulevard Voltaire, un petit café pareil à tant d'autres et qui ne se remarquerait point, n'était son enseigne. En grosses lettres noires, sur le mur blanchi à la chaux, on lit : « Aux Cent Kilos ». Et cette légende est reproduite en lettres d'or sur les fausses boiseries de la porte, sur les simili-marbres qui décorent la devanture et jusque sur les vitres même. Ce petit café dédaigne-t-il les petits clients ? Ne lui faut-il que des Falstaffs ou des Gargantuas ? Non. Mais à certaines    heures, une fois par mois, au moins, il est le rendez-vous attitré des « Gros Ventres » de Paris : c'est le Siège social du Club des Cent Kilos, - société amicale et... sportive..."

Les menus du Siège, 1870-1871 (1909) par Frank Schloesser (18..-19..).

Une Apologie du Cannibalisme (1909) par B. Beau (18..-19..).

L'Art des Détectives modernes (1908) par le Dr R. Romme (18..-19..).

Comment retarder la chute et la canitie des cheveux ? (1910) par le Dr Léon Guelpa (18..-19..).

Paris en huit jours : Choses vues (1922) par Charles Torquet (1864-1938) : "Exposé des motifs. – Il y a déjà longtemps que je suis à Paris, mais je ne l’ai jamais « visité ». C’est, dit-on, un plaisir assez douteux que les Parisiens laissent d’ordinaire aux provinciaux et aux étrangers. Mais ceux-là s’en donnent. Individuellement ou par essaims, ils se jettent sans cesse dans la ville pour l’apprendre en deux jours, en cinq jours, en huit jours, selon le temps et l’argent dont ils disposent. Ils s’y agitent, incertains, se cognent en bourdonnant, aux vitres et aux becs de gaz, parcourent des circuits plus ou moins compliqués et puis ressortent soudain, pareils à ces grosses mouches affolées qui se sentent intruses. Et ils regagnent leurs foyers ou continuent leurs voyages, bien persuadés qu’ils la connaissent dans les coins. Qu’en voient-ils ? Je me suis mis dans la peau de l’un d’eux pour visiter Paris comme n’importe quel provincial ou quel étranger ordinaire, sans lumières spéciales – c’est beaucoup plus facile que de se mettre dans la peau d’un homme de génie..."

La Première sortie du Pape (1929)par Marcel Boulenger (1873-1932) : "Un salon, à Rome. Ce qu'on appelle un salon, un vrai, un difficile. Paraît une dame éblouissante : — Donc, ma chère, lui dit-on, vous allez demain voir la première sortie du pape hors de son Vatican ? Imaginez quelle foule, quelle splendeur !... Nous avons tous des yeux étincelants en songeant à cet événement extraordinaire, qui ne s'était plus produit depuis 59 ans. Cependant, la dame éblouissante est une Romaine, son grand-père lui a raconté les défilés de Pie IX. Et puis, il fait si chaud... Enfin, elle ne sait pas trop si elle ira. Elle a loué une fenêtre sur la place, bien entendu, mais vraiment..."

Valentine de Milan, Christine de Suède (1923) par Ernest Renan (1823-1892) : "Il est possible qu'avant moi quelque biblio­graphe avisé ait signalé déjà cette première prose. Je dois, en tout cas, à la plaquette qui la contient des émotions et des souvenirs qu'aucun, bibliographe n'aura certainement éprouvés. Disons tout de suite qu'il s'agit d'une Enigme historique, parue dans une revue destinée à des jeunes filles, dirigée par Mlle S. Ulliac Tré­madeure, amie d'Henriette Renan. Je n'en savais pas davantage à l'époque où je fus mis en possession de ce précieux texte. Je savais aussi que ces pages représentaient les débuts de Renan dans le monde des lettres. C'est Mme Ernest Renan, à qui je dois tant, qui me fit ce cadeau. Le cadeau se composait de quatre feuillets détachés, format in-8, dont la pagination, des rectos aux versos, se suivait de la façon que je vais reproduire : 933-340 (quel saut diabolique !), 361-362, 363-364, 365-366. J'ignorais le nom précis du périodique, et je laissai passer des années, remettant, comme il arrive dans une existence bondée de travaux, la vérification au lendemain..."

L'Homme il y a deux cent mille ans (1885) par Paul Nicole : "Beaucoup de personnes ont certainement entendu parler des découvertes extraordinaires, intéressant l’histoire primitive de l’homme, dont plusieurs localités en France et à l’étranger ont été le théâtre plus ou moins récent. Des instruments en pierre, en os, en ivoire travaillés par la main de nos ancêtres à une époque immémoriale, ont été mis au jour, ainsi que des ossements appartenant à des espèces animales, dont plusieurs sont depuis longtemps éteintes, ou ont disparu de nos climats, et même à des races d’hommes, dont les annales historiques des différents peuples ne font aucune mention..."

L'imprimerie en Europe aux XVe et XVIe siècles (1892) par Léon Degeorge (1843-19..) : "... Le relevé chronologique des premières productions de la typographie en Europe et des noms des imprimeurs qui, les premiers, ont exercé l'art d'imprimer depuis Gutenberg (XVe siècle) jusqu'à la fin du XVIe siècle, nous semble devoir offrir quelqu'intérêt aux érudits et aux amateurs bibliographes. Des monographies spéciales à certains pays ont été publiées et contiennent des indications plus ou moins étendues sur les origines de l'imprimerie dans telle ou telle partie de l'Europe, dans telle ou telle ville. Mais nous ne pensons pas qu'un travail d'ensemble présentant les noms des premiers typographes en Europe et les titres des premiers ouvrages qui virent le jour du XVe au XVIe siècle ait été publié jusqu'ici..."

Guillaume ou le parfait écolier [suivi de] Le Cadet généreux [et de] La Composition (ca1850) : "L’an 1674, mourut, à la Flèche, le quinzième jour d’août, Guillaume Ruffin, après avoir beaucoup vécu en peu de temps, comme parle l’Ecriture, et ramassé en moins de dix-huit ans le mérite d’un grand nombre d’années. C’est un exemple que Dieu a voulu proposer dans nos temps à la jeunesse chrétienne, pour lui apprendre que la sainteté est de tout âge, et que dans un corps encore faible on peut avoir une vertu consommée. Nous allons rapporter ce que nous avons pu savoir de plus édifiant sur cet humble serviteur de Dieu, afin qu’il soit d’autant plus connu après sa mort qu’il a plus affecté de se cacher pendant sa vie. Guillaume Ruffin était natif de Laval, ville considérable dans la province du Maine..."

Cent façons d'accommoder le mouton (1931) par Mademoiselle Rose (18..-19..) : "Un gigot de mouton doit être tendre, rebondi, de chair foncée, ne pas peser plus de sept livres entier et cinq livres raccourci. Battez-le avec le couperet à plat ou le rouleau à pâtisserie, dégagez et raccourcissez le manche, faites une entaille au couteau pour introduire une gousse d’ail, une autre pour maintenir la queue si elle existe. Enfilez la broche du côté du manche ou pour rôtir au four, posez la viande sur une grille mise dans un plat, mettez de la graisse dessus ; faites cuire à feu très vif, arrosez plusieurs fois pendant la cuisson qui est suffisante lorsque la viande fume. Comptez environ un quart d’heure par livre..."

Essai sur l'histoire générale des sciences pendant la révolution française (1803) par Jean-Baptiste Biot (1774-1862) : "On se propose de tracer, dans cet écrit, l'Histoire générale des Sciences, pendant la Révolution : on s'attachera moins à détailler leurs découvertes, qu'à montrer la part qu'elles ont prise à cet événement, et le sort qu'elles ont éprouvé : leur situation à cette époque est sans exemple. On les avait vues, jusqu'alors, fleurir sous les Gouvernemens éclairés et s'éteindre dans les dissentions civiles. Le despotisme révolutionnaire leur donna une existence politique, il s'en servit pour inspirer de la confiance au peuple, pour préparer des victoires et gagner des batailles. Les secours qu'elles fournirent furent si grands, que l’on voulut les perpétuer. C'est ce qui fit créer plusieurs établissemens d'instruction publique, et entr'autres l'école Polytechnique et l'école Normale : précaution devenue trop nécessaire, car un grand nombre de savans avait déjà péri, d'autres étaient cachés ou dans les fers ; le reste, organisé en ateliers, était employé à travailler pour la Révolution, et contraint de racheter, par des prodiges continuels, la vie qui leur était conservée..."

Déformation du crâne résultant de la méthode la plus générale de couvrir la tête des enfans (1834) par Achille Foville (1799-1878) : "On ne sait pas assez combien de lésions pour nos organes, combien de prédispositions funestes résultent de la vicieuse application de nos vêtemens. Les conseils de l’hygiène à cet égard ne peuvent être trop répétés, trop répandus ; et peut-être ce sujet n’a-t-il pas encore été traité avec un soin proportionné à son importance. La partie principale de ce mémoire est relative aux déformations du crâne qui proviennent de l’usage pernicieux d’appliquer sur la tête des enfans un bandeau fortement serré. Tout ce qui tient à l’éducation physique des enfans est de la plus haute importance, car la délicatesse de leurs organes peut trop aisément subir d’irréparables atteintes. Mais les adultes aussi sont exposés à de graves inconvéniens, par suite des gênes qu’imposent à leurs membres les exigences de la mode ou des routines mal entendues. Toutes les parties du corps ont payé ou paient encore un dur tribut aux règles trop souvent arbitraires qui président à la toilette des deux sexes..."

Essai sur l'art de faire le vin rouge, le vin blanc et le cidre.... (1767) par Maupin (17..-17..) : "L’ART de préparer les boissons naturelles, & surtout le vin, est encore si incertain, & cependant si important en tous pays à la conservation des hommes, qu'on ne peut mieux faire que de s'occuper du soin d'en éclaircir & fixer les vrais principes. C'est le but que je me propose dans cet Essai. Pour y parvenir avec ordre, je commencerai par deux observations préliminaires ; l'une sur les défauts du commun de nos vins, & l'autre sur les manières de les faire, les plus usitées ; ensuite de quoi, après avoir remarqué l'insuffisance & le préjudice de ces dernières, je proposerai en partie, d'après mes expériences, deux Méthodes nouvelles, dont la seconde convient non-seulement au vin rouge, mais encore au vin blanc & au cidre. Tous ces objets, avec des vuës sur l'introduction de la Vigne en Normandie & dans quelques autres de nos Provinces septentrionales, seront la matière des quatre Chapitres qui composent cet Ecrit..."

Jacques Bonhomme (1871) par Victor Édmond Vital Régnier (1822-1886) : "La guerre est à la politique ce qu'est à la médecine une opération chirurgicale : un mal ayant pour motif la suppression d'un mal plus grand. Autant on admire l'habile opérateur, pouvant en quelques secondes de moins qu'un autre obtenir un résultat qui sauve la vie ou prolonge l'existence, autant l'on doit toute son admiration à l'habile gouvernant qui, par une guerre promptement et habilement dirigée, amène des résultats heureux et décisifs dont le but sera de tirer une nation d'un marasme mortel ou de lui permettre de croître en pleine vigueur..."

 Catulle Mendès - Les Hommes d'Aujourd'hui n°203 (ca1898) : "Catulle Mendès est l'un des plus parfaits artistes de notre époque. Poète, il n'est inférieur à aucun des poëtes nouveaux. Si vous relisez Hesperus, les Soirs moroses, les Contes épiques, les Sérénades, le Soleil de minuit, et ses autres livres de vers, et surtout son dernier poëme : les Imprécations d'Agar, qui sont un superbe et généreux chef-d’œuvre ; si vous savez apprécier, à leur juste mesure, cette inspiration si puissante et si diverse, ce talent si souple et si magistral, cette forme si pure et si claire, vous serez pris d'une admiration très vive, et vous ferez déjà à Catulle-Mendès entre les poëtes du dix-neuvième siècle la place que la postérité lui réserve..."

Le fumier de ferme et les engrais chimiques (1891) par Louis Danguy : "La question de la fertilisation des terres arables est certainement une de celles qui attirent le plus vivement l’attention de l’agriculteur depuis quelques années. Aussi ne devez-vous pas être surpris de voir ce sujet exposé dans la première séance d’un congrès où seront discutés les moyens de retirer du sol une plus grande quantité de produits. A une époque encore peu éloignée de nous, la seule matière fertilisante que possédait l’agriculture était le fumier de ferme. Le fumier de ferme peut être considéré comme formé du résidu des récoltes qui ont servi à l’alimentation et au couchage des animaux domestiques. Tous les fumiers ne sont pas identiques. Il y a fumiers et fumiers..."

Le combat à pied de la cavalerie au moyen âge (1885) par Jules de La Chauvelays : "Il ne sera pas sans intérêt d’examiner sommairement quelle fut la tactique des chevaliers français, anglais, écossais, etc., depuis le onzième jusqu’au quinzième siècle. On a considéré à tort, selon nous, chevalerie comme en tout temps synonyme de cavalerie, et c’est une erreur de représenter les milites du moyen âge montés toujours sur leurs destriers. A la vérité, la noblesse de Charlemagne, abandonnant l’usage des milices qui conquirent la Gaule, tint à honneur de combattre à cheval. Le guerrier frank devint cavalier ainsi que le noble gallo-romain. Les Allemands au contraire en revinrent souvent au combat à pied ; cependant leur cavalerie fut célèbre de tout temps, les auxiliaires germains à cheval contribuèrent au triomphe de César à Alésia, et enfoncèrent partout les cavaliers gaulois. Les chevaliers allemands et les reîtres maintinrent à cet égard la haute réputation de leurs ancêtres..."

Les plantes qui nourrissent - Les plantes qui guérissent - Les plantes qui tuent (1904) par Henri Coupin (1868-1937)

La Loi du Mâle, à propos de l'enfant du Barbare (1915) par Paul Rabier (18..-19..) : "Un auteur célèbre s’est heureusement attaché, voici quelques années, à mettre en relief, au point de vue sentimental et social, toute l’inexorabilité de la loi de l’homme, laquelle n’est que l’expression humaine de la loi animale, de la loi du Mâle. Les poignantes heures que nous traversons viennent d’en confirmer douloureusement, en même temps que la violence, toute la fatalité. Alors qu’après neuf mois, nous entrevoyons dans un lointain encore flou une glorieuse issue à cette lutte titanesque qui ensanglante l’Europe ; en même temps que les mois qui viennent vont nous apporter avec les joies de l’Eté, une floraison de lauriers, d’autres prémices hélas ! ignominieuses celles-là, nous sont promises. A l’heure présente, en effet, des milliers de seins de femmes françaises recèlent d’indésirables fruits qui vivent malgré elles, à leurs dépens, du fait d’abominables souillures. Nombre de ces gestations touchent même à leur terme, pour lesquelles déjà certaine solution serait trop tardive. Celle-ci ne pouvant être appliquée qu’à celles récentes, qu’à celles toujours possibles imposées par l’ennemi qui occupe encore notre sol..."

Observations sur la vente des forêts de l'Etat (1865) par Alexandre d'Arbois de Jubainville (1835-1916) : "Un projet d’aliénation des forêts domaniales a récemment ému l’opinion publique. Nous nous sommes alors demandé si l’État avait raison de conserver ses forêts plutôt que de les vendre aux particuliers qui, stimulés par l’amour du gain et la crainte de la perte, sauraient peut-être, au grand avantage de la prospérité publique, mieux les administrer, en leur faisant produire des bois meilleurs et plus abondants, afin d’obtenir un revenu plus élevé. A cet égard, voici le résultat de nos recherches..."

Traité de l'origine des glaires... (1832) par Sébastien Guillié (1780-1865) : "FILS d’un père goutteux et d’une mère douée d’une constitution lymphatique, à peine sorti de l’enfance, je fus assailli par des maladies graves, qui mirent ma vie dans un imminent danger. On attribua aux effets de la croissance, à la présence des vers intestinaux, aux rachitis, un état qui n’était dû qu’à la surabondance des glaires qui neutralisaient toutes mes fonctions, et dont il aurait suffi de me délivrer pour me rendre les forces et la santé ; mais bien au contraire, ceux qui furent appelés pour me donner des soins, prétendirent que ma maladie était le résultat de ce qu’il leur a plu d’appeler une fièvre muqueuse, dénom[i]nation vide de sens, qui, ne fournissant [r]ien à leur esprit, devait tout naturellement ne rien produire non plus dans leur intelligence pour me guérir, puisque dans ces tems-là on avait tout dit lorsqu’on avait affirmé qu’un individu était affecté de la fièvre muqueuse, comme aujourd’hui lorsqu’on a conseillé les sangsues et l’eau gommée, tristes effets de la mode et du caprice qui s’introduisent dans les têtes de ceux qui exercent le plus grave et le plus important de tous les ministères pour le bonheur des hommes..."

La Danse des morts de la Chaise-Dieu : fresque inédite du XVe siècle (1862)  par Achille Jubinal (1810-1875) : " On a beaucoup écrit en France, depuis quelques années, sur les anciennes peintures à fresque tracées dans les cloîtres ou sur les murailles des églises, et connues sous le nom de danses des morts, danses macabrées, danses macabres. Malheureusement, tout en dissertant beaucoup sur l'origine de ces œuvres singulières, on a négligé de reproduire celles qui étaient restées inédites. Nous ne venons pas, à notre tour, apporter une opinion personnelle sur ce point encore obscur de notre archéologie nationale, ni rechercher si la danse macabre était la même chose, comme semble le dire Dom Carpentier dans son dictionnaire, que la danse des Macchabées (Maccabeorum chorea), ou si son nom vient de Macabre, qui aurait été le poëte ou le peintre de cette danse, etc..."

Pour écrire de la main gauche : conseils pratiques (1917) par André Charleux (18..-19..) : "La guerre actuelle va laisser derrière elle, outre des deuils et des ruines, des mutilés. Il est du devoir de tous de coopérer à l’œuvre de réeducation de ces braves. A cet effet des écoles ont été fondées. Leurs enseignements leur procureront une profession honorable. Cependant tous ne pourront pas exercer une profession manuelle. Les amputés d’un bras entre autres sont destinés à remplir des fonctions, soit de dessinateurs, soit d’employés de bureau. Or ceux qui ont subi l’ablation du bras droit sont obligés d’adapter leur bras gauche à un travail nouveau pour lui. A ceux-là nous avons pensé venir en aide en écrivant ce recueil de conseils. Ils sont le fruit de notre expérience personnelle. Nous les avons pratiqués et des résultats obtenus nous n’avons qu’à nous féliciter. Qu’ils satisfassent pareillement ceux qui sont dans la pénible, mais non désespérante, obligation de s’en inspirer, c’est le seul succès que nous leur souhaitons..."

Almanach de la politesse - Nouveau guide pour se conduire dans le monde (1853) par Louis Verardi (1789-1859) : " Duclos dit que la politesse est l’expression ou l’imitation des vertus sociales. Labruyère prétend que l’esprit de politesse est une certaine attention à faire que, par nos paroles et nos manières, les autres soient contents de nous et d’eux-mêmes, et ceci est vrai. La politesse, selon nous, comprend : La morale, les bienséances, l’honnêteté, la civilité, et, en un mot, toutes les douces vertus qui forment les liens les plus puissants de la société civilisée ; c’est, à proprement parler, la morale en action. 1. La politesse est l’expression de la bonté de la morale et du cœur, abstraction faite de toute vanité mondaine et d’égoïsme. Il n’est point de véritable politesse sans morale, sans bonté, sans bienveillance, et sans une certaine sensibilité. 2. Elle est uniquement fondée sur l’amour du prochain ou sur l’envie de s’en faire aimer comme on l’aime soi-même. C’est l’envie de plaire. 3. Avec les gens que l’on n’aime pas, il est fort difficile d’être poli si l’usage du monde ne vient à votre secours. 4. L’usage du monde est le plus puissant auxiliaire de la politesse. 5. Si la politesse n’est qu’un masque, comme disent les mauvais philanthropes, mettez ce masque, car il vaut mieux, dans tous les cas, se faire aimer que se faire haïr : tout le monde y gagne.... "

Livret de propagande pour le travail volontaire en Allemagne (ca 1941) [.PDF]

Les Amuseurs de la rue (1875) par Augustin Challamel (1819-1894) : " - Allons, voyons, Augustin, ne fais donc pas comme cela le Bobèche ! Telle fut l’apostrophe que ma bonne mère me lança, un jour que je me signalais, devant elle, par toutes sortes d’extravagances, en gestes et en paroles. J’étais niais au suprême degré. J’avais alors onze ans, l’âge où l’on a déjà la prétention de se compter parmi les personnages. - Bobèche ! bobèche ! qu’est-ce que cela veut dire ? me demandai-je, après avoir obéi aux injonctions maternelles. Dès que je me trouvai seul, j’eus cette curiosité de chercher l’origine des choses, si naturelle à votre âge ; je courus à la bibliothèque de mon père, pour y prendre un dictionnaire français. C’était le Dictionnaire de l’Académie française, celui qui a le monopole du langage, et qui fait loi dans les discussions grammaticales. Au mot Bobèche, je ne trouvai qu’un substantif féminin, signifiant « une petite pièce cylindrique et à rebord, qu’on adapte aux chandeliers, aux lustres, aux girandoles, etc., et dans laquelle on met la bougie ou la chandelle. » - Évidemment, ce n’est pas de cette bobèche qu’il s’agit, me dis-je aussitôt..."

Le Prisme, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1841) - 3 : Les Maîtres chanteurs (Francis Guichardet) ; Le Colporteur (Amédée Achard) ; Les Incomplets (Andréas) ; Les Écoles de natation (Charles Friès) ; Le Porteur de Journaux (Louis Roux) : "C’EST quelque chose de fâcheux, en vérité, que de naître borgne, boiteux, acéphale, de clocher, de se faire remarquer par un front proéminent, des yeux sensiblement chassieux, un nez turgescent et couperosé, des mains taillées dans des semelles d’hippopotame, et l’apparence de toutes ces difformités physiques rendue plus sensible par une paire de lunettes d’un vert foncé. L’homme incomplet est celui que la nature a moulé sur ce patron disgracieux, sans préjudice des embellissements de l’art dont la plupart des incomplets au naturel paraissent encore susceptibles au figuré...

La légende du Parnasse contemporain (1875-1876) par Henry Laujol (i.e. Catulle Mendès) : " Par une belle matinée de juin, – car cette fantasque histoire peut commencer comme un roman, – un être extraordinaire projetait d’interminables jambes sur l’un des grands chemins qui aboutissent à Paris. Si longue que fut la route, ces jambes, certes, en atteindraient le bout ! Maigre, plus maigre qu’en aucun temps il n’a été donné à aucun, homme de l’être, transparent même, si son étroite redingote, quoique amincie par l’usage, n’eut offert encore quelque apparence d’opacité, il allait, ses courts cheveux dressés par le vent qui rebroussait sa course, sa narine de faune relevée comme si elle eut flairé quelque nymphe prochaine. Parfois, sans s’arrêter, il paraissait écouter le bruit que fait sur les cailloux le clair ruisseau qui court, et souriait avec un air d’attendrissement délicieux. Aux petites hirondelles qui volent, il faisait des signes de menace amicale, et cueillait, toujours courant, des touffes d’herbes fleuries. Aucun bagage, d’ailleurs. Quoi de plus gênant qu’un bagage ? Une poche de sa redingotte, pourtant, – celle sous laquelle le coeur bat, – était renflée comme par quelque paquet. Il marchait toujours, avec les allures rectangulaires du Matamore dessiné par Théophile Gautier. « Qu’avez-vous à déclarer ? » lui demanda un employé de l’octroi ; le voyageur, fièrement, répondit : « Rien ! » Rien, en effet, voilà ce qu’avait Albert Glatigny..."

La Ménagère parisienne (1841) par Mathurin-Joseph Brisset (1792-1856) : "LES femmes de province ont pendant longtemps paru posséder des droits exclusifs au titre glorieusement bourgeois de bonne ménagère. Et, en effet, la régularité des habitudes intérieures, la rareté de distractions extérieures, les traditions léguées de mère en fille, le besoin d’une occupation, d’une activité journalière, la nécessité d’entretenir et de consolider par les minutieux efforts de chaque jour une fortune à laquelle le temps ne semble devoir apporter aucun accroissement soudain, par-dessus tout le désir ardent qu’elles ont de surpasser ou d’égaler, à force d’économies intérieures, le luxe des femmes plus riches qu’elles, et de pouvoir soutenir sans crainte la surveillance inquisitoriale qu’elles exercent sans cesse les unes sur les autres, tout contribue à faire des femmes de province les ménagères par excellence, ménagères corps et âme, esprit et coeur, dans toutes les circonstances de la vie, et à toutes les heures de la nuit et du jour..."

La Modiste (1841) par Mademoiselle Maria d'Anspach (18..-18..) "IL est dix heures : Paris s’éveille, les magasins sont ouverts. Quelques promeneurs longent le boulevard pour respirer l’air du matin et secouer l’engourdissement du sommeil ; des commis se rendent à leurs bureaux ; des femmes d’extérieur modeste, des jeunes gens en habit du matin vont au bain ou en reviennent ; de diligents célibataires entrent dans les cafés pour déjeuner et lire leurs journaux. Si, parmi tous ces individus d’aspect différent, vous voyez passer une jeune fille à la tournure dégagée et libre, qui marche vite, est mise avec plus de coquetterie que de bon goût, jette un coup d’oeil curieux sur tout ce qui l’entoure, et prête, chemin faisant, l’oreille aux galants propos des jeunes gens qui la suivent ou s’arrêtent sur son passage ; – c’est la modiste. Suivez-la vous-même un instant, et vous la verrez se rendre à un magasin où les demoiselles de vente l’ont déjà devancée pour faire leur brillant étalage..."

La Portière (1841) par Henry Monnier (1799-1877) : "QUAND nous venons au monde, nous autres modestes enfants de Paris, peu de personnes assistent à notre arrivée : ce sont ordinairement l’accoucheur, la garde et la portière de la maison où nous avons reçu le jour. La servante, si la dame du lieu ne fait pas elle-même son ménage, va, vient ; tourne et rattourne de la cuisine à la chambre à coucher, de la chambre à coucher à la cuisine, et le mari n’est jamais là. Toutes les formalités usitées en pareil cas une fois terminées, le sexe du petit bonhomme bien et dûment constaté, on le purifie, on l’empaquette, on le ficelle, on le reficelle, on lui brise bras et jambes pour qu’il occupe le moins de place possible dans ses langes ; puis on le présente à la maman, qui le reçoit des mains de la garde. Le docteur, dont les soins ne sont plus nécessaires, plie bagage, tire sa révérence, et la portière reprend le nouveau-né, l’inonde de caresses, l’humecte de baisers, et lui voue, à dater de ce jour, une affection des plus vives, un dévouement sans bornes..."

Le Garçon d'amphithéâtre (1841) par P. Bernard (18..-18..) : "NOUS l’aimions tous ; elle était si jolie, Cécile, la perle du quartier latin ! Lorsqu’elle passait sous nos fenêtres, fraîche et pimpante, nous avions coutume d’envoyer la fumée de nos cigares, comme un encens vers le ciel : nous voulions le remercier deux fois, car il faisait toujours beau, et c’était fête ! Nous ne connaissions jamais d’avance l’hôtel... l’hôtel garni bien entendu, où la jeune fille devait s’arrêter, ni le numéro exact de la chambre dont elle allait augmenter le désordre, avec son chapeau, son châle, son fichu, cette infinité de riens qui nuisent beaucoup plus qu’ils ne servent, dans un intérieur d’étudiant, et qu’on jette en entrant, çà et là, sur la table, sur les chaises, rarement sur le lit, un peu partout. Mais on n’est pas jaloux, à l’école, on n’y est guère prude non plus ; il nous sera donc permis d’ajouter que le nom de l’époux nous importait peu. Nous étions bien sûrs que les noces se feraient à la Grande-Chaumière, que nous y danserions au quadrille de la mariée, peut-être même avec elle !... Cette chance et vingt ans ! figurez-vous donc quelle source il y avait là d’illusions et d’espoir..."

L'Enfant de fabrique (1841) par Arnould Frémy (1809-189.) : "IL est un édifice humble, honorable, qui se construit sous nos yeux, et dont nous ne nous glorifions pas assez, peut-être parce qu’il ne s’adresse qu’à notre reconnaissance, et non à notre orgueil. Cet édifice n’est autre que la collection des établissements de bienfaisance et de charité, les salles d’asile, les caisses d’épargne, les conservatoires d’industrie, les sociétés de prévoyance, de patronage et de secours mutuels, les écoles primaires, les écoles normales primaires, et tant d’autres fondations toutes consacrées à l’amélioration et au soulagement des classes pauvres..."

Le Pensionnat de filles en province (1841) en province par Écarnot (18..-18..) : "APRÈS la prose du maire et l’orchestre du spectacle, la chose du monde la plus bouffonne, c’est un pensionnat de filles. Nous supposons une ville de cinq à dix mille âmes, bâtie en long, pignons sur rue, hôtel du Grand-Cerf et cabinet de lecture ; avec son commissaire de police aviné, ses gardes champêtres à bandoulières, ses réverbères borgnes, ses rues mi-parties de pavés et de boue, son tambour de ville et sa doublure de commères ; celles-ci pourvoyant à l’édification des parents, comme le pensionnat à celle des enfants ; déchirant les réputations avec l’histoire du jour, comme le pensionnat, les oreilles avec celle de Le Ragois ; brouillant les meilleurs amis avec leurs calomnies, comme le pensionnat les meilleures dispositions avec son enseignement. – Dites-nous un peu la bataille de Tolbiac et en quelle année ? Voyons..."

Le Jardinier de cimetière (1841) par Edouard d'Anglemont (1798-1876) : "LA classe si intéressante des horticulteurs se subdivise en un grand nombre de variétés : les Christophe Colomb des fleurs, les multiplicateurs des végétaux, les pères nourriciers de plantes exotiques, les créateurs de pépinières, les Soulanges-Bodin, les Pyrolle, le Keteléer, les Bachoux, les Billard, les Martine, etc. Mais, de toutes ces variétés, la plus curieuse et la moins connue est sans contredit le jardinier de cimetière. D’abord, le jardinier de cimetière ne jardine jamais ; il y a plus, s’il jardinait, son métier, qui est prodigieusement lucratif, ne lui rapporterait pas de quoi vivre comme un maçon ou un figurant de l’Ambigu-Comique..."

La Femme adultère (1841) par Hippolyte Lucas (1807-1878) : "ON disait un jour devant une femme spirituelle que tromper son mari commençait à devenir bien vieux au théâtre, et que les auteurs devraient renoncer à ce moyen.« Que voulez-vous ? répondit-elle malicieusement, c’est une chose aussi ancienne que le monde, et qui durera autant que lui. Le théâtre est l’expression de la société. » Beaucoup de femmes se persuadent, en effet, que l’adultère est un corollaire du mariage ; elles se figurent n’avoir pas eu une existence complète si elles ne se sont, pour ainsi dire, élevées à leurs yeux du rang d’épouses à celui de maîtresses, comme à un degré supérieur dans l’échelle des passions. L’adultère ! nous venons d’écrire là un mot qui se prononce rarement, même en ce temps, où la chose est si commune, et que l’on tient même pour un mot de mauvaise compagnie ; mais qu’il nous soit permis de l’employer..."

Le Prisme, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1841) - 2 : Les appartements à louer (Auguste de Lacroix) ; Le propriétaire campagnard (Joseph Bard) ; Le conducteur d'omnibus (Charles Friès) ; Le blasé (Auguste de Lacroix) ; Le décrotteur (Louis-Auguste Berthaud) ; La journée d'un médecin  (Louis Roux) :  "PARIS est la ville des déménagements et des appartements à louer. Quatre fois par an, c’est un déplacement de la population, un va-et-vient perpétuel de tapissières, des voitures d’administration, un remue-ménage général. Les fortunes s’élèvent et s’écroulent si vite, et les déplacements se font avec tant de facilité ! L’employé mis à la réforme, l’industriel, le spéculateur, changent de logement selon les variations de l’aveugle déesse ; ils descendent ou montent d’un étage, selon que leur position financière hausse ou baisse ; mais le mouvement se fait toujours en sens inverse. Les filles d’Opéra et toute la grande famille des femmes qui spéculent sur l’amour ont mille et une raisons qui les poussent à faire voyager incessamment leurs pénates. L’artiste qui a deux jours de fortune se hâte de prendre un appartement confortable. L’étoile d’or vient-elle à pâlir, l’artiste va planter sa tente sur les hauteurs inaccessibles de quelque masure ignorée. En province, l’usage plus fréquent des baux met bon ordre à cette manie d’émigration périodique : la Saint-Jean et Noël sont les seuls termes adoptés entre les locataires et les propriétaires départementaux..."

Le Prisme, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1841) - 1 : Le Vigneron (François Fertiault) ; Les Lions de contrebande (Francis Guichardet) ; La Cacoletière (Germain Delavigne) ; La Rue des Lombards (Andréas) ; Les Hôtels du Quartier latin (Louis Roux) : " DE tous les hôtels de Paris, ceux du quartier latin ont assurément le caractère le plus excentrique ; ils n’ont rien de commun avec ceux des autres quartiers, et leur physionomie est toute spéciale. Il est admis en principe que partout où l’étudiant dresse sa tente, il doit trouver sécurité, bien-être, aisance et abandon : le confortable n’est pas de rigueur. Le premier soin de l’étudiant de première année est de bien choisir son hôtel, en consultant les affinités de temps, de lieux et de propriétaire. Un étudiant de seconde année a d’ordinaire jeté son dévolu sur un hôtel bien débraillé, bien régence, c’est-à-dire ouvert à toute heure de la nuit à un homme seul, oui suivi d’un masque. Il est des hôtels où le domino n’est reçu qu’à la pointe du jour, et à la condition expresse de ne point passer la nuit, comme si le soleil devait être le complice obligé de toutes les franches repues qui ont lieu dans cet honnête séjour..."

Célébrités contemporaines par Jules Claretie (1840-1913) : Alexandre Dumas fils (1882) ; Alphonse Daudet (1883) ; Jules Sandeau (1883) ; Jules Verne (1883) : " S’IL reste une gloire incontestable à notre pays, une suprématie évidente, c’est la gloire du théâtre. L’étranger ne la discute même pas ; il la subit. Le théâtre français contemporain, partout traduit, adapté, pillé, applaudi, demeure une des forces vives de la nation. On peut comparer à nos peintres français des peintres étrangers, anglais, italiens, espagnols ou hongrois. On n’a pas d’auteur dramatique exotique à mettre en parallèle avec nos maîtres de la scène. L’homme qui a le plus fait pour donner à notre théâtre cette renommée éclatante et cette puissance souveraine, c’est M. Alexandre Dumas fils - ou plutôt, car depuis onze ans il est seul à porter ce nom illustre - M. Alexandre Dumas. Le premier, dans la comédie, dans cet art exquis du théâtre qui, avant lui, était par ceux de sa génération fidèles aux traditions de la génération précédente, regardé comme un aimable passe-temps, un plaisir digestif, un jouet, il apporta, il fit courir dans le drame cette chaleur de vie moderne, ce sentiment de vérité, cette haine de la convention qui n’ont fait que s’accentuer depuis et qui datent de lui..."

Le Propriétaire (1842) par Amédée Achard (1814-1875) : "INCLINEZ-VOUS devant les douze lettres de ce mot-là ; toutes les puissances se résument en elles ; en elles sont le commencement et la fin, l’alpha et l’oméga de ce qui est. Qui n’est pas propriétaire veut le devenir, qui l’est veut l’être toujours. Le monde pivote autour de ce substantif ; c’est l’arche sainte des royaumes constitutionnels, le fétiche de l’univers, la clef de voûte de la société ; tout passe, le propriétaire seul ne passe pas ; les empires croulent, mais les propriétaires restent. Ils sont plus forts que le temps et que les révolutions, deux choses qui usent les trônes et le granit...."

Le Flâneur (1841) par Auguste de Lacroix (1805-1891) : "CONNAISSEZ-VOUS un signe plus approprié à son idée, un mot plus exclusivement français pour exprimer une personnification toute française ? Le flâneur ! type gracieux, mot charmant éclos, un beau jour de printemps, d’un joyeux rayon de soleil et d’une fraîche brise, sur les lèvres d’un artiste, d’un écolier ou d’un gamin, – ces trois grandes puissances néologiques ! Le flâneur est, sans contredit, originaire et habitant d’une vaste cité, de Paris assurément..."

L'Amateur de livres (1841) par Charles Nodier (1780-1844) : "Ce que La Fontaine a dit du loup, je le dirai volontiers du pédant. Savez-vous rien de plus lourd qu’un pédant qui veut être léger, de plus maussade qu’un pédant qui veut être gracieux ? et s’il me prenait envie de faire de l’esprit en huit pages, moi qui ai juste ce qu’il faut d’esprit pour distinguer le prétérit de l’aoriste, ne me renverriez-vous pas à mes diphtongues ? J’aime mieux vous prévenir tout d’abord que cet article sera piquant comme un colloque de Mathurin Cordier ou comme un chapitre de Despautère..."

Le Pharmacien (1841) par Émile de La Bédollierre (1812-1883) : "LE pharmacien est un enfant de la révolution. Elle a, dans ses transformations régénératrices, substitué au procureur l’avoué, au traitant le banquier, au perruquier le coiffeur, au roi de France le roi des Français, à l’apothicaire le pharmacien. Beaucoup de fonctions sociales ont changé de nom sans être intrinséquement altérées : le préfet rappelle l’intendant ; le commis des contributions n’est pas moins inquisiteur que le préposé aux gabelles ; les volumineux dossiers de l’avoué ont beaucoup d’analogie avec les sacs du procureur. Mais entre l’apothicaire et le pharmacien il y a un abîme, un bouleversement social et médical..."
 
Le Joueur d'échecs (1840) par Joseph Méry (1797-1866) : "LE monde est la patrie du joueur d’échecs ; c’est une profession ou un amusement cosmopolite. L’échiquier est un alphabet universel à la portée de toutes les nations. Le bonze joue aux échecs dans la pagode de Jagrenat ; l’esclave, porteur de palanquins, médite un mat contre un roi de caillou, sur un échiquier tracé dans la sable de la presqu’île du Gange ; l’évêque d’Islande charme le semestre nocturne de son hiver polaire avec les combinaisons du gambit du roi, et le début du capitaine Évans ; sous toutes les zones, les soixante-quatre cases du noble jeu consolent les ennuis du genre humain..."

Le Phrénologiste (1841) par Eugène Bareste (1814-1861) : "LE type du phrénologiste ou du cranologiste, quoique assez commun aujourd’hui, ne remonte pas à une très-haute antiquité. On peut même dire que le dix-neuvième siècle, le nôtre, lui donna naissance : voici comment. A la fin du siècle dernier, siècle de protestations et de luttes, une secte composée de quelques hommes jeunes, hardis, enthousiastes, se formait en Autriche et en Allemagne : c’était celle des élèves de Gall, des partisans du fameux cours professé à Vienne sur le déplissement des circonvolutions du cerveau. – Plus tard, ces sectaires prirent le titre de phrénologistes..."

Les Chiffonniers (1841) par  Louis-Auguste Berthaud (1810-1847) : "VOICI des types monstrueux, d’ignobles figures, d’abominables moeurs : la forme, le fond, le dessus, le dessous, tout est pourri chez les chiffonniers. Pour faire un mur, il faut du sable, de la chaux, des pierres et un maçon ; on fait un chiffonnier avec une hotte, un crochet, une lanterne et le premier gueux venu. Le gueux est appelé un homme, la lanterne un fallot, le crochet une canne à bec, la hotte un hotteriot. Avant de se voir légalement constituées en individu, c’est-à-dire en chiffonnier, il faut encore que ces matières premières trouvent deux parrains, deux témoins qui répondent de leur moralité ; il faut en outre qu’elles possèdent 40 sous. Ces conditions remplies, la transfiguration est opérée ou à peu près."

Description de trente-une fleurs avec un conte familier à Mlle Émilie, sur le Jeu du Pied-de-Boeuf (1770) : " LE plus savant des Auteurs & le plus croyable en fait de Fable, rapporte que Cloris étoit une Nymphe des Isles Fortunées, de laquelle Zéphir, qui est le Dieu des Fleurs, devint tellement amoureux, qu’il l’enleva, en fit sa Maîtresse, changea son nom en celui de Flore, & l’épousa ; c’est pour cela qu’elle est appellée la Reine des Fleurs..."

Étrennes fourées, dédiées aux jeunes frileuses ou les Pelisses sympathiques (1770) par Antoine Fabio Sticotti (1708-1772) : "TOUT Ecrivain d’une certaine espece, ne peut plus se dispenser de donner son Portrait gravé au Lecteur, toujours habile à juger des beautés & des défauts d’un Ouvrage sur la seule inspection d’une physionomie inepte ou savante. Cet usage des têtes en taille-douce, consacré d’abord aux seuls Grands Hommes, s’est étendu de nos jours indistinctement à tous les Artistes. Par cette industrie, les petits paroissent grands, & les grands deviennent petits. Quoi qu’il en soit, le défunt ne s’est point fait peindre ; pour suppléer à cette perte irréparable, voici, du moins, les débris de son Oraison funèbre, qu’on a trouvée dans ses papiers..."

[AFFICHE] Nouvelles des Armées : Capitulation de Paris (1814).

[FORMULAIRE] Lettres patentes de la très-véridique Cour de Cracovie (ca1780).

Croquis rustiques (1901-1902) par Antony Valabrègue (1844-1900) : "C'est une longue avenue, où se dressent, d'une façon assez uniforme, des tilleuls au sommet arrondi, taillés avec soin par les jardiniers du bourg, qui n'ont eu souci que de se conformer à la tradition. On retrouve ici je ne sais quel aspect ancien, qui non seulement se révèle dans la coupe des arbres, mais se découvre encore dans la forme surannée de quelques maisons à perron et à porte cintrée. Et pourtant cette avenue s'étend, s'allonge en plein, au milieu des fins horizons de la campagne parisienne ; elle est bordée de villas coquettes, d'habitations élégantes, et là-bas, par une échappée entre des pelouses et des jardins, on voit la Seine briller au soleil...."

Croquis du Nord (1905) par Antony Valabrègue (1844-1900) : "Comme je me trouvais à Bailleul, petite ville du département du Nord, je remarquai un samedi, tout au bout de la rue d’Ypres, un mouvement inusité. Des gens des environs, tout endimanchés, venus au moment où finissait le marché, se réunissaient au cabaret de la Cantine. Ils avaient laissé çà et là leurs carrioles, comme si rien ne les pressait, et ils tenaient à la main des cages qu’ils introduisaient dans le cabaret..."

L'Éditeur (1841) par Élias Regnault (1801-1868) : "ÉDITEUR ! Puissance redoutable qui sers au talent d’introducteur  et de soutien !  talisman magique qui ouvres les portes de l’immortalité, chaîne aimantée qui sers de conducteur à la pensée et la fais jaillir au loin en étincelles brillantes, lien mystérieux du monde des intelligences ; éditeur, d’où vient que je ne sais de quelle épithète te nommer ? Je t’ai vu invoqué avec humilité et attaqué avec fureur, poursuivi du glaive et salué de l’encensoir ; j’ai vu les princes de la littérature t’attendre à ton lever comme un monarque puissant, et les plus obscurs écrivains te jeter la pierre comme à un tyran de bas étage. Objet d’espoir et de colère, de respect et de haine, comment te qualifier sans injustice et sans préoccupations ?.."

Le Sportsman parisien (1841) par Rodolphe d'Ornano (1817-1865) : "ON disait autrefois : Le Français né malin créa le vaudeville ; je propose de réformer cet adage en disant : le Français né Français créa l’anglomanie : si cette vérité notoire et ce fait patent pouvaient être mis en discussion, le titre seul de cet article, en serait la démonstration la plus convaincante ? Nous voudrions esquisser un type, l’analyser, le nuancer même ; il est destiné à une collection éminemment  française, et sous quel titre le présentons-nous à nos lecteurs français ; sous un titre tellement anglais qu’il est composé d’un adjectif welsche et d’un substantif d’origine saxonne, sorte de contraction grammaticale..."

Le Garçon de bureau (1840) par J.-V. Billioux : "ON est destiné par son aptitude ou sa vocation à prendre place dans la société soit comme magistrat, prêtre, soldat, industriel ou artisan : mais je ne sache pas qu’un jeune homme ait jamais été élevé dans la vue d’en faire un employé ou garçon de bureau, deux états sans apprentissage que l’on n’embrasse, d’ordinaire, qu’après avoir manqué ou usé plusieurs carrières, et parce que pour vivre il faut bien qu’on fasse quelque chose..."

La Lionne (1840) par Eugène Guinot (1812-1861) : "MADEMOISELLE de Verneuil avait dix-huit ans, et son entrée dans le monde datait déjà de deux années, lorsqu’un beau jour son père lui dit : Ma chère Alix, il est temps que tu te maries ; je n’ai rien négligé pour ton éducation ; tu as eu les meilleurs maîtres de Paris, et voilà deux ans que je te mène dans le monde, où je n’étais guère allé depuis mon veuvage. J’ai rempli avec exactitude tous les devoirs d’un bon père, et je veux couronner l’oeuvre en t’établissant convenablement. Tu es jolie, tu as des talents, je te donne cent mille écus de dot et je te laisserai le double, le plus tard possible, il est vrai, mais enfin tu es ma fille unique, et tu auras toute ma fortune. Avec cela tu peux choisir, et je ne prétends gêner ni ton goût ni ton inclination. Dans quelques jours nous reprendrons cet entretien, et je te demanderai si tu as distingué quelqu’un..."

Le Second mari (1841) par Frédéric Soulié (1800-1847) : "LA nature a ses types, la société a ses types, toute nation a ses types, et enfin chaque époque a ses types. L’avare, le vaniteux, le fanfaron, appartiennent à la nature, et elle les a semés partout où elle a jeté des hommes. Dès que la société a été organisée, elle a tout aussitôt créé les siens. Ainsi le juge, soit qu’il applique la loi de Dracon ou le Code pénal ; le commerçant, soit qu’il vende des nègres ou des rentes sur l’état ; le militaire, soit qu’il marche le pot en tête ou le fusil à l’épaule ; le médecin, soit qu’il suive la doctrine d’Hippocrate ou celle de Hannman, ont des traits caractéristiques généraux qui se retrouvent toujours et partout. Au contraire de ceci, le climat, les productions du sol, la disposition géographique, ont fait à chaque peuple des types particuliers..."

La Fille d'auberge (1841) par François Coquille : "QUOI qu’on puisse dire, l’antiquité avait du bon ! Si, parmi tant d’autres inventions, les auberges étaient inconnues des anciens, c’est que chaque maison servait d’auberge. Certes, il était doux pour le voyageur, arrivant, épuisé de fatigue, dans une ville étrangère, de se voir entouré d’une foule d’amis qu’il ne se savait pas, et qui briguaient l’honneur de l’avoir pour hôte ! On l’emmenait en triomphe ; de belles esclaves lui lavaient les pieds, et lui prodiguaient les parfums les plus rares. La place d’honneur lui était réservée à table : on se fût gardé de lui demander son nom, comme d’une grave incivilité..."

L'Écolier (1841) par Henri Rolland : "L’ÉCOLIERn’est pas seulement un type, c’est un principe. L’école, c’est le creuset où s’élabore l’avenir d’une génération, où fermentent toutes les imaginations que la science éclaire de sa flamme vive, et dont elle fait ou un métal commun qu’on rejette, ou un joyau précieux qui éblouit. Par le mot ÉCOLIER nous entendons tout ce qui reçoit un enseignement, depuis le bambin déguenillé qui épèle l’alphabet sous le doigt d’un frère ignorantin, jusqu’au dandy de philosophie, qui, sur les gradins d’un cours public, écoute avec une complaisance nonchalante les dissertations filandreuses du professeur sur Locke, Hobbes ou Spinosa..."

Le Garçon de café (1840) par Auguste Ricard (1799-1841) : "UN homme porte des chemises en toile de Hollande, des bas de Paris ; ses souliers vernis ont été faits sur les dessins d’un bottier de la rue Vivienne ; il n’emploie, pour sa barbe, que du savon onctueux, pour ses mains que de la pâte d’amandes douces ; ses dents sont entretenues par Desirabode, sa chevelure par Michalon ; il a appris l’art du sourire perpétuel dans la classe d’un vieux mime de l’Opéra ; il est patient, poli, aimable..... Vous croyez qu’il est question d’un grand-écuyer de prince, d’un diplomate, d’un chanteur de romances ? Du tout, il s’agit d’un garçon de café..."

La Revendeuse à la toilette (1840) par Arnould Frémy (1809-189.) : "UNE femme passe, puis derrière elle un jeune homme provincialement gauche et timide ; cette femme est de celles qui méritent d’être audacieusement escortées et suivies, mais suivies sans réflexion d’abord, puis d’instinct et comme on suit d’un oeil distrait les élans capricieux de la demoiselle ou l’essor fantasque du papillon. Elle voltige, se cadence en marchant plus qu’elle ne marche ; sa taille souple et sinueuse tient à la fois de la guêpe et de la couleuvre ; son pied est mignonnement relié dans un brodequin en maroquin cuivré. Si vous vous approchez d’elle, vous respirez le patchouli et le musc..."

La Femme de province (1841) par Honoré de Balzac (1799-1850) : "EN acceptant pour femmes celles-là seulement qui satisfont au programme arrêté dans la Physiologie du mariage, programme admis par les esprits les plus judicieux de ce temps, il existe à Paris plusieurs espèces de femmes, toutes dissemblables : il y a la duchesse et la femme du financier, l’ambassadrice et la femme du consul, la femme du ministre qui est ministre et la femme de celui qui ne l’est plus ; il y a la femme comme il faut de la rive droite et celle de la rive gauche de la Seine. Foi de physiologiste, aux Tuileries, un observateur doit parfaitement reconnaître les nuances qui distinguent ces jolis oiseaux de la grande volière..."

Le Comédien de province (1841) par Louis Couailhac (1810-1885) : "JE veux peindre le comédien pur sang, celui qui descend en droite ligne du La Rancune de Scarron, celui qui est né, dans les coulisses, d’un premier rôle et d’une soubrette ; celui qui peut se dire avec orgueil enfant de la balle, et qui a passé ses premières années à parcourir la France entière à la suite des auteurs de ses jours, gaminant sur les places publiques avec les gamins de toutes nos sous-préfectures, et jouant les anges, les amours et les petits démons, à la satisfaction du public de province..."

Le Rédacteur en chef d'un journal de province  (1841) par Raymond Brucker (1800-1875) : "ON s’abuse comme à dessein, de nos jours, sur l’impulsion que l’imprimerie donne à la circulation des idées. Il faut que le dix-neuvième siècle ait un intérêt sournois à l’exagération des choses. Les journalistes donnent en aveugles dans cette illusion, sous ce prétexte, si plausible pour eux, que leur mérite en vaut la peine. Hélas ! à quoi sert le mérite au milieu de la confusion ? Dans le champ de la publicité, tout vient pêle-mêle, les épis et les ronces. Que de roses meurent dans les chardons !... J’avoue l’énorme consommation d’encre, de papier et de caractères ; au besoin, si je m’inscrivais en faux, le canon de la statistique vomirait contre moi son éloquente mitraille de chiffres ; mais sous le feu de ce canon, je maintiens mon dire. L’idée est absolument en dehors de tout ceci : ne confondons pas le moyen avec le but, la presse avec le pensée ; ce serait décréter l’égalité de l’esprit et de la matière..."

La femme sans nom (1840) par Taxile Delord (1815-1877) : "QUEL nom, en effet, lui donner, à ce type si fécond et si misérable, si poétique et si abject, si moral et si repoussant ; énigme vivante que n’ont pu éclairer ni les recherches de la science, ni les dévouements de la charité, ni les efforts de l’intelligence ? Pendant bien longtemps encore cette femme, dans laquelle viennent se résumer tous les dévouements et toutes les bassesses, toutes les délicatesses de la passion et toutes les corruptions de l’âme, se dérobera à la triple investigation de la science, de la religion et de la morale ; elle demeurera toujours comme un des plus grands mystères du coeur humain et des nécessités sociales..."

La grisette (1840) par Jules Janin (1804-1874) : "DE tous les produits parisiens, le produit le plus parisien sans contredit, c’est la grisette. Voyagez tant que vous voudrez dans les pays lointains, vous rencontrerez des arcs de triomphe, des jardins royaux, des musées, des cathédrales, des églises plus ou moins gothiques ; comme aussi, chemin faisant, partout où vous conduira votre humeur vagabonde, vous coudoierez des bourgeois et des altesses, des prélats et des capitaines, des manants et des grands seigneurs ; mais nulle part, ni à Londres, ni à Saint-Pétersbourg, ni à Berlin, ni à Philadelphie, vous ne rencontrerez ce quelque chose si jeune, si gai, si frais, si fluet, si fin, si leste, si content de peu, qu’on appelle la grisette..."

L'aubergiste (1840) par Amédée Achard (1814-1875) : "IL n’y a pas d’aubergistes à Paris, il n’y a que des maîtres d’hôtel, qui sont des produits de la civilisation mûris dans les serres chaudes des grandes villes. Le maître d’hôtel parisien se tiendrait pour gravement insulté si quelque provincial malavisé s’oubliait jusqu’au point de l’appeler aubergiste ; nous ne savons même pas si, n’était la législation adoptée par les cours royales, il ne traînerait pas l’impertinent sur le terrain belliqueux du bois de Boulogne, ce classique parc des duels innocents. Le maître d’hôtel est un grand seigneur qui ne connaît guère mieux son établissement que les marquis de la régence ne connaissaient leurs terres..."

Le Gamin de Paris (1841) par Jules Janin (1804-1874) : "IL est le frère de la grisette : frère légitime ou illégitime qu’importe ? il est enfant de bonne race : car, à coup sûr, son grand-père était à la prise de la Bastille ; à la révolution de juillet, son père est entré le premier aux Tuileries, et il s’est assis sur le trône du roi ; c’est une race de gentilshommes dont les titres se sont perdus. Mais cependant suivez le gamin de Paris dans la rue : cet oeil fier, cette démarche hardie, ce sourire moqueur, ces petites mains, ces petits pieds, cette tête bouclée, ne retrouvez-vous pas tous les souvenirs de cette nation à part dans la nation française, qui depuis le commencement de la monarchie a joué le rôle principal dans tous les mouvements qui ont changé la face du monde ; c’est surtout le gamin de Paris, qui pourrait dire comme Figaro : Si le ciel l’eût voulu, je serais fils d’un prince. Mais le ciel ne l’a pas voulu ; notre héros est bien mieux que le fils d’un prince, il est le gamin de Paris..."

La Vieille fille (1841) par Marie d'Espilly : " SI nous avions mission de faire une histoire complète de la vieille fille, dans tous les temps et chez tous les peuples, si nous devions la prendre à son premier berceau, la suivre dans tous ses développements, sous toutes ses formes, il nous faudrait, le flambeau de l’analyse philosophique à la main, remonter la route obscure du passé jusqu’à l’origine des antiques civilisations, secouer la poussière amoncelée sur leurs débris, évoquer leur esprit, ranimer l’Inde, l’Égypte, la Grèce et Rome, et redescendre par le christianisme à travers toutes les misères du moyen age. Un tel travail nous entraînerait sur un terrain immense, il toucherait à toutes les hautes questions sociales, politiques et religieuses. Il nécessiterait une analyse rationnelle de la nature humaine ; il ajouterait à la longue litanie des douleurs de l’humanité..."

Le Maquignon (1841) par Albert Dubuisson : "BIEN que notre époque ait donné naissance à une effrayante quantité de floueursde toute espèce, et qu’elle ne paraisse pas s’arrêter dans cette voie éminemment progressive, elle ne peut cependant usurper la gloire d’avoir enfanté le maquignon. Le maquignon est né depuis longtemps et a eu l’avantage très-mérité de servir de modèle aux plus fins exploiteurs de la crédulité française et surtout parisienne. Mais quoiqu’il ne sorte pas du grand moule des Roberts-Macaires du dix-neuvième siècle, ce n’est pas à dire pour cela qu’il prétende leur être inférieur. Il les vaut tous ; il sourit de pitié en songeant aux roueries à lui connues qu’on donne pour invention récente, et vient merveilleusement confirmer cet adage, qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, et que la moitié de la société a été de tout temps destinée à être dupée par l’autre. Le maquignon s’acquitte de cette dernière tâche avec infiniment d’esprit et d’agrément...

Le Chicard (1841) par Taxile Delord (1815-1877) : " TOUTES les époques ont dansé : l’ère hébraïque, l’ère romaine, l’ère française ; David, Néron, Louis XIV. Après les rois, les peuples ; quel peuple, quel pôle civilisé n’a pas sa danse individuelle et caractéristique, sa bourrée, sa tarantelle, sa gigue ou son fandango ? Paris seul, jusqu’à présent était sans type de danse, sans chorégraphie inter-nationale, et prime-sautière. Paris ne dansais pas, il bâillait ; témoin les raouts de l’hiver dernier, et probablement ceux de l’hiver futur. – C’est au point que les invitations pour une contredanse se formulaient ainsi : « Madame me fera-t-elle l’honneur de marcher avec moi ? » Heureusement « un homme s’est rencontré, d’une profondeur de génie incroyable, » comme aurait pu dire Bossuet. Ce génie profond, ce pseudonyme incomparable, est aujourd’hui essentiellement populaire et trop haut monté dans l’opinion publique et les bals masqués, pour que nous ne lui ouvrions pas à deux battants la case la plus exceptionnelle de notre musée. Chicard est Français de coeur, sinon de grammaire, et bien qu’il ne soit pas encore du dictionnaire de l’Académie..."

Une dame patronesse (1833) par Léon Halévy (1802-1883) : " Une brillante société était réunie dans le salon du banquier Montfort, l’un des heureux millionnaires de la Chaussée-d’Antin. Sept heures venaient de sonner, et un domestique à grande livrée venait de prononcer ces mots si doux à l’oreille d’un gastronome altéré : « Madame est servie. » Je ne décrirai pas la salle à manger d’un millionnaire, ce sanctuaire où s’élaborent tant de conceptions et de projets, tant de révolutions financières et politiques. Je ne décrirai pas la royale somptuosité d’un festin qui aurait fait pâlir tous ceux de Lucullus. Qu’il vous suffise de savoir que Montfort traitait ce jour-là un diplomate étranger, dont il captait la protection pour la conclusion d’un emprunt ; le secrétaire-général d’un ministère, qui était en position de lui faciliter l’adjudication d’une grande entreprise ; et trois députés du centre, dont le vote pouvait doter la France d’un canal qui devait verser l’abondance et la fertilité...."

La Bourse (1833) par Philippe Busoni (1804-1883) : "Je suppose que vous êtes étranger ou de province, ce qui est la même chose pour ma supposition. Vous êtes venu à Paris, dans cette capitale des arts et de la civilisation, et c’est la première fois. Artiste, vous courez au Louvre, à Saint-Germain-l’Auxerrois, s’il n’est pas démoli, ou à l’hôtel de Cluny, rue des Mathurins ; industriel, vous visitez les belles manufactures du faubourg Saint-Antoine et du Gros-Caillou ; naturaliste, vous allez au Jardin des Plantes ; savant, à la Sorbonne et aux bibliothèques ; solliciteur, c’est aux ministères et à la chambre que vous vous faites conduire ; curieux et désoeuvré, vous avez les spectacles, les cafés, le bois de Boulogne, les Néothermes de la rue Chantereine, etc., etc..... Que si, par le hasard de votre condition, vous vous trouvez tout simplement rentier, ou même financier et quelque peu économiste, ou bien encore badaud au suprême degré, alors vous demandez la Bourse : « Où est la Bourse ? » ..."

Les cochers de Paris (1833) par Nicolas Brazier (1783-1838) :"Il est loin de nous ce temps où Henri IV écrivait à Sully : « Mon cousin, je ne pourrai aller vous trouver ce soir à l’Arsenal, attendu que ma femme m’a pris ma coche. » Sous Henri III, le président Achille de Harlay se rendait à cheval de son hôtel au Palais-de-Justice. Le vieux président Brisson y allait monté sur une mule, ce qui ne l’a pas empêché « d’être pendu par son cou à une poutre de l’une des salles du Petit-Châtelet, le 15 novembre 1591. » Que Dieu vous donne merci, vieux président Barnabé Brisson ! Si nos pères revenaient au monde, ils seraient fort surpris de voir des milliers de voitures sillonner dans tous les sens les rues de la capitale..."

Les jeunes personnes sans fortune à Paris (1832) par Victorine Collin : "Dans le siècle où nous vivons, surtout en France, une portion de la société est condamnée au malheur en naissant ; classe de Parias, êtres délaissés, et pourtant intéressants et aimables, dignes d’un meilleur sort, si tout ce qui est bon trouvait sa récompense dans cette vie ; je veux parler des jeunes personnes bien nées et sans fortune. Pauvres filles, quel âge mûr vous attend !... quel avenir vous est réservé !... à quoi vous servent votre douceur, vos vertus, vos talents ? que vous revient-il de posséder une charmante figure, d’avoir un noble maintien, et « la grâce plus touchante encor que la beauté ? La plupart d’entre vous sont destinées à végéter inutiles sur la terre, à ne jamais porter le titre d’épouse, à ne caresser que l’enfant de l’étrangère..."

La vie d'un député (1832) par Viennet : "C’est un beau jour que celui d’une élection populaire pour l’heureux mortel qui en est l’objet. L’empressement de ses amis, les félicitations de ses concitoyens, la confusion même de ses adversaires, les acclamations du bon peuple qui se réjouit de cet avènement au petit pied, comme si le lendemain ne devait pas ramener le travail de la veille, l’invasion de la foule joyeuse dans les salons du nouvel élu, les protestations de dévouement, les roulements des tambours, les sons harmonieux de la sérénade ; tout cela fait un ensemble étourdissant qui ravit et transporte, une suite rapide d’émotions vives, désordonnées, dont on ne saurait se rendre compte, et qui ne laisse place à aucune réflexion sur la nature et la sincérité de ces bruyants hommages..."

Les vices à la mode (1832) par J. Lesguillon (1800-1873) : "J’avoue qu’en commençant ce chapitre, je suis embarrassé par le titre même. Qu’est-ce qu’un vice ? En physique, autant que je puis me le figurer, c’est l’absence ou la défectuosité d’une partie qui altère ou paralyse le tout. Ma définition peut être inexacte, mais je la crois suffisante. Eh bien ! nous voyons des machines humaines qui, loin d’être altérées ou paralysées par des vices, leur doivent leur position, leur équilibre, leur usage : ma définition est donc mauvaise : en voici une autre : le vice est le complément de l’homme..."

Les tables d'hôte parisiennes  (1832) par L. D. Derville (1802-1868) : "Paris a ses théâtres, ses musées, ses académies, ses Chambres, ses émeutes et ses revues, toutes choses fort curieuses à voir ; mais la province a ses tables d’hôte ; et cela seul la place au même degré de civilisation. Je ne serais même point étonné que de nombreuses gens préférassent les tables d’hôte ; mais ce serait là un de ces goûts exclusifs qui ne doivent pas nous influencer. Il est sûr, en effet, que les tables d’hôte provinciales l’emportent de beaucoup sur la plupart de celles qu’offre Paris à l’appétit vagabond de ses ruinés, de ses célibataires et de ses étrangers. La table d’hôte, à Paris, c’est l’omnibus de la fringale..."

Les Demoiselles à marier (1832) par Régnier Destourbet (1804-1832) : "Quand on a élevé un jeune poulain, qu’il est en âge de courir avec son cavalier, on conduit la petite bête au marché, et l’on dit : « Qui en veut ? J’en demande tant : voyez, il a le jarret fin, le crin fourni, l’échine droite ; portant bien sa tête ; large du poitrail : pour la vivacité c’est une biche ; si vous voulez savoir son âge, regardez ses dents ; si vous doutez de la douceur de ses allures, essayez-le. » J’ai souvent entendu des hommes de bon sens, se plaindre qu’il n’en fût pas de même pour les demoiselles, et qu’on ne pût pas mettre un écriteau sur sa porte : A marier, une jolie demoiselle alezan doré, prenant dix-sept ans à la Saint-Martin, bien dressée, pouvant aller à la cuisine et au salon. S’adresser au portier..."

Les musiciens (1831) par Castil-Blaze (1784-1857) : "Quel est ce fashionable aux cheveux frisés, dont on admire l’élégance ? son habit taillé par les plus habiles mains servira de modèle ; la forme, la couleur, en seront adoptées ; un habit si bien porté mérite les honneurs de l’impression, nous le verrons estampé sur le Journal des Modes. Son gilet, largement échancré, laisse voir un plastron de batiste d’un éclat éblouissant, plissé, empesé avec un soin extrême. La chaîne d’or où pend sa montre, le ruban du lorgnon, se croisent sur cette cuirasse de lin où brillent des agrafes dont l’or enchâsse les rubis, les saphirs. Sa cravate est un chef-d’oeuvre de l’art ; dix, quinze, peut-être vingt carrés de mousseline ont été froissés, torturés, et renvoyés à la blanchisseuse avant qu’il ait pu ajuster ce noeud dont les seuls connaisseurs peuvent apprécier l’artifice et détailler les perfections. Un castor superfin, des bas de soie au tissu transparent, un escarpin juste et reluisant comme l’acier d’Angleterre, des gants plus blancs que la neige, une badine où l’or brille, complètent la toilette de ce beau fils. Son menton n’est rasé qu’à demi,..."

Des soirées littéraires, ou les poètes entre eux (1831) par Sainte-Beuve (1804-1869) : "Les soirées littéraires, dans lesquelles les poètes se réunissent pour se lire leurs vers et se faire part mutuellement de leurs plus fraîches prémices, ne sont pas du tout une singularité de notre temps. Cela s’est déjà passé de la sorte aux autres époques de civilisation raffinée ; et du moment que la poésie cessant d’être la voix naïve des races errantes, l’oracle de la jeunesse des peuples a formé un art ingénieux et difficile, dont un goût particulier, un tour délicat et senti, une inspiration mêlée d’étude ont fait quelque chose d’entièrement distinct, il a été bien naturel et presque inévitable que les hommes voués à ce rare et précieux métier se recherchassent, voulussent s’essayer entre eux et se dédommager d’avance d’une popularité lointaine, désormais fort douteuse à obtenir, par une appréciation réciproque, attentive et complaisante..."

Le cimetière du Père-Lachaise (1832) par Eugène Roch : "Vers la fin de l’été, je me trouvais en proie à un accès de cette mélancolie profonde, qui est comme l’instinct d’un ressentiment secret contre les hommes, le souvenir amer d’un passé vague, et une lassitude des choses du moment. Livré à cette disposition, l’on aime à sortir de l’enceinte des villes, à laisser derrière soi les formes trop positives de la vie sociale, à s’éloigner de ce qui est faux, artificiel, en désharmonie avec la nature, enfin à fuir ses semblables....  – Et si, encore plein de cette humeur sombre, mais d’une tristesse déjà plus douce, vous gravissez une colline dont le sommet vous fasse dominer sur la grande cité populeuse, sur le vaste Paris, alors votre rêverie se laisse entraîner à cette direction philosophique qui mena Volney méditer sur les ruines ! Vous admirez la puissance du temps, de l’industrie, de la civilisation, dans cet amas surprenant de maisons, qui, sous leurs bases, dérobent à vos yeux des plaines, les rives d’un fleuve et de nombreux coteaux, de ces maisons que seize siècles ont apportées une à une, et jour par jour, l’une à côté de l’autre ! Vous lisez l’histoire sur le fronton des bâtiments royaux et sur la toge noirâtre des monuments..."

Un café de vaudevillistes en 1831 (1832) par Félix Pyat (1810-1889) : "La Sibérie et un atelier d’élèves en peinture ne sont pas plus inhospitaliers qu’un café de vaudevillistes. Si vous n’avez commis ni roman, ni mémoire, ni un couplet dans toute votre vie ; si l’on n’écrit pas à l’adresse de votre nom au moins homme de lettres,... je ne vous conseille pas d’entrer dans ce café, où tout le monde se connaît comme à l’estaminet d’une ville de province : vous y serez observé, pressé par les regards de tous, mal à l’aise autant qu’une jeune fille, le premier jour du corset..."

Les amitiés littéraires en 1831 (1832) par Astolphe de Custine (1790-1857) : "J’étais seul, assis à ma table ; je taillais mes plumes, ce qui veut dire que je n’avais guère d’envie d’écrire, quoique le loisir ne me manquât pas !..... Mais bientôt les souvenirs ranimèrent ma pensée : je me reportai vers les lieux que j’ai parcourus il y a peu de temps, et les noms fameux, et les sites extraordinaires de l’Andalousie, de l’Afrique, me rendirent toutes les inspirations de la poésie !.."

L'apprenti journaliste par Alexandre Duval (1767-1842) : "Dans ces temps de révolution où les journaux ont tant d’influence sur les esprits, je crois utile de raconter naïvement au public comment, épris de la littérature, je me fis auteur par circonstance et apprenti journaliste par nécessité. Les événements de ma vie n’ayant rien de romanesque, je n’ai pas besoin d’avertir mon lecteur que mon récit ne contiendra que la plus exacte vérité. On me nomme Alfred de R***, et je dois la naissance à un juge de la ville de B..."

Une maison de fous par Jacques Arago (1790-1855) : "Deux belles choses, deux choses curieuses à voir et à étudier dans notre vieille Europe : un palais de rois, une maison de fous. De ces deux demeures, laquelle préféreriez-vous habiter ? Les insensés qui vivent auprès des monarques sont trop méthodiques, trop monotones ; ceux qu’on relègue à Charenton ou chez le docteur Blanche, me semblent moins à plaindre. On a pitié de leur état ; ils mangent, à leur gré, assis ou debout ; ils saluent sans se courber jusqu’à terre ; il leur est permis quelquefois d’avoir une volonté, de la manifester, de la soutenir. Ils parlent haut ; ils contrôlent les actions du chef ; ils résistent aux menaces, ils ne cèdent qu’à la force... Ce sont presque des hommes..."

L'ouvreuse des loges par Paul David : "Voici un sujet de théâtre, sur lequel il est impossible de faire de l’érudition. Les Romains et les Grecs, toujours cités en fait de choses d’art, et toujours admirables quand il s’agit de l’art en lui-même, n’avaient pas l’idée d’une ouvreuse de loges. Comment auraient-ils compris cette mesquine invention de nos siècles d’argent, eux dont la magnificence large et éclairée ouvrait un cirque à vingt mille spectateurs, et faisait applaudir Aristophane ou Térence à tout un peuple, assis sans distinction sur les vastes dalles de leurs théâtres géants !.."

La journée d'un journaliste par Gustave Planche (1808-1857) : "Le journalisme est une royauté nouvelle, la plus jeune à coup sûr de toutes celles qui couvrent aujourd’hui l’Europe ; plus vivace et plus hardie, plus souple et plus alerte que toutes les cours et tous les cabinets qui se liguent sans pouvoir se soutenir, qui prodiguent les serments et les parjures, les protestations de franchise et les arrière-pensées sans réussir à se tromper ; elle est née le jour où la vieille royauté a reçu le premier coup, le coup mortel qui a blessé à mort, en 1789, sa légitimité de quatorze siècles..."

Le coureur d'héritages par Moléri (1802-1877) : "Il arrive un moment dans la vie où l'homme, soit nécessité, soit ambition, soit ennui, se résout à faire choix d'une profession. C'est alors qu'il consulte sa vocation et peut devenir un génie, ou bien qu'il se soumet aux exigences des circonstances et des personnes qui le dominent; d'où il résulte que le monde se trouve affligé d'une innombrable quantité d'avocats bavards plutôt qu'éloquents, de médecins empiriques, de juges ineptes, d'architectes maladroits, en un mot, d'ignorants autorisés par les brevets de l'École ou par les patentes du ministère des finances..."

Le boulevart du Temple (1832) par Nicolas Brazier (1783-1838) : "Charles Nodier a dit, en parlant de la route du Simplon, que Napoléon fit creuser d’une manière si miraculeuse : Le malheureux !... il m’a gâté mes Alpes !.... Ce mot n’a rien d’exagéré. Or, il en est des plus petites choses comme des plus grandes. Moi aussi, j’ai eu mes phrases d’indignation ; et, lorsque je me promène aujourd’hui de l’emplacement où était Paphos au café Turc, et que je reviens de la rue d’Angoulême à l’ancien hôtel Foulon, je m’écrire à mon tour : Les malheureux ! ils m’ont gâté mon boulevart du Temple !.."

La vie de café (1832) par Merville (1785-1853) : "Avant de dire au lecteur (que ce titre étonne peut-être un peu) ce que c’est que la vie de café, il convient de lui dire deux mots des cafés eux-mêmes. Ces établissements succédèrent aux cabarets fréquentés, sous Louis XIV, par la jeunesse élégante de Paris. Le siècle était dévot, guerrier ; il aimait les arts ; la cour de France était la plus brillante, la plus polie de l’Europe ; et, à Paris, les jeunes gens, les femmes s’enivraient ! Il y avait certainement dans ce phénomène moral quelque chose qui tenait de la Fronde et qui menait à la Régence..."

Une agence dramatique (1832) par Léon Halévy (1802-1883) : "Tout marche ; tout suit le progrès du siècle. Quand je donnai au théâtre mon premier ouvrage (c’était en 1826), l’agent dramatique auquel m’adressa l’aimable et spirituel Emmanuel Dupaty, demeurait au troisième, dans un étroit et sombre appartement. Depuis cette époque, il a descendu deux étages ; la modeste table de noyer, surchargée de vieux cartons, s’est métamorphosée en riche et élégant bureau d’acajou ; deux commis toujours occupés groupent les chiffres aussi bien que le ferait M. Thiers ; et dans un arrière-petit cabinet résonne l’agréable bruit des écus : vous vous croiriez chez un agent de change ou chez un banquier. Tout annonce enfin une notable amélioration. Malheureusement les recettes des auteurs n’ont pas suivi la même progression. Depuis que les agents dramatiques sont mieux logés, les théâtres font de moins brillantes affaires ; et depuis qu’on n’a plus à monter qu’un étage, on redescend l’escalier bien plus légèrement : il y a compensation..."

Les traducteurs (1833) par Edouard de La Grange (1796-1896) : "Parmi toutes les espèces d’industries qui font gémir la presse à Paris et qui se partagent les vastes champs de la littérature, il en est une plus pénible que celle du manoeuvre qui broie le sable et la chaux ; il en est une dont le salaire est quelquefois inférieur à celui du paveur ou du tailleur de pierres ; je veux parler des traductions qui nous inondent de tous côtés comme un torrent débordé, et qui envahissent à la fois et les librairies les plus renommées et les étalages les plus modestes des quais et des boulevarts ; tapisseries retournées qui nous montrent les sujets à l’envers, le coloris effacé et les linéaments raboteux qui composent la trame. Courbé sur la pensée d’autrui, et semblable à une presse mécanique, le traducteur est forcé de reproduire, dans un temps donné et dans un français trop souvent barbare, les inspirations des auteurs exotiques ; labeur ingrat d’ouvriers faméliques, sorte de grosse littéraire transcrite à tant le rôle ; et les hommes qui vivent de cet ignoble métier, on les compte par milliers dans la capitale du monde civilisé ; essaim bourdonnant, troupe sans nom comme sans gloire, depuis celui qui traduit à la ligne sous l’échoppe de l’écrivain public, jusqu’à celui qui travaille à la feuille dans son galetas solitaire..."

L'étudiant en médecine (1832) par Alfred Donné (1801-1878) : " Au sortir du collège, la grande affaire pour un jeune homme est le choix d’un état. Tant que la doctrine du docteur Gall ne sera pas décidément adoptée comme un moyen infaillible de reconnaître les dispositions, le génie particulier des enfants, on se donnera bien du mal pour étudier leurs goûts et leurs instincts, avant de les lancer dans l’une des mille carrières qui s’ouvrent devant eux à leur début dans le monde..."

Deux ménages parisiens (1832) par Victorine Collin (1797-18..) : " Il faut être bien hardi pour toucher aux bourgeois, le plus petit peu du monde, quand on a lu le spirituel et délicieux article de M. Bazin sur ce sujet. J’y ai regardé à vingt fois ; j’hésite peut-être encore : une seule chose me rend le courage ; c’est que le bourgeois de M. Bazin a, pour ainsi dire, revêtu son habit des dimanches ; il est en visite, hors de chez lui, à la revue, aux émeutes, aux fêtes publiques ; il court la bourse, les affaires, se promène en fiacre ; enfin il est toujours occupé. Mais le bourgeois chez lui, le bourgeois au coin de son feu, jouant le piquet avec sa femme, additionnant son livre de dépense, le bourgeois en bonnet de coton, vous ne le connaissez pas encore bien, ni lui, ni sa femme, ni ses enfants, ni sa bonne..."

Le portier de Paris (1832) par Jacques Raphaël : " Ce serait avoir à peine entrevu l’une des opérations les plus vulgaires auxquelles l’être qu’on nomme portier de Paris daigne s’abaisser, que de s’imaginer que c’est tout simplement, et suivant la signification exacte qu’un esprit logique peut déduire de ce mot, un homme dont les fonctions se bornent à ouvrir et à fermer la porte d’une maison à ceux qui entrent, ou qui sortent..."

Une représentation à bénéfice (1832) par Auguste Luchet (1806-1872) : " Une représentation à bénéfice ! Que c’est une douce chose, et combien la pensée en est gracieuse et riante pour ces êtres rares, pour ces artistes favoris qui, toute leur vie, ont possédé, ont enchaîné le public de leur théâtre ; gens à qui leur théâtre doit de n’être pas mort, de vivre riche et glorieux ! Heureux, cent fois heureux ceux-là qui mènent, et remuent, et gouvernent tout ; qui sont plus directeurs que le directeur ; ceux-là pour qui jamais la caisse n’a fermé sa porte, ni baissé son guichet ; pour qui les feux et les suppléments de feux... "

Du costume parisien, et de son avenir par Charles Lenormant (1802-1859) : "Je me suis souvent étonné que, dans le plan tout spécial du livre des Cent-et-un, personne n’ait encore abordé le sujet éminemment parisien de la Mode. Cette puissance, naguère encore absolue, aurait-elle succombé comme tant d’autres puissances, et ne resterait-il chez nous, à la mode, d’autre privilége que celui de donner son nom à un journal de l’ancien régime ? Oh ! alors, qui ne se garderait de remuer cette cendre refroidie ? qui ne renoncerait à la prétention d’auteur original devant la crainte de passer pour un plagiaire de Mercier ou de Sainte-Foix ? Il n’en est rien pourtant. La frivolité, compagne obligée de la mode, n’a pas abdiqué son rôle de souveraine : nous continuons d’être frivoles en révolutions, en discussions, en émeutes, comme en tout le reste : nous n’avons de plus qu’autrefois qu’un singulier avantage, celui de profaner un plus grand nombre d’idées sérieuses. Mais, quelle que soit la direction de notre esprit, le fond n’en change pas : le livre des Cent-et-un, qui peint sous des couleurs si diverses, et avec des contradictions si amusantes, nos passions, nos répugnances, toute notre vie actuelle, le livre des Cent-et-un est un monument précieux dans lequel la postérité (si postérité il y a) cherchera surtout quelles étaient, après la révolution de 1830, les modes de Paris, en politique, en croyances, comme on cherche ailleurs la façon des robes et des habits d’une époque..."

Une scène de magnétisme par Félix Bodin (1795-1837) : "Monsieur l’éditeur du livre des Cent-et-Un veut bien me demander un nouvel article ; c’est fort obligeant, sans doute : mais il exige absolument que j’y parle du magnétisme ; c’est fort embarrassant. D’abord, il n’est pas du tout agréable de passer dans le monde pour s’occuper de magnétisme. Beaucoup de vos meilleurs amis vous considèrent alors avec une sorte d’inquiétude compatissante, comme celle que nous inspirent les gens dont la tête n’est pas bien rassise. Je trouve cela tout naturel ; il y a quelques années que j’en usais ainsi avec les autres, et aujourd’hui, par la même raison, je suis presque honteux d’être signalé comme un adepte de Mesmer, de Puységur, et du bon M. Deleuze..."

Les théâtres de société par Edouard Mennechet (1794-1845) : "Parmi tous les amusements que multipliait la prospérité dont nous jouissions avant la révolution de 1830, la comédie de société occupait le premier rang. Les concerts et les bals pâlissaient devant une soirée dramatique, et les mots On fera de la musique, ou bien On dansera, n’avaient pas, sur une invitation, l’attrait puissant de cette courte et modeste annonce : On jouera des proverbes. Il n’était pas de prières, pas de démarches, pas de ruses dont on ne se servît pour être invité. On se réconciliait avec un ennemi, on donnait la main à un homme de police, on écoutait sans bâiller un député du centre : aucun sacrifice ne coûtait si l’heureux billet devait en être le prix. C’était alors un billet de spectacle qui éveillait la concurrence : c’est aujourd’hui un billet d’hôpital. Comme tout a changé !.."

Un jour de paiement de rentes au trésor public par Ernest Fouinet (1799-1845) : "Quand, après un long travail, vous allez vous promener aux Tuileries, sur la terrasse des Feuillants, par un beau jour d’automne, dans ce doux état de nonchaloir, de presque absence de pensée, que l’on a comparé souvent au mouvement plein d’indolence d’un canot abandonné au flottement d’un petit lac, votre esprit fatigué qui veut du repos, comme l’oeil ébloui veut de l’ombre, en a assez pour l’occuper du tourbillon de feuilles mortes qu’emporte un coup de vent, du léger froissement des pas dans ces feuilles desséchées, du frôlement de la robe d’une jolie promeneuse, ou d’un coup d’oeil vague jeté sur la longue façade du ministère des finances..."

 La faction des ennuyés (1832) par A[uguste] Jal (1795-1873) : "La plus terrible, la plus cruelle, la plus dangereuse, la plus violente des factions qui s’agitent à la surface de la société parisienne ! Ne riez point ; car il n’y a pas de quoi rire, je vous assure. Vous vous accommoderez avec toutes les factions politiques, si vous renoncez à l’ambition de gouverner le pays, si vous vous condamnez à ne pas discuter les droits, la force, les intentions et le mérite des partis ; si vous payez bien vos contributions, quelque système qui les réclame. Comme vous ne serez gênant pour personne, personne ne vous attaquera ; vous glisserez entre la république américaine, la république renouvelée de 1791, le napoléonisme, l’henriquinquisme, l’opposition, la doctrine, la royauté des Tuileries, le programme de l’hôtel-de-ville ; vous passerez au milieu de tout cela sans coudoyer une opinion, sans heurter une idée, parce que vous vous serez fait prudemment bien mince, bien petit, bien souple, bien adroit..."

Un magasin de modes (1832) par A[ntoine] Fontaney (1803-1837) : "Oh ! c’était bien le plus joli chapeau du monde, le plus élégant, le plus gracieux, le plus coquet. – C’était une capote de gaze lilas avec des tresses de paille autour de la passe, et puis un bouquet de coquelicots, d’épis et de bluets, parmi des coques de ruban, un peu penché à droite de la forme, sur la passe. – C’était bien aussi l’amour le plus fragile, le moins profond qui se pût trouver ! – C’était un sentiment léger de femme légère, un sentiment de fantaisie, avec des faveurs capricieuses, et des tendresses artificielles. – Or, voici ce qu’il advint de cette capote de gaze, et de ce sentiment de fantaisie..."

La rue des Postes (1832) par Frédéric Gaillardet (1808-1882) : "L’habitant de la province ou l’étranger, nouveau venu dans Paris, pourrait croire, en lisant ce chapitre, que je vais lui parler de la rue où, chaque jour, des milliers de bras, s’allongeant et se croisant les uns à l’envi des autres, laissent tomber des milliers de lettres dans une ouverture large et profonde, espèce de gouffre qui revomit périodiquement ce qu’on lui jette, et dont la bouche, hérissée de dents de fer, ressemble à ces gueules béantes des gardiens du Ténare, toujours prêts à dévorer, toujours prêts à saisir. C’est le vastâ voragine gurges de Virgile, avec son inhians tria Cerberis ora..."

Les ex-libris français depuis leur origine jusqu'à nos jours (1875) par Auguste Poulet-Malassis (1825-1878) : "« C’est la collection à la mode, » nous disait, ces jours derniers, un libraire du quai, à qui nous demandions des ex-libris. « A la mode » est exagéré. Nous citerions bien, en vérité, les noms d'une vingtaine de collectionneurs, après lesquels il faudrait s'arrêter. Noyau excellent qui grossira et fructifiera, certes, mais fort disproportionné avec le nombre de tirage de ces notes, qui s'adressent ainsi beaucoup moins aux curieux de l'heure présente qu'à ceux de demain, ou de l'an qui vient. Quoi qu'il en soit, nous avons essayé de résumer ici nos observations sur les marques intérieures de bibliothèque, et sur leur usage en France depuis la fin du XVIe siècle, où elles commencent à se montrer, jusqu'à nos jours, où l'on peut dire qu'elles sont en discrédit. Au siècle dernier, elles ont eu leur grande vogue correspondant à un besoin général, en même temps que leur apogée artistique, suivi de l'inévitable retour que l'on sait..."

La Mort de Carême (1833) par Charles-Frédéric-Alfred Fayot (1797-1861) : "Carême est mort en janvier dernier, à l’âge de cinquante ans. Il a mérité sa grande réputation. Je crois même à la durée de sa gloire, et mes raisons pour cela sont exposées dans les piquants commentaires dont il a déjà été l’objet. Ceux qui les écrivirent sont des habiles. Je trouve à leur tête M. Grimod de la Reynière, mangeur si délicat, écrivain si spirituel, et d’une conversation si riche de souvenirs ; lady Morgan, très-digne d’apprécier Carême. C’est elle qui a écrit, dans un enthousiasme de connaisseur, « que la science, comme Carême l’a pratiquée, est une nécessité, un signe de civilisation, et l’une des plus douces conséquences de la richesse. » Carême et Laguipière, son maître, ont introduit dans l’art les changements délicieux. – Nous mangeons depuis eux des choses plus délicates, et nous buvons à petits coups et frais. Pour le boire, c’est un retour aux préceptes d’Horace..."

Une journée de flaneur sur le boulevarts du Nord (1833) par Amaury Duval (1760-1838) : "Ce bon Mercier, dont il me semble encore voir la figure goguenarde sous un vieux et large chapeau triangulaire, Mercier n’a donné d’autre titre à l’un des plus grands chapitres de son Tableau de Paris (tableau qui, par parenthèse, ne ressemble presque plus à l’original), que ces mots si vulgaires : PROMENONS-NOUS. C’était un conseil qu’il donnait d’avance aux peintres futurs de la moderne Babylone, à tous les auteurs du livre des Cent-et-Un..."

Le Buffle (1882) par Henri Dalivoy : "Je dois au lecteur un aveu pénible mais loyal : je n’ai jamais vu d’autres Buffles que ceux du Jardin des plantes et du Jardin d’acclimatation. J’ajouterai, pour achever ma confession, que l’étude sur place de ces animaux a suffi largement à mon bonheur et ne m’a pas inspiré la moindre velléité d’aller, un jour, faire avec eux plus ample connaissance en Roumanie, en Égypte, en Perse, aux Indes ou au Cap de Bonne-Espérance. Pure question de goût. Ce n’est point ma faute si je n’ai pas l’humeur vagabonde et si je considère comme une calamité un simple déplacement de Paris à Carcassonne ou à Quimper-Corentin..."

Le Tigre(1882) par Fulbert Dumonteil (1830-1912) : "Il n’y a peut-être pas dans la création de plus bel animal que le Tigre. Le Tigre est un grand calomnié. Autant sa renommée est terrible et sa légende odieuse, autant sa force est extraordinaire et sa beauté admirable. Sa souplesse, son agilité tiennent du prodige. Rien n’égale la puissance et la grâce, le charme terrifiant et superbe de ce grand chat de neuf pieds ! Un classement puéril a fait du Tigre comme un vice-roi des animaux, ayant pour sultan le Lion. Le Tigre ne relève que du Tigre et ne partage avec personne sa couronne ensanglantée. C’est tout simplement le monarque de l’Asie, comme le Lion est le roi de l’Afrique. L’un règne en souverain sur les rives du Gange ; l’autre a pour trône l’Atlas !..."

L'Orang-outang (1882) par Maurice Dehers : "Jadis dans l’ordre des Primates, mot qui veut dire premiers ou primats des animaux, Linné, inventeur de cette dénomination, plaçait, avec l’homme, non seulement les Singes et les Makis, dont l’organisation se rapproche plus ou moins de celle qui distingue notre espèce ; mais aussi les Chauves-souris et les Paresseux, qui ont dû en être séparés, lorsqu’il a été permis d’apprécier plus exactement les particularités organiques qui les distinguent..."
 
 Le Lion (1882) par Henri Demesse : "L’une des merveilles de la création parmi les animaux, c’est le Lion, dont la royauté est fort dûment établie, bien que nombre de naturalistes aient entrepris de la lui discuter. Ce fauve a reçu en partage la force et la beauté. Rien de plus majestueux que sa démarche, rien de plus absolument beau que sa forme, rien de plus terrible que son rugissement..... Les naturalistes ont classé le Lion parmi les onguiculés, ordre des carnassiers, famille des félins..."

 Le Renne (1882) par Jules Gros (1829-1891) : "Si Buffon a été le plus éloquent des naturalistes, il est loin d’en avoir été le plus juste. Quant il a affirmé que le Cheval est la plus belle conquête de l’homme sur les animaux, il ne parlait sans doute que des pays tempérés qu’il connaissait, mais l’Éléphant, en Asie, le Chameau, en Afrique, le Renne chez les populations du Nord, ne sont pas pourtant des conquêtes qu’il faille dédaigner. Les services réunis que rendent chez nous le Cheval, l’Ane, le Mulet, le Boeuf, la Vache, la Chèvre et la Brebis, le Renne les rend aux malheureuses populations qui vivent en Laponie et dans tout le nord de la Sibérie. Ajoutons que partout où il vit à l’état sauvage, il constitue un gibier précieux et un aliment de haut goût..."

Les Singes (1882) par René Delorme : "Où finit l’Homme ? Où commence le Singe ? Voilà des questions terriblement embarrassantes ! Il faut cependant les examiner avant de rien dire. Si, par hasard, il était démontré que le Singe est un arrière-petit-cousin de l’homme, quel regret n’éprouverions-nous pas en effet d’avoir parlé avec irrévérence d’un de nos parents éloignés ! Si, au contraire, il était avéré que le singe n’est qu’un simple animal, alors nous aurions libre carrière et nous ne nous exposerions à aucun remords en risquant quelques critiques. Qu’est-ce donc que le Singe ? Herder répond : « Mon frère aîné. » Faut-il s’en tenir à cette opinion d’un Allemand modeste ?.."

L'Éléphant (1882) par Louis Figuier (1819-1894) : "On a dit, avec raison, que l’homme est le maître de la nature. Il a soumis tous les animaux à son empire ; il a transformé suivant ses désirs la végétation qui couvre la terre ; il a percé des montagnes, comblé des vallons, creusé des voies dans l’épaisseur des collines, changé les isthmes en voie maritime, et noyé des continents. Il est, en un mot, à la tête de la création inanimée ou vivante. Mais on peut bien admettre un moment cette hypothèse que l’homme aurait pu ne point exister, ou bien encore qu’il aurait pu disparaître, par un des cataclysmes dont notre globe a été plusieurs fois le théâtre..."

L'Ours (1882) par Jules Vallès (1832-1885) : "Fait drôlement ! Museau pointu, épaules larges, train de derrière plus large encore ; pas de queue. Etabli sur son séant, les pattes de devant en l’air, il ressemble à une pyramide poilue plantée sur sa base. Il est en effet la pyramide de nos premiers grands souvenirs de la nature. Nous le voyons près de nous dans le drame de la vie terrestre, à partir du jour où on a pu en ressusciter les personnages et en rebâtir les décors. Il est assis, grognon, devant le berceau de notre race. Il donne même son nom à l’époque primitive qu’on appelle l’époque du Grand Ours..."

Les Romantiques (1878) par Marc de Montifaud (1849-1912) : " Les puissants, les fortunés, les légistes obèses et les bourgeois tremblaient. Les cloches de la Notre-dame d'Hugo, avaient sonné à toute volée l'appel aux armes. Chaque réunion devenait une bataille. Des hiérarchies littéraires jusqu'aux corps d'état, la ligue défensive s'organisait. La résistance au romantisme se composait des mêmes adversaires que ceux qui préconisaient l'ordre établi en politique : les chauves de toutes les catégories, les cuistres du professorat, avant tout, les hommes qui passaient de l'exercice du prétoire à l'épicerie et auxquels est familière cette pose qui consiste à croiser ses mains sur l'abdomen et à tourner ses pouces ; tous ces prud’hommes au ventre tendu comme des tambours et aux membres cartilagineux et flasques, tous ces gluants de nuance indécise, au masque gras et rasé reposant leur menton sur un col triangulaire, trouvaient le secret de prolonger la bataille. Ils mettaient la même emphase à porter la queue de la tragédie qu'on en met aujourd'hui à porter la queue des ordres moraliens ; alors comme à présent c'étaient bien les mêmes têtes qu'on aurait dû servir sur du papier découpé comme on sert la tête de l'animal aux longues soies qui les symbolise en politique et en littérature..."

L'écrivian public (1832) par Frédéric Soulié (1800-1847) : "Il faut bien le reconnaître, chaque jour notre vieux Paris s’en va, son originalité s’efface, son caractère disparaît. Bientôt il ne restera plus rien de cette cité si pittoresquement construite, plus rien de ses moeurs si originalement tranchées. Voyez : ses rues s’alignent, ses boulevarts s’aplanissent, ses faubourgs s’éclairent. Voyez : ses habitants, pairs et commis, notaires et confiseurs, portent le même frac, et parlent la même langue. Hommes et maisons, tout se nivelle. Autrefois, avec des nobles féodaux, des seigneurs suzerains, des manants et des serfs, nous avions de hauts châteaux, de grands palais, des masures et des cloaques. Aujourd’hui les tours et les priviléges gisent à côté les uns des autres et les rues s’élargissent au profit du peuple qui s’élève, et aux dépens des vastes hôtels qui n’ont plus d’habitants à leur taille..."

Les amours de diligence (1832) par Victor Schoelcher (1804-1893) : "C’était une femme comme on en trouve beaucoup à Paris, mais comme il n’y en a qu’à Paris : élégante, belle, jeune avec trente ans, et riche avec dix mille francs de rente. Ces femmes-là sont, pour l’ordinaire, réellement veuves, et gardent un fils de sept ou huit ans dans un des deux grands colléges. Quelquefois leur mariage les a fait baronnes, mais elles n’en tirent nulle vanité ; elles comptent trop sur elles-mêmes pour se parer d’un mot. Elles ont des cheveux blonds, une peau de satin, des ongles blancs, un corps frèle, une physionomie douce, des bas de fil d’Écosse, des robes faites par la bonne faiseuse, des mouchoirs de batiste, et des gants de Suède. Toute leur personne est d’une délicatesse exquise, et elles laissent après elles un parfum presque insensible de mille odeurs délicieuses. Elles habitent une jolie maison dans la Chaussée-d’Antin, meublée avec recherche, toujours ornée de fleurs,..."

 Le Palais-Royal (1831) par E. Roch : "Parcourez les principales villes de l’Europe, vous y verrez des cathédrales gothiques, des jardins et des palais auxquels Paris et les autres villes de France auront à opposer des monuments de même genre ; remontez aux temps anciens ; embarquez-vous sur le vaisseau d’Anacharsis, vous visiterez la Grèce dans sa splendeur, et lorsque vous aurez admiré les Propylées, le temple de Thésée et le Parthénon, la nouvelle Athènes pourra mettre en regard de ces édifices son Panthéon, son Louvre, sa Bourse et son église de la Madelaine ; mais nulle part vous ne retrouverez un Palais-Royal, ni rien qui lui ressemble..."

 Les Musées en plein vent (1831) par Amédée Pommier (1804-1877) : "On doit regarder comme un des plus notables agréments de Paris toute la jouissance qu’on peut s’y procurer pour rien. C’est une des villes du monde où le pauvre s’amuse le plus, et, parmi ces plaisirs qui s’offrent gratis à un chacun, les boutiques de gravures occupent incontestablement un rang fort distingué..."

Le Napoléon noir (1832) par Léon Gozlan (1803-1866) : "La génération présente doit s’attendre à être encombrée de fils de Napoléon, concurremment avec les faux dauphins : chaque dynastie déchue nous léguant ses glorieux bâtards et ses faussaires. Ce n’est pas que les branches nouvelles s’alarment beaucoup de ces prétendants apocryphes ; il y a mille raisons pour cela : d’abord le nombre exclut la vraisemblance ; et, dans le contingent des héritiers présomptifs, les imbéciles nuisent trop aux fripons. Mais les superstitions populaires s’alimentent à cette source équivoque ; et pour peu qu’on ait le nez ou la bouche offrant quelque ressemblance avec le masque de l’ex-souverain, le chapeau fait le reste. La foi nationale est robuste. On a compté cinquante-huit faux Néron, trente-deux faux Charles-Quint ; on a perdu le nombre des faux Louis XVII. Qu’on juge, après cela, si le vol de filiation souffre le moindre blâme, quand les pères sont dans une proportion si effrayante..."

Une demoiselle de Paris en 1832 (1832) par Victor Ducange (1783-1833) : "Qu’elle est jolie !... Vous la connaissez, j’en suis sûr. Plus d’une fois, sans doute, il vous est arrivé, par un beau jour de juillet ou d’août, entre quatre et cinq heures, d’aller vous mêler à la foule élégante que la mode appelle, et que la fraîcheur d’un bel ombrage retient dans les vastes allées de la royale demeure. Ou bien aussi, par une douce soirée, un beau ciel de nuit azuré, vos pas appesantis par le poids du jour, heurtés, interrompus par un essaim de beautés, ont, trente fois dans une heure, mesuré la distance entre la rue Laffite et la rue Taitbout, au milieu d’un double rang de femmes éblouissantes, de lanternes où le gaz rayonne, et des bouffées de tabac de nos modernes élégants : enfin, sans métaphore, vous vous êtes promené le matin aux Tuileries, ou le soir à Coblentz..."

Jacques Bonhomme (1833) par Gibert : "Jacques Bonhomme, M. Jacques Bonhomme est d’une famille ancienne. Depuis qu’il est devenu important, des flatteurs et des savants lui ont même fait une belle généalogie ; ils lui donnent une origine celtique. A les croire, sa race s’en va se perdre dans la nuit des temps qui précèdent les histoires écrites. Ils retrouvent en lui je ne sais quelle physionomie gauloise, un peu semblable aux descriptions de César. Ils disent qu’ensuite ces Jacques Bonshommes de la vieille Gaule firent assez bonne société avec les Romains leurs conquérants : ils se mêlèrent aux vainqueurs du monde par mariage ou autrement, finirent par parler la même langue et prirent ensemble des habitudes municipales ; tâchant de se tirer au moins mal du gouvernement du bas-empire, ou, ce qui fut pire encore, de sa décrépitude expirante..."

 Une première représentation (1831) par Merville (1785-1853) : "Autrefois, c’est-à-dire avant le 26 juillet 1830, c’était quelque chose qu’une Première Représentation. Les journaux l’annonçaient un mois d’avance ; ils citaient le nom de l’auteur en toutes lettres, et ce nom ne devenait un mystère que le jour de l’événement. Mais alors, les amis du coupable qui, de concert avec lui, s’étaient souvent évertués à le faire connaître, à divulguer son secret, usaient de la plus discrète retenue. On les voyait sous le péristyle du théâtre, dans les couloirs, dans les foyers, s’aborder, se reconnaître à certains signes, à de furtifs échanges de coups d’oeil et de serrements de mains, comme des Carbonari ou des membres du Tugend bund. Ils s’oubliaient eux-mêmes, pour ne s’occuper que de la grande affaire du jour, l’ouvrage nouveau. Ils n’étaient plus, à ce moment solennel, jésuites, libéraux, royalistes, tout ce qu’on était alors ; ils étaient amis de l’auteur, identifiés avec lui, participant à ses angoisses, à ses craintes, à ses espérances, et l’on citait tel écrivain qui avait le bonheur de voir dans cette espèce de commandite plus de la moitié des spectateurs, sans compter ceux qui faisaient métier de l’applaudir..."

Les bibliothèques publiques (1831) par P. L. Jacob (1806-1884) : "Je comprends bien que les bibliothèques publiques de Paris puissent être utiles aux lettres ; mais, en vérité, telles que les a faites l’impéritie ou la négligence de l’administration, je ne comprends pas à quoi elles servent, sinon à enfouir et à perdre à la fois le précieux dépôt des connaissances écrites ; la Bibliothèque du roi, comme la plus importante par le nombre et le choix des livres et des manuscrits, est aussi la plus riche en désordre, en routine, et en abus. Cependant la police matérielle de l’établissement fait honneur au concierge et aux frotteurs de livrée ; ou dépose gratis les cannes et parapluies à la porte ; on est prié, par une inscription en langue vulgaire, d’essuyer ses pieds au paillasson, et des crachoirs moins rares que les encriers préservent de fréquents outrages le miroir du parquet ciré. Là, Diogène n’eût pas été réduit à cracher au visage de quelqu’un..."

Un couplet de la Marseillaise et l'Abbé Pessonneaux (1900) par E.-J. Savigné (1806-1884) : " LA paternité du septième couplet de la Marseillaise, « Nous entrerons dans la carrière….. a été l’objet de nombreuses discussions. Quelques-uns l’ont attribuée à Marie-Joseph Chénier ; d’autres à M. Louis du Bois (1). Mais c’est M. L’abbé Pessonneaux qui, selon nous, en est l’incontestable auteur, et notre opinion, exposée dans deux brochures (2), a eu le mérite d’être agréée par M. Jules Lecomte. Nous ne comptions plus revenir sur ce sujet, peut-être usé, quand M. Anatole France, de l’Académie Française, dont nous admirons, à leur juste valeur, l’autorité et le talent, publia, il y a quelques années déjà, dans Le Temps (3) et dernièrement dans les Annales politiques et littéraires (4), des articles destinés à raviver les prétentions de M. Louis du Bois...."

Monsieur de Paris (1832) par James Rousseau : Le prince de l’Église et l’exécuteur des hautes-oeuvres ; l’homme du ciel avec sa parole tout évangélique, et l’homme de la terre avec sa mission toute de douleur et de sang ; Celui qui prie pour l’âme, celui qui détruit le corps ; L’un portant ses regards vers ce qu’il y a de plus haut, l’autre forcé de les tourner vers ce qu’il y a de plus bas ; Tous deux, par un étrange abus de mots, par un renversement de toute idée, de toute logique, tous deux appelés du même nom..."

Mademoiselle Montansier, son salon et son théâtre (1832) par J. T. Merle : "Le vieux Paris disparaît devant nous ; ses monuments font place à des rues longues, larges, froides et insignifiantes, comme celles de Berlin ou de Saint-Pétersbourg ; la poésie de ses anciennes traditions, de ses superstitions populaires, s’efface chaque jour ; bientôt il ne nous restera plus de la bonne ville de Louis XII et d’Henri IV, qu’un Paris moderne, qui n’aura rien d’historique, et qui ressemblera à une ville prise d’assaut par les architectes et les maçons..."

La Conciergerie (1831) par Philarète Chasles : "J’avais seize ans, lorsque je vis pour la première fois la Conciergerie. Quelle prison c’était alors ! une prison de l’ancien régime, belle d’horreur, hideuse de poésie ! un amas de cachots ; un dédale de corridors sombres et de voûtes infernales ! Du front vous touchiez la poutre qui écrasait le guichet d’entrée ; ployé en deux, vous aviez peine à le franchir. Un réverbère, à la clarté rouge, brûlait éternellement sous le porche. Là, il y avait encore des faces noires de geôliers, des paquets de clefs retentissantes, des barreaux de fer obstruant l’air et la lumière ; je m’en souviendrai toujours : de telles images ne périssent point dans la mémoire ; elles projettent leur ombre sur toute une vie..."

Paris fashionable en miniature (1833) par Alexandre Laya (1809-1883?) : "Sous quelle forme nouvelle animer ce que vous allez lire ? On a tout fait. Le nouveau n’est autre chose que du vieux remis à neuf ; et quand je demande à mes souvenirs ou à mes rêves ce qui a été ou ce qui arrivera, l’avenir ne me semble devoir être qu’une reproduction du passé. L’humanité tourne dans le même cercle, c’est une ronde qui frappe toujours le même sol, sous le même rhythme, sous la même cadence..."

Le compositeur typographe (1832). par Bert : "Ne confondez pas le typographe ou compositeur avec l’imprimeur ou pressier. Ces deux agents d’un art merveilleux sont séparés par un grand intervalle dans la hiérarchie des fonctions de l’imprimerie. L’un préside à la première transformation que subit la parole visible, l’autre ne fait que diriger la machine qui doit la répéter aux yeux par des milliers d’échos. La mécanique est déjà parvenue à disputer à ce dernier son emploi ; déjà, sans lui, l’encre sait se répandre sur les caractères assemblés et serrés dans un cadre ; la feuille blanche s’étendre sur la forme, se glisser sous la presse, et sortir de l’instrument muet empreinte de la pensée et de la voix du génie. Ainsi le pressier voit son poste envahi par un ouvrier plus laborieux que lui, et qui n’est pas, comme lui, sujet à la faim, à la fatigue, au sommeil..."

Les maisons de jeu (1832) par le Comte Armand d'Allonville : ''Que fais-tu, clairvoyant Asmodée, tandis qu’une foule d’écrivains spirituels, après t’avoir solennellement évoqué, parcourent sans toi les différents quartiers de cette vaste métropole, et explorent, eux seuls, cent lieux publics, ou réduits secrets, dans lesquels tu devais les introduire ou les guider ? Il en est cependant que ces vigilants observateurs n’ont point encore visités ; ceux-là sont le domaine de certains esprits malfaisants, auxquels, malgré ta qualité de démon, ton génie satirique ne te fait, certes, pas ressembler ; mais tu les dois connaître, et je voudrais pénétrer, sous tes auspices, dans ces antres où vont s’engloutir et la fortune et la moralité d’un trop grand nombre de misérables..."

Une visite à Charenton (1832) par Maurice Palluy : "Sur les bords de la Marne, à égale distance des jolis villages de Saint-Maur et de Saint-Mandé, au milieu de vastes jardins bornés au nord par le parc de Vincennes et qui dominent les plaines fertiles de Maisons et d’Ivry, s’élève une masse de bâtiments irrégulièrement groupés, dont l’aspect rappelle le souvenir de ces grands édifices élevés autrefois à la religion par le génie de la solitude. Une longue avenue plantée d’arbres dont les branches convergent en arceaux, et que suit le courant d’un des bras de la Marne, y conduit le promeneur qui s’égare de ces côtés. Veut-il en explorer les entours ? un pont léger lui ouvre l’accès d’une île formée par la rivière, et dont les contours gracieux offrent les perspectives les plus pittoresques..."

Paris illuminé (1833) par A. Baudin : "Qu’on ne prenne pas l’épithète titulaire de cet article dans un sens figuré. Qu’on ne s’imagine pas que je veuille peindre la grâce efficace du saint-simonisme ou du néochristianisme agissant sur la grande cité, la touchant au coeur, et épurant cette moderne Ninive. Non, notre capitale, trop dure à catéchiser, fera long-temps encore le désespoir des utopistes religionnaires ; et, découragés de leurs efforts stériles, MM. Enfantin, Gustave Drouineau, et le réformiste Chatel, iront sans doute, sous d’autres climats, chercher des peuples moins endurcis, plus malléables, plus ductiles, dont la foi toute neuve puisse adopter des croyances nouvelles..."

 Eloge du snobisme (1926) par Marcel Boulenger (1873-1932) : "C’EST inouï !... On nous demande de traiter en quelques pages un grand un important chapitre d’histoire religieuse : et nous pouvons même dire un immense chapitre, un chapitre capital de l’histoire religieuse contemporaine… En quelques pages !... En un tout petit volume, une plaquette !... Mais comment veut-on que nous fassions ? Car enfin le snobisme est une religion. Il faut bien que c’en soit une, puisque les snobs vivent manifestement en état de dévotion profonde envers leurs divinités, telles que les titres, les millions, la langue anglaise, les votes d’admission dans les grands cercles, etc., et parfois même d’exaltation mystique. On ne sait en effet si certains d’entre eux ne vont pas jusqu’à l’extase dans le secret de leurs méditations solitaires..."

Les médecins de Paris (1833) par F. Trelloz : "Dans le siècle où nous vivons, l’indépendance est un des premiers besoins de la vie, et les révolutions qui se sont succédé ont laissé tant d’hommes incertains sur leur avenir, surtout parmi ceux qui occupaient des emplois dans le gouvernement, que chacun a cherché à donner à ses enfants un état qui le mît à l’abri des revirements de fortune. Ajoutez à cela l’ambition qu’ont tous les parents de donner à leur fils un état qu’ils considèrent comme plus relevé que le leur, et vous vous expliquerez pourquoi nous voyons maintenant tant d’avocats et tant de médecins...."

 La place de grève (1833) par Eugène Labaume (1783-1849) : " Si le livre des Cent-et-Un eût été destiné à donner une description pittoresque et animée de tous les lieux de la capitale témoins d’événements tragiques susceptibles d’émouvoir la sensibilité des lecteurs, il n’en est aucun qui, sous ce rapport, pût offrir des scènes plus dramatiques et plus variées que la place de Grève. Mais à Dieu ne plaise que, pour exciter des émotions, nous cherchions à rappeler ces supplices affreux qu’une législation barbare faisait endurer aux criminels. Nous ne parlerons donc point du supplice de la roue infligé à..."

 Étrennes aux jeunes femmes qui veulent être heureuses dans leur ménage, et donner à l'État des Enfans sains et robustes (1806) : " NOUS avons l’Ami des Enfans et le Magasin des Adolescentes, deux ouvrages également utiles aux deux âges de la jeunesse, qu’ils ont pour objet. Pourquoi n’aurions-nous pas l’Ami des jeunes Femmes, cette portion de l’humanité si précieuse à la société, et d’où dépendent son bonheur et sa population ? En vain vous aurez appris à la jeunesse comment elle doit se comporter dans son bas âge, si nous ne continuons pas nos leçons jusqu’au moment où, placée au rang des mères de famille, notre jeune élève doit exercer le plus sérieux et le plus important des devoirs, celui d’épouse et de mère. Aussi, ce plan fut-il celui du vertueux Berquin, si la mort ne l’eût ravi au milieu d’une carrière qu’il ne parcourait que pour le bonheur du genre humain..."

 Éloge de la paresse (1926) par Eugène Marsan (1882-1936) : " IMAGINEZ un château. Un château vous plaira. Et non pas une vaste fabrique rétablie à grand frais, comme un musée, mais une demeure. La grosse tour de l’ouest est du XIIIe. La légende veut, comme toujours, que ses fondations remontent jusqu’aux Romains. La tour du levant est du XVe, avec une porte si basse qu’il faut se baisser, curieux vestige d’un âge antérieur. Entre elles, tout le corps de logis est d’une Renaissance retouchée. La petite aile droite a double visage : Empire et Louis XVI..."

Croquis de Guerre et d’Après (1923) par Henri Marguy : "Oserai-je conseiller à nos pessimistes, aux broyeurs de noir, à ceux enfin qui, parce que la vie devient de plus en plus chère et que la guerre se prolonge sans amener encore la décision souhaitée, estiment que tout est perdu, de s’en aller, par une belle journée ensoleillée comme celles dont nous venons d’être gratifiés, faire le tour des fortifications parisiennes ? Au lieu de s’enfermer dans un café chic où, tout en dégustant un bock, voire même café-crême - (on boit encore beaucoup de café-crême dans ces établissements, malgré la soi-disant rareté du lait) - ils s’hypnotisent à la lecture de multiples grands quotidiens, qu’ils fassent la promenade au grand air que je leur propose..."

 Pays de Retz (1928) par Marc Elder (1884-1934) : " UNE route passe sur la crête, à cent mètres du littoral, joignant d’un trait presque droit Pornic à Bourgneuf-en-Retz. Soulignons-la de vert comme sur une carte Michelin. Son cours champêtre, varié par des échappées sur l’Océan, ne manque pas de pittoresque. On y voit les clochers du Clion, des Moustiers, fins comme pointe d’oignon monté en graine, la chapelle de Prigny à croupeton sous son orme, un horizon divers qui propose des jeux d’esprit sous la forme de mirages dont il faut deviner le sens. Pour moi, j’y vois ma jeunesse. Elle est éparse dans le paysage ainsi que la lumière insaisissable.."

Basses Pyrenées : histoire naturelle et poétique (1926) par Francis Jammes (1868-1938) : " Je ne peux qu’admirer, tandis que les fauvettes chantent dans mon jardin de Hasparren, et que tout à l’heure y glissait une musaraigne entre les feuilles, qu’à dix kilomètres d’ici, non loin de mon château de Belzuncia, à Isturitz, aient été mis à jour ces indiscutables ossements d’ours, d’hyènes, de cerfs, de rhinocéros, de mammouths, de rennes, de bisons, de lagopèdes, de goélands, d’aigles, et ces coquillages ! Les squelettes d’ours, en particulier, s’enchevêtrent, s’entremêlent, s’agglomèrent, avec une telle abondance, qu’ils firent naître la singulière idée, heureusement abandonnée, de les exploiter comme engrais chimique..."

Le 10 août (1875) par Georges de Cadoudal (1823-1885)  : " Le 10 août 1792 un grand crime, un crime irrémissible fut accompli par l’infernal génie des révolutions. La Royauté, qui avait créé notre nationalité, qui avait élevé la France aux sommets de la puissance et de la gloire, succomba en quelques heures sous une coalition de sophistes et de rhéteurs, de faubouriens et de repris de justice. Cette journée livra la clé de nos destinées aux plus vils des hommes ; elle rendit possibles les crimes de Septembre et de Janvier ; elle fut la préface sanglante de la Terreur..."

 Annecy (1930) par Albert Besnard (1849-1934) : " IL y a des voyages dramatiques ; il y en a de doux - qui pourraient être terribles : celui de la Haute-Savoie est de cette catégorie. C’est un pays de montagnes parfois assez hautes qui, pendant l’été se drapent des lambeaux du premier nuage qui passe ; mais se coiffent de neige à l’automne ce qui leur donne un aspect redoutable. Au-dessus d’elles le roi de la contrée, le fantôme éternel, le géant des Alpes, le mont Blanc, hiver comme été, avertit les indiscrets qui prétendent à voir de près son visage, qu’au-dessus du plaisir de violer le silence des hautes solitudes planent toujours le vertige et le froid, frères de la mort. Comme pour tempérer la sévérité du paysage, tout en bas, s’étend un lac couleur d’espérance..."

 Napoléon au Panthéon de l'Histoire : Résumé de tout ce grand homme a fait de Merveilleux (1830) par Pierre Colau (1763-183..) : " Honneur à la liberté qui sur tous les théâtres de la capitale, ressuscite le grand homme dont l'ombre seule effrayait le gouvernement anti-national que la valeur des immortels enfans de Lutèce vient de renverser. Les destinées de Napoléon sont accomplies ; il n'est plus ! Cependant, il est encore de ces hommes à qui la nature sembler n'avoir donné des yeux que pour`ne point voir, qui demandent ce que deviendra sa mémoire ? C'est en résumant ce que le vainqueur des Rois de l'Europe a fait de grand, que nous répondons..."

Derniers efforts du jésuitisme expirant : ses infamies, ses crimes et ses complots, définition de ce qu'on appelle la congrégation... (1830) par Pierre Colau (1763-183..).

Crimes de la superstition et du fanatisme, occasionnés par l’intolérance religieuse... (1831) par Pierre Colau (1763-183..).

Paray-le-Monial (1926) par Henri de Régnier (1864-1936) : "PUISQUE j’ai parlé de Bouchu, il « faut que j’achève l’étrange singularité qu’il donna en spectacle, autant qu’un homme de son état en peut donner. C’était un homme qui avait une figure fort aimable et dont l’esprit, qui l’était encore plus, le demeura toujours. Il en avait beaucoup et facile au travail et fertile en expédients. Il avait été intendant de l’armée de Dauphiné, de Savoie et d’Italie, toute l’autre guerre et celle-ci. Il s’y était enrichi ; homme d’ailleurs fort galant et de très bonne compagnie. Lui et sa femme, qui était Rouillé, soeur de la dernière duchesse de Richelieu et de la femme de Bullion, se passaient très bien l’un de l’autre..."

La Touraine (1926) par René Boylesve (1867-1926) : " COMME Ronsard, nous allons faire « le voyage de Tours ». Nous ne le ferons pas en vers. Je n’en ai point à ma disposition qui vaillent ceux du poète vendômois : C’était au mois d’avril, Francine, il m’en souvient, | Quand tout arbre florit, quand la terre devient | De vieillesse en jouvence, et l’estrange arondelle | Fait contre un soliveau sa maison naturelle. | Nous risquerions, sur ces douze pieds, si alertes qu’ils soient, de trouver l’excursion un peu longue. Cependant, si j’ai prononcé le nom d’un poète, ce n’est pas sans dessein..."

Strasbourg (1929) par André Hallays (1859-1930) : "" JE n’avais fait que traverser l’Alsace au retour d’un voyage en Allemagne et ne connaissais guère que la cathédrale de Strasbourg et le musée de Colmar : je redoutais de me sentir un étranger sur une terre autrefois française. Au printemps de 1903, la Société industrielle de Mulhouse m’invita à donner une conférence chez elle. Je me décidai à profiter de cette occasion pour visiter le reste de l’Alsace..."

Cluny (1928) par Albert Thibaudet (1874-1936) : " AU Français qui voyage en Allemagne, vous savez quelle est la première question que l’on pose : « Êtes-vous de Paris ? » Une réponse négative vous fait considérer comme un Français de deuxième zone, et même comme rien du tout. Ces Germains ignorent que, sauf des exceptions, en France on n’est pas de Paris. On va à Paris, ou on en vient, ou on y passe, ou vos parents y sont venus, ou vous y êtes venu, mais enfin, dans le monde de l’esprit tout au moins, Paris est associé à des valeurs de mouvement, de conquête, de départ, d’arrivée, de circulation..."

Les musiciens les philosophes et les gaietés de la musique en chiffres : Réponse à Monsieur Francisque Sarcey (1870) par Oscar Comettant (1819-1898) : " Vous n’êtes pas heureux quand vous parlez musique, monsieur et très-honoré confrère. Vous la comprenez mal. Il est vrai que vous l’avez apprise sur le tard, par la méthode Chevé..."

Les guérisseurs et les éclopés dans l’oeuvre de Quast (ca1922) ; Trois pharmacies de poche (1922) ; Une épidémie de hoquet à Tournai en 1413 (1922) par Jean-Joseph Tricot-Royer (1875-1951).

Un Bal d’Etudiants (Bullier) : notice historique... par un ancien contrôleur du droit des pauvres (1908) :  "Il y a quelques années, on pouvait lire à la quatrième page des journaux l’annonce de la mise en vente dans l’étude de Me Prudhomme, notaire à Paris, de BULLIER, le célèbre bal de la jeunesse des Ecoles, connu de nos pères sous le nom de CLOSERIE DES LILAS. Certes, cette grave nouvelle ne tarda pas à faire son tour de France, et nombre de compassés magistrats, solennels notaires ou sévères médecins, du fond de leur province, n’ont pu se défendre d’un soupir de regret en songeant que la vieille salle mauresque de l’avenue de l’Observatoire, témoin de leurs ébats capiteux de la vingtième année, allait peut-être disparaître à jamais !.."

De la sériciculture en France (1865) par Georges Renaud : " La question séricicole n’est pas absolument nouvelle. Maintes fois déjà, elle avait fixé l’attention des divers gouvernements qui se sont succédé en France, quand, à des intervalles très-éloignés, de violentes épidémies s’étaient abattues sur nos races de vers à soie. Cependant, jamais l’état de souffrance n’avait été aussi grave qu’il l’est de nos jours ; jamais on n’avait vu la récolte annuelle des cocons tomber de 100 millions de francs (chiffre moyen d’une année) à 34..."

Passions et vanités (1926) par la Comtesse Anna de Noailles (1876-1933) :  " LES femmes m’en voudront-elles de leur dire que je ne m’habitue pas à leur grand mépris de la chevelure d’Yseult, voile d’or sur le vaisseau de Tristan ; à leur dédain de la fringante coiffure de Diane, et même de cet étroit anneau bombé, délicat comme la châtaigne, qui repose sur le col grec de la « Jeune fille aux osselets » ? Silencieuse par politesse devant tant de subits pages florentins et de japonais aux joues roses, je leur fais pourtant un grief de leurs cheveux courts, de cette suppression de rêve, d’ingéniosité, de réussite autour du visage. Je leur reproche ce dépouillement de la nuque, lieu secret, amoureux de l’ombre, modelé pour supporter le coquillage soyeux, rêche, sombre, doré, ou bien pour paraître effronté par l’élancement, jusqu’au sommet de la tête, de la parure vivante qui vient s’y abattre ou s’y épanouir..."

 Notice sur l'île d'Elbe, contenant la description de ses villes, ports, places fortes, villes, bourgs, villages, l’état de sa population, ... (1814) : "ELBE, nommée en grec Æthalia, Ilva en latin, Elba en italien, est une île située dans la mer Méditerranée, sur les côtes de la Toscane, à 4 lieues de la terre ferme de l’Italie ; à 13 lieues de l’île de Corse, à 45 de Rome, à 85 de Naples, et à environ 230 de Paris. Elle était connue des anciens, puisqu’on rapporte qu’elle était déjà peuplée que Rome n’était pas encore bâtie. Cette île forme un triangle presque équilatéral ; elle a vingt-six lieues de circonférence, à raison des enfoncements et des recoins qu’en présentent le côtes. En 1778, sa population était à peine de 8,000 habitants, aujourd’hui elle s’élève à 11,380. Le plus long jour y est de quinze heures, et le pôle s’y élève à la hauteur de 41 degrés et demi. Outre les cartes particulières où l’on trouve cette île, il en a paru une à Venise, qui a pour éditeur Bertelli, et qui se distingue par son exactitude de toutes les autres cartes de la Toscane..."

Les grandes erreurs judiciaires par Marcel Nadaud & Maurice Pelletier : Les grandes erreurs judiciaires : Un drame paysan (Petitdemange) ; Il ne s’était pas rendu (Lieutenant Chapelant) ; Le pigeonnier du vieux flamand (Strimelle) (1926).

Les pauvres : physiologie de la misère (1841) par Louis Mathurin Moreau-Christophe (1799-1881) : "DANS la distribution des maux de cette terre, chaque peuple a eu son fléau, chaque époque sa plaie. Tantôt ç’a été la famine, tantôt la peste, tantôt la guerre, tantôt les inondations, tantôt le bouleversement des idées, des fortunes, des religions, des empires. Sous quelque forme que ces maux se soient produits, ils ont toujours eu pour effet un autre mal, - le seul qui toujours ait survécu à tous les autres ; - mal chronique, enraciné, persistant ; mal qui prend chaque jour une extension terrible, fatale, immense… LA MISÈRE !..."

Les grandes erreurs judiciaires par Marcel Nadaud & Maurice Pelletier :  L’empoisonneuse de Choisy (Julie Jacquemin) ; Le couteau du boucher (Pacotte) ; Le calvaire d’un instituteur (Pierre Vaux) ; Une petite oie blanche (La Roncière) ; L’incendiaire au village (Maximilien Flament) (1926).

 Images de Majorque (1925) par Louis Codet (1876-1914) : "Qu’il est donc délicieux d’arriver, à l’aurore, dans un port inconnu ! c’est une des plus douces choses de la vie, et je ne crois pas qu’on puisse se blaser sur cette surprise. Tandis que le vapeur glisse silencieusement sur les flots calmes de la rade, on contemple alentour ces rivages dentelés, ces monuments, ces maisons étrangères ; le demi-jour leur laisse un air d’apparition ; l’on goûte un étonnement d’une qualité rare ; ces montagnes et cette ville, sorties des eaux, c’est la nouveauté en sa fleur..."

 Le bas-bleu (1842) par Jules Janin (1804-1874) : "ON cherche encore l’origine de cette très-expressive et très-juste dénomination : le Bas-bleu. D’où vient ce mot et que veut-il dire ? Dans un de ses magnifiques accès de mauvaise humeur, lord Byron s’en est servi pour désigner la race, toute moderne, des malheureuses créatures féminines qui, renonçant à la beauté, à la grâce, à la jeunesse, au bonheur du mariage, aux chastes prévoyances de la maternité, à tout ce qui est le foyer domestique, la famille, le repos au dedans, la considération au dehors, entreprennent de vivre à la force de leur esprit. On les a appelées bas-bleus pour deux ou trois motifs que Byron n’explique pas, mais qu’il est facile d’expliquer..."

Le maître de chausson (1842) par Théophile Gautier (1811-1872) : "VOUS avez sans doute vu, si le hasard ou toute autre raison vous a conduit aux barrières, aux Funambules, sur la place Maubert, dans la rue Mouffetard, ou tout autre lieu fréquenté par cette intéressante partie du peuple français que l’on désigne sous les dénominations de gamins, de titis et de voyous, deux champions en attitude, agitant les bras et les jambes avec des gestes bizarres, et prononçant la phrase sacramentelle : « Numérote tes os, que je te démolisse ! » et vous avez passé en détournant la tête, car au bout de quelques secondes le sang jaillissait des nez réciproques, et de larges iris ne tardaient pas à cercler d’auréoles prismatiques les yeux des combattants..."

La belle-mère (1842) par Anna Marie : " IL existe ici-bas une pauvre créature assez généralement insupportable à ceux qui l’entourent, et détestée par tradition de génération en génération, depuis que la terre en produit ; un être dont le nom déplaît, dont la présence importune, qu’on veut fuir à cent lieues et même à mille, et que pour toutes ces raisons peut-être, et pour bien d’autres encore, nous plaignons pourtant de toute notre âme..."

L’homme sans nom (1842) par Taxile Delord (1815-1877) : " IL est une classe d’hommes que la société rejette de son sein, tribu maudite qui se perpétue dans le vice, caste anathématisée dont tout le monde évite le contact. Sous le péristyle des théâtres, chez le marchand de vin à double industrie, au milieu de tous les grands centres où la débauche s’étale sous la surveillance de la police, on rencontre ces parias que l’on reconnaît à leurs traits flétris, à leur langage cynique, et même à leur costume. Leur existence est vagabonde ; ils passent d’une femme à l’autre pour un peu d’or ; ce sont les condottieri de l’amour ignoble, ils naissent de la prostitution comme ces insectes qui sortent de la boue ; ils en forment la partie la plus honteuse : c’est infamie de l’infamie, et la pourriture de la pourriture...."

La première amie (1842) par Charles Paul de Kock (1793-1871) : "NE vous méprenez pas à ce titre ; ne croyez pas qu’il s’agisse ici pour un homme de sa première connaissance, de sa première maîtresse, de ses premières amours enfin. A ce compte, comme tous les hommes ont eu plusieurs liaisons galantes, chacun d’eux aurait eu une première amie. Ce n’est pas ainsi que je l’entends : nos connaissances les plus intimes n’ont pas toutes été nos amies ; ce titre, si doux quand il est mérité, ne doit pas se prodiguer aussi facilement que les noms d’amants et de maîtresses..."

Bulletin des modes et de l'industrie, 25 février 1849 par V. de R....

Les enfants à Paris (1841) par Mathurin- Joseph Brisset (1792-1856) : "PARIS, l’Eldorado des femmes opulentes, le lieu d’épreuves des maris, qu’est-il pour les enfants du riche ? Une serre chaude,  un de ces fours qui, pour quelques poulets qu’ils font sortir de leurs coquilles avant le temps, étouffent les autres dans leur oeuf cuit à ce souffle de précocité, meurtrier, à force d’être actif..."

Le tyran d’estaminet (1841) par Charles Rouget : "IL n’y a plus en France de tyran couronné, mais une moitié de la population est occupée à tyranniser l’autre. Quelle est à cette heure, je ne dis pas la nation, mais la famille qui ne soit, à des degrés différents, soumise au despotisme de l’un de ses membres ? Et d’ailleurs, que gagnerait le peuple aux révolutions, si chacun n’appliquait à son usage particulier la tyrannie précédemment monopolisée au profit d’un seul ?.."

La maîtresse de maison de santé (1841) par Frédéric Soulié (1800-1847) : "AVANT de faire le portrait de l’individu, essayons de donner une description de l’endroit où on le trouve, du cadre où il pose, ou, si vous l’aimez mieux, de la contrée où il règne. La maison de santé est presque toujours logée dans quelque vieil hôtel dont les vastes appartements du rez-de-chaussée sont affectés au service commun, au grand et au petit salon, à la salle à manger, au parloir, etc. Les étages supérieurs sont divisés en une foule de petits appartements qui sont affectés aux malades de première qualité. Ceux du second ordre sont casernés dans les chambres que l’on a pratiquées sous les combles..."

Le second mari (1841) par Frédéric Soulié (1800-1847) : "LA nature a ses types, la société a ses types, toute nation a ses types, et enfin chaque époque a ses types. L’avare, le vaniteux, le fanfaron, appartiennent à la nature, et elle les a semés partout où elle a jeté des hommes. Dès que la société a été organisée, elle a tout aussitôt créé les siens. Ainsi le juge, soit qu’il applique la loi de Dracon ou le Code pénal ; le commerçant, soit qu’il vende des nègres ou des rentes sur l’état ; le militaire, soit qu’il marche le pot en tête ou le fusil à l’épaule ; le médecin, soit qu’il suive la doctrine d’Hippocrate ou celle de Hannman, ont des traits caractéristiques généraux qui se retrouvent toujours et partout. Au contraire de ceci, le climat, les productions du sol, la disposition géographique, ont fait à chaque peuple des types particuliers ; ainsi le mangeur d’opium, le buveur de bière..."

 Le gniaffe (1841) par Petrus Borel (1809-1859) : "LE gniaffe arrivé, le gniaffe maître, le gniaffe possédant un établissement est trop généralement répandu, et trop à la portée de tout le monde, pour que nous nous y appesantissions beaucoup. Ce n’est pas de cet enfant du siècle, bon lecteur, que nous avons à t’entretenir ; tu le connais de reste ce débitant vulgaire qui parle à la troisième personne, qui dit : « Monsieur veut-il ses bottes plus carrées ? Que souhaite madame ? Offrirai-je un siége à monsieur ?... » Nature servile et bâtarde, polie par son frottement aux honnêtes gens qu’elle chausse ; épine dorsale flexible et docile ; bouche assouplie, faite au mensonge et professant le mot flatteur !... Non, non, ce n’est pas là l’objet de notre choix ; ce n’est pas là notre héros, ce n’est pas là notre Ulysse… Notre Priam à nous, c’est le gniaffe au coeur noble, à l’âme élevée et ombrageuse, qui, en dépit de toutes les sirènes de la corruption, s’est maintenu dans l’indépendance la plus absolue et la plus primitive !.."

Le goguettier (1841) par Louis-Auguste Berthaud (1810-1847) : " LES électeurs parisiens à 200 francs et au-dessus, les hommes d’ordre et de boutique ont entendu prononcer le nom du goguettier une ou deux fois au théâtre des Variétés, et ils savent, c’est-à-dire ils croient qu’il se nomme Loupeur ou Balochard. Pour eux, c’est l’ouvrier imprévoyant et viveur, hâbleur, conteur, gaudrioleur et mauvaise tête, allant boire à la barrière et dépenser en deux jours, le dimanche et le lundi, ses économies de toute la semaine ; c’est encore celui qui, sans sortir de Paris, use sa journée et les manches de sa chemise à rouler de cabaret en cabaret, se frottant à tous les murs et se brûlant l’estomac avec les compositions lithargineuses du marchand de vin. Hors de là, les Parisiens ne voient plus de goguettiers, mais déjà des goipeurs, déjà des vauriens, déjà des gens à tout faire, et devant lesquels il est prudent d’allonger le pas entre minuit et cinq heures du matin..."

La Dévote (1841) par Jules Janin (1804-1874) : " GRACE à Dieu, il n’est pas de révolution en ce monde qui, à le bien prendre, n’ait en soi quelque chose de bon. La révolution de juillet, par exemple, nous a délivrés à tout jamais d’un abominable fléau qui menaçait de reparaître dans nos moeurs, je veux dire l’hypocrisie religieuse, la pire espèce de toutes les hypocrisies. Quand tous les honnêtes gens qui croient encore en Dieu, et qui n’ont pas relégué l’Évangile avec les livres des philosophes, ont pu aller à l’église tête levée sans être soupçonnés d’ambition ou de flatterie, l’église s’est remplie, à toutes les heures du jour, d’une noble foule. Les honnêtes gens ne se sont plus cachés pour y venir. La religion catholique, n’étant plus protégée par personne, rentrait dans le droit commun, ou, pour mieux dire, dans le droit divin. A nous aussi, puisque maintenant il est bien reconnu que la loi est athée, puisqu’il n’y a pas de roi dévot, de cour dévote, plus de congrégations religieuses qui nous espionnent et qui comptent sur nos signes de croix, il nous est bien permis de célébrer le type féminin le plus charmant qui se puisse présenter à l’étude et à l’observation des moralistes contemporains..."

 Dîneurs et dîners d'autrefois (1910) par Victor Du Bled (1848-1927) : "La science de gueule, qui n'est pas aussi dégénérée que l'affirment certains pessimistes, qui n'a pas de plus cruel ennemi que le féminisme, et demeure la science sociale par excellence, fut consacrée par les religions de l'antiquité, et garda même dans les temps modernes un caractère presque hiératique, par la gravité solennelle des rites et du cérémonial qui l'entourait notamment à la Cour. Faut-il voir un ressouvenir de cette étiquette mystique dans ce trait de Du Guesclin, avant de marcher à un combat singulier, avalant trois pommes « en l'honneur des trois personnes de la très sainte trinité » ?... "

Les visites (1910) par Victor Du Bled (1848-1927) : "Il en est un peu des visites comme de la langue, de l'argent, du régime parlementaire, des chemins de fer, de la mode ; elles présentent beaucoup d'avantages et maint inconvénient, elles prouvent souvent l'amitié et souvent aussi la futilité, l'envie de se décharger sur les autres de son propre ennui ; elles suscitent d'admirables improvisations, des traits d'esprit tombés du ciel ou venus en droite ligne de l'enfer, et en général elles n'aboutissent qu'à un échange de lieux communs, de formules consacrées. Je sais des visites d'où ont jailli l'amour, le mariage de deux êtres qui une heure avant ne pensaient nullement l'un à l'autre..."

L'Élite et la foule (1910) par Gustave Le Bon (1841-1931) : "Le monde moderne se trouve en présence d'un problème, lentement grandi à travers les siècles et qu'il faudra résoudre sous peine de voir certains peuples sombrer dans la barbarie. Une des caractéristiques les plus certaines, quoique fort méconnue de la civilisation moderne, est la différenciation progressive des intelligences et par conséquent des situations sociales. Malgré toutes les théories égalitaires et les vaines tentatives des codes, cette différenciation intellectuelle ne fait que s'accentuer, parce qu'elle résulte de nécessités naturelles que les lois ne sauraient changer..."

Le Fatalisme moderne et la dissociation des fatalités (1910) par Gustave Le Bon (1841-1931) : "On ne peut pressentir les destinées d'une génération qu'en étudiant les idées directrices qui orientent ses volontés et déterminent sa conduite. Mais où les découvrir, ces idées ? Ce n'est certes pas dans les actes des multitudes. Elles possèdent des appétits et non des pensées. Sera-ce chez les intellectuels qui font des livres et prononcent des discours ? Ils ne nous donnent le plus souvent que le reflet d'opinions adoptées pour séduire leurs auditeurs ou leurs lecteurs. Malgré la difficulté de dégager nettement les idées d'une génération, on peut cependant en acquérir une notion approximative par l'enseignement des maîtres les plus écoutés. De récents discours académiques, ceux notamment de MM. Lavisse et Pierre Loti, trahissent clairement les préoccupations actuelles des guides de la jeunesse..."

Les Illusions des théories politiques (1910) par Gustave Le Bon (1841-1931) : "Un épais brouillard entourait le pont jeté sur le fleuve qui divise l'antique cité de Huy, en Belgique, et sur lequel je m'étais arrêté un instant. Derrière l'épais manteau de brume l'enveloppant s'entrevoyaient des masses monumentales imposantes. C'était pour moi l'inconnu et j'attendis qu'il se dévoilât. Soudain, un clair rayon de soleil dissipa les nuages et, dans une vision imprévue, surgirent, séparés par le fleuve, deux mondes, deux expressions de l'humanité dressées en face l'une de l'autre et qu'au premier coup d'oeil on devinait menaçantes, inconciliables et terribles..."

Les Premières armes du Symbolisme (1889) par Jean Moréas (1856-1910) : "… Tandis que le Naturalisme essaye vainement de casser les ailes à la fantaisie et de mettre l’imagination sous clef, la fantaisie s’enfonce dans le pays des rêves d’un vol fou et l’imagination vagabonde dans les plus étranges sentiers. Jamais on n’aura mieux vu combien l’esprit humain est incompressible, et combien il est chimérique de prétendre l’enfermer dans les règles étroites d’un système qu’à notre époque, où à côté d’une brillante école de romanciers uniquement épris de réalités, s’est formée une école de poètes réfugiés, comme le savant de Hawthorne en sa serre, dans un monde absolument artificiel. Point d’antithèse plus tranchée..."

Paysages et sentiments (1905) par Jean Moréas (1856-1910) : "L'Automne va céder à l'Hiver, et, bientôt, les derniers rayons de novembre s'éteindront avec mélancolie. Douce et féconde saison, ô déesse ! déjà les pampres de ta chevelure se délient et la belle grappe de raisin que lève ta dextre s'égrène à tes pieds. Les présents que tu offres aux mortels n'envahissent plus tes corbeilles et les cris joyeux de la vendange ont cessé de retentir autour de la cuve..."

Il Libro della mia Memoria (1905) par Marcel Schwob (1867-1905) : "Le souvenir de la première fois où on a lu un livre aimé se mêle étrangement au souvenir du lieu et au souvenir de l'heure et de la lumière. Aujourd'hui comme alors, la page m'apparaît à travers une brume verdâtre de décembre, ou éclatante sous le soleil de juin, et, près d'elle, de chères figures d'objets et de meubles qui ne sont plus. Comme, après avoir longtemps regardé une fenêtre, on revoit, en fermant les yeux, son spectre transparent à croisières noires, ainsi la feuille traversée de ses lignes s'éclaire, dans la mémoire, de son ancienne clarté..."

Jean de Tinan (1905) par Henry Delormel (18..-1930) : "Ceci est un essai de Biographie passionnée et eut dû comporter comme sous-titre « la Passion de Notre Ami Jean de Tinan » ou « Un Héros selon le nouvel évangile », héros dans le sens qu'y attachait Carlyle et Evangile selon Nietzsche..."

Le Notaire (1840) par Honoré de Balzac (1799-1850) : "VOUS voyez un homme gros et court, bien portant, vêtu de noir, sûr de lui, presque toujours empesé, doctoral, important surtout ! Son masque bouffi d’une niaiserie papelarde qui d’abord jouée, a fini par rentrer sous l’épiderme, offre l’immobilité du diplomate, mais sans la finesse, et vous allez savoir pourquoi. Vous admirez surtout un certain crâne couleur beurre frais qui accuse de longs travaux, de l’ennui, des débats intérieurs, les orages de la jeunesse et l’absence de toute passion. Vous dites : Ce monsieur ressemble extraordinairement à un notaire..."

Le Modèle (1840) par Émile Gigault de La Bédollière (1812-1883) : " VOULEZ-VOUS un Spartacus, un César, un Cicéron, un saint Étienne, un Clovis, un Molière, etc. ? Souhaitez-vous faire revivre sur la toile une notabilité quelconque de l’antiquité ou des temps modernes ? Vous faut-il un baron féodal ou un serf, un Européen ou un sauvage, un martyr ou un Jupiter-Olympien, un discobole ou un soldat de la république française ? Allez-vous-en dans une de ces rues sales et tortueuses dont fourmille notre belle capitale ; montez un escalier qui tient le milieu entre une échelle et un mât de cocagne, et là, au fond de quelque grenier, vous trouverez la notabilité demandée, le saint, l’empereur, le roi, le poëte, le guerrier, ad libitum, dans la personne du modèle..."

L'Humanitaire (1840) par Raymond Brucker (1800-1875) : "L’HUMANITAIRE est le zélateur d’une secte récente, née du dégoût de nos troubles politiques, et qui n’a de barbare que le nom ; mais les noms inusités blessent le tympan du vulgaire et sont frappés d’anathème, car l’inusité fait peur aux enfants. Or, les peuples sont des enfants irascibles et de piètre tolérance, témoin Socrate, empoisonné légalement pour avoir eu l’audace de faire planer un seul Dieu, l’éternel géomètre, sur la cohue lascive et déréglée des dieux de l’Olympe ; témoins les adeptes du Christ livrés aux jeux du Cirque..."

Le Facteur de la poste aux lettres (1840) par J. Hilpert (18..-18..) : "VOUS avez passé la nuit au bal. - Il est midi. - Vous vous levez, l’oeil encore appesanti par le sommeil. On sonne à votre porte. « Qui est-ce qui est là ? - Le Facteur qui demande à parler à monsieur. - Le diable t’emporte ! » Et tout en murmurant ces paroles d’un fatal augure pour le visiteur, vous ouvrez. « Monsieur, c’est votre Facteur qui prend la liberté de vous souhaiter la bonne année et de vous offrir un almanach..."

Un mot sur la politique française en Algérie (1870) : "Si nous demandons aux colons algériens pourquoi leur situation est si précaire, ils nous répondront que la faute en est au régime militaire. En apparence, les colons ont raison : L’esprit militaire, qui est un esprit de subordination, exclut l’initiative individuelle qui crée la richesse sociale et fait la grandeur réelle des empires. La discipline militaire, qui produit l’unité essentielle à une forte armée, a pour inconvénient grave de neutraliser les forces productives du soldat et de le rendre très imprévoyant. On conçoit aisément que si une semblable disposition d’esprit prédomine dans les institutions civiles d’un pays conquis, elle doit tout stériliser..."

La Fruitière (1840) par François Coquille : "QUAND on s’est promené dans Paris, et que l’on a passé en revue ces boutiques étincelantes de dorure, aux marbres précieux, aux glaces richement encadrées, véritables salons où le chaland confus n’ose pas entrer, et dont il s’éloigne avec son argent, on s’arrête avec plaisir devant le modeste étalage de la fruitière. Rien n’est plus frais, et ne repose plus agréablement les yeux et la pensée..."

La Loueuse de chaises (1840) par François Coquille : "A ne considérer une église que sous le point de vue terrestre et temporel (notre profond respect nous commande d’écarter l’autre avec soin), on pourrait la désigner ainsi : - un édifice orné d’une loueuse de chaises. Aujourd’hui que la forme d’architecture ne dit plus rien, ce signe est fidèle et sûr. Voyez nos modernes basiliques : elles veulent, les orgueilleuses, se passer de cloches et de clocher, cette enseigne longtemps proverbiale ; mais aucune ne prétend se passer de loueuse de chaises. C’est l’être nécessaire sans lequel une église ne se conçoit pas, qui la distingue des autres monuments, qui lui donne le mouvement et la vie, en un mot, qui la fait église..."

L'Employé (1840) par Paul Duval : "IL en est de l’employé comme de ces lépidoptères dont les naturalistes comptent des variétés innombrables. Il existe mille nuances d’employés, mais pour l’observateur qui les examine avec soin, la loupe à l’oeil, toutes ont entre elles de nombreuses ressemblances, de frappantes analogies. A quelque espèce de la grande famille administrative qu’ils appartiennent, on reconnaît toujours en eux l’influence d’un but unique, les mêmes préoccupations, une commune destinée..."

Le Croque-mort (1840) par Petrus Borel : (1809-1859) : " SI c’était au jardin des Plantes ou sous les voûtes de la Sorbonne que j’eusse à parler de notre héros, je le scinderais dans tous les sens, je le ramifierais à l’infini, j’en formerais mille combinaisons des plus ingénieuses ; mais ici où nous ne recevons point d’appointements royaux pour troubler la limpidité de notre sujet, je dirai simplement qu’il n’y a que trois espèces de croque-morts réellement distinctes, à savoir : le croque-mort de la mairie, le croque-mort suppléant et le croque-mort de raccroc..."

A nos Amis (1848) par Alfred Nettement (1805-1869) : " Nous arrivons à une situation qui doit imposer aux propriétaires des meilleurs crus la nécessité de vendre eux-mêmes leurs produits. La fraude et l'altération des vins, ces deux fléaux qui nuisent, par suite de la solidarité commerciale, même aux maisons les plus honnêtes, portent une atteinte fâcheuse à la confiance que les intermédiaires pourraient d'ailleurs inspirer. Il convient donc que des rapports directs s'établissent entre le producteur et le consommateur..."

La Nourrice sur place (1840) par Amédée Achard (1814-1875) : "SI j’avais l’honneur d’être père de famille, je n’oserais pas écrire cet article, tant je craindrais d’exposer ma race au ressentiment des nourrices futures ; il y a trop de petits vices, trop de péchés mondains, trop de qualités négatives à dévoiler. La seule chose qui pourrait peut-être accroître mon courage, c’est cette pensée consolante qu’en général les nourrices ne savent pas lire..."

Polichinelle (1831) par Charles Nodier (1780-1844) : "Polichinelle est un de ces personnages tout en dehors de la vie privée, qu’on ne peut juger que par leur extérieur, et sur lesquels on se compose par conséquent des opinions plus ou moins hasardées, à défaut d’avoir pénétré dans l’intimité de leurs habitudes domestiques. C’est une fatalité attachée à la haute destinée de Polichinelle. Il n’y a point de grandeur humaine qui n’ait ses compensations..."

L'Institutrice (1840) par Louise Colet (1808-1876) : "DANS l’institutrice nous ne comprendrons pas la maîtresse de pension, type fort distinct de celui que nous allons analyser. La maîtresse de pension a presque toujours de quarante à soixante ans : elle est plutôt l’administrateur que le professeur de l’établissement qu’elle dirige. Elle en soigne les revenus mieux que les études ; et il est plus utile et plus productif pour elle d’être une bonne ménagère qu’une femme instruite. Pour la surveillance des leçons, elle s’en repose sur les sous-maîtresses à ses gages..."

Un Voyage en omnibus de la Barrière du Trône à la Barrière de l'Étoile (1831) par Ernest Fouinet (1799-1845) : "Le 6 août 1670, en présence de Colbert, Claude Le Pelletier, prévôt des marchands, assisté de ses échevins, posa, au nom de la ville de Paris, la première pierre d’un grand arc de triomphe consacré par la cité reconnaissante à Louis XIV, le roi victorieux : ce fut à la barrière du Trône. Le 15 août 1806, en présence du comte Montalivet, le comte Frochot, préfet de la Seine, assisté de ses douze maires, posa, au nom de la ville de Paris, la première pierre d’un grand arc de triomphe consacré par la cité reconnaissante à Napoléon, l’empereur victorieux : ce fut à la barrière de l’Étoile..."

Chroniques (1895) par Jean-François Renkin (1872-1906), versions wallonne et française

Croquis (1894-1898) par Jean-François Renkin (1872-1906), versions wallonne et française

La police littéraire (1859) par Charles Monselet (1825-1888)  : "Il vient de mourir un homme, bien connu de M. le baron Taylor, qui laisse après lui des plans bizarres, des projets de toute sorte. Entre autres choses, cet homme avait rêvé une organisation nouvelle pour la Société des Gens de Lettres, organisation fondée sur les habitudes et les moeurs de chacun de ses membres. Pour arriver à un ensemble suffisant d’études, il n’avait pas reculé devant l’établissement d’une petite police particulière, chargée de le renseigner jour par jour sur les illustrations et les quarts d’illustrations de notre temps. Nous avons obtenu communication de quelques-uns de ces rapports ; leur singularité, leur nouveauté nous engagent à les placer sous les yeux de nos lecteurs..."

Mon ennemi (1859) par Charles Monselet (1825-1888) : "Il y a longtemps de cela ; mettons cinq ans, mettons huit ans même. Je faisais alors de la littérature singulière, c’est-à-dire, je ne m’occupais en aucune façon de mes confrères ; je ne songeais nullement à regarder par-dessus leurs épaules pour surprendre leurs procédés ; leurs habitudes et leurs manies m’étaient entièrement indifférentes. Comme un élève, le dernier venu dans un atelier de peinture, je m’étais modestement assis loin d’eux, me contentant de copier les portions les plus élémentaires du modèle qui posait pour tout le monde. Lorsque j’y pense, je devais paraître un être bizarre : j’avais l’admiration, la timidité, le silence..."

La rosière, ballet-d'action en deux actes (1783) par Maximilien Gardel (1741-1787) : "LE Théâtre représente la Place du Village, garnie d’Arbres et de Maisons. A droite est celle du Bailli, vis-à-vis est une Fontaine, et au fond un Côteau, sur lequel il y a plusieurs Chaumières. A gauche on voit un Mur, une Grille et de grands Arbres qui annoncent le Parc du Château. Au milieu de la Place est une Statue de l’Innocence, couronnée de fleurs, tenant une espèce de légende, sur laquelle on lit le vers suivant ..."

La bibliothèque (1859) par Charles Monselet (1825-1888) : "... (La grande salle de lecture de la Bibliothèque, rue Richelieu. On entend un bruit de portes. Les gardiens sortent. Au dehors, on lit sur un écriteau : - LA BIBLIOTHÈQUE SERA FERMÉE DU 1er au 30 SEPTEMBRE.).
M. DE BACHAUMONTdescendant, le premier, de son rayon. - Ouf ! les voilà partis ! ont-ils assez, depuis un an, déchiré mes feuilles et compromis mes dentelles ! Quelle rage de chroniques et de nouvelles à la main les a donc saisis ? Il ne me reste plus à présent une seule anecdote, un seul quatrain ; ils m’ont tout dérobé ; je suis à sec..."

Le siège de la Revue des Deux-Mondes (1859) par Charles Monselet (1825-1888) : "Le théâtre représente le cabinet de la rédaction de la Revue des Deux Mondes, au premier étage d’une sombre maison de la rue Saint-Benoît. Décoration d’une simplicité austère. Au lever du rideau, les principaux rédacteurs sont groupés dans des positions différentes autour du secrétaire, le fidèle de Mars. Ils lui témoignent par leurs gestes un respectueux empressement. Celui-ci les accueille avec bonté et leur apprend que le maître va bientôt se rendre dans cette galerie : s’il est en retard, c’est que sans doute il aura veillé plus que de coutume en lisant un travail de Saint-René-Taillandier..."

Principes du socialisme (1895) par Anatole Baju (1861-1903) : "Pour qu'un système social prétende à la perfection, il doit embrasser dans ses cadres les homme de tous les pays, les conduire à leurs fins présentes et préparer leurs fins futures. Quelles sont donc ces fins, c'est-à-dire quel doit être le but de nos efforts? Est-ce pour jouir ou pour souffrir que nous vivons ? Les prêtres et les philosophes officiels affirment que nous sommes nés pour les privations, pour les douleurs, et que nous devons nous résigner à notre triste sort..."

Rapport sur les remontes de l'armée par Monsieur le Lieutenant général marquis d'Oudinot, rapporteur de la Commission spéciale des remontes : 18 mars 1842 : " Pénétré de la nécessité d’assurer, en tout temps, de bonnes remontes indigènes à nos corps de troupes à cheval, résolu de ne rien négliger pour affranchir le pays du tribut que nous payons si souvent à nos voisins, par l’importation de chevaux étrangers en France, vous avez adopté, depuis quinze mois, des dispositions qui ont une grande importance : elles ne peuvent être trop connues. Pour en apprécier la portée et les conséquences, il faut les envisager dans leur ensemble..."

A propos du Nouveau Manuel d’Équitation et de Dressage (1912) par Lieutenant-colonel Henri Blacque-Belair : " Le décret du 17 juillet 1876, portant règlement sur les exercices de la cavalerie, qui a servi de guide à cette arme depuis trente-cinq ans, posait en principe - comme ses devanciers - que l’instruction militaire comprend deux branches principales : l’instruction équestre et l’instruction militaire proprement dite. En résumant en quelques pages succinctes les règles destinées à l’éducation équestre des recrues et au dressage des jeunes chevaux, la Commission chargée d’élaborer le Règlement de 1876, dans sa hâte de mettre sur pied une œuvre indispensable à la réorganisation de la cavalerie, allait au plus pressé..."

Physiologie de la femme (1842) par Etienne de Neufville  (1815-1869)  : " A la voix du Créateur, le paradis terrestre était sorti tout paré de verdure et de fleurs du sein du chaos ; l’eau tombait en cascade des rochers ; la cime des arbres se balançait voluptueusement sous les limpides rayons de l’astre nouveau-né ; tout respirait le bonheur et l’ivresse ; le premier homme seul languissait dans son isolement, et se demandait pourquoi les poissons dans les eaux, les oiseaux dans les airs, et tous les animaux sous les ombrages des forêts, folâtraient deux à deux en se prodiguant mille caresses, car il n’avait rien compris à ces paroles..."

Les Locutions nantaises (1884) par Paul Eudel (1837-1911) : " Ah ! quel monde de souvenirs vous venez de réveiller en moi avec votre petit dictionnaire ! Toute mon enfance y a passé ; je me suis vu revivre dans la partie de ma vie qui m'est la plus chère, et j'ai vu réapparaître aussi ma ville natale, ma ville que j'aime tant et que je n'ai jamais oubliée après tant d'autres cités parcourues. Une expression m'a rendu une sensation, un mot m'a rappelé un quartier. On devrait faire pour chaque ville un vocabulaire intime ; le coeur en battrait plus fort à quelques-uns, comme il vient de me battre tout à l'heure, en lisant les épreuves du petit livre si curieux que vous avez bien voulu me communiquer..."

L'épicier (1840) par Honoré de Balzac (1799-1850) : "D’AUTRES, des ingrats passent insouciamment devant la sacro-sainte boutique d’un épicier. Dieu vous en garde ! Quelque rebutant, crasseux, mal en casquette que soit le garçon, quelque frais et réjoui que soit le maître, je les regarde avec sollicitude et leur parle avec la déférence qu’a pour eux le Constitutionnel. Je laisse aller un mort, un évêque, un roi, sans y faire attention ; mais je ne vois jamais avec indifférence un épicier. A mes yeux, l’épicier, dont l’omnipotence ne date que d’un siècle, est une des plus belles expressions de la société moderne..."

La femme comme il faut (1840) par Honoré de Balzac (1799-1850) : "PAR une jolie matinée, vous flânez dans Paris. Il est plus de deux heures, mais cinq heures ne sont pas sonnées. Vous voyez venir à vous une femme. Le premier coup d’oeil jeté sur elle est comme la préface d’un beau livre, il vous fait pressentir un monde de choses élégantes et fines. Comme le botaniste à travers monts et vaux de son herborisation, parmi les vulgarités parisiennes vous rencontrez enfin une fleur rare..."

Notice et documents historiques sur les chevaux orientaux (1862) par Émile Duhousset (1823-18..) : " Ayant été chargé de la direction générale des manoeuvres du camp de Sultanieh, où étaient réunies des troupes de toute la Perse (de la mer Caspienne au golfe Persique, et de la frontière kurde à celle qui touche les Afghans et les Beloutches), la nature de mes fonctions m'a mis en rapport avec les principaux chefs venus pour présenter leur hommage au souverain, suivis d'un grand attirail de cadeaux, de serviteurs, et des plus beaux chevaux des régions qu'ils quittaient. C'est en dessinant et mesurant ces chevaux, que j'ai pensé à publier cette courte Notice ; mon intention n'est pas de modifier l'histoire du cheval oriental, au point de vue scientifique, mais de présenter le résumé de mes recherches, persuadé que toute observation, si minime qu'elle soit, mérite d'être prise en considération quand elle a été faite consciencieusement..."

Question chevaline (1860). par le Comte Antoine d'Aure : "Encore une commission chargée d'élucider la question chevaline ! Il semblerait que l'élevage du cheval en France fût une chose toute nouvelle ["En effet on n'a jamais bien élévé."]. Cependant, depuis longtemps tout a été dit sur cette question ["Non"]. Ce qui doit aujourd'hui servir de guide, c'est le souvenir de ce que l'on a fait jadis, et de ce qui a amené les changements qui ont eu lieu en France depuis deux siècles..."

Rapport fait au nom de la première Commission des pétitions, par M. le général marquis de Grouchy, sur deux pétitions présentant des considérations sur l'amélioration de la race chevaline (1860). : " MESSIEURS LES SÉNATEURS, Plusieurs pétitionnaires adressent au Sénat des réclamations et observations dans l'intérêt de l'espèce chevaline ; tous éleveurs, habitants du Calvados et de l'Eure, se plaignent de l'abus du pur sang, de l’exagération des courses et des mauvais résultats obtenus par l'emploi d'étalons achetés dans l'intérieur et ayant couru trop jeunes sur les hippodromes. Ils signalent unanimement l'insuffisance numérique des étalons de l'Administration des haras..."

Lettre à Alphonse Karr (1857) par Alphonse de Lamartine (1790-1869) : "Esprit de bonne humeur et gaîté sans malice | Qui même en le grondant badine avec le vice, | Et qui, levant la main sans frapper jusqu'aux pleurs, | Ne fustige les sots qu'avec un fouet de fleurs ! | Nice t'a donc prêté le bord de ses corniches | Pour te faire au soleil le nid d'algue où tu niches ; | C'est donc là que se mêle au bruit des flots dormants | Le bruit rêveur et gai de tes gazouillements !..."

La sage-femme (1840) par Louis Roux : "SI vous avez rencontré, dans une des rues les plus fréquentées de Paris, une jeune personne ornée d’un tartan vert, d’un bonnet de tulle à rubans orangés, et d’une imposante dignité de dix-huit printemps, vous l’avez suivie par instinct : la vie parisienne a de ces entraînements. Croyant toucher, sur ses traces, aux portes du Conservatoire, vous vous êtes livré à mille rêves décevants : la jambe permet d’espérer une danseuse,  le visage n’exclut point l’idée d’une cantatrice..."

Paris vu tel qu'il est (1781) : "JE m’ennuie en Province, dit un jour la Baronne de *** à son mari ; tout m’y paraît lourd, pesant, ridicule. J’ai entendu parler de Paris, je veux y aller. Point de replique ; vous ne m’avez pas épousé pour me faire mourir….Partons. A ce début on connaît le caractère de la Baronne ; vive, tranchante, décidée, de l’esprit sans jugement : avec ces défauts elle faisait cependant les délices de son mari ; il était homme complaisant, & elle étoit jolie femme..."

Petites béquilles spirituelles à l'usage quotidien du chrétien (papiers divers, XIXe-XXe siècles).

Un dit d'aventures, pièce burlesque et satirique du XIIIe siècle, publiée pour la première fois d'après le manuscrit de la bibliothèque royale (1835) par Guillaume-Stanislas Trébutien (1800-1870) : [mode texte et mode image]

Histoire du théâtre érotique de la rue de la Santé par l'illustre Brisacier (1864) [par Poulet-Malassis] : " Si l'hypocrisie n'était pas, par excellence, la vertu théologale de notre triste époque, ce Théâtre, conçu d'après l'idée simple de Molière, de réjouir les honnêtes gens, n'aurait aucunement besoin d'introduction. On lèverait la toile, et le spectacle commencerait, après l'ouverture exécutée par les violons. Mais, hélas! l'esprit criminaliste de nos contemporains, tous magistrats stagiaires à la sixième chambre, voit matière à procès et à scandale dans les actions les plus ingénues, et réclame à grands cris des explications. Ce sont ces explications que nous allons ne pas leur fournir."

Les Enfants-Trouvés (1831) par André Delrieu : " Voici, à mon sens, le résumé des moeurs actuelles. D’autres, mieux prodigues de leur plume, et surtout mes maîtres, diront en se jouant cet infini panorama de la cité qui fait le monde à son moule, cette vie nombreuse où le Parisien se berce ainsi qu’au roulis d’un vaisseau. Moi, observateur jeune, j’ai cherché naïvement le résultat ; j’ai brodé sur le fond. Ce livre est une histoire, dont mon texte, étudié savamment, pourrait clore le drame en dernier chapitre. Dieu veuille que mon ébauche se pardonne ! Ailleurs sont les curieuses spécialités, les investigations mordantes, le coloris chaud de la ruelle, la fine langue des salons ; ici, la vérité crue, le détail honteux et le chiffre sanglant couvriront la faiblesse du narrateur. Et ce n’est pas ma faute si un sujet, pris au hasard dans le roman de la grande ville, rattache à une idée seule la source, le noeud et le progrès de la société contemporaine ; il y a même, dans le fait unique de l’existence de l’hospice des Enfants-Trouvés..."

L'amour des livres (1866) par Jules Janin (1804-1874) : " Georges, mon jeune confrère en bibliophilie, il faut tout d'abord que je vous félicite de ce grand amour qui vous a pris, si jeune encore, pour les beaux livres. « Les livres ont toujours été la passion des honnêtes gens ! » disait Ménage. Une aimable passion dont le charme est toujours nouveau ; variée, inépuisable, élégante, mais il est rare qu'elle soit le partage de la jeunesse. Ordinairement elle arrive à l'homme heureux, quand cet homme heureux touche aux premières limites de l'âge sévère, à l'heure où, revenu de toutes les passions stériles,..."

Advertissement a la Royne mere du Roy. Touchant les miseres du Royaume au temps present, et de la conspiration des ennemis de sa Majeste (1562) : " LES anciennes sectes des Philosophes, Grecs & Romains, Madame, & les historiens des siecles passez ont souvent deplore la calamite de leur temps, comme l'on veoit par la memoire de leurs livres, afin de ramener chacun a soy, & a la consideration des choses pour lors presentes que le vulgaire ne pouvoit veoir : & descouvrir aussi la maniere d'y remedier ou pour le moins remonstrer a leur posterite qu'ils avoient cogneu telles choses, & que le mal leur avoit despleu. Mais si jamais condition de Royaume ou province, de temps ou de regne fut estrange & calamiteuse, l'estat ou je voy pour le jourd'huy vostre France est extremement dangereux & lamentable..."

Le Secret de triompher des femmes et de les fixer, suivi des signes qui annoncent le penchant à l'amour (1825) par Louis de Saint-Ange : " L’OUVRAGE que j’offre au public est loin d’avoir le mérite littéraire de celui de Gentil Bernard, qui semble avoir été dicté par les Grâces ; mais son Art d’aimer est plus agréable qu’utile. Il manque d’ailleurs dans son poëme une multitude de préceptes et d’observations importantes, que la poésie ne pouvait orner de ses riches couleurs. J’ai pensé que le sujet était digne d’être plus approfondi, et loin de me paraître frivole, je le crois d’une utilité presque générale, car les jeunes gens y trouveront le secret de plaire et de triompher ; les maris, celui de préserver leurs épouses des dangers de la séduction..."

La Maîtrise de soi-même par l'autosuggestion consciente (1926) par Émile Coué (1857-1926) : "La suggestion ou plutôt l'autosuggestion est un sujet tout à fait nouveau, en même temps qu'il est aussi vieux que le monde. Il est nouveau en ce sens que, jusqu'à présent, il a été mal étudié et, par conséquent, mal connu; il est ancien parce qu'il date de l'apparition de l'homme sur la terre. En effet, l'autosuggestion est un instrument que nous possédons en naissant et cet instrument, ou mieux cette force, est doué d'une puissance inouïe, incalculable, qui, suivant les circonstances, produit les meilleurs ou les plus mauvais effets. La connaissance de cette force est utile à chacun de nous, mais elle est plus particulièrement indispensable aux médecins, aux magistrats, aux avocats, aux éducateurs de la jeunesse.

Coutumes singulières, chroniques, légendes documents curieux et inédits concernant la noblesse (18..) par Amédée de Caix de Saint-Amour (1843-1920) : "JE suis persuadé qu’aucun des lecteurs de la Revue Nobiliaire ne soupçonne que le proverbe Ranger en rang d’oignons ait quelque rapport avec la Noblesse ? Rien n’est plus vrai, cependant ; et si la Noblesse n’eût pas existé, ce proverbe bizarre n’aurait jamais pris naissance. Voici cette piquante étymologie, qui non seulement est restée comme tradition dans le pays où est situé le hameau qui y a donné lieu, mais qui encore est consignée en substance dans un grave historien, l’abbé Carlier."

Les jeux devant les lois (18..) par Eugène Lebrun : " Les jeux, tels qu’ils avaient été imaginés à leur origine, consistaient en spectacles, courses, luttes et représentations théâtrales. Athènes, le berceau de la liberté, Rome, la capitale classique des arts, les célébraient avec une solennité merveilleuse. En Grèce, c’étaient les jeux olympiques où Hérodote lut son immortelle histoire, les jeux Isthmiques où Flaminius proclama l’indépendance de la patrie de Thémistocle, les jeux Pithyques institués par Apollon lui-même, si on en croit la légende, et enfin les jeux Néméens, fondés par Hercule, en mémoire de la mort du lion de Némée qu’il avait tué..."

 Autour d'Elles, le lever - le coucher (1899) par Henri Boutet (1851-1919) : "Quand elle se fut bien étirée, quant elle eut frotté ses yeux de ses petites mains aux jolies fossettes et aux griffes roses, elle fit ouvrir les rideaux. Un jour clair et doré pénétra dans la chambre, filtrant au travers la mousseline légère, baignant la pièce coquette, semant de la gaîté partout, accrochant sur les meubles et aux contours des draperies comme des noeuds de rubans et des traînées de lumière. On était en novembre. Dehors, il devait faire très froid ; et quand, au lit, on a la sensation qu’il gèle dehors, on s’y trouve bien mieux. On y prolonge, à loisir, la délicieuse paresse des matins. Alors, à quoi bon se presser et quitter vite l’endroit où l’on est si bien quand rien ne vous y oblige ! Où peut-on être mieux pour penser à ce qu’on aime ? Pour caresser ses désirs et faire passer devant ses yeux tout ce qu’il y a de bon dans la vie ! Les souvenirs s’y imprègnent de quelque chose de très tendre et les espoirs y naissent dorés par les rayons du soleil qui monte, derrière les maisons, et emplit la pièce de toute sa splendeur et de toute sa joie..."

Une parodie curieuse de l’art poétique de Boileau tirée d’un almanach de poche du XVIIIe siècle réimprimée pour les Pantagruélistes (1879) :"La parodie, fort goûtée de tout temps en France, n'a pas craint de s'attaquer aux auteurs les plus illustres. Boileau, qui, dans son Chapelain décoiffé, s'était égayé aux dépens du grand Corneille, a été juste retour, Monsieur, des choses d'ici bas, parodié lui-même nombre de fois, au XVIIIe siècle et dans le nôtre. Une des imitations les moins connues de son Art poétique est certainement celle que nous réimprimons pour l'« esbattement » du petit nombre de pantagruélistes modernes qui ont conservé le goût de nos aïeux pour certains racontars de « haulte graisse »..."

Monographie de la police correctionnelle (1881) par Jules Moineaux (1824-1895) : "Rien, en justice, n’est risible ! disent certains présidents de police correctionnelle, en réprimant l’hilarité de l’auditoire, qui prouve justement le contraire ; tant il est vrai que la façon de voir les choses est affaire de tempérament. Je crois volontiers à la conviction d’un défunt magistrat, répondant sévèrement à un voleur qui invoquait le bénéfice du proverbe – la faim fait sortir le loup du bois : - Quand le loup a faim, il travaille ! ou encore à une vagabonde se disant sans domicile ni moyens d’existence : Quand on est jeune et forte comme vous, on se fait nourrice ! Mais je doute que ces réflexions aient été accueillies, par le public, aussi gravement qu’elles étaient faites..."

Bulletin des modes et de l’industrie du 15 janvier 1849 par V. de R... : "Nous voici réellement dans la saison des plaisirs. Les salons s’illuminent de mille bougies éclatantes ; les réceptions commencent, et Paris reprend peu à peu de cette animation qui le rendait naguère la ville la plus attrayante et la plus recherchée. Les Italiens vont également rouvrir leurs portes. Pauvres Italiens ! nous désirons sincèrement du fond de notre âme que la présidence leur porte bonheur ! Verront-ils revenir à eux ces belles et gracieuses jeunes filles, aux blanches épaules, aux boucles soyeuses, au sourire doux et charmant ?... Il faut oser l’espérer, car les grandes dames ont abandonné leurs châteaux, et elles viendront bien certainement applaudir le talent grandiose de madame Alboni..."

Monologie du mois d'Avril, poissons d'avril (1843) par Théodore de Jolimont (1787-18..)  : " Il faut ici, comme certains savants, grands explorateurs d'étymologies nébuleuses, rechercher, d'abord, de quel idiome antique est dérivé le nom français donné au mois que quelques poètes ont appelé le plus beau de l'année, sans doute, quand il n'en est pas le plus triste, le plus humide et le plus crotté. S'il faut, dans l'esprit de cette sentence classique et passée en proverbe, qui proclame heureux celui qui, en toutes choses, a pu connaître l’origine et les causes premières (felix qui potuit rerum cognoscere causas) ; s'il faut, je le répète, faire ici de l'érudition avec l'érudition de nos devanciers, je dirai que dans leurs profondes investigations, et à l'aide de quelques complaisantes substitutions et transformations de lettres, ils ont découvert que le mot AVRIL était parfaitement formé du mot latin april, aprilis ou aperelis, qui lui-même était né d'un autre mot latin, aperire, qui veut dire ouvrir ; de sorte que le mot avril serait à peu près synonyme de porte , entrée, ouverture..."

Madame Edmond Adam, Juliette Lamber (1882) par Adolphe Badin (1831-19..) : " Un des jeunes peintres les plus justement célèbres de ce temps-ci, à qui l’on disait : « Vous devriez faire le portrait de Mme Adam », répondit : « Mme Adam ? Jamais ! Mme Adam appartient à Bonnat ou à Carolus Duran . » Je serais volontiers tenté de faire comme le spirituel artiste, et de m’écrier à mon tour : « Pour esquisser cette physionomie originale et complexe, très fine et très puissante à la fois, très grande dame et en même temps très femme, il faudrait la plume d’or d’un Théophile Gautier, ou d’un Paul de Saint-Victor, ou d’un Goncourt. » A défaut de ces éminents docteurs de beauté, voici un léger croquis assez prestement troussé par le chroniqueur en titre d’un de nos grands journaux parisiens.. "

Naissance de Monseigneur Henri-Charles-Ferdinand-Marie-Dieudonné, Duc de Bordeaux, Fils de France, né à Paris, le 29 Septembre 1820 : "MADAME LA DUCHESSE DE BERRY s’était promenée la veille, selon sa coutume, sur la terrasse du bord de l’eau, au jardin des Tuileries. Rentrée dans son appartement, elle sentit quelques douleurs légères ; mais, trompée par son courage, elle ne crut pas que le moment fut encore arrivé. Toutes les personnes attachées à son service se couchèrent comme à l’ordinaire. Sur les deux heures de la nuit la Princesse éprouva de nouvelles douleurs qui lui firent présager sa prochaine délivrance. S.A.R. ayant sonné ses femmes, elles accoururent ; ce fut alors que le travail de l’enfantement s’annonça..."

Un nouvel épisode de l’affaire Libri ou Lettre à M. le directeur du journal l'Athenaeum (1851) par Achille Jubinal (1810-1875) : " Voulez-vous permettre à un étranger qui se trouve momentanément en votre pays, de vous révéler, dans l’intérêt de la justice et de la vérité, un fait qui vient de se passer au British Museum, en présence de vingt témoins, et qui est relatif à la triste et misérable accusation dirigée en France, par ses ennemis politiques et scientifiques, contre un illustre savant ?"

Les armes et les outils préhistoriques reconstitués (1872) par Ludovic Napoléon Lepic (1839-1890) : "Lorsque l’on parcourt les salles du musée de Saint-Germain et que l'on voit alignés dans les vitrines cette énorme quantité de haches en pierres, ces marteaux, ces pointes de lances, ces flèches, ces percuteurs, on se demande comment tout cela pouvait s'utiliser, et à quoi pouvaient être bons de semblables outils ou de pareilles armes..."

Le choléra-morbus à Paris (1832) par Anaïs Bazin (1797-1850) : "On nous l'avait cependant annoncé bien longtemps à l'avance ; on nous avait fait suivre sur la carte sa marche rapide et menaçante. Le fléau voyageur n'était plus séparé de nous que par cette mer étroite qui nous ramène et nous remporte, avec la mobilité de ses flots, nos rois rétablis ou déchus. Et pourtant, ce voisinage nous inquiétait moins que ne l'avaient d'abord fait les récits venus des pays lointains, doublement terribles par la distance et par la nouveauté..."

La grande colère du Père Duchesne, n°290 (1793) par Jacques-René Hébert (1757-1794) : "CONTRE le palefrenier Houchard qui, comme son maître Custine, a tourné casaque à la Sans-Culotterie. Sa grande joie de voir bientôt ce butor mettre la tête à la fenêtre. Ses bons avis aux braves soldats républicains pour qu’ils lui dénoncent tous les jean-foutres qui regrettent l’ancien régime, et qui préfèrent de porter la livrée du tyran, plutôt que d’endosser l’habit des hommes libres..."

Petit carême de l'abbé Maury : sermons 1 & 2 (1790) par Jacques-René Hébert (1757-1794) : "Les tentations que le démon osa susciter au fils de Dieu, doivent avertir les grands de la terre, que l’ange des ténèbres ne s’occupe qu’à les environner d’illusions, & à les égarer dans la voie du salut, c’est-à-dire, du pouvoir. Circuit quaerens quem devoret. Tantôt il les séduit par les prestiges du plaisir, & il leur dit comme à J. C. changez ces pierres en pain ; tantôt il les environne de flatteurs qui s’insinuent dans leur esprit, & leur font goûter une morale d’autant plus dangereuse qu’elle est plus douce & plus charmante ; puisque vous êtes le fils de Dieu, il enverra ses anges pour vous garder : tantôt enfin, leur faisant oublier ce qu’ils sont, ce qu’ils peuvent, il leur promet une gloire trompeuse & des biens chimériques. Je vous donnerai les royaumes du monde & toute leur gloire..."

Le Gloria in excelsis du peuple, auquel on joint l’épître et l’évangile, avec la réflexion et la collecte (1789) par Jean-Baptiste Cordier (1770-1793) :  "GLoire au Roi, honneur à ses Ministres, & paix aux bons Citoyens ! Digne, Successeur de Henri, nous vous louons, nous vous bénissons, nous vous glorifions, nous vous rendons graces à la vue de la gloire dont vous jouissez déjà, & de celle dont vous êtes sur le point de vous couronner. Vous qui êtes assis à la droite du Trône, protégez-nous. Vous qui avez refusé de signer le fameux Mémoire, protégez-nous..."

Le carnaval des auteurs ou les masques reconnus et punis (1773) par Nicolas-Joseph-Laurent Gilbert (1750-1780) : "DEPUIS quinze jours mon corps se refusoit au sommeil : vainement j'avois lu le poëme des Saisons, la nouvelle Iliade franco-gauloise, les odes du Pindare gascon, les Mélanges du littérateur-géomêtre ; je bâillois, bâillois..... mais je ne pouvois m'assoupir, lorsqu'on m'apporta l'Éloge de Racine, ouvrage de M. Anti-Chaleur. J'ouvre la brochure ; à peine mes veux se sont-ils reposés sur les premières pages, voilà déjà qu'ils se ferment ; je suis endormi. O l'excellente chose que le sommeil ! En vérité, M. Anti-Chaleur, de tous les plaisirs que peuvent causer vos écrits, le sommeil est le plus ordinaire, mais le plus doux. Combien d'agréables songes vinrent flatter mon imagination, tandis que je m'abandonnois aux douceurs de ce repos si longtemps attendu..."

La librairie à Paris (1832) par Frédéric Soulié (1800-1847) : " Pour les esprits curieux de toutes les faces d'une chose, Paris n'est pas seulement dans les existences qui s'agitent à sa surface, et qui les premières, appellent la plume, le crayon et le pinceau de l'artiste. Après ses théâtres moribonds soumis au régime sur-excitant du moyen âge, où les médecins astrologues mêlaient toujours un peu de sang et de fiel à leurs noirs médicaments ; après ses palais dont les drapeaux changent aussi vite que les girouettes ; après ses prisons si vastes pour le despotisme , si étroites pour notre liberté ; après ses admirables hôpitaux où l'on guérit, ses tables d'hôte où l'on meurt de faim ; après Sainte-Périne et l'Académie ; après son Père Lachaise si élégamment triste, et ses salons d'ambassade si tristement élégants..."

Flaubert et la passion de la prose (1905) par Emile Blémont (1839-1927) : " Gustave Flaubert naquit, en 1821, à Rouen, où son père était chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu. Il fit brillamment ses classes et commença l'étude de la médecine. Mais ses goûts et ses aptitudes le portaient irrésistiblement vers la carrière des lettres. Le romantisme brillait de toute sa splendeur. Flaubert fut éperdument romantique. Il se sentait une surabondance de forces vives, qu'il brûlait d'épancher en généreux efforts. Il fit des vers. Il avait pour camarade Louis Bouilhet ; et tous deux, jeunes, passionnés, enthousiastes, insouciants et fiers, ils allaient à travers champs, traçant, dit-on, et marquant de leur sang sur l'écorce des arbres le nom de Victor Hugo..."

Le Gamin de Paris (1832) par Gustave d'Outrepont (1811-1842) : " Naples a ses lazaroni, Venise ses condottieri, toutes les villes de France ont une classe de leur population qui sort du cadre ordinaire; mais nous autres Parisiens, que pouvons-nous leur envier ? n'avons-nous pas notre gamin ? Faire l'histoire de Paris sans d'abord parler du gamin ! . . . autant vaudrait commencer celle de Rome à Brutus, en passant sous silence les rois qui l'ont fondée ; autant vaudrait prendre un peuple tout formé, sans s'occuper de son origine..."

Le Repassage : Article extrait de l' Almanach de la servante chrétienne (1935) : "La question du repassage est souvent pour la bonne à tout faire une question difficile. Nous vous donnerons donc, cette année, chères Servantes, quelques notions sur le repassage. Cet article, bien que nous ne prétendions pas tout dire, pourra aussi rendre service aux femmes de chambre. Nous divisons en trois parties nos petites données sur le repassage : 1° Linge de cuisine. 2° Linge de table et de ménage. 3° Linge personnel des maîtres.  Avant de parler du repassage proprement dit, disons un mot du matériel de la repasseuse et des conditions générales d’un bon repassage."

Chronique de Mode du Conseiller des Dames et des Demoiselles, journal d'économie domestique et de travaux d'aiguille : Novembre 1862. Décembre 1862. Janvier 1863. Février 1863. Mars 1863 par Blanche de Sérigny : "Je ne sais par quel temps de soleil ou de pluie vous recevrez mon courrier, ma chère Isabelle; mais il est certain que je vous l'écris par une journée magnifique: un air tiède, un ciel pur, enfin une journée qui fait songer à la mousseline, au barége, et point, je vous assure, au drap, au velours ou à la tartanelle  ; j'ai chaud rien que d'écrire ces mots !..."

Bulletin des modes et de l'industrie - 25 janvier1849 par V. de R... : "Enfin, nous avons vu les Italiens d’autrefois, les Italiens avec de jolies femmes, d’élégantes toilettes, avec ce parfum d’aristocratie qui double la grâce et la beauté. Rien n’est plus splendide, comme coup d’oeil, que la coquette salle des Italiens, avec ses mille bougies diaphanes, reversant leurs jets de lumière sur de blanches épaules et sur des parures de brillants rubis ; rien n’est plus frais que tous ces gros bouquets de fleurs naturelles posés avec art sur l’appui des loges, et formant, dans un ensemble charmant, comme une corbeille de camélias et de roses. Aux premières loges surtout, les toilettes étaient ravissantes."

Cigares et cigarettes (1926) par Georges Dubosc (1854-1927) : " Savez-vous que les Cigares et cigarettes que le fisc vient d'augmenter dans des proportions si lourdes, ne sont pas en France d’une origine très ancienne ? Par contre en Espagne, cigares et cigarettes remontent à la découverte de l'Amérique, et c'est, alors que les Espagnols empruntèrent aux indiens ce mode de fumerie..."

Considérations sur le principe malfaisant du tabac (1866) par M. Monsaint : "Jamais, à aucune époque, il ne fut plus nécessaire, peut-être, d'apporter une surveillance active sur tout ce qui est destiné à entrer dans le régime alimentaire ; car il n'y a pas un aliment nouveau qui n'ajoute ou ne retranche au caractère de l'individu qui en fait usage. Il agit sur l'esprit, modifie la manière de penser, de sentir ; il n'y a pas un aliment qui n'apporte avec soi quelque maladie ou qui ne soit propre à la guérison de quelqu'autre. Mais, laissons de côté ces considérations pour passer immédiatement à l'étude d'une substance qui joue, depuis trop longtemps, un rôle important dans l'économie animale : à l'étude du tabac, que tout le monde prise, fume, mâche ; avec lequel une multitude d'individus s'empoisonnent et laissent leurs enfants s'empoisonner.

Recherches relatives à l’influence de la continence sur l’économie animale : thèse présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris le 29 août 1817 par François-Charles Quesnel : "SUR le point de terminer leurs études, les élèves ont un dernier devoir à remplir, afin d’exercer l’art auquel ils se destinent. Ils sont obligés de choisir un point quelconque de médecine, de le travailler et de le discuter devant les illustres professeurs qui ont formé leur éducation. C’est un compte qu’ils viennent leur rendre de l’emploi qu’ils ont fait du temps consacré à leur instruction ; c’est la dernière preuve qu’ils donnent de leur force ou de leur faiblesse. A peine imbu des principes de la science, l’élève qui présente sa thèse à ses examinateurs ne peut leur offrir ni le fruit de ses réflexions, parce qu’il n’a point assez médité, ni le fruit de ses observations, parce qu’il n’a pas assez vu..."

Chronique élégante de la Comtesse de Marly .- Revue de Paris, Nouvelle série – Numéro 49 - 1er Juin 1868 : "Si l’on écrivait la chronique du temps, on aurait à dire : Beau, beau, toujours beau ! – Pour la mode, cela se traduit par : Mousseline, mousseline, toujours mousseline ! Elle est, en effet, blanche, unie, rayée, à pois, à fleurs ou autrement encore, mais elle est toujours jolie et aussi fraîche à l’oeil qu’au porter..."

Eloge de la frivolité (1925) par André Beaunier (1869-1925) : "Balbine, je vous enseignerai la frivolité. Je me vante ? et vous y êtes mieux entendue que moi ? Sans doute ! Mais, si je vous approuve et je vous donne quelques motifs de refuser le blâme que l’on fait de vous, peut-être m’en saurez-vous gré. Puis, toute frivole que vous êtes, plus que vous ne le croyez, moins qu’on ne le dit, je ne crois pas que vous soyez à un tel point de frivolité parfaite où peu nous chaut d’avoir raison..."

Convention entre le gouvernement français, et sa sainteté Pie VII, (1802).

Journal de ce qui s’est passé au Canada depuis le mois d’Octobre 1755 jusqu’au mois de Juin 1756 : "PAR une lettre du Détroit, en date du 18, tous les Sauvages de ce pays paraissent disposés à frapper sur les Anglais. Les Miamis & Poutoüamis sont dans les mêmes dispositions ; ces derniers ont toujours eu des partis en campagne, ils avoient tué, ou pris, lors de la date de cette lettre,..."

Ordonnance du Roy portant déclaration de guerre contre le Roy d’Angleterre. Du 9 Juin 1756 : "TOUTE l’Europe sçait que le Roi d’Angleterre a été en 1754 l’agresseur des possessions du Roi dans l’Amérique septentrionale, & qu’au mois de Juin de l’année dernière, la Marine angloise, au mépris du droit des gens & de la foi des Traités, a commencé à exercer contre les Vaisseaux de Sa Majesté, & contre la navigation & le commerce de ses sujets, les hostilités les plus violentes."

Principes généraux du cavalier arabe (1861) par le Général Eugène Daumas (1803-1871) : "On ne peut nier la compétence, en matière chevaline, du peuple chez qui le cheval est l'objet de l'affection la plus vive et de la plus constante préoccupation. Les maximes arabes que nous reproduisons ici, joignent à la justesse du fond, le pittoresque de la forme. Cette dernière qualité servira puissamment à les graver dans les esprits auxquels elles s'adressent. L'originalité du langage a eu, de tout temps, pour les imaginations populaires, un attrait dont il nous a semblé qu'on pourrait tirer un utile parti..."

Le Bal au cinquième étage (1833) par Alphonse Karr (1808-1890) : "- Il est neuf heures et vous n'êtes pas habillé ? - Nous avons du temps encore devant nous. Ces souvenirs de jeunesse qu'un hasard nous a fait rappeler ; ces jours que nous dépensions sans compter, à cet âge où on se croit d'années et de bonheur un trésor inépuisable, tiennent mon esprit sous un tel charme, que j'ai peine à le rompre. La vie se partage en deux moitiés : l'une pleine d'espérances qui ne doivent pas se réaliser ; l'autre, livrée aux regrets de bonheurs dont nous n'avons pas joui ; car ce qui nous semblait si beau dans l'avenir, ce qui, lorsque nous l'avons atteint, ne nous a donné que désappointement et dégoût, reprend sa magie dans le passé. L'espérance et le souvenir ont le même charme et le même prestige : c'est l'éloignement..."

Les grisettes à Paris (1832) par Ernest Desprez : "Autrefois on appelait Grisette la simple casaque grise que portaient les femmes du peuple. Bientôt la rhétorique s'en mêla. Les femmes furent appelées comme leur habit. C'était le contenant pour le contenu. Les grisettes ne se doutent guère que leur nom est une métonymie. Mais voyez un peu ce que deviennent les étymologies et les grisettes ! La grisette n'est pas même vêtue de gris. Sa robe est rose l’été, bleue l'hiver. L'été, c'est de la perkaline ; l’hiver, du mérinos..."

Bulletin des modes du 15 janvier 1846 par A. Le Clerc : "Là où l’on danse, les robes de bals ont les manches très courtes et très garnies. Les volans et les berthes en font toujours les principaux ornemens. Les corsages drapés sont devenus plus rares. Les robes de satin se sont ouvertes à quelques soirées d’apparat sur des jupes de drap d’argent garnies de réseaux de Venise, également en argent. Une femme aussi distinguée par son nom que par sa grâce, portait une robe de satin vert brodée d’argent, ayant de chaque côté deux grandes écharpes avec chefs et franges d’argent..."

Bulletin des modes du 6 juillet 1847 par A. Le Clerc : "L'influence pluvieuse de saint Médard semble passée, cependant le ciel n'a pas repris sa robe bleue et le gris y domine encore. Ces nuages nuisent grandement au développement complet des toilettes d'été. Aussi les mantelets de mousseline brodée qui avaient réjoui notre vue pendant les quelques vrais jours d'été que nous avons eu, ont disparu pendant que le vent du nord a régné ; en revanche, les mantelets de taffetas de toutes les couleurs sont en pleine vogue..."

Le cocher de cabriolet (1831) par Alexandre Dumas (1802-1870) : "Je ne sais si, parmi les personnes qui liront ces quelques lignes, il en est qui se soient jamais avisées de remarquer la différence qui existe entre le cocher de cabriolet et le cocher de fiacre. Ce dernier grave, immobile et froid, supportant les intempéries de l'air avec l'impassibilité d'un stoïcien ; isolé sur son siège ; au milieu de la société, sans contact avec elle ; se permettant, pour toute distraction, un coup de fouet à son camarade qui passe ; sans amour pour les deux maigres rosses qu'il conduit ; sans aménité pour les infortunés qu'il brouette, et ne daignant échanger avec eux un sourire grimaçant..."

Charlatans, jongleurs, phénomènes vivants, etc. (1831) par Amédée Pommier (1804-18..) : "O vous, élégants dandys, riches fashionables de la Chaussée-d'Antin et du faubourg Saint-Honoré, femmes de cour, femmes du bon ton, qui ne sortez jamais qu'en équipage, et qui, du fond de vos carrosses dorés, apercevez à peine et en courant ce peuple innombrable qui bourdonne à vos pieds ; élus du sort, enfants gâtés de la fortune, qui ne hantez que les palais, et à qui la vie ne s'est jamais montrée qu'en toilette ; venez ! je veux vous introduire aujourd'hui dans un monde que vous ne connaissez point, monde grossier, trivial, monde des carrefours et des ruisseaux, monde en sabots et en guenilles,..."

Bulletin des modes du Mardi 15 février 1848 par A. Le Clerc : "Les velours de soie, le cachemire moelleux, le satin plein la main, voilà les étoffes que l'on voit le plus en ce moment. Les riches fourrures s'allient souvent à ces tissus qui ne peuvent pas tomber dans le domaine de la petite propriété. Aussi, si vous allez aux Champs-Elysées, vous verrez les grandes dames, dont les voitures stationnent dans l'avenue du milieu, se promener sur l'asphalte des contre-allées, ayant pour se défendre du froid, des pardessus et des redingotes que leurs couturières ont taillés dans les belles étoffes que nous venons de signaler,..."

La Morgue (1831) par Léon Gozlan (1803-1866) : "On doit à l'esprit philosophique, plus encore qu'à la piété religieuse, la consécration de ce monument. C'est dire que la Morgue (bâtiment dont l'appellation est sans étymologie précise) date d'une époque peu éloignée. Il n'y a guère plus de vingt ans qu'elle existe telle qu'elle est aujourd'hui. Auparavant les corps des personnes, mortes de mort violente, ailleurs que chez elles, étaient déposés au petit Châtelet,..."

Le bourgeois de Paris (1831) par Anaïs Bazin (1797-1850) : "Au milieu de cette population immense qui fourmille dans nos rues, qui se heurte sur nos trottoirs, qui s'entasse dans les cellules habilement distribuées de nos maisons nouvelles, il devient difficile de retrouver la race primitive, de reconnaître les traits de la famille indigène..."

Une maison du Marais (1831) par Henry Monnier (1799-1877) : "Dans toutes les maisons de second et de troisième ordre, la personne la plus influente est sans contredit la portière. Elle a sa cour, ses affections, ses antipathies. Elle tient sous sa domination immédiate les étages supérieurs, donne de son propre mouvement les congés aux gens qui n'ont pas le bonheur de lui plaire, et dont les opinions politiques ne peuvent sympathiser avec les siennes. Puis viennent après elle les commères..."

De la blague parisienne (1833) par le comte J. A. de Maussion : "Qui ne sait en France ce que l'on entend par le mot blague ? Et cependant le dictionnaire de l'académie ne l'a pas encore adopté ; il est toujours un peu arriéré le bon dictionnaire. Comment se passer d'un mot qui exprime tant, et qui explique tout en France, principalement à Paris ? Beaumarchais a dit que le goddam était le fond de la langue anglaise, et il a dit là une bêtise, ce qui ne lui arrivait pas souvent ; mais enfin, c'en était une. Le mot blague est d'une bien autre importance..."

Le marchand de Chiens (1832) par Jules Janin (1804-1874) : "Vous avez lu sans doute les Mémoires de lord Byron : une des choses qui m'a étonné le plus dans ces étonnants Mémoires, c'est la facilité avec laquelle le noble lord renouvelle ses boule-dogues et ses lévriers à volonté. -Envoyez-moi, dit-il, un boule-dogue d'Écosse ; les boule-dogues de Venise n'ont pas les dents assez dures. Envoyez-moi un beau chien de Terre-Neuve pour le faire nager dans les lagunes. Il écrit, il donne des ordres à son intendant, comme un autre écrirait à Paris : Envoyez-moi de l'eau de fleur d'oranger ou des gants..."

La Manie des albums (1832) par Henry Monnier (1799-1877) : "L'origine des albums remonte à une époque fort reculée, les premiers furent composés en Allemagne. Sur le point d'entreprendre un voyage de longue durée, il était d'usage d'envoyer un livre à ses amis, qui devaient recevoir des dessins, des vers, ou de la musique ; on y ajoutait encore des lettres de famille. Loin du pays, ce livre devenait un compagnon de voyage, un ami. Dans ces moments de tristesse où l'âme a tant besoin de s'épancher, où vous rêviez une âme qui aurait pu vous comprendre, vous ouvriez votre album, et vous retrouviez vos amis, les conseils d'une mère, la tendre sollicitude d'une soeur chérie, et les lettres de la première femme que vous aviez aimée..."

Code littéraire (1840) par Honoré de Balzac (1799-1850)

Pourquoi nous ne sommes pas socialistes (1895) par Anatole Leroy-Beaulieu (1842-1912) : "Si je n'avais consulté que mes forces et mon état de santé, je ne me serais pas risqué à prendre la parole, ce soir, devant vous. Mais je n'ai pas voulu me dérober à l'honneur de présider cette première réunion, - ne fût-ce que pour ne point paraître reculer devant les appréhensions, non justifiées, j'espère, des plus timides de nos amis..."

L'Ane par Edouard Drumont (1844-1917) : "Ane, je te salue, éternel porteur de bât, Ane utile, Ane patient, Ane toujours raillé, Ane à l'échine meurtrie, Ane aux longues oreilles, Ane, je te salue..."

La Chèvre par Fulbert Dumonteil (1830-1912) : "Commençons d'abord par son seigneur et maître, le Bouc : Mauvais caractère, mauvaise odeur et mauvaise réputation ; impudent et impudique, emblême de luxure et de brutalité ; l'air hautain, dédaigneux ; marchant d'un pied d'airain à la tête de son sérail, le front large,..."

Le Cochon par Bernard Prost (1849-1915) : "Méprisé de son vivant, apprécié seulement après sa mort, - à l'inverse de beaucoup de prétendus grands hommes, - le Cochon est un des nombreux exemples de l'ingratitude humaine..."

Le Chat par Théodore de Banville (1823-1891) : "Tout animal est supérieur à l'homme par ce qu'il y a en lui de divin, c'est-à-dire par l'instinct. Or, de tous les animaux, le Chat est celui chez lequel l'instinct est le plus persistant, le plus impossible à tuer. Sauvage ou domestique, il reste lui-même, obstinément, avec une sérénité absolue, et aussi rien ne peut lui faire perdre sa beauté et sa grâce suprême..."

Le Chien par Gaspard de Pekow marquis de Cherville (1821-1898) : "Le Chien fournira dans cent ans comme aujourd'hui, matière aux diatribes aussi bien qu'aux panégyriques. Comme l'amour, comme la femme, il représente un thème inépuisable, il aurait le droit d'être fier du rapprochement..."

Dissertation sur les idées morales des grecs et sur le danger de lire Platon par M. Audé, bibliophile (pseud. d'Octave-Joseph Delepierre, 1804-1875) : "UNE étrange anomalie que présentent les mœurs de la Grèce, d'autant plus étrange qu'elle était pour ainsi dire parvenue à être une sorte d'institution nationale, a attiré l'attention des plus célèbres écrivains de l'antiquité. Assez de passages nous restent dans les écrits des philosophes et des poëtes, pour nous prouver que l'amour était compris chez les Grecs d'une tout autre manière que chez nous, tant parmi les hommes que parmi les femmes..."

Eloges d'écrivains, discours prononcés aux obsèques de Gonzalès, Cladel, Maupassant, Houssaye, Goncourt, Daudet, Alexis (1891-1901) par Emile Zola (1840-1902) : "Au nom de la Société des Gens de Lettres, je viens apporter un suprême hommage à Emmanuel Gonzalès qui, après avoir été un des fondateurs de cette Société, consacra à sa prospérité et à sa grandeur vingt-quatre ans de sa vie. Je ne veux point éluder un devoir que je suis heureux de remplir comme président actuel du Comité, en passant rapidement sur l’œuvre littéraire d’Emmanuel Gonzalès. Certes, le champ du roman s’est élargi, de nouvelles formules sont venues, la postérité a remis chacun à son rang. Mais, ce qu’il faut louer toujours, ce qui reste quand même honorable, c’est l’effort, c’est le travail, c’est la production, lorsqu’elle est saine et digne..."

De l'usage de saluer et d'adresser des souhaits à ceux qui éternuent par Théodore de Jolimont (1787-18..) : "COMBIEN de pratiques et d'usages transmis de siècle en siècle jusqu'à nous, dont le motif et l'origine sont restés à peu près inconnus pour presque tout le monde, et n'ont excité un certain sentiment de curiosité, fort naturel du reste et fort louable, que chez le peu de personnes qui aiment à se rendre compte de tout, même des choses en apparence les plus frivoles et les plus insignifiantes..."

Histoire des oeufs. Oeufs de Pâques, etc par Théodore de Jolimont (1787-18..) : "LA fête des oeufs, commune à presque toutes les nations, principalement d'Asie et d'Europe, remonte aux temps les plus reculés de l'antiquité : elle tient à tout ce que les religions et la philosophie des sociétés naissantes a de plus respectable et de plus sacré, à la théologie primitive des Égyptiens, des Hébreux, des Chinois, des Perses, des Grecs, des Celtes, et des Latins..."

L'âne par Victor Hugo, conférence faite à Courbevoie, le 7 novembre 1880 au profit de la bibliothèque populaire par Louis Ulbach (1822-1889) : "Je devrais commencer par m'excuser d'avoir pris une tâche et revendiqué un honneur, assignés ordinairement à de plus dignes d'être écoutés. Mais le poème dont je veux vous donner l'analyse renferme en lui-même mon excuse. Victor Hugo fait trop bien parler un âne, pour ne pas m'enhardir à parler, et nous sommes dans un temps d'âneries épidémiques, qui me donne l'irrésistible tentation d'applaudir celui qui les dénonce, qui les châtie, au risque d'en commettre une à mon tour..."

Autour de l'Ecole décadente, trois articles de Jules Tellier (1863-1889) : "Donc, les décadents se sont imaginer de dresser leur vocabulaire ; et ils en ont formé un petit livre d’une centaine de pages. Sûrement, l’idée était prétentieuse et puérile. Même à considérer la quantité seule, et non la qualité, ce que les décadents ont ajouté de mots à la langue française est bien peu de chose. Si Hugo eût voulu dresser le lexique des mots qu’il avait mis ou remis en honneur, des termes techniques et rares qu’il avait employés, il serait arrivé à un tout autre total..."

Le véritable auteur du théâtre des boulevards (1881) par Georges d'Heylli : "Nous sommes ici en pleine farce, cette farce grasse et salée qui plaisait tant à nos pères, cette farce de la rue qui émerveillait le bas peuple, à qui on la servait gratis et qui constituait ce genre spécial qu'on a appelé les parades. C'est sur les tréteaux de la baraque même, à l'intérieur de laquelle devait être donné le spectacle plus sérieux, et pour y attirer le public, que se débitaient ces plaisanteries au gros sel, populacières, grossières, ordurières souvent, plus souvent encore graveleuses..."

Essai sur le goût (1757) par Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu (1689-1755) : "Dans notre manière d'être actuelle, notre âme goûte trois sortes de plaisirs ; il y en a qu'elle tire du fond de son existence même ; d'autres qui résultent de son union avec le corps ; d'autres enfin qui sont fondés sur les plis et les préjugés que de certaines institutions, de certains usages, de certaines habitudes, lui ont fait prendre..."

Talma et Lekain (1826) par Jules Janin (1804-1874) : "TALMA n'est plus. En répétant cette pénible nouvelle, chacun semble chercher un démenti. Cette incrédulité publique est un hommage rendu au génie. On a peine à concevoir qu'un feu céleste puisse s'éteindre..."

Frédérick Lemaître aux Folies-Dramatiques (1835) par Jules Janin (1804-1874) : "C'EST toujours le même comédien, il n'a fait que changer de théâtre ; c'est toujours le même acteur incisif, jovial, inspiré, procédant par sauts et par bonds, maître de son public ; c'est toujours le comédien du peuple, l'ami du peuple, adopté et créé par le peuple. Tant pis pour ce qu'on appelle les grands théâtres, s'ils ont refusé d'ouvrir leurs portes à Frédérick..."

Mlle Mars et Mme Dorval (1835) par Jules Janin (1804-1874) : "SOYEZ donc de grandes comédiennes pour servir de prétexte à une parade de M. Dumersan, à une parade digne des tréteaux de la foire !.."

L'Homoeopathe des familles et des médecins (1875) par Adrien Peladan : "Le but de l'Homoeopathe des familles est de mettre entre les mains des gens du monde un journal destiné à leur indiquer les moyens de traiter eux-mêmes les maladies les plus communes, et de guérir des cas graves, quand l'impossibilité de recourir à l'homme de l'art leur donnera le droit d'agir avec confiance d'après des indications sûres. Mise de la sorte à la portée de tous, l'homoeopathie rend des services inappréciables, en faisant disparaître promptement et doucement bon nombre d'affections fort douloureuses, et en permettant de neutraliser à leur début, souvent sans s'en douter, les maladies les plus redoutables..."

Manifeste de la jeune littérature : Réponse à M. Nisard par Jules Janin (1804-1874) : "Permettez-moi, mon cher Nisard, de répondre comme il convient à votre éloquente et chaleureuse philippique contre la littérature facile. Vous m'en avez fait le représentant, à mes risques et périls ; c'est un honneur que j'accepte avec toutes ses conséquences. Me voilà donc tout prêt à jouter avec vous, le rude jouteur ; me voici, moi, vêtu à la légère, contre vous, armé de pied en cap ; me voici, pauvre vélite de l'armée littéraire, contre vous, qui êtes placé dans la réserve ; moi, déjà tout hâlé par le soleil de la presse, tout froissé dans la mêlée, haletant et blessé, et tout saignant, contre vous, jeune homme, vous, homme fort, homme de sang-froid, qui vous hasardez rarement à combattre, qui vous contentez de faire une brutale sortie de temps à autre, et qui rentrez ensuite prudemment dans vos murs. Mais, quoi qu'il en soit, le gant est jeté de part et d'autre..."

Recherches sur le jeu des échecs par Louis Dubois (1773-1855) : "Le Jeu des échecs, dit Jaucourt dans le dictionnaire encyclopédique, le jeu des échecs que tout le monde connaît et que peu de personnes jouent bien, est le plus savant et celui dans lequel l'étendue et la force de l'esprit du jeu peut se faire le plus aisément remarquer. Ce jeu, qu'une tradition plus fabuleuse encore que celles qui nous ont transmis les détails du siège de Troie, attribué à Palamède l'un des assiégeans de cette cité, fut inventé dans l'Inde..."

Le comédien par un journaliste par Octave Mirbeau ; [suivi de] Les comédiens par un comédien par Constant Coquelin (1882) : "Le procès Mayer-Coquelin est revenu hier devant le tribunal de commerce. Il faut s'attendre à un débordement de comptes rendus, discussions, gloses et commentaires, comme s'il s'agissait d'un acte diplomatique d'où dépend le sort d'un peuple. Les journaux seront remplis d'anecdotes à ce sujet. Chacun prendra parti pour ou contre. Il y aura des gros mots, des disputes dans les cafés, des brouilles dans les familles, peut être des duels. Et le comédien, une fois de plus, aura bouleversé le monde..."

Discours de M. Guizot, ministre des affaires étrangères, dans la discussion générale du projet de loi relatif aux fortifications de Paris (Séance du 25 janvier 1841) : "La discussion se prolonge, et cependant, si je ne m'abuse, la perplexité de la chambre continue. Avant-hier, un honorable membre, M. de Rémusat, attribuait cette perplexité à de bien petites causes, à des méfiances de personnes, à des misères parlementaires. Je crois qu'il se trompe, et que la disposition de beaucoup de bons esprits dans la chambre a des causes plus sérieuses. La chambre croit à l'utilité, à la nécessité de la mesure qu'elle discute. Elle a des doutes, des inquiétudes sur ses résultats ; elle n'en prévoit pas clairement la portée et les effets ; elle craint que cette mesure ne devienne l'instrument d'une politique autre que celle qu'elle approuve et veut soutenir. Elle craint d'être entraînée dans une politique turbulente, belliqueuse, contraire à cette politique de paix, de civilisation tranquille et régulière qu'elle a proclamée et appuyée. Voilà la vraie cause de la perplexité et des inquiétudes de la chambre..."

Manuel du nageur ou de la pratique de l'art de nager, suivi d'un Traité sur les Eaux thermales ; terminé par des Observations intéressantes sur l'Art du Plongeur (1821) : "On s'est occupé utilement des moyens de rendre la vie à ceux que des accidens ou leur imprudence avaient mis en danger de la perdre dans les eaux, ne serait-il pas aussi bon de prévenir le mal que d'y chercher un remède. Le bain est de nécessité pour l'homme : la propreté est un des salubres avantages qui en résultent ; mais le plus grand, est la santé réparée ou conservée..."

L'art d'épurer les huiles pour veilleuses et quinquets par des moyens simplifiés et d'une pratique facile pour l'épicier comme pour les grandes manufactures (ca1820) par Ch. Lefebvre : "CET Ouvrage a pour but de propager les connaissances pratiques nécessaires à l'Epuration des Huiles végétales, et à les transformer en huiles convenables à la préparation des peaux chez les tanneurs. Nous n'ignorons pas que les procédés que nous allons décrire seront, pour quelques épurateurs, la répétition des moyens pratiqués dans leurs établissemens ; le soin que chaque manufacturier apporte dans la recherche des bonnes méthodes de travail, ne lui laisse pas long-temps ignorer les procédés qui, par leur perfection, peuvent contribuer à l'amélioration de l'industrie qu'il exploite..."

Petite biographie dramatique, faite avec adresse par un moucheur de chandelle (1826) : ADÈLE (Mlle), Porte-Saint-Martin, rue du Temple, n. 101. Sa danse voluptueuse promet plaisir, et l'on assure que Mlle Adèle tient tout ce que sa danse promet. ADÈLE BAZIRE, Ambigu, rue de Saintonge, n. 38 : « Jadis on voyait sur ses hanches | « Un simple jupon de tricot, | « Et pour parure des dimanches | « Un juste-au-corps en calicot ». Que les temps sont changés !"

Biographie des journalistes, avec la nomenclature de tous les journaux, et les mots d'argot de ces messieurs par une société d'écrivains qui ont fait tous les métiers, et qui se sont pliés à toutes les circonstances (1826) : "Dans le moment où les petites Biographies sont à la mode, on ne sera pas fâché, sans doute, d'avoir en un léger volume de cinquante centimes, de courtes notices sur Messieurs les Journalistes, ces organes de l'opinion publique, dont tout le monde se plaint, et à qui tout le monde cependant fait politesse. Ces indications pourront être utiles aux actrices qui ont besoin de mousser, aux auteurs qui cherchent des annonces, aux confiseurs qui souhaitent qu'on vante leurs douceurs, et aux jeunes filles à marier..."

Mémoire sur l'oblitération des artères ombilicales et sur l'artérite ombilicale (1855) par Alphonse Henri Notta (1824-1914) : "Dans les recherches que j'ai faites sur la cicatrisation des artères à la suite de leur ligature, l'étude des faits m'a amené à conclure que le caillot et la portion d'artère comprise entre la ligature et la première collatérale ne se transformaient pas en cordon fibreux, mais subissaient seulement une atrophie qui permettait néanmoins d'en reconnaître toujours les divers éléments. Je crois aussi avoir démontré à quoi était due la présence de ce cordon fibreux qui, unissant les deux bouts d'une artère liée dans sa continuité ou la surface de la cicatrice à l'extrémité du vaisseau, dans les amputations, avait pu en imposer pour une transformation de l'artère..."

Un tournoi au XIXe siècle (1872) par Ernest Legouvé (1807-1903) : "UN tournoi à Paris ! en 1872 ! Oui, vraiment. Jugez-en. Vous vous rappelez le cérémonial des tournois : un héraut d'armes proclamait, à son de trompe, à dix lieues à la ronde, que tel jour, à telle heure, en tel lieu, cinq ou six chevaliers se tiendraient, tout en armes, depuis le lever du jour jusqu'à la nuit, prêts à combattre tout adversaire qui se présenterait dans le champ clos. Eh bien, c'est ce que viennent de faire dix ou douze jeunes gens qui comptent dans le monde de Paris parmi les plus distingués et les plus élégants. Il ne s'agit pourtant ici ni de joutes à la lance ou à la rapière, ni de brillantes passes à cheval ; on combattra à pied,..."

Biographie des Archevêques de France par un ancien Donneur d'eau bénite (1826) : "Lorsque l'on lit l'Étoile et le Courrier français, la Quotidienne et le Constitutionnel, on est fort embarrassé pour se former une idée claire et juste du caractère politique de nos princes de l'église ; surtout lorsque l'on voit chaque jour, dans ces mêmes journaux, les apologies des uns et les satires des autres. Possédant depuis long-temps un recueil de pièces aussi rares que curieuses, concernant les archevêques du royaume, nous les avons réunies en leur donnant le titre et la forme d'une biographie qui, nous osons l'espérer, pourra éclairer le lecteur resté, jusqu'à ce jour, indécis..."

Emile Zola (1883) par Guy de Maupassant (1840-1902) : "Il est des noms qui semblent destinés à la célébrité, qui sonnent et qui restent dans les mémoires. Peut-on oublier Balzac, Musset, Hugo, quand une fois on a entendu retentir ces mots courts et chantants ? Mais, de tous les noms littéraires, il n'en est point peut-être qui saute plus brusquement aux yeux et s'attache plus fortement au souvenir que celui de Zola. Il éclate comme deux notes de clairon, violent, tapageur, entre dans l'oreille, l'emplit de sa brusque et sonore gaieté. Zola ! quel appel au public ! quel cri d'éveil ! et quelle fortune pour un écrivain de talent de naître ainsi doté par l'état civil..."

Rabelais et ses éditeurs (1868) par H. E. Chevalier : "Rabelais, le savant le plus complet, le penseur le plus profond, l'écrivain le plus habile du seizième siècle, Rabelais fut un homme heureux. Protégé par les rois et les grands, estimé des savants et des lettrés, aimé de tous, il se sentit assez fort pour attaquer les abus les plus imposants, les plus profondément enracinés, ceux mêmes que le bras séculier entourait d'une protection active, et il leur porta des coups dont ils ne se sont pas relevés. Ce contempteur de la Sorbonne, ce ferrailleur impitoyable qui, de son arme à deux tranchants, frappait à droite et à gauche, ici sur les «moines moinant de moinerie,» là sur les «demoniacles Calvins imposteurs de Genève», ce philosophe complétement émancipé s'éteignit dans son lit, tranquille et considéré, tandis que ses amis, de simples hérétiques, mouraient dans l'exil, comme Marot, ou sur le bûcher, comme Dolet. A peine au cercueil, il devient un personnage légendaire : son nom est dans toutes les bouches, son livre est entre les mains de tous. Pendant trois siècles, on le réimprime coup sur coup. En ce moment même, CINQ ÉDITIONS différentes sont en cours d'exécution..."

Procès intenté à M. Gustave Flaubert devant le tribunal correctionnel de Paris (6e Chambre) sous la présidence de M. Dubarle, audiences des 31 janvier et 7 février 1857 : réquisitoire et jugement. : "Messieurs, en abordant ce débat, le ministère public est en présence d'une difficulté qu'il ne peut pas se dissimuler. Elle n'est pas dans la nature même de la prévention : offenses à la morale publique et à la religion, ce sont là sans doute des expressions un peu vagues, un peu élastiques, qu'il est nécessaire de préciser. Mais, enfin, quand on parle à des esprits droits et pratiques. Il est facile de s'entendre à cet égard, de distinguer si telle page d'un livre porte atteinte à la religion ou à la morale. La difficulté n'est pas dans notre prévention, elle est plutôt, elle est davantage dans l'étendue de l'oeuvre que vous avez à juger. Il s'agit d'un roman tout entier..."

Considérations sur l'art dramatique avec le dénombrement des théâtres de Paris en 1791, 1811 et 1822 suivies d'un Précis historique et littéraire sur la tragédie (1822) par Pierre Marie Michel Lepeintre (1750-18..) :"Si l'on ne voulait juger le théâtre en général que d'après les idées religieuses, on le trouverait certainement dangereux et condamnable. Un moraliste austère pourrait facilement prouver que c'est un plaisir corrupteur, à ne le considérer même que sous un point de vue purement philosophique..."

La messe de Gnide (1793) par Griffet de La Baume (1750-1805) :"Ce petit ouvrage, composé longtemps avant la Révolution, a été trouvé dans les papiers de C. NOBODY, jeune poète heureusement né ; mais à qui la funeste habitude de l'opium fit perdre en moins de deux ans la santé, l'imagination, la mémoire et le goût du travail, et qui finit par se tuer lui-même, d'un coup de pistolet, le 11 Juin 1787. Il était né dans les environs de Beauvais, en 1766, et demeurait à Paris depuis 1775. Il a laissé beaucoup d'autres manuscrits qui annoncent de l'invention et de la facilité ; mais ce sont pour la plupart des ébauches ou des commencements d'ouvrages que leur état d'imperfection ne permet pas de publier. Cette bagatelle érotique est la seule de ses productions à laquelle notre auteur ait mis la dernière main, dans le peu d'intervalles lucides que lui laissait le dépérissement successif de ses organes..."

Figurines parisiennes (1854) par Charles Monselet (1825-1888) :"Il en est de Paris comme de l'Océan : les poëtes et les peintres en feront le sujet éternel de leurs toiles et de leurs pages, de leurs croûtes et de leurs chefs-d'oeuvre. Paris est un modèle qui pose pour tout le monde. Les uns le peignent en pied, les autres en buste ; ceux-là en font une académie, ceux-ci une miniature ; il en est qui le montrent de face, de profil, de trois quarts ; j'en ai rencontré qui se contentaient d'un oeil ou d'un pied, de moins encore. On me demande d'être vrai. Je le serai ; - à cela près cependant que je ne réponds pas des distractions de mon modèle. Si mon modèle bâille ou fait la grimace, s'il a les yeux rouges ce jour-là, s'il ne se souvient plus aujourd'hui de la pose d'hier, la faute n'en sera jetée que sur lui. - Peut-être adviendra-t-il, par suite, que le Paris de tel chapitre sera tout opposé au Paris de tel autre. Pour cela, que l'on ne crie pas à la contradiction, ou pire encore, au paradoxe. D'ailleurs, Paris m'a tout l'air lui-même d'un paradoxe effréné. "

Remonstrance aux François pour les induire à vivre en paix à l'advenir (1576) : "Jusques à quand, François, jusques à quand voulez-vous demeurer armez les uns contre les autres ? Jusques à quand voulez-vous prolonger vos guerres civiles ? Jusques à quand voulez-vous nourrir entre vous tant de divisions et partialitez ? N'estes-vous ennuyez de vous poursuyvre ? N'estes-vous las de combattre ? N'estes-vous contens des cendres de vos maisons ? N'avez-vous horreur de voir vos mains ensanglantées de vostre propre sang ? N'avez-vous regret à la perte de vos vies et de vos biens ? N'avez pitié de vous mesmes ? Quelle occasion vous anime tellement les uns contre les autres ? Quelle fureur vous arme ? Quelle rage vous pousse ? A quoy pensez-vous ? Que faictes-vous ? Quel est le but de vos desseings ? La longueur du temps, qui adoucit toutes choses, ne vous peut-elle retirer de vos animositez ? La perte de vos biens, qui vous doit estre facheuse, ne vous peut-elle destourner de vos entreprises ? La ruine de vostre païs, qui vous doit estre insuportable, ne vous peut-elle esmouvoir ?..."

L'Assommoir, Pot-Bouille, Germinal : préfaces et articles d'Émile Zola (1840-1902) à propos de l'adaptation théâtrale de plusieurs de ses romans par William Busnach : "Je suis bien à l'aise pour parler de L'Assommoir, le drame que MM. Busnach et Gastineau ont tiré de mon roman ; car je ne les ai autorisés à faire cette adaptation qu'à la condition absolue de n'avoir à m'occuper en rien de la pièce. Elle m'est donc étrangère, je puis la juger avec une entière liberté d'appréciation. Personnellement, je regardais la mise à la scène du roman comme une tentative grave et dangereuse. Jamais je n'aurais risqué cette tentative moi-même. Fatalement, lorsqu'on transporte un roman au théâtre, on ne peut obtenir qu'une œuvre moins complète, inférieure en intensité ; en un mot, on gâte le livre, et c'est toujours là une besogne mauvaise quand elle est faite par l'auteur lui-même..."

Gustave Flaubert chez la princesse Mathilde, souvenir d'un soirée à Saint Gratien ; Le centenaire de Gustave Flaubert : autour de Gustave Flaubert (1821-1880), deux portraits par Joseph Napoléon Primoli (1851-1927) et la princesse Mathilde Bonaparte (1820-1904) et un article de Paul Souday (1869-1929) : "Flaubert a été extrêmement méconnu ; peut-être l'est-il toujours. Sans doute il eut l'air d'entrer du premier coup dans la gloire, avec l'immense succès de Madame Bovary, parue en 1856 dans la Revue de Paris de Laurent-Pichat et Maxime du Camp, l'année suivante en librairie, chez Michel Lévy. Mais il ne faut pas se dissimuler que ce fut surtout un succès de scandale. La valeur littéraire de l'ouvrage n'y était pour rien, ou presque rien. Tout le mérite de ce lancement revient au parquet, qui intenta des poursuites pour outrage à la religion et aux bonnes moeurs. Il est vrai que Flaubert fut acquitté, et le procureur général d'aujourd'hui, M. Lescouvé, a désavoué le réquisitoire d'Ernest Pinard en se faisant inscrire au comité du monument Flaubert. Mais le coup avait porté et assura une vente considérable à Madame Bovary qui, sans cette bonne fortune, serait peut-être restée chez l'éditeur. D'ailleurs, Flaubert ne sut aucun gré à la justice de cette réclame inespérée, qui n'aurait pas déplu à d'autres. Et il fut justement outré des jugements de la presse..."

Jules de Rességuier (1898) par Eugène Asse (1830-1901) : "LE ROMANTISME eut comme son bataillon sacré dans les poètes qui, dès la première heure, se groupèrent pour fonder le Conservateur littéraire (décembre 1819), puis la Muse Française, les Annales romantiques, ou y collaborer : ce furent Soumet, Guiraud, Saint-Valry, Emile et Antony Deschamps, Jules Lefèvre, aussi Rességuier, dont nous allons parler. Bernard-Marie-Jules, comte de Rességuier, naquit à Toulouse, le 28 janvier 1788,..."

[texte retiré].

[texte retiré].

Discours sur les passions de l'amour (1652-1653) attribué à Blaise Pascal (1623-1662) : "L'HOMME est né pour penser ; aussi n'est-il pas un moment sans le faire ; mais les pensées pures, qui le rendroient heureux s'il pouvoit toujours les soutenir, le fatiguent et l'abattent. C'est une vie unie à laquelle il ne peut s'accommoder ; il lui faut du remuement et de l'action, c'est-à-dire qu'il est nécessaire qu'il soit quelquefois agité des passions, dont il sent dans son coeur des sources si vives et si profondes..."

Discours de réception à la porte de l'Académie française (1865) par Jules Janin (1804-1874) : "Il était minuit ; par un ciel rayonnant d'étoiles, dans le grand silence, aux bruits du fleuve emporté vers l'Océan, entre les deux lions de granit dont la gueule ouverte jette avec tant d'effort un mince filet d'eau, image parlante de la poésie aux abois, il me sembla que soudain les portes de l'Institut étaient ouvertes, et que des voix confuses m'appelaient sous les voûtes solennelles de l'Académie française, au milieu d'une assemblée indulgente et sympathique. Alors, prenant mon courage à deux mains, j'improvisai mon discours de réception, mêlé parfois d'un murmure approbateur :"

Lettre aux membres du Comité central (avril 1848) de George Sand (1804-1876) : "Je ne viens pas vous remercier d'avoir admis mon nom sur une quarantaine de listes au Comité central. La connaissance que j'ai de moi-même ne me permet pas de croire que vous avez voulu m'encourager à présenter une candidature impossible, chose à laquelle je n'ai jamais songé. Vous avez voulu consacrer un principe qu'apparemment vous avez adopté. Permettez-moi donc de vous présenter sur ce principe même quelques considérations que le moment est peut-être venu de discuter et de peser sérieusement..."

Panacée universelle : Méthode que l'on pratique à l'hostel des Invalides, pour guérir les Soldats de la Verole (1718) par [Jean de Labrune] : "PRENEZ la quantité qu'il vous plaira de vermillon ou de cinabre, broyez-le dans un mortier de marbre avec un pilon de verre, & le mêlez avec son poids égal de limaille de fer bien nette, mettez ce mélange dans une cornue, exactement lutée, en sorte qu'il la remplisse jusqu'à un pouce prés du haut ; mettez la cornue dans un petit fourneau de reverbere, & adaptez à son col un recipient qui soit presque plein d'eau, lutez-les, & allumez le feu au fourneau par degrez, afin d'échauffer la retorte peu à peu ; & tout votre cinabre passera en mercure coulant : délutez la cornue, jettez l'eau, & séchez le mercure en le passant souvent dans un linge blanc & sec, puis le passez deux ou trois fois par le chamois, & mettez-le dans un matras de verre avec du sel bien purifié, & du vinaigre distilé ; il faut le bien battre, & l'agiter pendant une heure, & aprés verser toute liqueur par inclination, remettre de nouveau du sel & du vinaigre, l'agiter comme auparavant, & réiterer cela jusqu'à trois fois..."

Confession générale d'Audinot (1774) : "Si tout ce qui concerne les grands hommes a droit d'intéresser la société, quel cours ne doit pas avoir dans le public le premier acte de catholicité du fameux AUDINOT ?... A Dieu ne plaise qu'en le mettant au nombre des grands hommes, je prétende faire ici un jeu de mots trivial, et insulter à la taille dégingandée de cet histrion ; je la lui passe avec autant de bonhomie que sa figure plate et son regard insolent..."

Le livre du Bibliophile (1874) par [Alphonse Lemerre] : "Ce travail a pour objet d'exposer les points principaux de l'art auquel nous nous sommes adonné tout entier, et de déterminer les conditions que doit, à notre avis, nécessairement remplir une édition pour être digne d'être appréciée et estimée des véritables connaisseurs. Nous ne parlerons guère que de la réimpression des vieux écrivains, non que la publication des oeuvres contemporaines nous paraisse d'un moindre prix, mais parce que les textes anciens présentent à l'éditeur des difficultés particulières et qu'une nouvelle publication de ces textes universellement connus est vaine quand elle n'est pas à peu près définitive. Nous examinerons en peu de mots les soins qu'exige le Livre depuis l'élaboration du manuscrit ou, pour parler le langage technique, de la copie qui doit être livrée à l'imprimeur, jusqu'au moment où le volume parachevé entre, vêtu de sa reliure, dans la vitrine du bibliophile...."

Les Relais ou la mère de famille et le fileur : fiction d'une triste réalité (1841) par [Daniel Legrand] : "Dans une vallée isolée d'un de nos départements manufacturiers vivait, au commencement de l'année dernière, une pauvre famille qui, sous un toit de chaume, avait su trouver la paix et le bonheur domestique. Le père, habile bûcheron et bon journalier, nourrissait les siens du produit de ses travaux manuels. Sa famille se composait de trois fils et de deux filles ; les deux aînés avaient dépassé leur neuvième et dixième année, le cadet était dans sa deuxième, et une petite fille occupait le berceau. Sa soeur, âgée de huit ans, la soignait, la berçait, et ses tendres caresses et son doux sourire faisaient tressaillir de joie le nourrisson. La mère, femme pieuse et laborieuse, prenait soin de ses enfants et du ménage avec une fidélité exemplaire ; elle cultivait en même temps son jardin et quelques petites pièces de terre que son mari avait louées..."

L'heure du spectacle (1878) par Victorien Sardou (1831-1908) : "MON CHER NOEL, Le jour où vous m'avez fait l'honneur de me demander cette préface, pour l'excellente publication que vous avez entreprise de concert avec votre ami M. Stoullig, nous venions d'échanger quelques réflexions sur la coïncidence actuelle des heures du dîner et du spectacle, et je vous répondis : «Voilà ma préface toute trouvée ; rien ne saurait s'adapter mieux au cadre de vos Annales dramatiques..."

Lettre inédite de Philothée O'Neddy (1811-1875), auteur de Feu et Flamme, sur le groupe littéraire romantique dit des Bousingos : Théophile Gautier, Gérard de Nerval, Petrus Borel, Bouchardy, Alphonse Brot, etc... (1875) : "Monsieur, Le vieil O'Neddy qui, en sa qualité de burgrave, passe une bonne part de son temps à rêver dans l'ombre et dans la nuit, n'a eu connaissance que tout dernièrement de la notice dont vous avez honoré ses juvenilia, et qui a été insérée dans le Boulevard il y a déjà plus d'un mois. C'est ce qui fait qu'il vient si tard vous en remercier cordialement. Il succombe en même temps à la tentation de vous présenter ici quelques renseignements et quelques observations à son endroit et à celui de ses anciens frères, se flattant que vous ne dédaignerez pas d'en user un peu, au cas où votre siége (je veux dire votre volume sur les romantiques) ne serait pas encore fait..."

Le meilleur de Monsieur de Benserade (1612-1691) : "Bouche vermeille au doux sourire, | Bouche au parler délicieux. | Bouche qu'on ne sçauroit décrire, | Bouche d'un tour si gracieux..."

Stances et autres oeuvres du sieur Tristan (1601-1655) : "Venir à la clarté sans force & sans adresse, | Et n'ayant fait long temps que dormir & manger, | Souffrir mille rigueurs d'vn secours estranger | Pour quitter l'ignorance en quittant la foiblesse :..."

Stances, madrigaux, lettre de Monsieur de Montreuil (1620-1691) "De toutes les façons vous avez droit de plaire, | Mais surtout vous savez nous charmer en ce jour, | Voyant vos yeux bandez on vous prend pour l'amour, | Les voyant découverts on vous prend pour sa mère..."

Quelques vers de Monsieur de Voiture (1597-1648) : "Voicy mon amour sur la touche : | Iugez s'il marque nettement, | Et si sa pointe se rebouche, | Dans la peine et dans le tourment.| Mais en l'estat où ie me treuue, | Qu'est-il besoin de cette preuue, | Pour vous montrer que ma langueur | Et que ma constance est extréme? | Ne le sçauez-vous pas vous-mesme | Si vous m'auez touché le coeur? ..."

Mon cher Casanova : lettres d'amour de Manon Balletti (1740-1776) : "Ah ! que M. mon frère m'ennuie ! Il est excédant et l'on ne peut pas être plus gauche qu'il ne l'est, à sa garde ; mais ne parlons pas de lui, car il m'a cosi mis de mauvaise humeur, que je ne veux point du tout l'être avec vous. Je vais répondre exactement à votre dernière lettre. Vous commencez par m'exagérer beaucoup votre amour, je le crois sincère, il me flatte, et je ne désire autre chose que de le voir durer toujours. Durera-t-il ? Je sais bien que vous allez vous révolter contre mon doute ; mais enfin, mon cher ami, dépend-il de vous de cesser de m'aimer ? ou de m'aimer toujours ?.."

Lettres de Napoléon à Joséphine : "Je ne conçois pas ce qui a pu donner lieu à votre lettre. Je vous prie de me faire le plaisir de croire que personne ne désire autant votre amitié que moi, et n'est plus prêt que moi à faire quelque chose qui puisse le prouver. Si mes occupations me l'avaient permis, je serais venu moi-même porter ma lettre..."

Les caprices de la Gina, (1842) par Honoré de Balzac (1799-1850) : "La Gina est une Gênoise mariée à un Milanais, et qui demeure à Milan. Si quelqu'un de vous la reconnaît à quelque détail de cette aventure, je le prie de ne pas la nommer et de lui garder le secret, sans quoi je ne continuerai point mon récit. Le mari de la Gina... je ne puis, par discrétion, donner ni le nom, ni la qualité, ni la demeure, ni le titre, ni indiquer la fortune de cet homme fortuné, à cause de votre perspicacité ; mais je vous engage ma foi qu'il demeure entre porta Orientale et porta Romana, qu'il est entre chambellan et garde-noble, entre comte et marquis, que son nom est entre O et I, qu'il est entre le célibat et le mariage, comme tout grand seigneur doit être après sept ans de mariage, et qu'il sue sang et eau à ne rien faire. Si ses traits caractéristiques vont à trop de Milanais, la faute en est à l'Italie et non à moi..."

Traité des excitants modernes, (1838) par Honoré de Balzac (1799-1850) : "L'absorption de cinq substances, découvertes depuis environ deux siècles et introduites dans l'économie humaine, a pris depuis quelques années des développements si excessifs, que les sociétés modernes peuvent s'en trouver modifiées d'une manière inappréciable. Ces cinq substances sont : 1° L'eau-de-vie ou alcool, base de toutes les liqueurs, dont l'apparition date des dernières années du règne de Louis XIV, et qui furent inventées pour réchauffer les glaces de sa vieillesse. 2° Le sucre. Cette substance n'a envahi l'alimentation populaire que récemment, alors que l'industrie française a su la fabriquer en grandes quantités et la remettre à son ancien prix, lequel diminuera certes encore, malgré le fisc, qui la guette pour l'imposer. 3° Le thé, connu depuis une cinquantaine d'années. 4° Le café. Quoique anciennement découvert par les Arabes, l'Europe ne fit un grand usage de cet excitant que vers le milieu du dix-huitième siècle. 5° Le tabac, dont l'usage par la combustion n'est devenu général et excessif que depuis la paix en France. Examinons d'abord la question, en nous plaçant au point de vue le plus élevé..."

Quelques moyens faciles de restaurer les vieux livres, (1862) par Antony Meray : "Les livres deviennent rares ! Cela s'est toujours dit, surtout dans les périodes de calme, pendant lesquelles l'élégante passion du bibliophile peut se développer en toute liberté. Les étalages en plein air se dégarnissent alors de volumes intéressants, complets et bien conservés. Nous sommes maintenant dans une de ces époques où les quais sont surveillés et dépouillés avec acharnement. II faut l'avouer pourtant, les rencontres précieuses n'ont jamais été très-communes, surtout pour les amateurs qui suivent la mode et s'attachent exclusivement aux ouvrages dont le caprice des ventes fait hausser le prix..."

Les diverses façons d'aimer les livres, (1861) par Antony Meray : "Le petit travail bibliographique, où nous allons essayer d'expliquer certains goûts particuliers, certaines préférences, certaines délicatesses de l'esprit, certaines variétés de l'amour des livres, n'a nullement pour but de justifier la passion d'élite qui nous pousse à rechercher ces précieux témoins des accroissements de l'âme humaine à travers les générations. L'amour des livres, dont les alléchements variés à l'infini se rattachent à toutes les glorieuses activités de la pensée n'a nul besoin d'être justifié, c'est glorifié qu'il faut dire, quand on réfléchit qu'aucun art, aucune science, aucune forme de protestation railleuse ou grave, réaliste ou mystique, battant en brèche l'ignorance et la sottise, n'échappe aux rayons de nos bibliothèques..."

Le Boulevard du crime par Mario Proth (1872) : "Parmi les crimes sans nombre de cette bande sinistre dont l'invasion vulgairement connue sous le nom de Second Empire demeurera pour la France une si terrible et salutaire leçon, un des plus irréparables est la défiguration de Paris par ce maçon en délire, M. Haussmann. Que voulez-vous ? Ces gens-là s'imaginaient effacer l'histoire. Démolissant le passé, ils croyaient élever leur grotesque présent à la hauteur d'un avenir. Parmi les démolitions où ils s'acharnèrent, une des plus bêtes et des plus irritantes fut celle du boulevard du Temple..."

Un Souper chez Mademoiselle Rachel par Alfred de Musset (1839) : "Merci d'abord, madame et chère marraine, pour la lettre que vous me communiquez de l'aimable Paolita. Cette lettre est bien remarquable et bien gentille ; mais que dirai-je de vous, qui ne manquez jamais une occasion d'envoyer un peu de joie à ceux qui vous aiment ? Vous êtes la seule créature humaine que je connaisse faite ainsi.Un bienfait n'est jamais perdu : en réponse à votre lettre de Desdémone, je veux vous servir un souper chez mademoiselle Rachel, qui vous amusera si nous sommes toujours du même avis et si vous partagez encore mon admiration pour cette sublime fille..."

L'Alsace est-elle allemande ou française : réponse à M. Mommsen par Numa Denis Fustel de Coulanges (1870) : "Vous avez adressé dernièrement trois lettres au peuple italien. Ces lettres, qui ont paru d'abord dans les journaux de Milan et qui ont été ensuite réunies en brochure sont un véritable manifeste contre notre nation. Vous avez quitté vos études historiques pour attaquer la France ; je quitte les miennes pour vous répondre..."

Description de la colonne de la Grande Armée, élevée à la gloire des Armées Françaises, l'an 1810, par les ordres de Sa Majesté Impériale et Royale Napoléon Le Grand. Terminée par la description de la Statue pédestre du général Dessaix, élevée sur la Place des Victoires (Paris, ca1810) : "La Colonne de la Grande Armée est faite à l'imitation de la colonne Trajane. Elle a 133 pieds de hauteur, y compris son piédestal et la statue de l'Empereur dont elle est couronnée..."

Explications offertes aux hommes impartiaux au sujet de la commission militaire instituée en l'an XII pour juger le duc d'Enghien par le Comte Pierre Augustin Hulin (1823) : "La malheureuse affaire du DUC D'ENGHIEN m'a déjà causé près de vingt ans de profonds regrets ! Vieux aujourd'hui, frappé de cécité, retiré du monde, n'ayant pour consolation que les soins de la famille qui m'entoure, mes douleurs se sont accrues lorsque j'ai vu rappeler avec éclat des scènes qui, sans doute, n'avaient pu s'effacer de tous les souvenirs, mais qui du moins n'étaient l'objet d'aucune discussion publique..."

Décret de la Convention Nationale du 23 février 1793 qui autorise les communes à convertir leur cloches en canon.

Décret de la Convention Nationale du 4.e jour de Ventôse, an second de la république française, une et indivisible, Relatif au Mode de paiement des Inftituteurs des petites Ecoles, & à l'organifation des Ecoles primaires.

Éloge burlesque de la seringue, son origine, son histoire, ses transformations avec un projet nouveau pour la perfectionner (Nancy, 1757) : "Si celui qui le premier donna des noms aux choses, et leur assigna des qualités, avoit attaché l'importance, la noblesse et la considération à ce qui est utile ; je n'aurois point à venger aujourd'hui un instrument merveilleux de l'ignorance de nos jugements et de l'injustice de nos mépris, qui l'ont fait reléguer honteusement dans l'obscurité de nos garde-robes, parmi tous ces meubles ignobles que la bienséance ordonne de cacher, et que la délicatesse défend de nommer..."

La Descouverture du style impudique des courtisannes de Normandie à celles de Paris, envoyée pour estrennes de l'invention d'une courtisanne angloise (Paris, chez Nic. Alexandre, 1618) : "Amy lecteur, l'une des copies de ce difcours m'eftant tombée entre les mains, j'ay eftimé que je ferois très ingrat fi je ne le faifois voir au jour, pour fervir d'avertiffement à ceux qui font tellement abandonnez à leurs appetits charnels, & quy le plus fouvent fe laiffent aller aux charmes & feintifes de ces bêtes envenimées, quy ne s'eftudient, comme il paroift par ces falles & impudiques difcours, que pour attraper ceux quy par trop aiment leurs falles & deshonnetes plaifirs, & quy le plus fouvent, par le moyen de ces canailles, perdent le corps & l'ame..."

Leçons de morale pratique, à l'usage des classes industrielles par Abel Dufresne (Paris, 1826) : "Etre bon pour être heureux, voilà toute la morale, disait un père à son fils. - Mais mon père, si c'est là toute la morale, pourquoi faire de gros livres et de longs discours ?..."

L'Art de donner des soins aux nouveau-nés édité par Académie d'hygiène contre les maladies du premier âge et la mortalité des nourrissons, (Paris, 1883) : "Depuis que la Préfecture de la Seine a organisé un bureau de statistique médicale, chaque semaine, les journaux de toutes nuances ne manquent pas de signaler la mortalité effrayante dans notre capitale. Le chiffre n'est pas sans varier entre 1,000 et 1,300..."

Sermon prononcé par le Révérend Père Esprit de Tinchebray, capucin... Dans l'Eglise des Dames Religieuses de Haute Bruyère, le 22 Juillet 1694.-[sl, ca 1820] : "Tant et tant de fois vous m'avez demandé, c'est-à-dire, supplié illustres Amazones, que je vinsse dans votre benin Couvent, flanqué de bastions et guérité de toutes parts, comme une Citadelle inexpugnable pour alimenter vos ames virginales du pain doucereux de la parole angélique ; qu'enfin ruminant à part moi la validité de votre Requête, comme un Avocat rébarbaratif que les Clients persécutent, je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu..."

Etrennes à messieurs les riboteurs ; les supplémens aux ecosseuses, ou Margot-la-mal-peignée en belle humeur, et ses qualités.-[Caen : Chalopin], 1801 : "J'profitions du biau et nouveau temps pour avouir l'honneur de vous flanquier par la philosomie un plat de not' mequier, qui n'est pas chien, et dont j'nous flattons que vot' çarvelle, qui est subtile comme une botte d'allumettes, sera satisfaite : ce sont les spiritueux rebus de mamselle Margot la mal-peignée, reine de la halle, qui demeure au rez-de-chaussée d'un septième étage, à une maison qui n'a ni devant ni darrière..."


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